And the kindest of kisses break the hardest of hearts

Destan déambulait depuis son lever, dans la colonie, en quête d'un petit quelque chose à faire. Ces derniers temps, l'ambiance était assez tendu et les pensionnaires sur leurs gardes ou comme son ami Christian sans doute entrain de manger ou alors de frapper dans d'autres pensionnaires.  On va dire que chacun à sa petite passion secrète. Enfin, il valait peut être mieux voir ça comme ça avec les enfants d'Arès.

Non pas que le jeune homme ne les apprécient pas, au contraire à part leurs sautes d'humeurs, ces gosses étaient de vrais guerriers avec des valeurs... ou peut être pas. Toujours est-il que Christian était et est encore et toujours son meilleur ami et cela ne risque pas de changer. Même les rivalités avec les batailles ou les filles ne peuvent les séparer, ces deux-là. D'ailleurs, pour les deux garçons c'est très important de pouvoir compter l'un sur l'autre à chaque instant. Juste après l'arrivée au camp de Destan, ils sont devenus très proches.

Les premières bêtises pour rester dans la politesse ont été effectuées ensemble pas du tout dans la plus grande discrétion d'après Chiron. Mais rien ne pouvait entraver cette nouvelle amitié. Depuis, ils ont parcourus de grandes étapes ensemble comme celle du premier baiser avec une fille, la première bagarre et ainsi de suite. Ils s'arrangeaient toujours pour se retrouver ensemble lors des entraînements ou des captures l’étendard. A l'inverse, si c'était impossible, alors ils faisaient tout pour s'affronter directement en pleine mêlée. Des amis jusqu'au bout.

A quatorze ans, les demi-dieux ont tentés de devenir de vrais frères de sangs en s'échangeant un peu du précieux liquide qui coule dans leurs veines. Pas vraiment une bonne idée, car ils se sont fait un peu mal avec le couteau mais bon, au final ce n'était pas une réussite mais pour eux le geste compte énormément. Le jeune homme est fier d'avoir un pote comme ça sur qui compter autant pour sa vie que pour celle de ses proches. Il est certain que jamais Christian ne le trahirait. Sans aucune crainte, le fils d'Apollon mettrait sa vie entre ses mains,  bien que parfois Chris agisse sans réfléchir mais dans le fond, le brun est fier de savoir que son meilleur ami n'est pas si bête qu'il le montre.

Le fils d'Arès cache bien son jeu et cela Destan en est certain bien que jamais il ne l'ait interrogé là-dessus, pensant qu'il ne s'agit pas de ses affaires et que donc ce n'est pas à lui d'en parler en premier. A moins que Chris fasse quelque chose qui menace un membre de la colonie, alors peut être et je dis bien peut être que le garçon tenterait quelque chose. Après tout, c'est son frère de coeur, personne n'y touche. S'il y a bien d'autres personnes qui comptent énormément pour lui, c'est Aiden et Nora. Principalement, parce que la première est sa soeur. Longuement perdue de vue depuis qu'elle s'en était allée du côté de Cronos. Chose que le  garçon s'en était voulu à mort de ne pas avoir pu l'en empêcher.

Depuis ce jour quand elle est revenue à ses côté, le grande frère ne lui laissera rien arriver mais pourtant le fils d'Apollon veut connaître les raisons de ce choix là. Pourquoi avait-elle abandonné sa fratrie ? Cette question torturait l'esprit du jeune homme. Quant à la deuxième, elle était la raison de son vagabondage dans le camps. Elle aussi l'avait abandonnée pour revenir finalement à présent. Son instinct de fauve et le caractère du jeune homme les avaient rapprochés pour finalement en créer des rivaux, mais en même temps, Destan sentait qu'il y avait quelque chose de plus. Pas seulement parce que Nora devait bien être la seule fille à lui résister mais aussi car avec elle, il voulait toujours se dépasser ou la sauver si un danger l'approchait.

Mais était-il vraiment un genre de héro en mode prince charmant ? Bondissant sur son cheval blanc quand la demoiselle a des ennuis ? Non, Destan n'était pas ce genre de mecs-là. Oui, le jeune garçon n'hésiterait pas à entrer dans un combat pour quelqu'un en particulier une femme, non pas qu'il les croient en dessous des hommes avec Nora et sa soeur, il en avait bien la preuve du contraire. Seulement, au fond, ce n'était pas la même relation qui pourrait l'unir avec Day par exemple.

