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Tout ça l’obsédait, dès que la jeune femme fermait les yeux, elle voyait le visage de son ami. Le seul visage qu’elle espérait retrouver depuis si longtemps mais en même temps, il la dégoutait. Il était l’unique personne en qui elle avait confiance. Il était unique et ce type, cet enfant de dieu avait tout gâché. Il avait brisé la vie et la volonté de sa mère. Jamais elle ne pourrait lui pardonner. Alors, elle tournait en rond, cigarette aux bords des lèvres, fumée s’évaporant doucement suivant son sillage comme un nuage bougeant au gré du vent. Elle finit par ouvrir la porte de son bureau à la volée, laissant l’air frais et non pollué s’engouffrer dans la pièce carrée et encombrée. Vêtue d’une chemise blanche écrue et d’une jupe crayon noire, elle avançait, sure d’elle dans ses escarpins d’une dizaine de centimètres de hauteurs. Elle marchait d’un bon pas, le visage droit et les cheveux attachés en un chignon parfait. C’était une belle femme, une femme de fer, une beauté gravé dans le marbre de sa peau d’albâtre.
Elle devait savoir où cet homme était. Une seule personne était assez digne de confiance à ses yeux pour l’aider. Une personne qui craindrait essentiellement ses menaces et qui serait assez malléable pour laisser sa poigne de fer opérer. Les personnes présentes derrières divers bureaux levèrent le nez pour observer un instant Autumn s’avancer rapidement mais un unique regard vers eux les faisaient immédiatement retourner à leurs occupations. Cela arrachait toujours un sourire en coin à la belle dame de terrain. Lorsqu’elle fut assez prêt du bureau de Marvin, la brune calma son pas et se fit plus discrète, plus féline. Elle franchit les derniers mètres qui la séparait du jeune homme et posa sa main blanche et ferme sur l’épaule de ce dernier, un air très sérieux sur ce visage très souvent vidé de toutes expressions. « Monsieur Knight. Encore à jouer à vos jeux vidéos ? » Autumn aimait le taquiner, cet agent de liaison pourtant très compétant. Cela dit, elle ne lui avouerait jamais ce qu’elle pensait de lui. Mais parfois, elle se surprenait à le protéger auprès des supérieurs hiérarchiques lorsqu’il faisait une boulette. « Vu votre occupation actuelle, je suppose que vous avez quelques minutes à m’accorder ? »
La tueuse prit la chaise du bureau vide d’à côté et elle s’installa auprès de Marvin, croisant ses jambes qui semblaient être interminables pour qui savait apprécier. Elle savait l’effet qu’elle pouvait procurer mais là, ce n’était que le cadet de ses soucis. Elle avait besoin de l’aide de cet informaticien de génie pour trouver quelqu’un. Pour le retrouver lui. Autumn soupira légèrement en jetant sa cigarette encore allumée dans la tasse de café de son interlocuteur avant de le regarder dans les yeux, le détaillant plus que nécessaire. Intérieurement, elle pesait encore le pour et le contre. Devait-elle réellement impliquer cet homme dans une partie de sa vie ? Mais ce visage enfantin, ce sourire mutin, Haytham l’obsédait encore tellement. Il n’était jamais réellement partie de son chemin, de sa tête. Elle devait le retrouver. La traque était sa spécialité après tout. Mais là ce serait en sous-marin. Cependant, elle ne pouvait réussir seule et elle le savait. Alors, c’était le bon choix. En tout cas, elle l’espérait.
Marvin était dans sa bulle, plongé dans un monde rempli de zéro et un. Il ne brisait sa concentration que pour prendre de temps en temps une gorgée de café salvatrice lorsqu'il sentait son attention sur l'écran faiblir. Dans ces moments-là, on pouvait crier son nom qu'il ne réagirait pas. La solution était d'entrer dans ce qu'il appelait sa zone de confort ou de lui lancer une boule de papier de loin.
