Indiana Jones' Quest.

Aurèle & Monet

Aurèle se contenta d'ouvrir la bouche dans une grimace de douleur quand la lance l'embrocha. Une intense douleur suivit d'une beaucoup plus sourde, violente mais en fond, discrète. Sa vision se troubla un isntant et il lui fallut lutter pour rester pleinement conscient. Il sentait que cette mission serait la dernière mais il n'aurait jamais pensé mourir sur un autel, comme sacrifice à il ne savait quelle horreur. Jean savait-elle dans quel monde horrible elle vivait au quotidien ? Savait-elle au moins à quoi elle appartenait, elle et ses gènes semi-divin ? Saurait-elle un jour que son fameux monde, qu'elle voyait sans doute en couleurs et paillettes, venait juste de le sacrifier dans les entrailles de la terre ? Non, sans doute pas. Il allait disparaître sans bruit et elle croirait qu'il était parti, qu'il les avait laissé sans se retourner. Quelque part… Tant mieux, c'était ce qu'il méritait. Il ne les avait jamais fait passer en premier et maintenant il allait mourir seul. À l'image de ce qu'il avait cultivé tout au long de sa vie : le travail d'abord, les amis et la famille après. Pitoyable. Le satyre n'avait pas si tort que ça au final, il était vraiment sournois et égoïste. Il avait séduit Jean, lui avait fait des promesses, mais il n'avait pensé qu'à lui au final. Il avait fait pareil avec Joan en quittant l'Angleterre… Recroquevillé sur la dalle glacée de l'autel, il pressait la plaie. Il saignait. Beaucoup. Et il avait mal. Aurèle avait entendu Monet hurler. Peut-être qu'elle s'en sortirait ? Il en doutait. Comment pouvait-elle sortir seule de cet endroit grouillant de tritons prêts à lui faire la peau ? Il n'y avait pas de solution. L'agent double sentit les larmes lui monter aux yeux. Alors c'était ça ? Dans ses derniers instants, il allait se mettre à chialer comme un gosse ? Il entendit au fond de sa tête la voix de Jean l'engueuler à moitié. « Ah ben oui, voilà, c'est du joli ! Quel exemple pour ton fils ! » C'est peut-être sa voix qui l'empêcha de sombrer pour de bon. C'était ridicule, plein de mièvrerie, mais ça donnait du courage pour de vrai. Il n'avait pas envie de savoir Jean et J.-J. seuls dans ce monde. Ils étaient inoffensifs mais le DLCEM ne penserait pas ça d'eux. Peu importait que Jean ne fasse que changer la couleur des choses ou balancer quelques arcs-en-ciel multicolores ou que Jack-Julian se mette à briller quand il se sentait mal ou un peu trop bien. Ils seraient classés dans quelques dossiers, avec un tampon « identifié ». Ils seraient des cibles et lui ne serait même plus là pour tempérer les choses ou supprimer quelques lignes malencontreuses dans un rapport. Il n'était pas indispensable, Aurèle n'était pas assez imbu de lui-même pour le penser, mais Jean… Elle était tout. Tout comme Monet qui criait quelque part non loin de lui. Il sentait une vague vive d'angoisse lui donner un coup de fouet quand quelque chose le souleva. À travers ses paupières lourdes, il entraperçut des épaules féminines, une queue de poisson aux reflets bleutés. L'amenait-on vers un quelconque autre lieu de sacrifice où on allait par exemple le vider de son sang ? Il se sentait si fatigué qu'il commençait à ne plus en avoir rien à faire.

La voix du triton féminin lui vrillait douloureusement les oreilles, l'empêchant de couler pour de bon. Quelque part, elle était en train de lui sauver la vie mais il n'en avait que faire. Se battre, lutter, rester en vie… C'était usant. Épuisant. Éreintant. Et puis sans savoir comment il sentit l'odeur bien aimée de Monet, sa sœur, sa famille. Qu'est-ce qu'ils faisaient ? Ils mourraient ensemble ? C'était bien comme ça aussi. Puisqu'il n'y avait rien d'autre à faire, Aurèle était heureux de mourir en sa compagnie. Bien sûr qu'il aurait préféré qu'elle vive et lui aussi d'ailleurs ! Mais en désespoir de cause, mourir à deux n'était pas si mal. Leur mentor de toujours aurait été fier d'eux. Si tu n'avais pas disparu bien sûr…

L'eau froide le ramena brutalement à la réalité. Leurs deux têtes crevèrent la surface de l'eau et Aurèle toussa à en cracher ses poumons. « Monet ! » Il s'agrippa à moitié à elle, coula, battit vigoureusement des jambes. Ils progressaient lentement vers la rive de ce qui était un immense lac. En Espagne? Que dalle, des cimes enneigées les entouraient. Le sud de l'Alaska ? Évidemment. Rien n'avait jamais aucune logique. Ils s'écroulèrent ensemble dans la neige glacée, à bout de forces et à bout de souffle. La neige sous Aurèle se teinta lentement de rouge. Il glissa une main épuisée dans l'une de ses poches jusqu'à dénicher ce qu'il cherchait : un téléphone portable étanche du DLCEM. Il composa le numéro de secours du Département. « 'Prochaine fois, on part juste en mission à San Francisco ou New-York hein… Pas en Espagne. » Il se sentait de nouveau dériver mais c'était bon, ils étaient sauvés.