Franchement, être un criminel recherché, ça craignait. Beaucoup. Déjà, Tristan était forcé de mal s'habiller. Des sweats passe-partout, des jeans ultra-classiques, des coupes de cheveux à pleurer, des vieux baskets… D'accord, il n'avait jamais été très porté sur la mode ni particulièrement original. Mais là, même lui avait es limites. S'il ne comptait pas faire au quotidien des défilés de mode, il appréciait d'être au minimum correctement habillé. C'était important, ça reflétait qui on était quand même. Et là, il pouvait au mieux passer pour un gamin des banlieues mal élevé, vulgaire et prêt à vous faire les poches. L'avantage ? Les gens ne lui prêtaient pas la moindre attention quand ils le croisaient dans la rue. Il se fondait dans le décor comme jamais, passant du gamin déjà quasi-invisible à un môme aussi notable qu'un mégot de cigarette sur le trottoir. Ce qui au fond lui convenait à merveille. Pour tout le monde à l'exception de Loïs, il se contentait d'être Ethan. Ethan le gars invisible, le gars qui errait dans New-York et qui bossait dans une animalerie miteuse. Ethan, le type qui portait sans doute un nom de famille mais que personne n'avait jamais entendu. Et Ethan se créait tranquillement une vie, à coup d'emplois idiots et de participations à divers événements où il risquait peu d'être reconnu. Rappelons-le, il ressemblait à peu près à n'importe quel gamin traînaillant dans la rue, couplé éventuellement avec un look qui aurait pu coller à un jeune geek. La semaine n'avait pas été facile, Tristan avait enchaîné les heures à l'animalerie dans l'espoir d'un bon salaire (et il l'aurait, à coup d'heures sup') et par prudence aussi. Parce qu'il était un criminel recherché, mais aussi un criminel recherché s'étant enfui de prison et ayant au passage délivré une folle furieuse (pauvre Loïs, un tel scandale). Forcément, il avait eu plutôt intérêt à se faire discret ces derniers temps et personne ne serait venu le chercher au milieu des salamandres et des poissons rouges. Aucun agent n'était venu, d'ailleurs.

Enfin, c'était jour de vacances aujourd'hui. Coincé entre deux terrariums et un aquarium (concrètement, es poissons s'enfuyaient rarement et les clients ne se pressaient pas dans la boutique), Tristan avait développé un certain talent aux jeux vidéos qui campaient sous la caisse du local. Il patienta, s'inscrivit, glissant un nom parfaitement banal derrière le prénom d'Ethan, et se glissa enfin dans la grande salle qui accueillait exceptionnellement… un tournoi de jeux vidéos. Curieusement, Tristan était tout excité à l'idée d'y participer, c'était le premier loisir qu'il prenait depuis une éternité et cette journée avait une saveur spéciale… et très agréable. Il erra dans les allées, goûtant simplement au plaisir de se savoir tranquille (bon sang que c'était bon et reposant!), et poussa l'audace jusqu'à échanger quelques mots avec un autre joueur sur une console qui lui faisait de l’œil. Il s'installa bientôt à ses côtés, s'emparant de la seconde manette, et débuta la partie. Il ne connaissait pas spécialement ce jeu – ni cette console d'ailleurs – mais ses doigts coururent bientôt sur les touches (après soixante-dix morts idiotes et à peu près autant d'autres dues à des erreurs de manip', certes), se défoulant de mois d'atrocités. Il s'apprêtaient même à enfin gagner une manche face à son adversaire quand… « Whouaw ! Whouaw ! Attention sur ta droite ! » La voix le fit bondir au plafond et son doigt ripa sur la touche Y, laissant son personnage les bras ballants au milieu du champ de bataille. Son voisin en profita pour lui mettre la branlée du siècle, l'étalant sans attendre. « Putain mais ça va pas oui, ça vous prend souvent d'imiter le chien derrière les gens, vous ? » Le regard de Tristan était noir, pourtant il parvenait à peine à être en colère. Tout juste irrité. Comme quoi, il ne devait vraiment pas avoir envie de gâcher cette journée bénite. Il adressa tout de même un coup d’œil glacial au fautif histoire de montrer qu'il n'était pas content. « J'allais gagner en plus ! » Ou plutôt enfin ! Ça aurait été sa première victoire de la journée et elle venait bêtement de lui échapper, juste à cause d'un clown à barbe. Tristan détailla le type d'un air critique, passant en revue sa barbe de trois jours, son tee-shirt à l'effigie d'une quelconque série, film ou jeu et sa tête d'halluciné. Bon non, il avait juste une bonne tête à vrai dire mais c'était plus facile de rester agacé en trouvant à l'autre tous les défauts de la terre.

