« Et la gagnante est... Santana Wilson ! » La main de la petite fille retomba et son immense sourire se figea avant de se transformer en grimace. La fille qu'elle aimait le moins de toute son école venait de remporter le concours du meilleure déguisement junior de Hoboken. Elle qui avait travaillé son déguisement de princesse soleil toute seule, pendant des jours et des jours ! Évidement le jury avait favorisé une future mini miss habillé en mini mariée, maquillé comme une maman et qui leur avait fait un super numéro de chant. Personne ne voulait d'une gamine au déguisement de soleil, plein de couleur et de vie. Jean jeta un regard désolé à son père qui lui fit signe que sa place n'était pas si mal. Dernière. Son papa voulait juste être gentil. Les larmes lui montèrent aux yeux quand Santana lui agita son trophée sous le nez. « Vous pouvez féliciter votre amie, elle le mérite ! » Et elle voyait sa mère qui se trémoussait sous la scène. Sa mère à elle, elle était partie il y a belle lurette. Laissant son père seul avec une gamine aux rêves trop grands qui voulait toujours tout explorer. Ce fut plus fort qu'elle, alors qu'elle s’avança pour lui serrer la main Jean la repoussa en arrière, éclatant en sanglot. Ce n'était pas juste. Le déguisement, c'était Madame Wilson qui l'avait fait. Pas sa fille. Et c'était de la triche. En plus, son maquillage était moche. Avec stupeur, la petite tomba de la scène. Sa mère horrifiée se jeta sur sa fille, mais les gens présents constatèrent que tous les froufrous avaient amorti la chute. Pourtant, tout le monde regardait Jean comme si soudain, elle était la gagnante du concours. Son père était resté bouche bée, en retrait entouré de toutes ces mamans affolées. Quand Santana se redressa et poussa un hurlement, Jean se contenta de plisser des yeux. Santana était devenue violette de la tête aux pieds.

« On s'en va Jean, d'accord ? » « Mais j'ai pas fais exprès papa, je te jure je... »  « Je sais ma chérie je sais mais... Elle va bien, sa peau est de nouveau normale mais je voudrais pas que les gens se posent des questions, d'accord ? » son père avait rempli sa valise jaune poussin de tous les habits et autres jouets qui pouvait y rentrer. « Je crois qu'il est temps pour toi de visiter l'école dont je te parlais... » « Mais papa, la rentrée c'est dans deux jours ! » Il baissa les yeux et la prit dans ses bras. Dix minutes plus tard, sur la banquette arrière de la petite voiture de son père, Jean l’assommait de questions. « Je veux pas y aller. » Il ne l'écoutait pas. Il avait les yeux rivés sur la route. « Papa... » « Écoute ma Jean, je peux plus faire semblant, d'accord ? L'autre jour, tu as fais ça avec mamie, mais heureusement, elle a tout oublié mais... je veux pas que les gens s'inquiète et te fasse du mal parce que tu es étrange. » « Je suis malade ? » Il soupira. « Non Jean, juste différente. »

La colonie des Sang-mêlés. C'était la sa véritable place. Son père lui avait tout expliqué durant le trajet. Au début elle avait cru que c'était une de ces histoires, qu'il lui racontait avant qu'elle aille dormir. Mais non. Quand elle arriva devant le portail et qu'il lui fit ses adieux, elle comprit qu'il était très sérieux. « On se verra durant l'été ma chérie... » Ou pas. Ou bien ils s'enverraient des lettres. Le soir même elle s'isola sur un banc, loin de l'agitation du banquet. Les yeux rivés sur ses baskets rose, Jean se sentait bien seule. Une fille un peu plus âgée qu'elle (elle devait avoir treize ou quatorze ans) vint s'asseoir près d'elle. Elle lui passa une main sur les épaules. « Tu es nouvelle ici ? Une pitchoune comme toi ? » Jean leva les yeux vers elle. Une pitchoune ? C'est vrai qu'en regardant autour d'elle, elle voyait peu d'enfant de son âge. Elle ne répondit pas, se contentant de contenir ses larmes et de regarder ailleurs. Elle ne voulait pas de cette colonie. « Comment tu t’appelles ? Moi c'est Billy. Fille de Déméter. » « Jean, fille de... je sais pas... » Son père ne lui avait pas avoué. Peut-être que lui même n'était pas au courant de la déesse qui s'était présenté à lui, il y a dix ans. Billy lui prit la main et la força à venir vers ses amis. Elle l'encouragea à manger un bout et lui présenta le camp la journée qui suivis. Elle en resta pas bien longtemps au bungalow d'Hermès, deux jours à peine après son arrivée, Jean fut revendiqué par sa mère, Iris.



Elle adorait la colonie. Elle y passait l'année entière depuis deux ans. Bien sûr elle avait toujours des contacts avec son père, mais elle se plaisait tellement ici qu'elle n'avait pas voulu partir. La fille de Déméter qui l'avait accueillie ne l'avait plus lâché, elles devinrent rapidement amies. Elle avait pris goût à sa nouvelle vie, à ses pouvoirs pour le moins étrange. En en rien de temps, elle était devenue la fille qui faisait des couleurs de cheveux gratuites à toutes les filles de la colonie, celle qui colorait les habits qui avait pris de l'âge et enfin, elle fit la blague une fois de colorer le bungalow des Arès en rose, mais elle ne recommenca pas après s'être fait coursé à travers toute la colonie. Elle avait décidé de se spécialiser dans le combat à l'épée, ce en quoi elle devint plutôt douée. Et elle se fixa alors comme projet de partir de la colonie pour ses vingts ans, afin d'expérimenter la vie de demi-déesse dans ce vaste monde, quand elle saurait se défendre.



