Marvin ▽ Merry

On aurait pu croire que toutes ces aventures avaient vacciné Marvin à vie concernant ces désirs de devenir agents de terrains. L'informaticien avait vu s'ébranler certaines de ces certitudes concernant les demi-dieux et s'était retrouver devant un vrai monstre. Sans parler de cette histoire sur le bateau où il avait échappé de peu à la capture par l'ennemi, voir pire. Pourtant, il ne renonçait pas à son rêve. Il continuait de croire qu'il était capable de faire la différence en devenant agent de terrain. Surtout maintenant, alors qu'il avait appris que tout les sang-mêlés n'étaient pas forcément mauvais. Il existait certainement un moyen de ne pas rester inactif dans tout ce chaos mythologique, tout en évitant de tuer tout ce qui n'était pas entièrement humain ! C'était peut-être naïf, mais cette idée continuait de lui trotter dans la tête. Grâce ou à cause de cela, il parlait toujours de son rêve avec détermination. Un projet qui semblait impossible pour la larve sans muscle qu'il était, le geek en avait conscience. Tous ceux qui se moquaient de son rêve avaient de bonnes raisons de le faire, c'est vrai.

D'ailleurs, une fois de plus, il reçut les commentaires habituels. Marvin ne comprenait pas trop pourquoi, mais cela le peinait particulièrement de les entendre dans la bouche de l'archiviste. Pourquoi ? Mystère. En tout cas, le geek mettait une énergie particulière à essayer de la convaincre. Et qui sait ? Peut-être qu'un jour, il arriva à la persuader que tous les demi-dieux n'étaient pas démoniaques ! Si l'agent Lond avait pu changer d'avis... L'informaticien chassa vite ces pensées. Une chose à la fois. Il ne pouvait pas planifié trop loin avec Meredith. Comme il avait essayé de le dire, il ne savait jamais comme sa collègue allait réagir avec lui. C'était comme des montagnes russes. Une gentillesse par-ci, un chantage par-là. Alors il resta sur du concret, le fait d'avoir commencé sérieusement l'entraînement physique. C'est là que Merry refit le truc comme si elle était rentrée dans sa tête en commentant qu'il avait dû arrêter les jeux en ligne. C'était toujours flippant quand elle devinait ce genre de détail ! Instinctivement, Marvin porta sa main à son front lorsque son interlocutrice déclara que c'était comme si c'était marqué dessus, comme s'il voulait vérifier. Bien sûr, il ne trouva rien, même après avoir regardé sa main après cette inspection rapide. Le contraire aurait été encore plus flippant ! Imaginez s'il avait soudainement développé la compétence d'inscrire ces pensées sur son front ! Voilà une aptitude qui serait assez embarrassante... Et assez réaliste vu sa poisse. Il était quasi certain qu'il obtiendrait un pouvoir inutile dans le genre plutôt qu'une capacité hyper classe comme savoir voler, se téléporter, etc.

Merry prononça le mot joy-stick, ce qui l'arracha à ces spéculations. "C'est amusant que tu dises ça, parce qu'il parait que certaines armes ont été modifié pour se rapprocher au maximum de la prise en main d'une manette x-box, de sorte que les joueurs de FPS retrouvent les réflexes acquis durant leurs parties." Expliqua-t-il le plus sérieusement du monde, comme s'il s'agissait d'une anecdote amusante et non d'une rumeur à l'authenticité douteuse.

Difficile de fixer son esprit sur quelque chose. Surtout quand le thème de ce marathon cinématographique l'inspirait beaucoup. Frodon n'était-il pas l'exemple qu'un être insignifiant en apparence pouvait avoir un rôle crucial pour sauver le monde ? Les bandes-annonces mirent fin à ce débat. Marvin sentit ses épaules se décrisper lentement alors qu'il regardait les annonces pour les nouveautés. Peut-être à cause des images familières diffusées sur le grand écran ou bien était-ce grâce au contact de la main de sa voisine. Il les connaissait quasiment toutes, mais les voir sur grand écran était une expérience intéressante. Certaines passaient beaucoup mieux, surtout les films d'action. Complètement absorbé par ce spectacle, il ne remarqua pas que Merry avait doucement retiré sa main de la sienne.