Le jeune homme ne parvenait pas à l'expliquer et n'osait pas non plus le dire à son meilleur ami qui prenait facilement son pied avec les femmes en particulier sa petite amie. Le jeune homme tenait à cette fille à la langue acérée mais à chaque fois qu'il tentait une offensive elle le rembarrait aussitôt. Il y a avait de quoi se décourager. Mais ce n'est pas ce que le garçon comptait faire. En outre, au petit déjeuner il était passé devant sa table en lâchant un billet juste dans son assiette avant de poursuivre son chemin, un petit sourire aux lèvres. Les pas du jeune homme le menait donc au terrain d'entraînement, son arc dans le dos ainsi que ses épées.

Le fils d'Apollon lui avait donné rendez-vous pour un petit duel entre rivaux. Un fois arrivé, là-bas, le jeune homme décocha une flèche dans une cible comme pour la marquer sienne, avant de ricaner et se mettre en position, puis encocha une nouvelle flèche qui se figea sur la première. Un soupire lui échappa. Nora n'était pas encore là. Lui ferait-elle l'affront de lui poser un lapin ? Alors qu'il proposait un combat et non pas un restaurant. Peut être que ce genre de filles lui était totalement étranger à tel point qu'il devrait s'instruire pour mieux cerner Nora. Enfin, il n'en est pas encore là. Pour patienter, le fils d'Apollon continua son petit manège avec ses flèches, ce qui l'apaisait rapidement.
   
   

Le retour avait été compliqué. Et ce n’était pas peu dire. Faire le choix de partir pendant presque deux ans, sans donner de nouvelles, et sans avoir prévenu qui que ce soit avant le départ, n’avait peut-être pas été l’idée du siècle. Mais à l’époque, je n’avais pas eu le choix. Il me fallait partir loin de là, loin de cette guerre, de ces morts et de ces trahisons. Loin de ces visages ravagés par les pertes et les blessures. Loin de ces dieux qui ne comprenaient quasiment rien aux difficultés des mortels. J’avais pris le parti de croire que se faufiler hors de la colonie sans avertir mes camarades provoquerait moins de peine, moins de questions. Qu’ils ne seraient pas trop blessés par ma décision. Comme si ma présence avait une quelconque importance, songeais-je un sourire ironique aux lèvres. Je me voilais la face. J’avais agi en lâche que j’étais, pour ne pas contempler leurs regards, pour ne pas avoir à affronter quiconque se dresserait sur mon chemin, et ferait flancher ma détermination. Parce qu’ils étaient devenus comme une seconde famille pour moi, combien même je m’étais conduite comme une associable, une peste fière et à la langue acérée, la première fois que j’avais atterri là-bas. Oh que oui, j’avais mené la vie dure à plus d’une personne, et même après quelques années, je n’étais toujours pas populaire, chose qui me convenait fort bien. Mon caractère n’était pas fait pour être aimé, et ma personnalité sombre n’aidait en rien les gens à se sentir à l’aise en ma présence.

Et puis, je devais partir. Lorsque nous avions combattu Cronos et les forces ennemies qui l’accompagnaient, j’avais vu tant de ceux que je considérais un peu comme les miens, être blessés qu’un mélange de peur et d’appréhension avait fondu sur moi. Les observer tous autant qu’ils étaient, avancer la rage au ventre, l’arme au point mais une lueur volontaire illuminant leurs prunelles, m’avait à la fois rendue fière et légèrement paniquée. Parce qu’ils avaient une telle place dans mon existence que les imaginer meurtris, voire pire m’avait coupé le souffle. J’étais lâche, encore une fois. Devant les sentiments, devant ce muscle qui bat dans ma poitrine, devant ces visages que j’avais appris à connaître. Et l’appréhension. Cette sensation qui avait pris naissance en moi, une fois la bataille finie. J’avais eu besoin d’entendre la voix de mes parents adoptifs, de mes vrais parents en fait, de ceux qui avaient toujours été là, en m’acceptant telle que j’étais, aussi pénible pouvais-je avoir été… J’avais eu l’infime soupçon, comme un instinct qui se réveille, qu’il me fallait les contacter. Alors, un coup d’fil rapide, avec l’aide d’un portable trouvé sur l’un des mortels endormis, et mon mauvais pressentiment s’était vu confirmé. Oui, j’avais fui, mais malheureusement, j’avais eu des raisons impossibles à ignorer.