Entre deux dossiers, il switchait sur un certain onglet... Oui, il jouait aux jeux vidéos sur son lieu de travail. Une partie de temps en temps lorsqu'il bloquait sur une recherche. Çà le détendait et, quand on lui posait une question sur ce sujet, il prétextait que c'était aussi pour s'entraîner. Le pire, c'est qu'il croyait à cette excuse. Marvin n'avait jamais tenu une arme plus de deux secondes. Lors des tests de tir pour passer agent de terrain, on lui laissait le temps de faire un tir puis on lui enlevait l'arme des mains, alors que tous les autres candidats avaient le droit à plusieurs essais ! Parfois, on l'écartait carrément de cette phase du test sous prétexte que ce n'était pas nécessaire. Pareil lorsqu'il rendait visite au département scientifique parce qu'un dossier caché sur le serveur avait indiqué qu'une nouvelle arme venait d'être finie. Un énorme 'noooon' était crier unanimement lorsqu'il ne faisait que frôler un des nouveaux gadgets et on lui retirait l'objet avec autant de précaution qu'à un enfant qui aurait mis la main sur le bouton rouge commandant les charges nucléaires du pays.
Donc, il ne lui restait plus que les FPS. Marvin était en plein milieu d'une partie lorsqu'une main se referma sur son épaule. La surprise fit mouche. Il se mordit la lèvre pour ne pas hurler mais ne put réprimer son sursaut. Une main pianotait frénétiquement sur la touche 'Escap' du clavier tandis que l'autre agrippa sa souris pour fermer la fenêtre du jeu. Puis seulement, alors que son rythme cardiaque peinait à reprendre un rythme normal, il se tourna vers le regard sérieux de l'agent Lond.
« Monsieur Knight. Encore à jouer à vos jeux vidéos ? »
"Aaaah, Mademoiselle Lond, bonjour." Arriva-t-il à articuler avec son sourire crispé mais joyeux comme c'était toujours le cas lorsqu'un agent de terrain lui parlait. Ou bonsoir ? L'informaticien ignorait l'heure qu'il était, une autre conséquence lorsqu'il était plongé dans son travail. Il enchaîna pour se donner bonne conscience. "Vous saviez que l'armée américaine avait modifié certaines de ces armes pour que leurs maniements ressemble aux boutons d'une manette de X-Box ? C'est pour augmenter la prise en main instinctive." Avec un regard coupable, il baissa les yeux sur son clavier. "Enfin, ma remarque n'est pas pertinente puisque j'ai un clavier et pas une X-Box mais..." Il retrouva son sourire naïf. "C'est plutôt dingue, non ?"
Il était quasiment sûr que ce qu'il était en train de dire n'intéresserait pas Autumn, pourtant, il n'avait pu empêcher de se justifier. Être pris en faute par quelqu'un qu'on admirait (et Marvin éprouvait une admiration quasi-religieuse pour les héros qui allaient affronter les dangers du monde mythologique sur le terrain), c'était un peu la honte. Son devoir était d'au moins lancer une tentative pour laver un peu son honneur.
« Vu votre occupation actuelle, je suppose que vous avez quelques minutes à m’accorder ? »
C'est là qu'il se produisit un miracle : Marvin était soudainement devenu muet tandis que son cerveau repassait mentalement la question d'Autumn comme s'il doutait que ces oreilles aient bien entendu.
"Oui, bien sûr." Dit-il, encore sous le coup de la surprise.
Marvin avait bien du mal à cacher son admiration tandis que l'agent de terrain prit une chaise pour s'installer près de lui en croisant ses jambes. Cette femme était la classe incarnée, dans la moindre de ces actions. Même lorsqu'elle soupirait. La cigarette encore allumée de l'agent Long se dirigea vers sa tasse de café encore à moitié pleine. Marvin ouvrit la bouche pour tenter d'émettre une protestation, mais referma son clapet bien vite lorsque le geste fut fait sans la moindre hésitation.
"Que puis-je faire pour vous aider ?" Formula-t-il à la place.
Le regard d'Autumn semblait l'analyser des pieds à la tête, ce qui commençait à rendre Marvin quelque peu nerveux. En se mordant la lèvre, il chercha à rompre le contact visuel en fouillant dans la pile de dossiers qui trônait à côté de son écran avec une certaine frénésie.
"Je ne crois pas avoir... euh... un ordre de mission pour vous."
Il ne voyait pas pour quelle autre raison Autumn serait venu le trouver. Distribuer les ordres de mission ou recevoir les rapports étaient les seuls moments où il était en contact avec les agents de terrains et les agents doubles. Même si l'agent Lond et lui étaient entrer au DLCEM plus ou moins en même temps, ils venaient de deux mondes différents.