Voilà deux secondes qu'il côtoyait ce mec et il en était déjà à se dire qu'il était irrécupérable. Donc soit c'était lui qui s'offusquait de tout et n'importe quoi, soit il manquait une case à ce type. Soit les deux à la fois, ce qui était une possibilité tout à fait envisageable aussi. « Si si, j'allais enfin gagner ! Je n'ai pas eu l'occasion de jouer depuis... » Depuis qu'il s'était enfui de la Colonie des Sangs-mêlés après avoir dégommer un pauvre mec au milieu de nul part. Certes. Cela dit, c'est lui qui allait passer pour le dingue de service s'il sortait un machin aussi incompréhensible. « Depuis longtemps. » Rester vague, c'était tout aussi bien, et il n'avait pas intérêt à l'oublier malgré l'excitation de la journée. « Euh... » Tristan regarda l'autre prendre place à côté de lui et s'emparer de la manette sans attendre, profitant du départ du joueur précédent pour prendre ses aises. « Coopération contre l'IA. » Il en avait marre d'être seul face aux adversaires, d'être toujours occupé à démolir – ou se faire démolir, parce que hélas, ça fonctionnait dans les deux sens et bien souvent dans le mauvais – ceux qu'ils rencontraient. Et puis de même, il ne voulait pas voir ce curieux mec l’aplatir et partir en ricanant. Ça l'horripilerait bien trop. « Prêt ? » Sans attendre la réponse, Tristan lança le jeu en se penchant par dessus le bras de son voisin pour appuyer sur le bouton adéquat. (Évidemment, il n'avait pas la manette numéro un, et il devait attendre que l'autre se décide pour pouvoir jouer. Sauf que non, il était trop impatient.) Aussitôt son personnage bondit à l'assaut du monde, prêt à démolir ennemis et autres intrus, et à collecter un maximum d'objets. « Tu participes souvent à des tournois ? » À présent qu'ils jouaient ensemble, il se sentait à l'aise avec l'idée de le tutoyer. Plus âge ou pas, ça n'en restait pas moins un joueur (expérimenté, sans doute ? Ou bien un adulte qui s'était perdu ici…), donc un compatriote. « C'est rare, des personnes aussi âgées présentes à ce genre d'événements. Enfin je ne dis pas qu'il y a un âge limite mais... » Bref. Son personnage exécuta un rotation particulière réussie qui le surprit lui-même et trancha sans hésiter l'un des PNJ adverse. « Ouh là là, c'est pas passé loin ! » Sans l'espèce de figure de son personnage (figure qu'il n'avait pas eu l'intention d'exécuter), c'était lui qu'il aurait perdu une vie. Et bizarrement, s'il n'avait pas été trop chagriné de perdre à maintes reprises contre le joueur précédent, Tristan n'avait pas envie de se faire ridiculiser devant lui. « Au fait, moi c'est Ethan. » À croire qu'il voulait répandre ce prénom, qu'un maximum de gens du quotidien le connaissent sous cette identité. Comme si ça allait changer quoi que ce soit... Cela dit, à force, il avait créé Ethan, il était Ethan. Un gamin tranquille des rues new-yorkaises, un vulgaire mioche sans histoire qui bossait dans une animalerie et participait à des tournois de jeux vidéos quand son temps libre le lui permettait. Et plus un grand nombre de gens le connaîtraient sous ce nom, plus cette identité serait réelle, plausible, stable.