Ne sachant comment poursuivre la conversation, lorsque la lumière fut revenue, l'informaticien en costume de hobbit préféra entamer le dialogue avec l'enfant plutôt qu'avec la mère. Avec un temps de retard, il s'aperçut que sa manœuvre était impolie ainsi questionna-t-il l'archiviste sur le débat Disney. En posant sa question, Marvin était persuadé d'avoir trouvé la faille dans la cuirasse d'intolérance aux adaptations que portait Merry. Il fut soufflé d'entendre que même ces chefs d'œuvres d'animations ne trouvaient pas grâce à ces yeux.

"Édulcorer ? Et la mort de Mufasa ? Les morts de méchant ultra traumatisantes ? Les transformations en âne dans Pinocchio ?" Récita-t-il en prenant les premiers exemples qui lui venaient à l'esprit. Il se tut pour écouter les arguments de sa collègue. "J'arrive pas à croire que même Disney n'a pas réussi à te faire changer d'avis. Il n'y a vraiment aucune adaptation où tu te dis 'ah oui, pas mal qu'ils ont changé ce passage' ou que tu te laisserais porter par un film au point d'oublier le livre dont il est tiré ?" Demanda-t-il en s'installant plus confortablement dans son siège. Pour le coup, il était vraiment curieux de connaître la réponse, au point d'oublier l'état de malaise qu'il avait généralement en présence de Meredith.

Marvin ▽ Merry

Est-ce que je m’inquiétais de savoir Marvin toujours mu par son rêve fou de devenir agent de terrain ? Bien sûr que oui. Avais-je peur qu’il réussisse à obtenir ce grade ? Oui, car connaissant sa détermination, même si beaucoup lui riaient au nez, ce que je trouvais inutilement cruel, je savais qu’il y parviendrait un jour. En soit, je voulais le voir heureux, mais j’avais surtout peur qu’il y perde la vie. Même s’il ne s’en rendait pas compte, je tenais à lui. Bien plus que je ne me l’avouais, bien plus que je ne le lui avouais. Je ne pouvais m’empêcher de me demander si ce sentiment jouissait d’une bienheureuse réciprocité, ou si au contraire, je n’étais qu’une femme un peu impressionnante pour ce geek qui vivait dans son monde.

L’informaticien me faisait part d’une nouvelle modification sur certaines armes incluant un rapprochement de la prise en main de manette de jeux vidéo. J’écoutais cela d’une oreille distraite, cela semblait invraisemblable, et puis de toute façon les bandes annonces commencèrent, plongeant la salle dans l’obscurité. Je voulais montrer à mon blondinet qu’il avait mon soutien malgré mes réticences, j’avais posé ma main sur la sienne, mais j’avais peur de le mettre un peu trop mal à l’aise avec tant de familiarité, j’avais peut-être un peu trop exagéré, alors je finis par la retirer.

La lumière revint et alors que Tim et Marvin étaient en pleine discussion, mon collègue décida finalement de m’inclure à la conversation. L’agent de liaison savait pertinemment que j’avais beaucoup de mal avec les adaptations de livres et il espérait sans doute trouver une faille en me parlant des Disney. Malgré tout, même si je reconnaissais volontiers la qualité du travail de ces dessins animés et que je n’empêchais pas mon fils de les regarder, mon avis restait le même et je ne me privais pas pour le dire à Marvin qui sembla alors médusé, ce qui ne manqua pas de m’amuser. Grand sourire aux lèvres, le je regardais dans les yeux.

