☞ Isaure, maison familiale à Boston, 15 ans.
«
Vous êtes charmante, je reviendrai vers seize heures, cela vous suffit pour faire connaissance ? » «
Oui madame, aucun soucis. »
La jeune femme s’avança dans le salon, un grand sourire aux lèvres. Le garçon leva la tête, et la regarda de haut en bas. La voilà donc, l'étudiante qui allait faire remonter son niveau scolaire. La bonne blague. Elle ressemblait plus aux mannequins dans les magasines de mode qu'à une étudiante en biochimie. Il resta assit à sa table, fixant sa feuille de papier vierge.
«
Xavier, c'est ça ? » «
Isaure. Je préfère Isaure. »
Qui était le prénom de son défunt père. Moche, féminin mais il s'en fichait, c'était son hommage à lui. Monsieur Isler s'était envolé pour une de ses missions en Afrique. Et son petit avion avait eut un accident. Il avait toujours adoré son père. Il l'avait toujours trouvé génial. Et il n'était plus là. Il avait suffis d'une rafale de vents violents pour faire chuter le héro de son enfance. Il fut ramené à la réalité quand elle s'approcha de lui. Elle s'installa à ses côtés et sortit ses affaires. Trois tonnes de feuilles, de papiers colorés, de crayons et de stylo. Avec ça, il était bien parti.
«
Enchanté, je me nomme Isabelle. Tu sais pourquoi je suis là ? » «
Oui » «
Tu ne parles pas beaucoup dis donc... » «
Non » Elle lâcha un petit rire. «
Je vois. »
Non, personne ne voyait quoi que ce soit, et cette nounou était pareille que toutes les autres. Il avait quinze ans bon sang ! Pourquoi sa mère le faisait-elle encore garder à son âge ? Et en plus elle lui rajoutait des cours de maths, de sciences... Pourtant il la laissa parler, il décida de lui laisser une chance. La pauvre devait avoir besoin d'argent de poche. Il allait faire comme avec le précédent, puis la précédente, juste une chance, un tout petit cours de rien du tout. Après quoi, elle irait se lamenter qu'il était trop étrange et que son regard la dérangeait et qu'elle ne voulait plus venir lui donner de cours. Et dès qu'elle ouvrit la bouche pour lui expliquer ses exercices, il fut captivé. Captivé comme il ne l'avait jamais été. Il n’avait jamais autant aimé ça. Ce n'était pas normal, lui soufflait son esprit, mais trop tard. Sa mère avait trouvé la bonne professeur cette fois. Cette fois-ci, elle ne repartirait pas en pleurant, hurlant qu'Isaure n'était qu'on petit con. Il en redemanda, encore et encore, et elle riait, toujours en souriant. Elle savait s'y prendre. Il la demanda toutes les semaines puis deux fois, puis trois fois... Et Isabelle venait, toujours avec son rouge à lèvre pétant, ses robes toutes aussi sublimes les unes que les autres. Et Isaure apprenait.
«
Isabelle ne viendra pas ce samedi mon chéri » «
Pourquoi ? »
C'était toujours calme à la maison. Il avait beau avoir quinze ans, il n'était pas vraiment du genre bruyant. Non, la plupart du temps, il restait dans sa chambre. Il dessinait. Et il travaillait sur ses projets top secrets comme il aimait les appeler. Sa mère le regardait avec un air tendre quand il lui parlait de tout ça. Sans doute le croyait-elle dingue. Il se comportait comme un gamin. Sa mère c'était souvent demandé si son fils était un génie ou le dernier des cons.