« T'es de New-York ? » Il posait question sur question, comme pour occuper la conversation. « Moi oui, c'est assez pratique pour les événements comme aujourd'hui, il y en a régulièrement dans les grandes villes. Par contre, quand j'habitais encore au fin-fond du Colorado, ça craignait un peu. Et à l'époque, la wifi c'était pas au point. » C'est vrai qu'aujourd'hui, la wifi était une bénédiction, même pour un type comme lui, un gars constamment sur la route. Hop une borne, hop un café ou un hôtel, et c'était bon, c'était reparti.

Il n'avait décidément pas touché une manette depuis super longtemps et c'était… étrange. Cette journée, il avait l'impression de la voir se dérouler comme s'il s'était agit d'un rêve : à la fois quelque chose de super chouette (bien qu'il ne puisse pas s'empêcher de râler) mais d'aussi assez irréaliste. Lui, Tristan Emmanuel Langley, était assis au beau milieu 'une convention de jeux vidéos et s'éclater en coopération avec un nouveau venu d'au moins une quarantaine d'années. Du délire, non ? Sans qu'il sache comment, son personnage se jeta à plat ventre sur le sol et exécuta une magnifique roulade qui s'acheva par une épée qui pourfendait un adversaire qui avait eu le malheur de passer par là à cet instant précis. « Waouh, ce jeu est génial ! » Il le pensait. Tristan avait eu beau se faire latter à de multples reprises pendant une demi-heure par le précédent joueur, il s'extasiait devant ce qu'un tas de pixel arrivait à faire. Même pour esquiver une hydre, lui-même n'aurait pas étét capable d'un tel enchaînement… Peut-être juste se jeter au sol et s'écorcher les genoux en passant ? « Waouh, tu maîtrises ! » Il disait ça comme ça, en le pensant, tout en méditant sur les paroles « vieux jeu » de son voisin. Lui n'avait ni l'argent ni le temps actuellement, trop occupé à fuir, fuir, fuir. Il aurait bien pu être un personnage de jeu vidéo, Tristan, en fait… Avec la possibilité de faire des combos en moins bien sûr. Et les objets et coffres au trésor apparaissaient aussi assez rarement sur son chemin. En revanche, les monstres avaient tendance à pulluler comme là tout de suite à l'écran, bon point pour l'aspect vie virtuelle ! La partie se poursuivit.

« C'est clair que New-York finit souvent en miette dans les films ! » Tristan pouffa avec sincérité (ce qui n'avait pas dû lui arriver depuis une éternité… si tant est qu'il ait déjà « pouffé » une fois dans sa vie), fit bondir son personnage pour démolir un ennemi qui s'apprêtait à prendre Marvin par derrière. « De rien ! » Il s'éloigna de nouveau, se concentra quelques secondes avant de continuer à bavasser. « Il suffit de regarder les Transformers ou Avengers pour voir la ville souffrir encore et encore ! Et puis il n'y a pas que les films qui s'acharnent dessus. » Non, il y avait les jeux vidéos, les bouquins, la vraie vie… Quant à leur partie en cours, elle progressait bien, et Tristan, dit « Ethan », reprenait ses marques petit à petit, ses doigts jouant davantage avec les boutons, son personnage effectuant des manœuvres beaucoup plus correctes. « T'inquiète, je suis pas trop loin. » Bon si, il était loin, suffisamment pour avoir un ravin entre lui et son acolyte, cependant il se doutait qu'avec une map aussi grande, les possibilités de parcourir rapidement les distances devaient exister. Trois minutes plus tard, il galopait à toute allure en direction de Marvin. « Me voilà, je te couvre si besoin mais mieux vaut éviter de trop s’agglutiner au même endroit, les autres vont tous se rassembler et on devra faire face à quinze fois plus d'adversaires. »

