Helena Subasic & Julian E. Shatterstar

Un dernier coup de brosse et je suis fin prête pour mon rendez-vous. Je jette un dernier coup d’œil à mon reflet dans le miroir. Pour aujourd'hui j'ai adopté un style à la fois décontracté et formel étant donné que je m'apprête à rencontrer Emrys un homme avec qui je corresponds depuis plusieurs mois sur un forum de discussion sur le thème de l'art. Je prends une inspiration, réajustant au passage mon pull-over, avant de caresser du bout des doigts le pendentif offert par ma mère il y a de ça des années puis je prends mon sac à main et je vais au rez-de-chaussée. Au bas des escaliers je remarque au vu du bazar ordonné de papiers juridiques éparpillés un peu partout dans le salon que mon père travaille sur un dossier plutôt important, je m'empresse de gagner la porte d'entrée sans trop faire de bruit pour éviter de le déranger. Je mets une paire de bottines noires à talon puis j'enfile ma veste mais au moment où je pose la main sur la poignée de la porte une voix me fais tressaillir.

- Sois prudente, me préviens mon père.

Je me retourne et je constate qu'il a levé ses yeux bleus de son dossier pour les poser sur moi. Le regard qu'il me porte est un mélange de différents sentiments que je comprends parfaitement, les chiens ne font pas des chats : il veux que je sorte mais en même temps il veut que je reste à la maison ou alors que je retourne à la Colonie, il veut aussi me protéger de cette menace invisible mais il sait qu'en cas de problème c'est moi qui le protégerai du danger.

- Je ferais attention, c'est promis ! dis-je en lui adressant un petit sourire pour le rassurer. Je fais ensuite volte-face, j'ouvre la porte puis sors de la maison en refermant derrière moi et je me mets en route pour gagner la station de métro en direction de Manhattan.

Le trajet s'effectue s'en encombre, c'est-à-dire sans l'intervention d'un monstre, et j'arrive rapidement dans la quartier que j'ai choisis pour donner rendez-vous à Monsieur Emrys. J'ai une certaine image de cet homme, forgée au fil de nos discussions sur internet, mais avec le virtuel on peut facilement se créer une nouvelle personnalité pour se détacher plus facilement de la réalité. Donc je ne donnerais pas ma vraie identité, bon je ne veux pas non plus qu'il m'appelle Radegast pendant le rendez-vous. Je lui dirais seulement mon troisième prénom, Mila, et ensuite je resterais vague ou sinon j'aviserais en fonction des question qui me seront posées. J'entre à présent dans un café moyennement bondé, les mortels préférant les cafés aux goût assez spéciaux de Starbucks, et je prends une table pour deux. J'enlève ma veste et à peine ai-je temps de m'asseoir qu'un serveur arrive pour prendre ma commande. J'hésite quelques instants à attendre Emrys mais je dis qu'il n'aura qu'à se commander quelque chose quand il sera arrivé et je demande au serveur de m'apporter un thé à la menthe. Une foi que l'employé du bar s'est éclipsé pour transmettre ma demande, je sors un livre sur les techniques de tissages à travers le monde en attendant que mon "mystérieux" inconnu -à qui j'ai donné une vague description physique- pointe le bout de son nez.

Helena Subasic & Julian E. Shatterstar

Le café auquel j'ai donné rendez-vous à Emrys je l'ai choisis pour sa localisation, le fait que j'aime m'y trouver lorsque je suis chez mon père mais surtout parce que je sais qu'il y a toujours du monde. On est jamais trop prudente par les temps qui courent. Bien installée sur ma chaise, enfin le temps que je me mette à me tortiller sur place du fait de mon hyperactivité, j'attends plusieurs minutes ce qui est suffisant pour que je sois rapidement plongée dans la lecture de mon livre sur le tissage. Perdue dans l'art du fil mexicain une voix me fais tressaillir en prononçant le pseudonyme que j'utilise sur le forum. Mon esprit fait tout de suite le lien, je range rapidement mon livre dans mon sac pour éviter de lui laisser le temps de remarquer que c'est écrit en grec puis je lève les yeux vers un homme de haute stature, blond avec des yeux bleus. Je lui adresse un grand sourire amical et dit :

- C'est bien moi mais je t'en pries, appelle-moi Mila ! dis-je. Il me tends sa main, je lui la prend et la secoue suffisamment pour lui monter de l'assurance mais pas trop pour éviter le lui faire peur. Tout le plaisir est pour moi, répondis-je avec sincérité.