«
Je voulais passer un peu de temps avec toi, c'est tout. » «
Mais je veux Isabelle. » «
Ne parle pas comme un enfant... Cette fille est grande, elle a une vie elle aussi, tu sais »
Il ne dit plus un mot, trop vexé. Le soir, il monta dans sa chambre et ouvrit un de ses calepins. C'était là qu’il écrivait tout ça. Les choses qu'il lisait sur le net, les choses qu'il entendait, qu'il voyait. Tout avait commencé à la mort de son père, quand il avait remarqué que l'un de ses voisines se comportait étrangement. Elle avait gelé instantanément un verre d'eau, et lui seul l'avait remarqué. Sa mère avait préférait déménager pour s'éloigner de leur ancienne vie, et il n'avait pas pu observer ce phénomène plus longtemps. Mais il était sûr de ce qu'il avait vu. Les gens spéciaux existaient, pour de vrai. Et il pouvait les voir.
☞ Isaure, maison familiale à Boston, 16 ans.
«
Écoute Isaure, je ne veux pas que tu te fasse des idées, d'accord ? » «
Sur quoi ? » «
Tu le sais très bien, aller, on se concentre, il faut que tes notes restent au même niveau »
Il haussa les épaules et reprit ses calculs, distrait. Isabelle était presque de la famille disait sa mère. Quand elle ne le faisait pas travailler, elle était en ville avec lui, elle lui vidait l'esprit. L'autre jour elle l'avait amené au cinéma, et puis encore un autre jour, à la foire. Elle l'avait gâté comme son propre fils. Sa mère était ravie de voir qu'Isaure avait enfin trouvé une amie, mais elle avait espéré quelqu'un de son lycée. Pas la fille qui lui donnait des cours.
«
Au fait, c'est pour toi. » Il lui tendit un paquet. «
Isaure, c'est adorable, mais c'est pour quoi ? » «
Ton anniversaire. C'est bien aujourd'hui ? Vingt-quatre ans c'est ça ? » «
Isaure ! Ne dis pas ça, ça me gène » «
Tu fais moins » «
Tais toi... »
Elle ouvrit le paquet et son visage rayonna quand elle vit la petite bague. Il n'avait jamais su trop quoi offrir à sa mère pour ses anniversaires, il avait toujours trouvé que les bagues, c'était sympa. Et sa mère en avait une collection maintenant. Elle la mit aussitôt, visiblement... Heureuse. Isaure aussi l'était. Elle aimait son cadeau. C'était le plus beau jour de sa vie. Il s'était longuement demandé ce qu'une fille comme elle pourrait vouloir.
«
Ne le dis pas à ma mère, d'accord ? » «
Elle est magnifique... Merci »
☞ Isaure, maison familiale à Boston, 17 ans.
«
Et tu dis qu'ils on genre, des super pouvoirs ? » «
J'en étais sûr... Tu ne me crois pas. »
Ils étaient tous les deux assis en tailleur sur le plancher de la chambre d'Isaure. Isabelle lui faisait face et regardait les carnets du jeune homme. Il s'était dit qu’il était temps qu'il lui montre ses travaux. Elle devait être comme sa mère, le prendre pour un raté, un type fan de la théorie des aliens...
«
Si, mais c'est juste que c'est... Wouah. Tu fais ça tout seul ? » «
Oui. »
Il sourit et continua à lui exposer ses théories.
«
L'an prochain, tu comptes vraiment aller t'installer à New-York ? » «
Affirmatif ! » «
Boston va pas trop de manquer ? » «
Si. »
Enfin, surtout elle. Il la regarda de longues minutes, jusqu'à que la situation en devienne gênant et qu'elle détourne le regard. Il pencha la tête sur le côté et se pencha vers elle.
«
Tu pourrais venir avec moi » «
Heu... » «
C'est comme tu veux, je suis sûr qu'on s'amuserait bien tout les deux. En plus, tu pourrais m'aider, tu sais, dans mes recherches ! » «
Non, je suis pas sûre Isaure »
☞ Isaure, New York, 18 ans.