La bataille finale pour ce niveau démarrait sur les chapeaux de roue, Tristan balançant ses armes à droite à gauche du haut de son cheval, quand quelqu'un s'installa juste à côté de lui, assez loin pour n'intriguer personne mais suffisamment près pour le mettre mal à l'aise. De toute évidence, vu la robe qu'il voyait dépasser, il s'agissait d'une femme, et elle concentrait son attention sur leur partie en cours. Il se serait légèrement décalé vers Marvin si elle n'avait pas posé une main possessive sur sa cuisse, lui plantant les ongles dans la peau. Des ongles pointus et assez douloureux. « Oui, c'est fou ce que New-York peut être dangereux... » Son cœur battait plus vite devant cette main aux ongles aiguisés mais il n'osa ni se tourner vers la nana ni partir en courant. Parler à Marvin lui semblait être une excellente alternative. « Coucou, mon choux… Tu sens bon. » Et là, il n'avait plus qu'à mourir de terreur sur place. Son personnage tomba de cheval et rampa dans la boue tandis qu'il esquissait un léger glissement de fesses vers son acolyte sur le banc, espérant mettre quelques centimètres entre lui et la chose qui lui griffait assidûment la jambe. Dire que la journée semblait presque bien partie, sans risque de mort ou de blessure suffisamment grave pouvant entraîner un décès prématuré…

Tristan esquissa prudemment un glissement de fesses supplémentaires, gagnant un malheureux centimètres sur le banc. S'il s'était écouté, il aurait déjà déployé arc et flèches dans l'objectif de réduire cette monstrueuse chose en une vulgaire passoire… mais il se trouvait au beau milieu d'un véritable festival et qui sait ce que l'attroupement de mortels verrait s'il ripostait. Un pistolet ? Une carabine ? Une kalachnikov ? Alors Tristan prit sur lui. Beaucoup. L'option de défense ne serait prise que s'il n'avait vraiment plus les moyens de faire autrement, donc s'il se trouvait en danger de mort. Ce qui n'était pas vraiment – pas encore – le cas pour l'instant. À l'écran, son personnage gesticula bêtement mais il était incapable de continuer à jouer collé à une telle horreur. Touche de droite ? De gauche ? Sauter ? Son avatar se suicida dans une foule de monstres, disparaissant aussitôt dans la mêlée. De toute évidence ce n'était plus ça. Putain, il avait oublié les touches et… « Ton odeur me rappelle tant de souvenirs… sang-mêléééé. » Il faillait bien glapir d'angoisse, rattrapant de justesse cette honte avant de passer pour un type chelou auprès de son voisin. La créature lui lécha le lobe d'oreille, il frissonna de dégoût devant ce contact. « Mignon, reste lààà ! » La voix suraigue de la chose lui transperça les tympans. Et le personnage de Marvin se jeta lamentablement dans le corps ennemi, se faisant joyeusement massacré. Sauf que Tristan ne pouvait pas croire à une erreur de boutons de sa part.

« Oui, fini... » Il aurait pu rougir devant le filet de voix qui sortit quand il tenta de répondre à Marvin… sauf qu'un monstre lui caressait  amoureusement la cuisse et que son voisin se tenait raide comme la justice, détail qui n'aidait pas le fils de Borée à bien cerner la situation. « Aaaah oui, le stand de goodiiies... » Excellente idée, Tristan tait prêt à acheter trois douzaines de figurines Dracaufeu si ça lui permettait de sortir d'ici sans être 1) mort 2) en garde-à-vue pour un second attentat dans un lieu public. Parce que mine de rien c'était ce qui lui pendait au nez. Mais Marvin se conduisait aussi curieusement que lui, soit comme deux glandus terrorisés par… quelque chose. L'impression se confirma quand le geek contourna soigneusement le monstre qui fixait toujours Tristan avec un regard empli d'un amour malsain. « Oooh, je viens avec vous… avec toiii. » La créature lui attrapa fermement la main et lui planta des ongles acérés dans le peau, le griffant jusqu'au sang. « Ooh, super. Je… J'crois que j'ai besoin d'air. »