Un sursaut mais pas un cris. Cela arracha un sourire malicieux à la chasseuse. Au moins, il savait retenir ce genre de couinement qui achevaient de rendre disgracieux même le plus classe des hommes. Ses yeux d’un bleu azure l’observait, le détaillait toujours à mesure qu’il se justifiait. C’était intéressant. Quelque chose lui disait que jouer pendant ses heures de travail n’était pas spécialement autorisé même pour le plus grand informaticien et fouineur du DCLEM. Et puis, il fallait bien avouer qu’Autumn n’avait strictement aucune idée de ce qu’était une X-Box, ce n’était pas son domaine, elle préférait tirer à balle réelle. La belle cala son dos contre le dossier de cuir qui craqua légèrement avant d’ajuster une mèche blonde derrière son oreille, attendant patiemment que Marvin ait finit son speatch. Même si la belle était souvent impatiente – et tout le monde le savait – là elle se contentait de rester calme, elle avait besoin d’aide et la belle ne comptait pas l’oublier.
Cependant l’expression de pure surprise qui se posa sur le visage blanc de Marvin eut pour effet de la faire sourire franchement, amusée. Elle entrelaça ses doigts sur son genou avant de tapoter légèrement sa peau fine et d’une douceur de pêche. « Il ne s’agit pas d’une mission mais d’une demande privée. Entre personnes de confiances. Du moins, j’espère que c’est le cas pour vous également. » Il fallait mettre les bases de cet entretien informel. Aucune information ne devait fuiter à la hiérarchie sinon l’objet de sa recherche risquait d’avoir un mandat telle une épée de Damoclès sur sa tête. Elle devait faire très attention mais sa mère perdait son esprit un peu plus chaque jour, elle ne reconnaissait même plus Autumn. Non pas qu’elle eut oublié sa fille mais elle ne cessait de répéter que celle-ci viendrait la voir demain, que c’était une magnifique petite fille de sept ans et qui allait se marier avec Haytham. Cela ne cessait de briser le cœur de la pauvre ex-militaire. Jamais cet avenir ne serait réalisable mais elle n’avait pas le cœur de le dire à cette femme qui avait tout donné pour elle. C’était comme une vieille rengaine qui pourrissait l’esprit.
La jeune femme d’une trentaine d’années fixa encore un instant son acolyte avant de soupirer et de se résigner, elle n’avait pas le choix. C’était la meilleure solution. Ce n’était pas ce qu’on se disait toujours lorsqu’on tentait de se persuader de quelque chose ? Mieux valait ne pas y penser. « J’aimerais que vous fassiez une recherche complète sur une personne, un demi-dieu. Son père est Mars je crois. Il s’appelle Haytham Cassidy. » Il ne fallait pas trop en dire, pas encore. Ce Marvin semblait être une personne très difficile à cerner mais il était le plus doué. La jeune femme joua avec une mèche de ses cheveux bruns en fixant son interlocuteur, cherchant à savoir par avance quelle serait la réponse qu’il lui donnerait. Il fallait qu’il accepte. Elle devait le retrouver, il en allait de la santé de sa mère, de l’être le plus cher qui lui restait sur cette foutue terre. Ou presque. Haytham… Pourquoi n’arrivait-elle pas à le détester de toute son âme ? Pourquoi fallait-il qu’une partie d’elle-même soit encore tant amoureuse de lui ? Pourquoi était-elle si bête ?
Imaginez quelqu'un que vous admirez. Ou plutôt, dont vous admirez le travail de ce quelqu'un (par conséquent, vous l'admirez aussi par effet domino). Vous avez vu le moindre de ces exploits, lus avec attention tous les dossiers de missions qui la concernaient. Dans les bons jours, vous échangez deux lignes de dialogues, toujours dans le contexte du travail. Le reste du temps, vous vous croisez. Et là, non seulement cette personne rentre dans votre bureau pour VOUS parler (spécifiquement à vous, désolé d'insister sur ce détail) mais en plus, elle vous demande un service, tout en semblant vous analysez des pieds à la tête avec son magnifique regard et sa classe naturelle. Maintenant, vous avez une idée plus précise de l'état d'esprit de Marvin Knight.