« Tu vas me manquer fille d'Iris ! » Tout en s'éloignant du camp, elle adressait à son amie de grands signes de la main. Elle reviendrait, elle le lui avait promis. Au moins l'été pour l'aider avec les nouvelles recrues. Billy avait décidé de rester à la colonie pour y enseigner le tir à l'arc. Quand à Jean, elle emménagea dans une petite maison (qu'elle devait à des proches à son père) dans San Francisco. Très vite elle se plu. Les gens étaient sympa, la ville était adorable comme tout... Elle se lança dans des cours d'escrime et obtint un petit boulot dans une boutique de cosmétique de la ville. En un rien de temps elle fut reconnue comme la voisine mignonnette, la jeunette à la porte jaune. Et sa vie bascula complètement quand elle le rencontra. Le coup de cœur immédiat. Il était gentil. Son visage doux lui inspirait confiance. Aurèle. Elle ne savait rien de lui, et pourtant elle l'avait tout de même invité à manger des muffins arc-en-ciel chez elle. Ils avaient parlé, fais connaissance et elle avait su que c'était le bon. Elle se rappelait encore de ce jour, celui où ils avaient commencé à ce voir dans d'autres cadre que celui d'un partage de gâteaux. Un des plus beaux jours de sa vie. Elle n'arrivait pas à oublier ses yeux. Et quand elle se décida à lui avouer la vérité sur elle, parce qu'elle voulait être honnête, parce qu'elle voulait qu'entre eux tout se sache, la colonie fut attaqué.

Elle rentra précipitamment. Billy était blessée, mais elle s'en remettrait. Elle aida les blessés à se remettre. Et elle comprit que les gens comme elle n'était plus en sécurité nul part. « Tu as bien de la chance d'avoir rencontré un homme aussi gentil... tu me le présenteras, hein ? » Elle avait rigolé et lui avait tout déballé. « Il est pas un peu vieux ? » Jean lui avait donné une tape sur la tête. « Il est exceptionnel, promis, un jour tu le rencontreras ! ». Ce fut quand elle rentra de la colonie qu'elle lui avoua tous. Dans la lancée, elle lui expliqua aussi l'attaque des camps.

(mars 2015.)

Jean resta bouche bée devant le test. Bon sang. Comment avait-elle pu... en arriver là ? La poisse. Elle resta assise sur les toilettes pendant une bonne heure en se triturant l'esprit. Comment allait-elle faire ? Elle hésita avait de le dire à Aurèle mais se ravisa finalement. « Je t'aime tu sais ? » Bien sûr qu'il savait. Mais elle n'arrivait pas à le lui dire. Et les mois passèrent. Elle se félicita de ne rien prendre. Ou presque pas. Elle prétexta que l'été et les glaces avait juste fait mauvais ménage. Mais c'était trop dur de lui mentir. Alors elle lui avoua tout en octobre. Et Aurèle s'envola. La seule qui la consola fut sa meilleure amie. Son père avait refusé d'entendre parler de ça. Et puis, finalement, si. Mais sa meilleure amie fut la seule présente pour elle à ce moment. « C'est qu'un connard, c'est tout. Il en te méritait pas.  De toute façon, je le sentais pas. » « Tu le connaissais même pas... » « Laisse tomber, c'est l'instinct. » Quand l'enfant arriva, elle implora les dieux pour qu'il réapparaisse. En vain. Elle perdit les eaux alors qu'elle faisait ses courses et ce fut une bande de footeux surexcités qui la conduisirent à l’hôpital. Évidement ils restèrent tous là jusqu'à la naissance et la chambre se transforma bientôt en salle de fête après l'accouchement. Malgré toute la tristesse qui s'était emparée d'elle, elle arriva à sourire devant cette scène tellement insolite. Jack-Julian était né.

« Aurèle,
S'il te plais, reviens. Ton fils est en bonne santé, j'aimerais que tu viennes pour lui. Rien qu'une fois. S'il te plais. Même si tu en m'aime plus, viens juste quelques jours pour lui.
Jean. »

Son bébé était évidement anormal. Comme elle. En plus d'être de toute petite taille (et tout léger), il brillait quand il piquait ses crises. C'était pour le moins étonnent. Et pourtant, elle s'y fit. C'était plutôt pratique pour certaines choses. Comme le jour où la quartier eut une panne de courant. Elle trimballa son enfant dans toute sa maison à la recherche du boîtier. Elle revit Aurèle. Elle l'aimait toujours, impossible de dire le contraire. Et pourtant elle faisait comme si de rien n'était. Elle voulait juste paraître fière. Au fond, elle se mordait les doigts. Et de nouveaux, la colonie fut attaquée. Juste la colonie, alors que les Romains venaient pour faire la fête en l'honneur de Dionysos. Et Jean se promit de tous faire pour échapper à ses monstres. Elle se battrait contre ses hommes qui voulait voir les enfants comme elle mourir.