-La mort de Mufasa n’est pas traumatisante en soi. Elle est triste puisque c’est la figure paternelle qui meurt, mais on ne voit rien de traumatisant. Par ailleurs, je te rappelle que « Le Roi Lion » a été pompé sur les japonais. Les méchants qui ont une mort traumatisante sont encore loin de la réalité du conte. On en parle de la reine dans « Blanche-Neige » ? Et les transformations en âne dans « Pinocchio », c’est un peu la base, non ? Comment veux-tu prétendre garder le titre de l’œuvre si tu retires tout.

Je voyais bien le désespoir dans le regard, et l’entendais dans sa voix, lorsqu’il me demanda s’il n’y avait aucun film, aucune adaptation qui trouverait grâce à mes yeux. Comment pouvais-je oser lui dire que peut-être que « le Seigneur des Anneaux », que nous nous apprêtions à regarder ensemble, pourrait éventuellement faire l’affaire ? Un sourire mutin aux lèvres, je rivai à nouveau mon regard sur l’écran noir.

-Je ne sais pas pour l’instant. Peut-être que tu pourrais essayer de me faire changer d’avis en me faisant voir des adaptations qui selon toi, sont légitimes ?

Mon dieu, j’osais lui lancer de ces perches, est-ce qu’il s’en rendait compte ? Que fallait-il que je fasse encore pour qu’il comprenne ? Peut-être ne comprendrait-il jamais. Peut-être n’avait-il tout simplement pas la même vision des choses que moi. Peut-être que je ne l’intéressais pas. Moi qui avais mis tant de temps à accepter que quelqu’un ait piraté mes archives… Et dire que c’était lui…
La lumière s’éteignit à nouveau, m’arrachant à mes réflexions. Le film commençait, le premier volet de la trilogie. Je sentais Tim trépigner d'impatience d'ailleurs.

Marvin ▽ Merry

Les bande-annonces offrirent une diversion idéal pour changer de sujet. La lumière revenue, Marvin laissa de côté ces envies d'aller sur le terrain pour se concentrer sur les prochaines sorties. La discussion dériva sur Disney et l'informaticien crut, à tort, qu'il avait trouvé la faille dans l'argumentation préféré de Merry concernant les adaptations. Qui pouvait dire du mal de Disney ? Le célèbre studio avait eu des hauts et des bas, surtout dans le difficile passage à la 3D, mais, on ne pouvait pas leur reprocher leur adaptation de conte de fées ! C'était ce qu'il avait cru et il fut, par conséquent, stupéfait que sa collègue continue de défendre le respect de l'oeuvre d'origine. Elle avait évoqué le fait d'édulcorer les contes pour le jeune public. Le geek étant un fervent partisan du 'disney ce n'est pas que pour les enfants', essaya de trouver plusieurs exemples de scènes marquantes du studio. Sans s'en rendre compte, il s'était pris au jeu de savoir jusqu'où l'archiviste pouvait aller dans son plaidoyer.

"Oh si, quand les autres productions t'habituent à une larme ou un baiser d'amour sincère pour ressusciter les personnages morts, c'est horrible." Déclara-t-il avec le plus grand sérieux. Bon, à l'époque où des séries comme game of throne s'amuse à tuer une flopée de personnages principaux par saison, peut-être que la mort de Mufasa passait pour une simple routine, mais, à l'époque, Marvin avait été marqué par ce tournant dans le scénario. Il était tout de même assez rare de voir le plan du méchant réussir lorsque le dit plan concernait la mort d'un personnage principal ! Et encore, cette scène n'était rien comparée à celle de Pinocchio qu'il avait cité. Une scène qu'encore aujourd'hui, il n'osait regarder, passant ce passage en avance rapide (ce qui n'aidait pas tellement à atténué l'horreur de la scène). Là encore, Merry trouva l'argument parfait. "Tu aurais voulu que Jiminy finisse écrasé comme dans le conte d'origine ?" Demanda-t-il, puisqu'il était question d'élément à garder par rapport à l'oeuvre de base.