L'informaticien devait se faire violence pour ne pas lâcher un 'whouaw' a chaque geste de la belle agent de terrain. C'est sans aucun doute cette admiration sans faille à peine dissimulée qu'il ne brocha pas lorsque la cigarette fut écrasée dans sa tasse de café. Devant autant de badasserie, le commun des mortels devaient se taire
« Il ne s’agit pas d’une mission mais d’une demande privée. Entre personnes de confiances. Du moins, j’espère que c’est le cas pour vous également. »
Une demande privée ? Avait-il bien entendu ? La grande Autumn Lond était venue dans son bureau, alors qu'il n'avait aucun ordre de mission pour elle, pour lui demander un service ? Genre mission top-secrète (et pour une organisation qui était déjà top-secrète, cela plaça la barre très haute) ou encore (il n'osait l'imaginer) service personnelle ? Sur le coup, Marvin fut tout juste capable d'acquiescer pour confirmer qu'il était bien une personne de confiance. Si jamais il devait ouvrir la bouche pour répondre, il était quasiment certain de rompre la magie de l'instant, car AB-SO-LU-MENT rien de constructif ne pourrait franchir ses lèvres dans l'état où il était.
« J’aimerais que vous fassiez une recherche complète sur une personne, un demi-dieu. Son père est Mars je crois. Il s’appelle Haytham Cassidy. »
Marvin brisa son vœu de silence pour émettre un sifflement admiratif. Un Romain. Fils du dieu de la guerre. Ce cocktail-là donnait toujours des teignes. Enfin... D'après les rapports. L'informaticien ne pouvait pas vraiment baser cette conclusion sur l'expérience sur le terrain. À son plus grand désarroi.
"Vous permettez... euh... juste une petite seconde ?" Finit-il par demander timidement.
Ensuite, il tourne sa chaise pour que son réflexe idiot ne soit pas vu par l'agent de terrain (du moins, l'espérait-il), remontât une manche de sa chemise et fît la chose qu'il avait voulu faire depuis qu'Autumn avait prononcé les mots 'demande privée' : se pincer pour voir s'il ne s'était pas endormi sur son clavier et que toute cette conversation surréaliste n'était qu'un rêve. Non, il était bien réveillé. C'était vraiment génial !
Cet petit détail réglé, il retourna sa chaise vers Autumn en affichant un grand sourire. Son objectif : ne pas tout faire rater, ne pas faire ou dire quelque chose qui ferait regretter sa décision à son interlocutrice ou, pire encore, qu'elle change d'avis et n'aille chercher de l'aide ailleurs. Son esprit curieux formulait déjà mille questions, comme toujours quand il allait se lancer dans un travail d'une telle ampleur. En temps normal, il les aurait lâchés sans se soucier de ce que pourrait en penser son interlocuteur. Mais, dans ce cas précis, l'interlocutrice en question s'appelait Autumn Lond.
"D'accord." Il marqua une hésitation en se mordant sa lèvre inférieure, juste le temps de faire un tri mental dans le flot de questions. Il les posa avec une certaine lenteur, comme s'il voulait en juger la pertinence d'après les réactions de l'agent de terrain et qu'il se tenait prêt à interrompre ces interrogations au moindre signe désapprobateur. "J'ai le droit de poser des questions ? Ou de prendre des notes ? Vous avez un début de piste hormis son nom ? Un indice sur ces aptitudes ?" Marvin devint pensif avant de poursuivre, retrouvant un rythme plus rapide dans ces paroles, à croire qu'il réfléchissait à voix haute. "Quoi que... Je peux très bien commencer les recherches avec seulement le nom, cela ne me pose pas de problème." Affirma-t-il avec assurance avant de faire une légère moue trahissant une réflexion intérieur. "Maaaaais, c'est comme pour assembler un puzzle, si vous me donnez une pièce qui fait le coin, je l'assemblerais beaucoup plus vite."
Mon dieu, venait-il de comparer la recherche d'un demi-dieu guerrier avec la construction d'un puzzle devant la grande Autumn Lond ? Par pitié, que quelqu'un l'achève avant qu'il ne meure de honte !
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