Elle avait fini par dire oui. En réalité, c'était sa mère qui l'avait supplié. Elle s’en faisait pour son fils, seul pour sa première année d'études dans une grande ville. Et Isabelle n'avait pas cherché à négocier, finalement. Il
t'adore ! » Un peu comme un chien. Mais peu importe. Isaure était ravi. Tandis qu'elle conduisait, il lisait un de ses romans favoris. Sa vie à New York allait être génial, il le sentait. C'était une expérience nouvelle, et avec Isabelle, elle serait vraiment parfaite. La voiture s'arrêta devant une petite maison. C'était là. La maison appartenait à une vieille tante de la famille, qui l'avait gentiment légué à son neveu. Isabelle coupa le moteur et le regarda en souriant.
«
Je suis sûre que tu vas te plaire ici » Elle devait être triste, au fond, de ne pas avoir un colocataire de son âge comme tout le monde. «
Oui » Et peu bavard, en somme. Elle lui passa une main dans les cheveux. «
Hé... Ça va aller. »
Il se pencha vers elle et lui déposa un petit baiser sur les lèvres. C'était plus fort que lui, il en avait toujours rêvé, depuis la première fois. Et puis, il était étrange aussi. Il lui lança un grand sourire et sur le coup, elle du se demander pourquoi elle était montée dans cette voiture avec ce type aussi étrange. C'était une sorte de merci pour le voyage ou... ? Elle resta figée tandis qu'il sortait de la voiture, ouvrit le coffre, et sortit leurs bagages.
☞ Isaure, New York, 19 ans.
La routine avait fini par les prendre au piège. Elle ne l'avait jamais critiqué pour le baiser, elle s'était prise au jeu. Et tout avait continué, parfaitement normalement. Avec elle il était heureux. Elle était heureuse. Elle avait trouvé un travail, dans un des laboratoires médicaux de la ville, et Isaure était toujours au cœur de ses études. Parfois il se demandait comment elle faisait pour le supporter. Comment elle faisait pour rire à ses blagues, comment elle faisait pour le faire devenir une vraie pipelette. Il écrivait souvent à sa mère, pour dire que tout allait bien. Et un jour, une femme sonna chez eux. Madame Clinton était leur voisine, et elle avait besoin d'une baby-sitter.
C'était Isaure qu'elle avait choisit. Dès le lendemain, tandis qu'Isabelle était au travail, elle lui présenta sa petite fille, qui lui ressemblait franchement comme deux gouttes d'eau. Blonde, un visage rond, à la seule différence que ses yeux étaient assez... Inexpressifs. Sa frange blonde lui donnait en plus un air terriblement endormi. La petite Loïs avait six ans. Il la trouva tout de suite anormale. Elle était étrange, quasiment muette... Elle passait son temps à faire des dessins tout ce qu'il y avait de plus flippant pour une gamine de son âge. Le premier jour elle dessina un minotaure. Puis un nid de harpies. Puis des monstres marins. Elle enchaîna sur ce qui semblait être l'enfer. Et elle disait voir tout cela en rêve.
☞ Isaure, New York, 20 ans.
Cela faisait un an qu'il était le gardien officiel de la petite Clinton. Et il avait fini par comprendre ce qu'elle était. Quand elle s'introduisait dans un de ses rêves, qu'elle le contrôlait de A à Z, il finit par comprendre à quoi il avait à faire depuis le début. Pourtant elle n'était pas dangereuse, juste pas réellement consciente de ce qu'elle faisait. Isabelle l’adorait. Elle pouvait passer des heures sur le canapé à lui brosser ses longs cheveux blonds. Ce soir-là, il faisait la cuisine, et les deux filles étaient dans le salon.
«
Il est gentil Isaure ? » «
Pourquoi tu me demande ça Loïs ? » «
Il me regarde bizarrement, parfois... Et ces yeux, ils ont la couleur des huîtres » Isabelle rigola et passa une main dans les cheveux de la fillette. «
C'est un garçon adorable » «
Je vois, mais c'est qu'un gamin encore » «
Loïs ! » «
Désolé... » «
Il est différent des autres, d'accord ? » «
Je suis allée dans sa tête... » «
Ne dis pas de bêtises... » «
Il est dangereux... » «
Chuut, ma chérie, tait toi, d'accord ? »
Isaure se détourna du spectacle et replongea dans sa tarte. Cette gamine de sept ans en manquait pas d'air parfois. Elle semblait tellement avancée sur certains points et puis pour d'autre... Pour qui elle se prenait ? Gamin, lui ? Le gamin, il allait mettre une dose de trop de piment dans son dîner la prochaine fois. La mère de Loïs vint la chercher après le repas, après quoi Isaure fonça se coucher sans un mot.