Ne trouvant plus d'autres arguments à lancer dans ce débat, Marvin fini par demander s'il n'y avait aucune exception qui trouvait grâce aux yeux de l'archiviste. Il ne savait pas s'il devait admirer Merry pour son argumentation sans faille ou se sentir désolé qu'elle ne puisse se laisser transporter dans une adaptation au point d'en oublier l'oeuvre d'origine. Il devait forcément exister la fameuse exception qui confirme la règle ! Lui-même pouvait faire quelques concessions en ce qui concernait les comics sur le grand écran, du moment qu'il passait un bon moment.

"Très bien, si tu me mets au défi, je jure de trouver." S'exclama-t-il avec presque autant de motivation que lorsqu'il déclarait vouloir devenir agent de terrain. Il allait devoir réviser ces classiques, mais il était déterminé à trouver une oeuvre dont l'adaptation était meilleure que l'ouvrage d'origine.

Sur ce défi, le premier film du marathon commença. Marvin se cala confortablement dans son siège avec un sourire ravi. Il n'aurait su dire si c'était à cause de ce défi lancé ou parce qu'il était ravi de se replonger dans l'univers de Tolkien. Peut-être un peu des deux. L'informaticien savourait d'autant plus les moments de calme pour les jeunes hobbits en sachant quelles terribles épreuves les attendaient. Il sursauta devant l'attaque des nazguls à l'auberge et se plaqua une main sur la bouche pour ne pas crier, comme s'il s'agissait de son premier visionnage. Les heures filèrent à toute vitesse et la lumière revint alors que la musique du générique du premier film résonnait encore. Certains se levèrent pour profiter de cette pause afin d'aller acheter des boissons ou faire une pause toilette. Marvin s'étira, histoire de ramener un peu de vie dans ces jambes. Il gardait l'expression ravie de celui qui revenait d'un superbe voyage. La trilogie du seigneur des anneaux avait le don de remonter à bloc sa motivation. Peut-être était-ce pour cela qu'il se montra d'humeur taquine.

"Alors ? Tu as survécu à l'intervention d'Arwen contre les Nazguls ?" Plaisanta-t-il en citant un des changements majeurs du premier film par rapport au livre.

Marvin ▽ Merry

La petite discussion concernant les adaptations des contes par Disney en devenait amusante tant Marvin y mettait du sérieux et de la conviction. Je n’y pouvais rien si malgré tous ses arguments, je trouvais que les créateurs de Mickey Mouse exagéraient en édulcorant autant les histoires, leur faisant perdre leur saveur d’origine. C’est ce que je me plaisais à expliquer à mon gentil geek, qui ne manquait pas de s’offusquer avec le plus grand sérieux.

-La mort est toujours horrible, Marvin, qu’il s’agisse de Disney ou non. Je crois que ne pas édulcorer permettrait aux jeunes publics de mieux y faire face dans la vraie vie. Sans parler des fins heureuses qui ne le sont pas dans le vrai conte, comme pour « Notre-Dame de Paris » dont l’adaptation m’a fait frémir d’horreur. Pour ma part, je ne veux pas que Tim s’imagine que tout lui arrivera tout cuit dans la vie et que tout finit toujours bien.

Là, l’informaticien évoqua Jiminy Criquet dans Pinocchio, et je sentais qu’il s’agissait peut-être, ou plutôt fort probablement, de son personnage préféré. Aurait-il dû finir écraser comme dans le conte ? Eh bien pour moi, la réponse était « oui », puisque c’était ainsi que l’histoire avait été écrite. Je craignis soudain de briser son petit cœur fragile, mais j’osai hocher la tête lentement, en le regardant dans les yeux avec un air désolé. La motivation dont il fit preuve lorsque je le mis au défi de me trouver une adaptation qui trouverait grâce à mes yeux me fit rire. Que cet homme pouvait être touchant.