Deux années s’étaient écoulées. Loin du monde mythologique. Suffisamment pour que je reprenne mes habitudes d’humaine, suffisamment peu pour que je puisse oublier ce que j’avais été pendant environ quatre ans. Ni pour que j’efface de ma mémoire ceux que j’avais rencontré à la colonie. Christian, Aiden, Day, Chiron, ou encore Destan. Ce dernier avec qui un lien de rivalité ténue s’était créé, un lien que je n’avouerais apprécier, même sous la torture. Cela lui ferait trop plaisir à ce beau parleur de première. Un fils d’Apollon, au charme certain, et dont il était parfaitement conscient, au passage. Il m’agaçait prodigieusement, et j’avais toujours cette envie irrépressible d’avoir le dernier mot face à lui. Du coup, on en venait souvent aux armes autrefois, comme si tout pouvait s’arranger à coups d’épée. Ce n’était pas vraiment le cas, mais nos échanges se métamorphosaient parfois en espèces de sourires complices, à travers les piques verbales, et j’appréciais ces moments, même si encore une fois, je n’en dirais rien. Alors quand le sale môme avait laissé tomber un bout de papier dans son assiette, d’une, elle avait maugréé en se retenant de lui sautant à la gorge, et de deux, elle avait fini par soupirer en lisant ce qui était inscrit dessus.

Ils ne s’étaient pas encore adressé directement la parole depuis qu’elle était revenue, et quelque chose lui disait qu’elle n’était pas pressée que cela se fasse. Il lui était difficile d’imaginer la réaction de certaines personnes par rapport à son absence inexpliquée, et son retour tout aussi inexpliquée. La vérité, c’était qu’il lui restait moins d’un an pour profiter de la colonie, avant d’atteindre ses 22 ans, et un élan de nostalgie l’avait convaincue de revenir ici. Je voulais les revoir, même si je ne me mêlais à personne, restant à ma table, sans faire d’éclat, sans me montrer. Je sortais la nuit, là où je me sentais le plus à l’aise, la plus forte. Mais, pour une fois, je ferais une exception. Juste pour le plaisir de batailler encore une fois, de croiser le fer, et d’échanger pourquoi pas, quelques plaisanteries acerbes. Destan m’avait donné rendez-vous au camp d’entrainement, et je m’étais posté dans un arbre, en haut, à l’orée de la forêt pour l’observer de loin. Son arc à la main, il enchaina deux flèches dans des tirs parfaits, et un fin sourire moqueur étira mes lèvres. Ce garçon était un réel poseur, ma parole. Lestement, je sautais en bas de l’arbre et m’avançais dans sa direction, ne croisant pas son regard en allant chercher une épée dans le tas laissé là. Je n’étais aussi douée au tir que lui, loin de là même, mais je me débrouillais avec une lame à la main, et j’avais besoin de me dérouiller un peu. Me tournant enfin vers lui, je l’affrontais du regard, et tint la garde comme on me l’avait appris lorsque j’étais arrivée ici, la première fois.

« Prêt Legolas ? »

   
   

And the kindest of kisses break the hardest of hearts

On ne s'en rend pas bien compte que lorsqu'une personne nous manque, la vie devient vraiment plus maussade. Les absences sont souvent plus exagérées que les présences, tout du moins moins comptées. On se remet en question, s'en pose de ces dernières d'ailleurs, mais au final nous n'avons jamais vraiment de réponse. A-t-on seulement bien agit ? Est-ce de notre faute ? C'est de là que naissent les remords. Néanmoins, il ne faut jamais se laisse déstabiliser par tout le reste, ce qui compte même si c'est purement égoïste c'est notre bonheur, car il est très important de s'accorder quelques instants de temps à autre. Nous nous sommes pas parfait, ni même invincible et bien d'autres qualités essentielles nous manquent, évidemment. Jamais, nous ne pourrions être de parfaits robots même si c'est que souhaiterait la société d'aujourd'hui pour plus de rendement avec la même qualité de travail.

Il faut dire que sont qui promettent des merveilles n'y eux-mêmes pas encore parvenu à nous les apporter alors autant ne pas se mêler de la santé ainsi que la vie sociale des autres. Seulement dans certains moments, il faut savoir revoir son jugement sur des gens qui se sont volontairement écartés ou que l'on a expulsé dans un coin de notre tête et subitement ressurgisse avec pleins de promesses en prévision pour notre personne. Destan fait parti de ces gens-là. Il a toujours cru en l'espoir. Non, ce n'est pas un garçon naïf, certes il aime voir le bon côté des gens mais ce n'est pas pour autant qu'il se comporte comme un bébé koala s'accrochant à son arbre. Il a ses priorités. La colonie en fait partie mais principalement quelques personne que le fils d'Apollon affectionne tout particulièrement.