«
Isaure ? » Pas de réponse, il enfonça sa tête dans son oreiller. «
Tu boudes ? Qu'est ce qui se passe ? » «
Pourquoi tu m'aimes au juste ? » Pas de réponse et le jeune homme soupira. Peut-être avait-elle peur de sa réponse ? Il n'allait pas lui faire de mal pourtant. Elle alla se coucher à ses côtés. «
C'est quoi cette question ? » «
Laisse tomber, bonne nuit. »
Elle eut beau le serrer dans ses bras, et l'embrasser à plusieurs reprises, il ne répondit pas. N'importe quel homme aurait cédé, mais pas lui. Pas quand il était dans cet état. Il allait devoir se pencher sur le cas de cette gamine. Au plus vite. Elle menaçait de rompre l'équilibre. Et il avait toujours eut besoin d'équilibre.
☞ Isaure, New York, 22 ans.
Loïs était partit, quelque part, quelque part pour les enfants comme elle. Sa mère leur avait dit qu'elle revenait pour les vacances d'été. Madame Clinton c'était longuement entretenue avec Isabelle, les larmes aux yeux, et Isaure n'avait rien pu entendre, mais ces deux là lui cachait quelque chose.
«
Elle va me manquer cette petite... » Au fond, il avait eut ce qu'il voulait, elle qui menaçait de tout briser. Mais elle lui manquait aussi. «
Isaure ? » «
Ouais ? » «
Avoir une petite fille comme ça, ça te plairait ? » «
Tu veux qu'on l'adopte ? » «
Non, Isaure, non... »
Ah oui, il voyait clairement ce qu'elle voulait. Il se demanda si fuir le canapé dans lequel ils étaient installés lui ferait comprendre le message mais resta à sa place. Elle attendait toujours une réaction de sa part, une réponse positive de préférence. Il fini par secouer la tête. Non, il faisait toujours ses études, non, un enfant c'était de trop et non, il serait un père pas terrible.
«
Ne dis pas de bêtises ! Tu seras un super père chéri...» «
Non » «
Je t'assure que si. C'est ce que j'ai toujours voulu Isaure... » «
Va te trouver un mec qui veut un môme alors, de ton âge de préférence, ils sont prêt à tout. »
Elle le regarda, outré. Isabelle n'était pas souvent en colère. Et elle lui colla une baffe, qui résonna dans toute la pièce. Elle leva la main une seconde fois, mais n'eut pas la force de répéter son geste. Elle se leva, les larmes aux yeux et la porte de leur chambre claqua avec un bruit sourd. Le garçon massa sa joue douloureuse et se roula en boule dans son canapé. «
Tu as été vilain... Méchant... Méchant Isaure... » Le lendemain, pas de bruit dans la maison, le déjeuné se passa en silence. Elle ne le regarda pas une seule fois, partit au travail rentra le soir sans rien dire et se mit devant la télévision. Et Isaure la regardait avec ses yeux de chiens battus. Il avait cherché ses mots toute la journée, il n'avait jamais été doué pour ça. Il termina tout de même par la rejoindre, les bras enroulés autour de ses jambes. Elle ne dit pas un mot, ne quittant pas l'écran des yeux. Quand il posa sa tête sur son épaule, elle soupira.
«
'solé » «
Pardon ? » «
T'as très bien entendu » «
Et je veux l'entendre encore une fois » «
Je suis désolé, pour ce que j'ai dis. Je me rendais pas compte... » «
Je le sais ça Isaure, je le sais... »
☞ Isaure, New York, 24 ans.