-Parfait, il me tarde de voir ça.

Il avait accepté et cela représentait pour moi la promesse de passer un peu plus de temps avec lui, je veux dire en dehors des heures de bureau au DLCEM. Peut-être qu’enfin un rapprochement arriverait. Peut-être que j’arriverais à lui faire comprendre que je voudrais plus qu’une simple relation de collègues. Mais avait-il les mêmes attentes ?

Le premier volet de la célèbre saga commença et nous fumes partis pour trois bonnes heures d divertissement. Tim et moi connaissions par cœur cette œuvre cinématographique et je me gardai surtout de montrer le plaisir que j’avais à la revoir sur grand écran. Je ne voulais pas être démasquée, déjà que mon fils avait failli me vendre. J’entendais et voyais du coin de l’œil les réactions de mon cher collègue et cela m’amusa beaucoup. Pendant une seconde, j’hésitai à lui prendre la main durant les moments un peu plus effrayants, mais je me ravisai, ayant peur de le brusquer. Pourtant, j’avais résolu de lui mettre un coup de pied virtuel aux fesses.
Le film s’acheva et la lumière revint dans la salle. Sourire aux lèvres, je consultai ma petite tête blonde pour m’enquérir de son avis.

-C’est encore plus cool sur grand écran ! Pourquoi on l’a pas vu quand il est sorti, maman ?
-Eh bien parce que tu n’étais pas né, mon chéri. Moi je l’ai vu.


Je reportai ensuite mon attention sur Marvin qui ne put s’empêcher de me taquiner avec sa question. Heureusement, Tim était occupé à compter les grains de popcorn qu’il lui restait dans le fond de son immense gobelet de carton.

-Survive, oui, parce qu’il le faut bien. En parlant des nazguls, je vois que tu n’avais pas fière allure en les voyant attaquer.


A mon tour je le taquinais. Une manière de faire remarquer subtilement que s’il avait peur de ce genre de créatures au travers d’un simple écran, pour un film qu’il avait déjà vu plusieurs fois, comment ferait-il une fois sur le terrain confronté à des monstres et autres demi-dieux (enfin, c’était synonyme) réellement capables de lui faire du mal ? Oui, mon inquiétude sur ce point était toujours présente, je n’y pouvais rien.
Nous avions droit à un petit entracte avant la suite, et j'avais besoin de me dégourdir les jambes et de passer aux toilettes. Une vraie fille en somme. Je regardai à nouveau mon fils.

-Tim, on va passer aux toilettes.

Après tout le thé glacé qu'il avait ingurgité, et moi aussi au passage, il fallait absolument y aller si nous voulions tenir pour le prochain volet. Je me levai alors, aidant mon fils à poser ses affaires sur les accoudoirs des fauteuils pourvus de petits espaces pour ranger les gobelets, puis lui pris la main et entrepris de quitter la rangée.

Marvin ▽ Merry

Loin des terres du Milieu et de la réalité, le débat s'était tourné vers le monde merveilleux de Disney. Marvin en parlait avec le même sérieux qu'il employait pour tout. C'était dans son caractère de tout prendre ainsi, même le détail le plus trivial. Disney ne constituait donc pas une exception à cette règle de vie. Le geek réalisa que certaines personnes ne pouvaient pas aimer les oeuvres du studio fondé par Walt Disney. Un constat qui relevait de l'horreur ou de la science-fiction pour lui. Avant d'entendre les paroles de sa collègue, il avait cru que le seul débat possible sur ce sujet était concernant l'âge du public cible. Il était complètement décontenancé par les arguments de Meredith qui déclarait qu'il valait mieux préserver la cruauté toute crue des contes d'origines. Par pur réflexe, l'informaticien ouvrit la bouche afin de se préparer à une contre-offensive. Sauf qu'il ne voyait pas quoi ajouter. Mine de rien, l'argument Notre-Dame de Paris était pertinent. Lui non plus n'avait pas aimé la fin modifiée, d'un autre côté, il savait que le studio avait fait de son mieux sur une oeuvre ultra-sensible. Le juge Frollo justifiait à lui seul les entorses faites à l'adaptation. Pour le reste, et bien, il pouvait se plonger dans la comédie musicale s'il voulait voir Phoebus se moquer du sort d'Esmeralda ou voir Quasimodo mourir d'amour en offrant le spectacle de deux squelettes enlacés pour les générations suivantes. "Rien que pour Infernal, cela vaut le coup." Finit-il par dire. "Je la préfère aux chansons du prêtre dans la comédie musicale." En lançant cet argument, il se demanda ce que l'archiviste pensait de cette adaptation. Il avait déjà entendu Merry fredonner des airs de comédie musicale célèbre. Pourtant, elles aussi devaient faire des entorses à l'oeuvre d'origine, non ? Parfois, ils ajoutaient des personnages, juste pour pouvoir ajouter des chansons.

