C'était en mars 1995, que James Ambros rencontra la déesse Hébé, descendue sur Terre sous le nom d'Annabel. Il était architecte d'intérieur, spécialisé dans les grandes réceptions. Elle était une cliente très pointilleuse. Ils étaient amoureux dès le premier regard. Il leur a fallu plusieurs mois pour mieux se connaitre, s'apprendre. Un an après, lors d'une nuit de fin d'hiver, ils se sont aimés. 9 mois plus tard, j'étais née, moi, Eileen.
Je ne me souvenais pas de ma mère, si ce n'était une douceur qui m'environnait. Je ne savais pas qui elle était, pas avant mon arrivée à la colonie il y a un an.

Mon enfance était plutôt joyeuse. Mon père a voulu m'offrir le meilleur. Je n'ai jamais haï ma mère pour nous avoir laissé. Mon père restait incontestablement amoureux d'elle, et me racontait souvent de petites anecdotes sur elle. Je m'étonnais de la quantité de choses qu'il savait d'elle, malgré le peu de temps qu'il a passé avec elle. Mais il ne voulait pas que je me désinteresse de ma mère. Il me disait souvent :" Un jour, tu la rencontreras. Tu verras, elle est super." Il avait l'air si sincère. Il me disait que je lui ressemblais, j'avais la même joie de vivre qu'elle, et la même beauté.
Il faut dire qu'à l'école, les gens n'étaient pas insensibles à mon charme. Les filles se bousculaient pour être mon "amie", les garçons se concurrençaient pour sortir avec moi. Mais je n'étais pas une fille d'Aphrodite -sans vouloir offenser personne-, je ne voulais pas profiter de ma situation. J'avais mon petit groupe d'amis, constitué d'une amie qui partageait la même passion que moi pour lire, et avec laquelle je pouvais parler de tout et n'importe quoi ; deux potes avec lesquels on rigolait, experts en blagues pourries. Je gardais un bon souvenir de mes années de collège.
Ça a commencé à se gâter dès mon arrivée en seconde. Sur le chemin du retour, je me sentais souvent suivie. Lorsque j'allais à des fêtes, je remarquais toujours quelqu'un d'étrange. Je n'osais pas en parler à mes amis, jusqu'au jour où ils ont remarqué que j'étais suivie. Ce jour-là, je m'en souviendrais toute ma vie...
"Eil... Je crois qu'on est suivis," me dit Ian, un de mes amis.
Jay, l'autre pote, et Kate ont acquiescé.
"Ca fait un quart d'heure. Il faut faire quelque chose..., annonça Jay, les poings serrés.
Je le regardai, alarmée. Jay pouvait se montrer patient, mais lorsque quelque chose l'énervait, il devenait rapidement dangereux. Il devait déjà préparer un plan. Kate se rapprocha de moi, et me rassura. " On va aller appeler la police, ce sera ce qu'il y a de mieux à faire."
Ian et Jay lançaient des regards vers l'homme qui nous suivait. On continuait de marcher sur le trottoir, quand Ian dit à voix basse :" Les gars, à trois on court. Le plus rapidement possible. Le bureau de ton père n'est pas loin, Eil. On ira là-bas. Prêts ?"
J'acquiesçais de la tête, ainsi que mes amis.
"Un..."
"Deux..."
"TROIS!"
La course commença. On courait le plus vite possible, et les garçons nous encourageaient. Bien que plus rapides que nous, ils restaient derrière nous pour nous protéger de notre poursuivant.
"ALLEZ LES FILLES !" hurlait Ian.
Les poumons en feu, je forçais sur mes jambs, Kate à mes cotés. Je risquais un oeil derrière moi : l’homme se rapprochait rapidement. Il bondit d’un coup et parvint à dépasser Jay et Ian. Je hurlais de terreur, et continuais à courir. Soudain, j’entendis un bruit d’effondrement. Kate et moi nous nous retournâmes, et vîmes l’homme à terre. Jay et Ian se tenaient à coté de lui. Ce devait être eux qui l’avaient mis à terre. Ian me regarda et dit d’un air ferme : “Cours.”
Une seconde plus tard, Jay se retrouvait au pied du mur du bâtiment d’à coté, Ian était plaque au sol par l’homme. Ian se débattait, essayant de s’échapper de l’emprise de l’homme ; Kate se dirigea vers Jay, qui était encore sonné. Ian me jeta un air suppliant. J’avalais ma salive et courrais vers le bureau de mon père. Je devais arriver le plus vite possible, pour qu’on avertisse la police et qu’on sauve Ian.
Je déboulais dans l’immeuble et me dirigeais en vitesse vers le bureau de mon père. J’y entrais brusquement. Il était assis à son bureau, et rangeait quelques affaires.
“Ah Eileen… Mais… Qu’est ce que tu fais ici ?”
Je lui expliquais en vitesse ce qui venait de se passer. “Il faut… appeler la police !” dis-je, à bout de soufflé. Déjà, mon père signalait l’adresse aux autorités. Puis il prit sa veste et me dis : “Il faut qu’on s’en aille. Tout de suite.”
 Je faisais ma valise sur ordre de mon père, quand je reçus un message de Kate : Hôpital- Jay va mieux- Ian pris en charge
Je déglutis difficilement. J’amenais ma valise vers la voiture, et mon père la mit dans le coffre. Une fois dans la voiture, je lui dis : “Est-ce qu’on peut passer à l’hôpital ? Juste pour saluer mes amis…”
Il acquiesce et démarra. Un quart d’heure plus tard, Jay me prenait dans ses bras, ainsi que Kate. “Heureusement tu vas bien, Eil…, me dirent-ils.
-Où est Ian ?” demandais-je.
Je le vis dans la chambre, endormi. Il avait le cou couvert de bandages, l’épaule gauche aussi. Je m’approchais de lui, et m’assis sur le bord du lit.
“Merci, Ian… Je… Je ne sais pas comment te remercier. Je ne sais pas si on va se revoir, mais je ferais tout mon possible pour ça.”chuchotais-je.
Il frémit. Je me baissais et l’embrassais sur le front, puis la caressa la joue.
Je saluais une dernière fois mes amis, et rejoignis mon père. Il m’avait vaguement expliqué que je n’étais pas comme tous les autres, que j’étais spéciale. Il me fallait aller à un endroit où je ne serais pas en danger. Il l’avait appelé La Colonie des Sangs Mêlés.

Devant un grand portail, j’embrassais mon père –pour la dernière fois ?- et passais de l’autre coté… Vers un nouveau monde, une nouvelle famille.