Il bouscula une infirmière, essoufflé, et fini par trouver sa salle. Isabelle l'attendais, assise en tailleurs sur le lit d’hôpital. Le médecin le regardait en souriant et l'invita à s'asseoir.
«
J'y crois pas, t'es en retard ! » «
Désolé... Mon patron m'a retenu un peu plus longtemps que d'habitude. » Il lui déposa un baiser sur le front «
Me dites pas que j'ai tout raté... »
Elle lui fit non de la tête, et soulagé il retira sa veste, attrapant la main d'Isabelle. Il n'arrivait pas franchement à comprendre comment ils en étaient arrivés là. Enfin, si, elle avait sortit le grand jeu, il avait craqué. Il fixa l'écran, tout comme Isabelle, tandis que le médecin leur faisait un rapide compte rendu. Il sentit son pouls s’accélérer, on ne voyait vraiment rien sur ses stupides machines...
«
Tout va très bien, le bébé se porte à merveille » «
Cool »
Le médecin le regarda de travers, sans doute étonné par le manque de... Joie dans la voix du garçon. Mais Isabelle rigola et lui tapota l'épaule. Elle, elle le comprenait. Elle savait ce qu'il ressentait vraiment. Parce qu'au fond, il avait beau ne pas le dire, il était heureux. Ils rentrèrent en fin d'après-midi, main dans la main. Elle lui fit faire le tour de la galerie marchande, et insista pour qu’il essaie toute les lunettes de soleil du magasin, ce qu'il fit en rigolant. Il aimait bien la voir heureuse comme, même s'il se rendait parfaitement idiot sur le moment, il faisait tout ça pour elle. Elle lui en acheta une paire ce jour-là. La vendeuse les regarda avec un air étrange quand Isaure essaya alors les chapeaux, mais laissa couler, pensant sans doute qu'il était encore un gamin perturbé qui devait accompagner sa sœur faire son shopping.
☞ Isaure, 24 ans et quelques mois.
Pas un bruit. Il avait l'oreille collée contre le ventre arrondi d'Isabelle depuis plus d'une heure, et celle-ci lui caressait les cheveux, les yeux fermés. Elle devait se dire qu'il était vraiment, vraiment étrange. Ce n'était pas à trois mois qu'il allait entendre quoi que se soit. Il fallait dire qu'il avait toujours l'air d'un gamin dans ses gestes, son attitude au quotidien. Et elle le laissait faire, sans doute parce qu'elle aimait bien tout cela.
«
Je suis sûr que c'est une fille » «
Tu voudras qu'on demande au prochain rendez vous ? » «
Non... Je souhaite avoir la surprise. Mais je mise sur une fille. »
Il ferma les yeux et se laissa emporté dans ses habituelles rêveries. Il avait tout laissé tombé pour elle, depuis des années. Depuis que Loïs était parti, il s'était détourné de sa quête des demi-dieux. Il avait fait ça pour elle. Parce qu'elle ne supportait plus le voir ainsi, totalement obsédé par toutes ses choses étranges.
☞ Un mois plus tard
Il devait repasser chez lui avant d'aller à l’hôpital. Isabelle s'était blessée à la cheville, il devait donc la conduire pour aujourd'hui. Il avait beau lui dire que bosser alors que sa grossesse l'épuisait n'était pas une bonne idée, elle ne l'écoutait pas. Lorsqu'il franchit le seuil de sa maison, il sentit tout de suite que quelque chose n'allait pas. Et puis il y avait cette odeur, forte, présente dans l'entrée. Celle qui annonçait une chose horrible. Du sang. Toute cette couleur. Il pensa au pire aussitôt et se précipita dans la cuisine, leur chambre et pour finir le salon. Et c'est là qu'il la trouva, allongé au sol, dans une mare de sang. Elle avait des balafres partout, le visage, le ventre. Et ce sang, il y en avait trop, beaucoup trop. Sur les meubles, le canapé... Il y avait un arc et des flèches éparpillées un peu partout autour d'elle, il se souvint alors que c'était une de ses passions. Il se jeta sur elle et essaya de la relever. Il pouvait encore voir son ventre se soulever, lentement.