Le jour où se fut extrêmement dur, c'est quand des pensionnaires ont commencés à quitter la colonie, ne revenant pas, alors que d'autres perdaient tout simplement la vie. Si on peut considérer la mort comme simple. Mais je pense que ce peut être qualifiable de cette manière-là. Et puis qualifions ce que l'on veut aussi, après tout la liberté de pensée n'est pas pour les chiens quoique ... parfois on pourrait se demande sa raison exacte. Enfin cela étant, ce n'est pas le but principal de tout ceci, d'ailleurs il n'y en a pas vraiment. Voilà ma propre liberté, raconter ce que je souhaite pour rendre un récit plus attrayant ? Ou devrais-je carrément en venir au sujet principal, mais si tout cela se rattache à un seul nom. Nora. Nora, la fille de Nyx. La fille que le fils d'Apollon n'a pas revu depuis deux longues années.

Clairement, il s'agit de la jeune femme un peu plus âgée que lui qui le taquine, que lui taquine, qu'ils se chamaillent sans raison apparente, des rivaux sous bien des points. Néanmoins, le garçon tient bien plus qu'à cette simple relation avec cette jeune femme. Même si jamais, il ne l'avouerait, Nora lui a irrévocablement manqué durant ces longues années. Sans nouvelles qui plus est, le jeune homme ne sait pas vraiment comment agir. Faut-il fait comme s'il ne s'était rien passé ? Comme s'ils se voyaient pour la première fois ? Comment réagir face à une fille qui s'est enfuie pendant deux ans sans donner de nouvelles à un ami proche si on peut qualifier leur relation d'amicale.

Destan se sentait troublé et frustré de ne même pas avoir été mis au courant. Est-ce que tous ses proches allaient finir par quitter la colonie sans le lui dire ? Kennedy. Nora. Qui serait le prochain ou la prochaine, sa sœur - son meilleur ami ? Franchement, le fils d'Apollon avait peur. Eh oui, les muscles ne sont pas toujours la meilleure armure. Non, jamais il ne voudrait que tous partent pour ne jamais revenir. Il serait seul et sans nouvelles, sans même pouvoir les protéger ou les aider d'un quelconque façon. Nora était partie en silence. C'était un fait immuable. Le jeune homme ne pouvait changer le passé mais voulait changer l'avenir. Il lui restait une année - une seule pour profiter de sa présence. Seulement comment lui prouver qu'il était un garçon pour elle.

Avec les autres filles ce n'était pas aussi compliqué, même les mecs d'ailleurs, mais avec cette fille de Nyx. Il n'y arrivait à rien. Tout du moins avant ce n'était qu'une relation basé sur des piques mais il n'oubliait sa façon de le rembarrer comme s'il n'était rien d'autres qu'un simple moucheron pas à la hauteur - à sa hauteur. Pourtant, le Grec voulait l'être et le serait. Elle n'en aurait pas vraiment le choix, pas cette fois. La Grecque ne lui glisserait pas encore une fois entre les doigts sans moyens d'avoir des nouvelles. En effet, le brun ne connaissait pas les raisons de son départ mais la blessure restait quand même présente.

Devenant de plus en plus nerveux, alors qu'il n'y avait pas de raison de l'être, Destan cesse momentanément de tirer. Tout à coup, un bruit de pieds qui atterrissent sur le sol interrompirent le cours des pensées du jeune homme qui se retourna vivement, flèche encochée. Simple habitude machinale des enfants d'Apollons ou d'un quelconque archer de bon niveau. Elle. Elle était là, enfin. La descendante de Nyx s'était décidée à venir. Un sourire s'étira sur son visage. Tranquillement sans baisser sa garde, il l'a suivit du regard n'en perdant pas une miette.

La Grecque se dirigeait vers un tas d'armes. Elle sélectionna une épée, ce qui accentua le sourire du fils d'Apollon. Voulait-elle vraiment jouer à ça avec lui ? Est-ce que seulement cette fille pensait à autre chose que se battre ? Secouant la tête toujours amusé par son comportement sans parler du fait qu'elle ne lui avait pas encore adressé la parole. Vraiment, une fille au caractère extrêmement facile à cerner. Elle se plaça face à lui, prête pour le combat et faite pour le combat, pensait le garçon soutenant calmement son regard, les yeux rieurs. Il était heureux de la revoir - il n'en avait pas besoin de plus. Et pourtant.