Le discours de son interlocutrice se porta sur l'éducation à apporter aux enfants, en citant la présence de Tim en exemple. N'ayant pas d'enfants et n'arrivant pas à se visualiser dans le rôle de parents, Marvin n'oserait jamais faire des commentaires sur ce sujet. Bien qu'il trouvait cette façon de voir assez déprimante. "Les héros n'obtiennent pas tout, tout cuit, ils galèrent, s'entraînent. Mulan par exemple, n'a pas réussi à sauver la Chine en un coup de cuillère à pots. J'aurais trouvé cela déprimante qu'elle se suicide à la fin comme dans la légende au lieu de montrer qu'on peut faire honneur à sa famille même en étant différent." Commenta-t-il.

Il enchaîna d'ailleurs sur un exemple concernant Jiminy Criquet. Un personnage qui mourrait gratuitement dans l'oeuvre d'origine. Il était, personnellement, heureux que la conscience n'avait pas subi le même sort, offrant par cette occasion, des scènes supplémentaire au personnage qui permettait de l'apprécier. Marvin ouvrit de grands yeux effarés devant le hochement de la tête timide. Au mieux de sa forme et dans un lien non-public, peut-être, aurait-il poussé sa réaction en pointant son interlocutrice du doigt et en la traitant de monstre sans coeur. Comme ils étaient au cinéma et en présence de l'enfant de la blonde, le geek se fit violence pour se montrer moins extrême. Heureusement, le défi de trouver une adaptation que Meredith ne pouvait qu'aimer lui changea les idées.

Marvin accepta ce défi avec la même détermination que si c'était le sort du Monde qui était en jeu. Sur cette promesse, il se recala confortablement dans son siège. Il allait trouver, c'était une certitude. Il put accueillir avec joie le début du premier volet. Le geek s'était tellement laissé engloutir par la conversation qu'il en avait oublié que visionner cette trilogie était le but premier de sa présence ici. Pendant quelques minutes, il s'était persuadé que la raison de sa présence était de prouver à sa collègue que toutes les adaptations n'étaient pas à jeter. De ce fait, il avait oublié temporairement sa crainte initiale devant cette rencontre surprise.

Marvin se plongea dans l'univers familier de la quête de l'Anneau Unique avec le même enthousiasme que s'il découvrait cette aventure pour la première fois. Le temps passa très vite. En un éclair, du moins, c'est l'impression qu'il en avait eu, la lumière revint dans la salle, les ramenant à la réalité. Marvin était ravi que le jeune Tim découvre cette oeuvre sur grand écran. Même si apprendre que Merry avait été voir le film lors de sa sortie le surpris. En fait, il ne comprenait pas pourquoi sa collègue s'imposait cela alors qu'elle détestait les adaptations. A ces yeux, cela équivalait à continuer de manger des épinards alors qu'on y est allergique. Maintenant, oui, il comprenait que la blonde fasse des sacrifices pour son fils, mais, comme elle l'avait révéler, à l'époque de la sortie de la trilogie, il n'était pas encore non. L'informaticien ne put s'empêcher de faire une petite taquinerie sur le fait que sa collègue avait survécut. Boutade qu'elle lui retourna en évoquant sa propre réaction face aux Nazguls. "C'est que... J'avais oublié combien ils pouvaient être impressionnants sur grand écran." Argumenta-t-il en rougissant un peu.