Une fois notre poignée de main effectuée, je l'invite à s'asseoir. Même si je me méfie des mortels que je rencontre, je ne peux refréner ma curiosité. J'avoues qu'il est en tout point conforme à l'image que je me suis forgée de lui au lieu de nos discussions ces derniers mois et j'ai hâte de voir à qui j'ai réellement affaire. Sous des airs avenants on peut trouver quelqu'un de dépressifs ou encore quelqu'un de violent, croyez moi j'ai de l'expérience sur cette question. Je m'apprête à lui demander comment je dois l'appeler mais un mouvement sur ma gauche m'interpelle et lorsque je tourne la tête en direction du mouvement je constate que le serveur arrive avec mon thé. Il m'annonce ma commande afin d'être certain que c'est bien ce que j'ai demandé puis il la dépose devant moi et avant qu'il ne reparte faire son travail je le retiens. Maintenant que mon rendez-vous est là je peux boire mon thé à la menthe, accompagnée.

- Tu prendras bien quelque chose ? demandais-je au blondinet, à qui il faut que je demande son prénom histoire de ne pas l'appeler Emrys tout du long.

Une fois que mon ami s'est décidé je lui porte mon toute mon attention. Je prends la tasse de thé entre mes mains, souffle un peu sur l'eau infusée et j'en bois un peu.

- Donc, comment je dois t’appeler ?

Quoi qu'il se passe, même si je connais virtuellement ce jeune homme, je me dois de rester aux aguets. N'importe quel mortel présent dans ce bar peut être l'un des mortels qui ont participer aux massacres des camps de sang-mêlés.

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Je suis ravie que Jake m'accompagne et prenne quelque chose à boire, c'est toujours plus sympas de discuter autours d'un thé. Le serveur s'éclipse à nouveau pour transmettre la commande et le temps qu'il revienne je bois quelques gorgées de mon thé. Mon ami du forum me donne son prénom, Jake. Joli prénom quoi qu'un peu commun. Méfiante que je suis je n'ai pas donné mon prénom d'usage et suppose qu'il vient de faire de même. Un bon point pour lui. Il me donne l'impression d'être quelqu'un qui ne se met pas beaucoup avant et surtout qui observe, ce que j'aime plutôt chez une personne : par exemple les enfants d'Arès et d'Aphrodite ont la fâcheuse tendance à vouloir attirer l'attention. Le serveur revient avec un deuxième thé à la menthe et place la tasse devant Jake puis repart. Je me remets à boire un peu puis lève les yeux vers mon interlocuteur lorsqu'il se remet à parler.

- Le plaisir est partagé, Jake répondis-je en reposant ma tasse et lui adressant un petit sourire. Je comprends ce sentiment, de mon côté aussi mes collègues ne sont pas amateurs d'art alors des fois je me sens seule ! finis-je sur le ton de la rigolade.

C'est qu'à part les Apollon et les Athéna y'en a pas beaucoup qui donnent dans un art donc parfois on se croirait dans des mondes parallèles. Bref. Je le regarde boire un peu de son thé puis je jette un coup d’œil à la salle en faisant mine de chercher un truc dans mon sac. Je me tortille de sorte à ce que mon regard survole les personnes accoudées au bar mais il revient automatiquement se poser sur un homme de moyenne stature, les cheveux bruns et la barbe de trois jours, qui me regarde fixement. Je plisse légèrement les yeux en analysant le regard qu'il me jette et bizarrement j'ai comme une mauvaise impression. Je ferme mon sac, me retourne vers Jake et le regarde à nouveau mais je l'écoute d'une oreille distraite lorsqu'il fait un commentaire sur l'homme en question en pointant au-dessus de mon épaule, donc vers le bar. Je me retourne alors doucement pour regarder l'homme -le brun un peu barbu- et je remarque le changement significatif dans ses yeux : cela d'un œil normal à un œil presque reptilien, ce qui n'est pas commun aux mortels. Je me mordille légèrement la lèvre inférieure et souris rapidement en regardant Jake.