« Prêt Legolas ? »
« As-tu oubliée la politesse durant ton isolement provisoire ? D'abord on se souhaite le bonjour, princesse des ombres. Alors, bonjour. Ravi de voir que tu as daigné amener ta délicate armature ici. »

Autrement dit, en langage Destanien, oui cela existe, ça voulait dire qu'il était heureux de sa présence. Non pas qu'il lui pardonnait pas mais qu'il ne lui demanderait pas des comptes si elle ne souhaitait pas le faire. Il profiterait de sa présence en oubliant le reste, c'était tout ce qui comptait. Lentement, il se mit en position, reculant de plusieurs pas, avec son arc lui faisant un clin d'oeil, ravi de son nouveau surnom. Avec habitude, son regard concentré, il détendit ses muscles, levant son arc à hauteur de son œil, prêt à lâcher la délicate corde au moment propice.

« Je suis né avec un arc entre les pattes, ma douce, ne l'oublie pas. Voyons voir si tu es toujours aussi lente ou alors si tu l'es plus encore qu’auparavant. »

Appuyant sa phrase d'un sourire charmeur. Le jeune homme relâcha la fine corde. Sa flèche s'envola, filant droit vers la jeune fille placée à de nombreux pas de lui. Légèrement orientée vers le côté gauche de la fille de Nyx, un peu vers le haut. Il ne risquait absolument pas de la blesser si elle ratait son coup. Après tout était-elle toujours aussi douée qu'autrefois ? Le jeune homme ne préférait pas prendre de risque. Et puis, il fallait bien s'échauffer un peu avant de passer aux choses sérieuses.


 
 

Me dérouiller… C’était le cas de le dire. Ces deux dernières années, je n’avais guère tenu de lame de cet acabit. A la rigueur, des couteaux, des poignards, des armes plus discrètes. Parce que soyons francs, se balader dans la rue avec une épée, et ce, sans se faire repérer, n’avait rien de simple. Et puis l’occasion ne s’était jamais présentée. J’avais autre chose à faire, beaucoup de choses, mais rien qui ne nécessitait l’usage d’une arme pareille. Et n’ayant évolué qu’au sein de la communauté mortelle, je me voyais mal demander une épée pour répondre aux attentes qui m’étaient adressées. A dire vrai, j’avais davantage utilisé d’armes à feu ces deux dernières années que durant toute mon existence. Mon regard s’assombrit à cette pensée que je refoulais aussitôt. Elle n’avait pas lieu d’être ici. Non, à la colonie, j’étais quelqu’un d’autre, quelqu’un qui avait le droit de faire ce que bon lui semblait sans attendre de jugement décisif derrière ce comportement. J’avais la possibilité d’être ce que je souhaitais, d’avancer de la manière qui était la mienne sans craindre de représailles douloureuses. Un soupir apaisant s’échappa de mes lèvres alors que j’empoignais l’arme postée au sol. Oui, j’avais le droit d’être qui je voulais. Et là, maintenant, tout ce que je souhaitais, c’était pouvoir me battre comme autrefois.

Faire face à Destan aurait pu me couper le souffle, mais je ne laissais pas une telle chose se produire. Il était beau, et j’en avais parfaitement conscience, mais cela ne suffisait pas à me faire perdre la tête. D’ailleurs, si je devais lui trouver des points positifs, pour faire son éloge – un éloge funèbre tiens, parce qu’il était hors de question que je fasse son apologie – je ne mettrais pas son physique en avant. Non, je prendrais soin de noter son courage, sa bravoure, sa détermination, mais son sourire charmeur et ses regards appuyés n’entraient pas en ligne de compte. Peut-être que je parlerais de son lien avec sa sœur, que je n’avais jamais évoqué avec lui, mais qu’au fond, tout au fond, je trouvais admirable. Ou alors, j’évoquerais banalement son amitié avec Chris’ qui avait le mérite d’être solide, capable de tout traverser. Chose que je lui enviais. Surtout en sachant que je ne m’étais pas encore confrontée à Christian. Allait-il me parler ? Je déglutis en songeant qu’il aurait tout à fait le droit de ne pas m’adresser la parole. Après tout, je ne lui avais pas donné de nouvelles à lui non plus. Et les enfants d’Ares n’étaient pas connus pour leur complaisance. Je retins une moue désabusée. Sérieusement, pourquoi lui imposerais-je ça ?

