Bizarrement, qu'Azazel Victoria s'amuse avec ses pouvoirs magiques à ses dépends l'attrista. Et l'agaça. Du temps où il vivait encore à la Colonie, Tristan avait eu un semblant d'affection pour lui, si ce n'était de l'intérêt. Un gars solitaire et esseulé, jugé étrange par ses camarades, ça ne pouvait que lui parler, bien qu'ils ne soient absolument pas dans le même cas de figure. Et aujourd'hui… ils s'opposaient. Et lui se la jouait mélodramatique en pensée : bref, tout allait de travers. (Histoire de changer du quotidien…) Et il ne pouvait plus que parler, puisque c'était à peu près la seule arme qui lui restait. Parler, parler pour embobiner son interlocuteur, ou parler jusqu'à ce que l'autre se lasse ou perde le contrôle de ses divins pouvoirs. Tristan aussi avait des pouvoirs, qu'il avait quelque peu appris à maîtriser ces derniers temps. Les questions d'Azazel le prirent au dépourvu. « Amener ici ? » C'était bien la dernière question à laquelle il s'attendait ! En tant que demi-dieu, il avait toujours songé que les mortels étaient un peu à part et l'attaque de ce groupe armé… il ne l'aurait jamais imaginé. Ils étaient tous le cul entre deux chaises, à moitié divins, à moitié mortels, mais les deux mondes ne se mélangeaient pas ! Du moins, en théorie, la pratique avait montré le contraire. « Non… Non. » Sa voix légèrement rêveuse prouvait la vérité. « En fait, j'aurais très bien pu le faire. » Là, c'était une vérité absolue : il aurait pu le faire, s'il en avait retiré un quelconque bénéfice. Tristan n'était pas pressé de mourir (une mort violente, même glorieuse, ne l'intéressait pas des masses, encore moins dans sa prime jeunesse) et s'il trouvait des solutions pour retarder l'échéance, il avait tendance à opter pour elles, quelque en soient les conséquences. « Tu sais Azazel, s'ils m'avaient trouvé avant qu'ils ne vous aient trouvé vous, je les aurais aidé. » Tristan avait le mérite d'être honnête dans ses propos, quoi que brutal. « Enfin je suppose que je n'aurais pas été le seul… La Colonie n'est pas franchement un havre de paix. » Ça non, il n'y avait jamais trouvé ni sa place ni l'impression d'être chez lui. La Colonie, c'était juste une parenthèse dans sa vie, une époque obligatoire mais dépassée. Sa vie actuelle n'était pas beaucoup mieux mais il n'y avait pas d'hypocrisie. Il n'avait pas de maison, point barre, tout le monde était au courant et personne ne le niait. « Enfin je parle pour moi, hein ! Je ne les ai pas aidé mais peut-être que d'autres l'ont fait ! » La nouvelle ne l'aurait même pas étonné, ce ne serait ni la première ni la dernière fois que dans sangs-mêlés se retournaient contre cette Colonie, home sweet home et tout le baratin ! (Il suffisait de voir la guerre contre Cronos pour en être persuadé.) « Azazel ? T'es pas en train de chialer, si ? » Tristan avait un doute subitement. « Et je ne suis pas venu dire bonjour les lèvres en cœur parce que les gens me voient comme un terroriste. » Tristan Langley, un terroriste… Il y avait de quoi mourir de rire et pourtant…

Le cœur battant, le fils de Borée regarda les flammes jouer au yoyo en rythme avec la voix d'Azazel qui s'emballait. « Franchement, j'vois pas en quoi ça te préoccupe que je me sois barré, Azazel ! » Boules de feu, douces boules de feu, arrêtez cette danse infernale, vous êtes flippantes… « Tu connais les concours de circonstances ? Ben voilà. Un truc a donné un autre truc et aujourd'hui je suis l'une des dernières personnes que l'on invitera au repas de Noël ! » Du temps où il vivait là, sa présence n'était pas forcément souhaitée de toute façon. « Et je ne vous veux pas de mal, je venais juste me renseigner. Discrètement. Pour éviter d'être ligoté dans la Grande maison ou un truc du genre, tu vois ? » Le silence retomba dans la clairière. Tristan bougea pour trouver une position plus confortable. « Azazel, ça m'arrangerait vraiment si tu ne prévenais personne. J'ai juste manqué de chance et tu connais la capacité des demi-dieux à rendre les choses encore pires quand ça tourne mal… Et tu connais aussi ma chance légendaire. Bref, les mortels ont cru voir des choses qui ont joué contre moi. Et expliquer tout ça serait… un poil trop long. Mais je te donne ma parole que je ne viens faire de mal à personne. » Il pourrait s'il le voulait, mais ce n'était pas dans son intérêt. Lui voulait juste en savoir plus sur l'attaque et voler quelques armes, rien de plus. « Et si tu me parlais de l'attaque ? Je suis venu pour ça à la base. Autant rentabiliser notre temps, hein ? » Il doutait qu'Azazel saisisse l'ironie de ses paroles et tant mieux, il ne plaisantait qu'à moitié.