Oui, c'était sans doute risible de le voir effrayer pour si peu alors qu'il aspirait à combattre des monstres bien pire et surtout beaucoup plus réels. Sans doute, était-ce idiot, mais, de son point de vue, ces deux cas n'avaient rien à voir. Marvin avait la certitude que, face à l'action, il brillerait. N'était-ce pas ainsi que cela se déroulait dans les histoires ? Le héros se découvre un courage insoupçonné pour sauver ces amis alors qu'une mort certaine semblait les attendre. D'accord, il n'était ni dans un film ni dans une histoire, mais il ne pouvait s'empêcher de voir les choses ainsi.

Le geek s'attendait à relancer ce débat 'fiction vs réalité' quand Merry déclara aller aux toilettes. "Attention aux trolls !" Lança-t-il, référence à une autre franchise célèbre où la pauvre Hermione avait fait cette fâcheuse rencontre en allant aux toilettes. Plaisanterie ou vrai crainte, c'était toujours difficile de le dire avec quelqu'un comme Marvin. Cette mise en garde faite, il se retrouva soudainement seul en attendant leur retour. C'était bizarre ce silence soudain après autant d'animation et c'était encore plus bizarre de le trouver dérangeant alors qu'il avait aspiré à un tel calme en se rendant seul à ce marathon.

Histoire de se changer les idées, il se saisit de son téléphone à la recherche de ce qu'il pourrait faire après le marathon.Il y avait la nouvelle mise à jour d'un jeu en ligne qui lui demanderait certainement des heures d'installation (il avait donc intérêt à le lancer le plus tôt possible s'il voulait y jouer avant de dormir), l'épisode pilote d'une nouvelle série serait sûrement sorti (pareil, il fallait regarder ça le plus tôt possible sous peine de subir des spoilers en surfant innocemment sur la toile) et d'autres nouveautés en ligne dans le genre. Son planning semblait tout trouver, mais le geek se surpris à écarter ces possibilités alléchantes, car il ne pouvait y inviter Merry et son fils.

En attendant, ces derniers ne revenaient toujours pas et l'entracte allait bientôt se terminer. Marvin se sentait devenir nerveux alors que techniquement, cela ne le concernait pas. Lui était à sa place. De toute façon, tout les téléphones portables avec une option lampe torche qui permettrait aux retardataires de se guider facilement dans le noir. Cette pensée était supposée le rassurer, alors qu'au contraire, son inquiétude grimpa. Il se souvenait de l'aversion de sa collègue envers la technologie. Savait-elle se servir des options de son téléphone ? Avait-elle seulement un téléphone pourvu d'une telle option ? Sur cette possibilité, Marvin se leva d'un bond et se dirigea vers les toilettes tandis que la lumière faiblissait. Il avait agi par pur instinct, sans pouvoir expliquer pourquoi. Chose qu'il réalisa en retombant à mi-chemin sur Tim et sa mère. Il devait avoir l'air d'un idiot à rester planter là, le soulagement ayant fait place à la perplexité de son action qu'il n'arrivait pas à justifier, dans son costume d'Hobbit en tenant son téléphone brancher sous l'option lampe torche. "Je..." Arriva-t-il à dire, avant que les premières notes du générique du second ne furent perceptible. "Vite, on va rater le début !" Réalisa-t-il avant de s'improviser guide en ramenant le petit groupe jusqu'à leur place. Plus tard, il se permettra peut-être une remarque sur le bien fait de la technologie qui avait permit ce sauvetage. Pour l'instant, il avait surtout peur de rater le deuxième volet.

