Il n'avait décidément pas touché une manette depuis super longtemps et c'était… étrange. Cette journée, il avait l'impression de la voir se dérouler comme s'il s'était agit d'un rêve : à la fois quelque chose de super chouette (bien qu'il ne puisse pas s'empêcher de râler) mais d'aussi assez irréaliste. Lui, Tristan Emmanuel Langley, était assis au beau milieu 'une convention de jeux vidéos et s'éclater en coopération avec un nouveau venu d'au moins une quarantaine d'années. Du délire, non ? Sans qu'il sache comment, son personnage se jeta à plat ventre sur le sol et exécuta une magnifique roulade qui s'acheva par une épée qui pourfendait un adversaire qui avait eu le malheur de passer par là à cet instant précis. « Waouh, ce jeu est génial ! » Il le pensait. Tristan avait eu beau se faire latter à de multples reprises pendant une demi-heure par le précédent joueur, il s'extasiait devant ce qu'un tas de pixel arrivait à faire. Même pour esquiver une hydre, lui-même n'aurait pas étét capable d'un tel enchaînement… Peut-être juste se jeter au sol et s'écorcher les genoux en passant ? « Waouh, tu maîtrises ! » Il disait ça comme ça, en le pensant, tout en méditant sur les paroles « vieux jeu » de son voisin. Lui n'avait ni l'argent ni le temps actuellement, trop occupé à fuir, fuir, fuir. Il aurait bien pu être un personnage de jeu vidéo, Tristan, en fait… Avec la possibilité de faire des combos en moins bien sûr. Et les objets et coffres au trésor apparaissaient aussi assez rarement sur son chemin. En revanche, les monstres avaient tendance à pulluler comme là tout de suite à l'écran, bon point pour l'aspect vie virtuelle ! La partie se poursuivit.

« C'est clair que New-York finit souvent en miette dans les films ! » Tristan pouffa avec sincérité (ce qui n'avait pas dû lui arriver depuis une éternité… si tant est qu'il ait déjà « pouffé » une fois dans sa vie), fit bondir son personnage pour démolir un ennemi qui s'apprêtait à prendre Marvin par derrière. « De rien ! » Il s'éloigna de nouveau, se concentra quelques secondes avant de continuer à bavasser. « Il suffit de regarder les Transformers ou Avengers pour voir la ville souffrir encore et encore ! Et puis il n'y a pas que les films qui s'acharnent dessus. » Non, il y avait les jeux vidéos, les bouquins, la vraie vie… Quant à leur partie en cours, elle progressait bien, et Tristan, dit « Ethan », reprenait ses marques petit à petit, ses doigts jouant davantage avec les boutons, son personnage effectuant des manœuvres beaucoup plus correctes. « T'inquiète, je suis pas trop loin. » Bon si, il était loin, suffisamment pour avoir un ravin entre lui et son acolyte, cependant il se doutait qu'avec une map aussi grande, les possibilités de parcourir rapidement les distances devaient exister. Trois minutes plus tard, il galopait à toute allure en direction de Marvin. « Me voilà, je te couvre si besoin mais mieux vaut éviter de trop s'aglutiner au même endroit, les autres vont tous se rassembler et on devra faire face à quinze fois plus d'adversaires. »

La bataille finale pour ce niveau démarrait sur les chapeaux de roue, Tristan balançant ses armes à droite à gauche du haut de son cheval, quand quelqu'un s'installa juste à côté de lui, assez loin pour n'intriguer personne mais suffisamment près pour le mettre mal à l'aise. De toute évidence, vu la robe qu'il voyait dépasser, il s'agissait d'une femme, et elle concentrait son attention sur leur partie en cours. Il se serait légèrement décalé vers Marvin si elle n'avait pas posé une main possessive sur sa cuisse, lui plantant les ongles dans la peau. Des ongles pointus et assez douloureux. « Oui, c'est fou ce que New-York peut être dangereux... » Son coeur battait plus vite devant cette main aux ongles aiguisés mais il n'osa ni se tourner vers la nana ni partir en courant. Parler à Marvin lui semblait être une excellente alternative. « Coucou, mon choux… Tu sens bon. » Et là, il n'avait plus qu'à mourir de terreur sur place. Son personnage tomba de cheval et rampa dans la boue tandis qu'il esquissait un léger glissement de fesses vers son acolyte sur le banc, espérant mettre quelques centimètres entre lui et la chose qui lui griffait assidument la jambe. Dire que la journée semblait presque bien partie, sans risque de mort ou de blessure suffisamment grave pouvant entraîner un décés prématuré…