«
Isaure... » Elle lui prit la main, les yeux baignés de larmes. Il avait composé le numéro des urgences. «
Je suis là, tu vas... » «
Non » Pour une fois, c'était à elle d'être négative. «
Chut, tait toi, d'accord ? » «
Ils m'ont retrouvé Isaure... J'aurais... J'aurais dû tout te dire depuis le début. » «
Les pompiers seront bientôt là, d'accord ? » «
Tu sais ce que je suis depuis le début, tu l'as sentis dès que j'ai mis les pieds chez toi. Tu le savais, et tu as fermé les yeux... Tu t'es jamais demandé pourquoi je ne t'ai jamais parlé de ma mère ?» Il s'écarta quelques instants. Pas elle, pas sous son nez depuis des années... Il sentit sol se dérober sous ses pieds. Mensonges, elle l'avait embobiné. Elle l'avait ensorcelé, ou un truc du genre. Elle avait lu dans son regard. Elle savait ce qu'il pensait d'elle maintenant. «
Isa... » «
Je t'aime, ne l'oublie jamais.» «
Je... » Trop tard.
Il trouva son journal, quand il rangea ses affaires. Il n'eut pas le courage de tout lire. Les premières pages lui suffirent. Elle avait commencé son journal quand elle avait su ce qu'elle était. Une enfant d'Aphrodite. Sérieusement ? Plus original, tu meurs. Il comprenait mieux maintenant pourquoi les hommes la regardaient toujours dans la rue. Et pourquoi même crevée, pas maquillé et les cheveux en pagaille elle restait belle. Elle parlait ensuite d'une colonie. De d'autres enfants comme elle. Une véritable colonie. Et Isaure comprit alors que depuis le début, elle croyait à ses histoires. Il lut ensuite ce qu'elle pensait de lui le jour de leur première rencontre. Comment elle l'avait trouvé agaçant. Puis finalement adorable. Puis qu'elle l'avait considérait comme un frère, puis un fils, et enfin, comme ce qu’il était aujourd’hui. Elle conciliait même dans son journal les phrases les plus étranges qu'Isaure lui disait. Et le nombre de barbe à papa qu'il avait pu manger dans toute sa vie. Il esquissa un sourire. Isabelle était un peu étrange quand même. Un peu comme lui. Cette fois-ci, il ne se retint pas, et des larmes roulèrent sur ses joues en abondance.
☞ Isaure, New York, 25 ans.
Il l'enterra-t-il, et son bébé à naître, le jour de son anniversaire. Il aurait pu choisir n'importe quelle date, mais il avait choisi celle-ci en particulier. Il était allongé à côté de sa tombe, les yeux fermés. Il chantait, cette chanson qu'elle avait toujours aimée, il souriait au ciel. Elle devait le voir de là-haut. Sa belle femme fille d'Aphrodite. Il pensait à elle chaque jour. Il avait nettoyé lui-même leur maison, leurs meubles. Il portait à son cou la bague qu'il lui avait offerte, gamin. Il avait encadré une photo d’eux à la plage, et une de l'échographie. Ils les avaient posés sur sa table de chevet. La maison était vide sans elle. Il avait repris ses armes, il les avait rangés avec toutes ses affaires. Une salle entière lui était consacrée. Sa mère avait appelé, inquiète. elle avait comprit que c'était peine perdu de faire revenir son fils à Boston. Il ne reviendrait pas. Il resterait auprès de sa femme (il l'avait toujours considéré comme tel, même n'étant pas marié). Elle se faisait du soucis, elle se disait que cela n'allait pas arranger son fils. Il avait fait un dernier petit tour dans la maison après ça. Il avait même retrouvé la toute première photo d'eux, celle où elle lui avait offert sa première barbe à papa. Sa mère n'avait jamais voulu elle, à cause des caries, mais Isabelle avait été plutôt cool. Et elle avait demandé à un touriste français de les photographier. Ils souriaient. Et il sourit, parce qu’il se rappela qu'à ce moment, là, ils n'avaient aucune idée de ce que le futur leur réservait.