- On dirait bien, répondis-je.

Un léger changement dans le regard de mon ami me fait comprendre que quelque chose ne va pas et mon instinct me dit que l'homme accoudé au bar y est pour quelque chose. Et j'ai raison. L'homme au cheveux bruns est à présent à côté de moi et affiche une mine paniquée.

- Excusez-moi j'ai besoin de votre aide, j'ai un soucis avec ami dehors et je crois qu'il ne va vraiment pas bien, dit-il d'une voix qu'il veut sûrement emplie de stress mais j'entends que son prétexte est un mensonge éhonté pour me faire sortir du bar, surtout qu'il s'agit d'un monstre et j'ignore encore lequel.

Je jette un coup d'oeil à Jake et dit d'une voix avec une pointe d'assurance :
- Je vais aller voir ce qu'il se passe, je reviens vite !

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Je suis l'homme barbu hors du bar, comme je m'y attendais son ami ne fait pas sa crise devant plein de personnes. Non, non. Il la fait dans une ruelle qui mène à un cul-de-sac, charmant non ? En tout cas je peux le leur reconnaître, certains monstres travaillent durs pour attirer les demi-dieux dans un coin tranquille pour essayer de les tuer. Et en plus ils ont pensé à venir à deux.

Les probabilités pour que des monstres tombent sur un demi-dieux par le temps qui courent sont très fines alors j'imagine que cet inconnue est plutôt content de sa trouvaille, surtout que mon odeur est plutôt forte pour ses congénères. Je décide de jouer le jeux de la jeune femme qui ne se doute de rien et alors que je vois le camarade du barbu se tortiller de douleur sur le sol, je m'approche.


- Que se passe-t-il ? Pourquoi est-il dans cet état ? demandais-je en faignant l'inquiétude. En plus il y a deux options : soit ils savent que je suis une enfant d'Athéna, soit ils sont bêtes et ne le savent ou alors l'ont oublié.

Je me rapproche un peu plus de celui qui "souffre" le martyr, me préparant à utiliser ma lance-bague, lorsqu'une voix me force à ne plus avancer. Je recule de quelques pas et me retourne vers l'endroit d'où vient de provenir le son. Jake. Par le Styx ! Pourquoi faut-il que les hommes aient des pics d'instinct de protection envers la gente féminine quand ce n'est pas le bon moment ? Enfin, c'est pas que ça me dérange. Non, non. Mais je préfère que ça ne se passe pas quand je suis en rendez-vous avec un mortel, que des monstres s'invitent et que ce mortel me suis alors que je veux tuer ces mêmes monstres.

- Tout va bien, Jake ! répondis-je en lui lançant un petit sourire. Tout va bien si on oublie le fait que des monstres sont juste à côtés et qu'ils peuvent nous tuer tous les deux. Les geignements cessent et ils sont remplacés par des grondements puis deux mots sont formés : Il sait. Il sait quoi ? Et je crois comprendre lorsque Jake demande qu'est-ce qu'il peut bien savoir. Alors ce n'est pas un mortel normal, s'il sait. Cela ne doit pas être un hasard s'il a préféré me suivre plutôt que de rester dans le café, s'il vient de s'avancer d'un pas plutôt que de reculer. Il peut voir à travers la brume alors, je ne vois que ça comme possibilité.

- Qu'est-ce qu'il veut dire par-là demandais-je à Jake à la fois comme une question que pourrait poser n'importe qui mais en même pour avoir la confirmation directe qu'il à la capacité de voir à travers la Brume. Malheureusement je n'ai pas le temps d'ajouter quoi que ce soit car le bruit de déchirement caractéristique à un monstre qui reprend sa forme originelle me parviens aux oreilles. Je me retourne vivement pour voir des lambeaux de chair tomber sur le sol et la créature qui commence à grossir et à se métamorphoser. Je recule de plusieurs pas et dis :

- Euh tu vois ce que je vois ou je suis folle ?

Question finement tournée. De toute façon ça ne va pas être de la tarte de combattre ce monstre avec un mortel à côté et avec un autre m... d'ailleurs il est passé où le barbu ?!