Levant l’épée devant le petit elfe des bois, je ne le quittais pas des yeux. Il avait préféré garder son arc et ses flèches, et quelque chose me disait que j’aurais plus de difficultés à le parer qu’il y a quelques années. Je m’étais rouillée, et cela était une évidence pour un œil averti, ou quelqu’un qui me connaissait très bien. Faisait-il parti de ce genre de personnes ? Je n’en savais rien, mais personnellement, je le sentais dans le maintien de mon arme, dans la force de mes bras, dans la profondeur de mon regard. La poigne était là, vibrante de nostalgie, alors que je serrais légèrement plus fort. L’épée était longue, fine, et pourtant lourde dans ma main. Je ne grimaçais pas, mais la pensée désagréable que je ne pourrais la maintenir dans cette position aussi longuement que j’aurais pu le faire par le passé me traversa l’esprit, me faisant serrer les dents.

« As-tu oublié la politesse durant ton isolement provisoire ? D'abord on se souhaite le bonjour, princesse des ombres. Alors, bonjour. Ravi de voir que tu as daigné amener ta délicate armature ici. »

Trop de palabres pour rien. Je le fixais, sans émotion, assez longuement pour lui faire comprendre que le bonjour ne viendrait pas. Puis, au moment où il choisit de reculer pour se positionner à sa guise, j’ouvris la bouche pour lui répondre.

« Je ne savais pas que tu étais devenu professeur ès bonnes manières, c’est… étonnant. »

Le début avait été prononcé avec flegme et dénué de tout sentiment, puis la fin se tourna vers l’ironie. Pas aussi mordante que celle dont j’usais pour lui adresser la parole autrefois, mais de l’ironie quand même. Peut-être que les bases pourraient revenir… Rien n’était sûr.

Le garçon parla de nouveau, et je lui offris un regard franc, attentif. Je n’avais pas grand espoir en vérité, mais il n’était pas dit que je me défilerai contre lui. Rien qu’à y songer, je levais le menton en attendant son attaque, prête autant qu’il m’était possible de l’être. Ce ne fut que lorsqu’il tira que je compris. Je ne pourrais parer son coup à l’épée. Mes gestes étaient trop lents, je le sentais dans tout mon corps. Alors je fis la seule chose que je savais encore faire : j’évitais en tournant sur le côté gauche, percevant le sifflement de la flèche qui me frôla rapidement. Fronçant les sourcils à cette constatation, je pris une inspiration, une résolution nouvelle illuminant mes prunelles, tandis que mon corps se positionnait de nouveau pour lui faire face. D’un ton froid, où reflétait une légère hargne, je lui lançais un « recommence » qui ne laissait place à aucune discussion. J’essayerai autant de fois qu’il sera nécessaire, mais cette journée ne s’achèvera pas, tant que je n’aurais pas réussi.


   

And the kindest of kisses break the hardest of hearts

Si on veut faire le point eh bien ce n'était pas si mal. La princesse ou la reine de ombres était finalement venue. Donc cela faisait un bon point pour le fils d'Apollon. Il lui avait quand même manqué un peu même un tout petit peu à cette fille de Nyx. Même si manifestement, elle n'avait pas l'air décidée à se montrer très affectueuse ce jour-là. L'avait-elle été une fois ? Le jeune homme avait du mal à trouver un instant où vraiment il avait pu la considérer autrement que comme une amie - amie étrange avec qui il passait son temps à se chamailler mais collègue d'infortune quand même.

Il y avait un petit quelque chose en elle que le jeune homme voulait briser pour lui prouver qu'il n'était pas qu'une pierre sur son chemin, qu'il n'était pas qu'un gamin qui passe son temps à draguer des filles, déjà que c'est seulement le cinquante pour-cent de son temps pas plus hein. Et puis, maintenant qu'elle était de retour, c'était totalement différent. Un vrai défi pour le jeune archer. Oui, cette fille des ombres était un défi et ce ne serait pas un mince exploit de recevoir une quelconque marque d'affection de sa part.

Le jeune homme le voulait pas par pure collection mais parce que Nora avait une façon de le rembarrer, de le provoquer, en fait plus elle le repoussait puis lui ne lâcherait pas l'affaire. Même si inconsciemment le fils d'Apollon savait qu'elle n'avait pas l'air d'avoir envie d'être proche de quelqu'un de cette façon-là, pas en ce moment. Mais il serait prêt et quand elle le serait, Destan ne perdra pas une minute pour le lui prouver. Je peux assurer que venant de cet archer ce ne sont pas des paroles en l'air, ce n'est pas son genre.