☞ Isaure, 25 ans et 6 mois.
La lettre était arrivée ce matin, tôt. Au début il s'était demandé qui ne mettait pas son nom, ni d'adresse, ni rien et surtout, qui pouvait bien lui écrire à lui, pauvre type que tout le monde prenait pour un cinglé depuis qu'il disait à qui voulait bien l'entendre que sa compagne avait été tué par des monstres. Ses recherches n'avaient rien donné. Il publiait un blog sur le net, qui lui servait de défouloir, parfois quelques fous lui répondaient. On avait voulu l'interner, mais sa mère avait contesté. Alors qui lui écrivait ?
«
Cher Isaure, ça va faire un bail. Je ne sais même pas si tu te souviens de moi en réalité. Loïs. Je suis Loïs Clinton. Tu sais, la voisine. Oh, tu as sûrement dû me voir aux informations, on m'accuse de choses délirantes. Je suis innocente, tu sais que je ne ferais du mal à personne, sauf pour me défendre moi, ou ceux que j'aime. Je ne suis plus dans mon pensionnant. Enfin, pensionnat, tu as toujours su qu'il n'en était pas vraiment un. Je suis devenue une vraie nomade. Ne dis pas à ma mère que je t'ai envoyé cette lettre, je suis avec un ami, je suis en sécurité avec lui et je ne veux pas qu'elle s’inquiète. Tristan veille sur moi. Tu dois te demander pourquoi je prends la peine de rédiger ce mail seulement maintenant, après des années d'absence. Je crois que tu as toujours su pour moi, et même Isabelle. Ce n'était pas pour rien qu'on était si proche, j'avais l'impression d'avoir trouvé une sœur en elle. Je ne sais pas comment tu as fait, mais certaines personnes peuvent venir te poser des questions. Isabelle t'as sûrement dis que tu pouvais me faire confiance, c'est le cas. Elle m'a récemment dit qu'elle ne se sentait plus en sécurité. J'ai appris pour ce qui lui était arrivé, je suis désolée. Il va falloir que je te laisse, mais si tu veux des renseignements, tu sais où poster une lettre et à quel adresse. »
Elle. La blondinette soporifique. Il rangea la lettre précieusement. Oh, c'était la deuxième fois qu'il recevait un message dans le genre. Et le dernier disait : «
Monsieur Ilser. Vos travaux nous intéressent. Nous vu et écouté quelques-unes de vos interviews, qui datent de quelques années maintenant. Nous sommes intéressés par vos services. Renvoyez nous un mail pour plus d'informations » Et il avait déjà fait son choix.
☞ Isaure, DLCEM.
«
J'y crois pas, on les a eu ! » Il faisait partis de ceux qui étaient resté sur les fauteuil pendant l'attaque, les bras croisés. Massacre était le mot parfait pour décrire ce qu'ils avaient tous fait. Agent de terrain, Agent double ou simple Agent du Bureau. Les enfants avaient été massacré. Isaure jeta sa poche de bonbon et se concentra de nouveau sur son nouveau livre de poche. Qu'aurait pensé Isa de tout ça ? Peut-importe. Ils avaient eu ce qu'il méritait. Il savait que c'était ce monde là qui lui avait pris Isabelle. Demi-dieu ou monstre, peut importe, c'était de leur faute. «
Tu rentres pas chez toi ce soir Isaure ? » Une des agents de terrains été rentré dans son bureau, un grand sourire sur les lèvres. Il n'arrivait jamais à se souvenir de son nom. Il commençait par un M, pour pour la suite, mystère. «
Non, je vais rester là encore un peu... » Elle haussa les épaules et quitta la pièce en souriant. Évidement, madame elle, avait été sur le terrain.