Loïs pleurait, et lui tentait le tout pour le tout pour ne pas l'imiter. Il était l'homme ici, celui qui devait se montrer fort et être comme un roc pour sa camarade : invincible, protecteur… fort. Bon, jusque là, ça avait été un cuisant échec. Tristan la serra maladroitement contre lui et la relâcha aussi vite, brusquement mal à l'aise. Il acheva d'arracher les étiquettes des vêtements et d'ôter les antivols : il avait besoin de ses frigues pour survivre, ça valait bien quelques dollars de perdus pour cette boutique qui, de toute façon, était perdue au milieu de nul part. Et puis au point où il en était, personne ne se formaliserait d'une telle action. « Tu es changée, c'est parfait. Viens, on devrait retourner dans le bus avant qu'il ne parte sans nous. » Il compatissait à son malheur, vraiment ! D'autant qu'il en était le principal fautif…

Il savait que Loïs était comme elle l'était, parfois molle, parfois trop molle même, un poil in supportable à d'autres moments. Lui n'était pas beaucoup mieux avec son caractère taciturne et sa mauvaise humeur régulière. Ils formaient un duo dépareillé, qui n'était pas fait pour s'entendre… Et pourtant. Tristan entraîna sa camarade vers le bus, l'aida à grimper les marches et la poussa vers le fond, là où personne ne leur prêterait attention… quoi qu'il arrive. « Je ne sais pas comment faire, Loïs, vraiment... » Il était désespéré, il n'avait jamais voulu lui faire le moindre mal, même énervé, mais ça avait fini par arriver. Il était tellement incapable de se concentrer, que ça soit lui, ses humeurs ou ses pouvoirs… Et franchement, ça l'effrayait un peu. « À New-York, il va falloir qu'on arrive à se fondre dans la masse. Qu'on se trouve de nouvelles identités solides, un endroit où se loger – pas ensemble, ça serait trop flagrant – et un travail. Qu'on devienne vraiment invisible quoi. » Petit à petit, il était devenu Ethan, un garçon un peu geek, habillé en jean-sweat-basket. Avec de fausses lunettes, il passerait parfaitement inaperçu dans son rôle et pourrait sans trop de soucis se retrouver un travail. Tout en parlant, il lui frictionnait le bras, cherchant une étincelle de pouvoir pour l'aider éventuellement en sens inverse. Au moins le sang se remettait-il légèrement à circuler… ? « Peu importe les boulots, juste de quoi gagner un peu d'argent et arrêter de dépendre de mauvais coups. »

Le bras finit bien par se réchauffer petit à petit, durant les longues heures de trajet entre San Francisco et New-York, et Tristan continua de lui parler, dans un vague espoir de se faire pardonner, et parce qu'il voulait qu'ils fassent les choses bien en arrivant dans leur ville. Et bien sûr, il s'engagea à ne plus la congeler, bien que ce soit des paroles un peu rapide : promettre de contrôler ses pouvoirs quand on ne les contrôlait absolument pas dans la réalité, c'était un peu simple… Mais il le fallait bien, pour conserver sa seule relation amicale.

C'était presque impossible de mentir à un menteur, puis Jude était sincèrement nulle pour cacher ce qu'elle ressentait. Même si elle essayait, ça se lisait sur son visage. Et ce n'était pas pour me vanter mais le Jude était une langue que je maîtrisais parfaitement bien... Et pas qu'au sens figuré... Oh ! mais à quoi je pensais là ?