Alors Tristan traîna l'un et l'autre dehors, dans une petite cour attenante à l'événement mais où il ne courrait aucun risque d'être repéré. Ce n'était pas correct, ce n'était même pas juste, mais l'espace d'un instant il songea à faire taire Marvin. De façon définitive. Le monstre avait visiblement flashé sur lui et ne le laisserait plus en paix, ce qui impliquait clairement de se défendre, mais à moins de trouver un moyen d'éloigner le joueur (qui continuait de tirer une tête bizarre) il serait témoin de ses exploits, quels qu'ils soient. « Hey mec, t'as jamais vu de fille ou ça s'passe comment ? Tu veux pas nous laisser en tête à tête ? » Franchement, Tristan ne devait pas être particulièrement convainquant avec ses yeux criant au secours et sa main dégoulinante de sang. « Oh oui en tête à tête... » Le fils de Borée n'avait toujours pas trouvé le courage de regarder le monstre en face mais il sentait ses ongle (griffes?) continuer de lui labourer la main droite avec application. « Sérieux Marvin, tu devrais t'en aller non… ? » Il tenta un sourire vacillante et ôta maladroitement le bracelet élastique qui deviendrait son arc quand le geek aurait enfinchoisi de partir voir des goodies ou il ne savait quoi. La chose se rapprocha de lui et lui lécha lentement le cou.

Sur le papier, Marvin allait les laisser seuls dans la petite cour pour respecter leur soudain désir d'intimité – et quel désir que celui de rester en tête à tête avec un monstre hideux ! - et Tristan-devenu-Ethan pourrait alors se défendre enfin correctement sans passer au choix pour un terroriste, un assassin, un malade mental ou un vulgaire guignol. Mais ça, c'est ce qui aurait dû se passer si tout allait bien, si les choses se déroulaient enfin correctement. Malheureusement, le geek adopta plutôt une conduite qui laissa grandement le fils de Borée perplexe : il se glissa plus ou moins entre lui et le monstre roucoulant. « M-mais qu'est-ce que tu fais ! » De base, Tristan se serait dit qu'un simple mortel avait peu de chance de finir en chair à pâté pour avoir croisé un monstre… sauf qu'il commençait franchement à se poser des questions : Marvin était-il un demi-dieu ? Un autre monstre ? Un satyre même ? Ce n'était pas improbable, le sang-mêlé avait déjà croisé des satyres gamers à la Colonie et il savait que quelques faunes du Camp Jupiter s'adonnaient assidûment à League of Legends. Donc pourquoi pas… Sauf que là, ce n'était pas vraiment le bon moment. Tristan se sentit quelque peu poussé vers l'intérieur, le sauf intérieur, là où ils craindraient beaucoup moins. Par réflexe, il résista à la pression.

« C'est certain qu'il y a des choses monstrueuses dans le coin, mais... » Étaient-ils en train de communiquer par code ou était-ce seulement une impression ? À force de vivre à mi-chemin dans le monde humain et celui mythologique, Tristan tendait à voir des monstres, des créatures et des demi-dieux partout. Et à aucun instant il ne songea que Marvin pouvait appartenir à la bande d'humains débarquée en horde à la Colonie. Déjà parce qu'il n'en avait pas franchement le profil, ensuite parce que ça restait tellement surréaliste que… « Mais il est temps de les éradiquer… ! » Tristan poussa de nouveau Marvin vers la porte de la cour, cherchant maladroitement à l'éloigner de la monstruosité au regard avide. Elle ne fixe plus seulement le demi-dieu maintenant mais aussi son compagnon, semblant juger qu'un repas composé vaut mieux qu'un vulgaire sang-mêlé. « La monstruosité a l'estomac qui gargouille... » Ah, visiblement, Tristan n'est pas le seul à avoir perçu une allusion (mais y en avait-il vraiment une?), la créature aussi. Vive comme une serpent, elle saute vers la porte, la referme d'un coup de pied. Pas de bol, ça fait partie de ces ouvertures qui ne s'ouvrent que dans un sens : depuis l'intérieur. « Merde... » Ah ça oui, merde. Ils sont trois, coincés dans une minuscule courette de quelques mètres de large, entourés par de hauts murs en brique. Cela dit, ils sont deux contre un et Tristan est heureux que ça soit à leur avantage. « Okay okay Marvin, rien de ce que tu vas voir n'est la réalité ! C'est, euh… Une illusion. » Mais oui, bien sûr… C'est très convainquant comme discours. Sauf que Tristan n'avait plus franchement le temps d'inventer des excuses plausibles – qui, quoi qu'il en dise, ne tiendraient de toute façon pas la route. Il tira enfin su son bracelet, heureux de voir son arc apparaître et peser dans sa main.