Marvin ▽ Merry

Il semblait évident que Marvin et moi ne serions jamais d’accord sur les adaptations, bien que je doive reconnaître que l’entêtement qu’il mettait à essayer de me faire changer d’avis me plaisait. Cela conférait à mon collègue un certain charme qui ne me laissait pas indifférente. Cela faisait partie de ce que j’aimais chez lui, cette détermination, cette suite dans les idées qu’il avait, ce sérieux en tous points, même sur des sujets qui pourraient paraître abstraits ou enfantins pour d’autres. Avec Marvin, parler de dessins animés était un sujet tout aussi sérieux que l’actualité politique ou bien les saletés divines qui peuplaient notre monde.

Le premier volet de la fameuse trilogie terminé, il fallait que mon fils et moi allions au petit coin. Non pas que je ne souhaitais pas charrier encore mon cher informaticien préféré sur sa trouille face aux Nazguls, mais il fallait vraiment évacuer tout ce que nous avions bu. Marvin ne put s’empêcher de lâcher une référence à Harry Potter que mon fils souligna en sautillant. Je n’écoutais pas sa réponse, le poussant gentiment par les épaules.

Nous ne tardâmes pas à sortir des toilettes dans le but de regagner la salle, bien qu’il y ait eu énormément de monde, lorsque je fus surprise de voir mon collègue aller à notre rencontre dans le couloir. Il affichait une drôle de mine.

-Ne me dis pas que tu es venu nous sauver du troll ? demandai-je sur un ton de taquinerie.

Mais il embraya directement sur le fait que nous allions louper la suite. L’entracte était passé si vite ! Il fallait dire que nous avions pas mal discuté avant que je ne me décide à emmener Tim aux toilettes. Marvin nous entraîna donc dans la salle, aidé par la lampe torche de son téléphone. Je ne pus m’empêcher de me demander si le mien était pourvu d’une telle fonction. Nous regagnâmes nos places juste à temps, nous n’avions manqué que quelques secondes du générique. Cette musique, quelle beauté ! Je me délectais de chaque note. Le film commença et je posa mes mains sur les accoudoirs des fauteuils, sentant sous ma droite celle de mon collègue. Je décidai de l’y laisser pour voir, ou plutôt essayer de sentir, sa réaction. Je ne pouvais être plus explicite au risque de me montrer déplacée, et je ne le ferai certainement pas dans un lieu public.

Le film, ou plutôt le chef d’œuvre, commença, et ma concentration finit par se focaliser sur ce qui se déroulait à l’écran plutôt que sur mon voisin de droite et les spéculations que mon esprit pouvait entreprendre à propos de ce qu’il pensait de moi. A l’issue du second volet, la lumière se ralluma progressivement. Jamais je n’aurais cru qu’enchaîner deux films aussi longs soit aussi fatigant. Il fallait absolument que je me dégourdisse les jambes. Je me levai alors et me tournai vers les garçons.

-Je ne sais pas vous, mais moi, il faut que je marche.

Mon fils haussa les épaules et plongea son nez sur sa console portable, que j’étais pourtant sure d’avoir laissée à la maison. Le petit malin l’avait surement glissée dans sa poche.

-Bon, je vous laisse quelques minutes alors, déclarai-je.

Ce n’était pas mon style de laisser Tim sans surveillance, mais avec Marvin dans les parages et puis surtout dans une salle de cinéma, je savais qu’il ne pouvait rien lui arriver, d’autant que je n’irais pas plus loin de le couloir après les portes.

-Merci pour le sauvetage de tout à l'heure ! lançai-je à Marvin en passant devant lui.

Me dégourdir les jambes me fit un bien fou. Quand je pensais qu’il y avait encore le troisième et dernier volet, je sentais la fatigue s’emparer de moi. Je serai surement liquéfiée après cette trilogie.