Nora serait un jour amenée à lui parler autrement que de combats, entraînements ou chamailleries. Elle en avait besoin malgré sa couche de fierté et de force. La fille de Nyx avait besoin de lui ou du moins aurait besoin de lui. La jeune femme semblait si vide. Cela fait perturbait le fils d'Apollon qui souhaitait comprendre pourquoi. Déjà la première question de toute important pourquoi être partie sans prévenir et sans donner de nouvelles par la suite ? N'avait-elle aucuns sentiments pour lui ou pour Christian, car oui Destan avait demandé à son meilleur ami si lui avait des nouvelles de la jeune femme.

Destan avait même finit par craquer et demander à sa soeur, qui bien évidemment avait dû trouver ça très amusant. Préférant ravaler sa fierté pour une fille quand même, il fallait le faire, non ? Bon pas n'importe quelle fille certes, bien qu'au départ ça ne soit que de l'inquiétude complètement anodine, d'un rival, d'un ami, d'un garçon attentif au bien-être de ses proches. Puis, son absence pesait de plus en plus ses épaules devant des questions perpétuelles dans son esprit. Une sorte de poids qu'il n'avait pu déloger qu'en apprenant que la jolie jeune femme était de retour à la colonie. Nouvelle qu'il avait accueilli avec un grand soulagement et un sourire de grand frère qui n'avait pas duré très longtemps autant vous le dire. En effet, l'absence de la fille de Nyx lui avait fait prendre conscience d'autres choses, des choses qu'il n'était pas encore prêt à partager même si cela devait crever les yeux, n'étant pas vraiment quelqu'un qu'on peut qualifier de bon menteur.

Le jeune homme avait donc prit cette stupide décision de simplement profiter du temps en la présence de la jeune femme, tentant de retrouver la relation qu'ils avaient. Même si manifestement, elle ne semblait pas encline à simplement lui dire un simple bonjour ce qui renforçait pas de la pitié mais de la tristesse devant son regard morne. Que lui était-il arrivé ? Pas de pique ? Le jeune homme en était déconcerté face à si peu de réaction jusqu'à que oui, il y ait enfin la provocation qu'il attendait depuis qu'il avait aperçu sa délicieuse silhouette apparaître dans son paysage directement embelli. Elle était là. Cela devrait lui suffire mais pourtant...  leurs regards se croisaient par la suite. Nora était en position, prête, quand il relâcha sa flèche. Seulement, une demi-seconde après, le jeune se crispa. Elle n'y arriverait pas. Esquivant de justesse sa flèche qui heureusement avait déjà été déviée au départ par Destan qui ne voulait voir où elle en était.

Le jeune homme se félicitait d'avoir pris cette initiative au départ. Il la regardait attentivement voyant la frustration qui devait l'avoir envahie. Nora avait beaucoup perdue de son adresse, de son agilité. Il en était certain, à présent. Ne montrant rien de ses sentiments, le jeune homme s'appuyait calmement sur ses jambes, ne la quittant pas du regard, un léger sourire aux lèvres. Un sourire moqueur, oui tout à fait, à son tour de recevoir un peu de provocation. Il ne la blesserait jamais. Le jeune homme savait qu'il pouvait y aller sans soucis avec son arc, en principe la fille de Nyx ne risquerait rien même si elle était aussi vive qu'une tortue. Son ton froid, sans émotion envahit ses oreilles. Alors, qu'il continuait à la fixer, suite à son ordre toujours très amical. Levant les yeux au ciel, Destan ne pu s'empêcher de lui dire.

"Tu sais si tu n'es plus capable de bouger tes fesses, tu devrais peut être te mettre à la couture, non ? Je suis sûr qu'on puisse te trouver une utilité ici par exemple dans les cuisines ou dans un autre endroit. Tu pourrais même devenir mon écuyer, ce serait bien. Je te vois bien porter mes flèches." Lui faisant un clin avant de se remettre en position. Le jeune homme prouvait par son sourire encore quelque peu amusé qu'il ne pensait pas du tout ses paroles mais prenait du plaisir à la rabaisser quand même, peut être deviendrait-elle plus polie ainsi.

"Bien, princesse, je suis à tes ordres. Mais évite de te casser un ongle en levant ton épée." Bandant son arc, à nouveau prêt à tirer, un visage sérieux fixait à présent la jeune femme. Son regard avait une pointe de Fais attention quand même furie. Lentement, ses doigts se relâchèrent au niveau de sa joue et la flèche fila à nouveau vers la jeune femme, cette fois-ci il l'avait dirigé de l'autre côté gardant une marge de sécurité pour éviter de faire du mal à Nora.

Je n’y parvenais pas. C’était une constatation qui me paralysait autant qu’elle faisait bouillir le sang dans mes veines. Je savais que je me débrouillais mieux qu’un humain lambda, il y avait tout de même des connaissances de base qui restaient ancrées en moi. Mais tout ce que j’avais perdu… Mes réflexes, la pratique qui avait été la mienne. Avec tant d’assiduité, je m’étais entrainée jour après jour, acquérant des techniques de véritables épéïstes. Et me voilà aujourd’hui. Pitoyable avec cette lame à la main. Je serrais les dents à cette pensée. Il ne serait pas dit que je me rendrais sans me battre, sans m’améliorer, sans retrouver tout ce qui faisait ma force sur le terrain. Le regard sombre posé sur la silhouette face à moi, je ne le quittais pas des yeux. Mon attention était sur lui, sur ses mains qui maniaient l’arc avec tant d’agilité. Jamais je n’avais pu tirer de la même façon qu’il a de jouer avec cette arme, comme si elle n’était qu’une extension de son corps, reliée directement à son esprit. Non, moi, j’avais ça avec l’épée. Autrefois. Un éclat de rage traversa mes prunelles de nouveau. Ok, je savais encore la tenir, même si mon poignet semblait un peu fragile. Je pouvais toujours la bouger, la faire virevolter et tournoyer, mais l’aisance et la grâce qu’il y avait auparavant n’étaient plus.

"Tu sais si tu n'es plus capable de bouger tes fesses, tu devrais peut être te mettre à la couture, non ? Je suis sûr qu'on puisse te trouver une utilité ici par exemple dans les cuisines ou dans un autre endroit. Tu pourrais même devenir mon écuyer, ce serait bien. Je te vois bien porter mes flèches."

Je retins un grognement, parce qu’il était hors de question que je lui fasse ce plaisir. Jamais, tu m’entends ? Jamais je ne m’abaisserais à te servir d’écuyer. Plutôt mourir. Ma fierté parlait pour moi, mais aucun mot n’avait passé la limite de mes lèvres, et je restais silencieuse, du feu dans le regard, alors que je ne cillais toujours pas. Je m’entraînerais, je progresserais, je retrouverais tout, et tu allais m’aider aujourd’hui, que tu le veuilles ou non. Alors, continue ta bravade tant que tu le peux encore, parce que bientôt, elle n’aura plus lieu d’être et toutes tes flèches trouveront leur sanctuaire final après avoir rencontré le fil de ma lame. Affronte moi, cher fils d’Apollon, offre moi tes meilleurs coups, tes sourires malicieux, et tes paroles provocatrices. Parce que je ne te laisserais pas faire longtemps.

« Tu sais où elles peuvent aller se planter tes flèchettes… » murmurais-je, malgré moi, la colère pulsant dans tout mon être. Tu ne m’avais connu, baissant les bras, et ce ne serait le cas maintenant non plus, je t’en fais la promesse, Legolas. Alors, viens… Joue avec moi, utilise cet arc que tu chéries tant, et je te montrerais ce que je vaux. Aide moi à ne pas relâcher mon attention, aide moi à retrouver celle que tu as connu. Mon regard, hargneux, mêlait toutes ces pensées, tous ces sentiments, mais je ne dis rien de plus. Trop risqué. Et si on pouvait entendre dans ma voix, la déception que je ressentais vis-à-vis de mes prouesses ridicules ? La colère d’être devenue si faible ? La honte de me montrer ainsi à Destan ? Et la peur ? La peur de tout ce qui se passerait après, de tout ce qui viendrait, de tout ce que j’avais perdu et que je ne retrouverais peut-être pas à temps… Non. Non, pas question. Toute la journée s’il le faut !

La pique suivante m’atteignit, et je laissais finalement échapper un léger grognement, preuve qu’il m’atteignait plus que je ne le laissais apparaitre.

« Amène-toi. » Mon ton était dur, exigeant. J’attendais ses flèches, je ne voulais pas me détourner. Un sifflement reconnaissable entre tous se fit entendre, et je vidais mes poumons en faisant un pas sur le côté, abattant mon épée. Loupé. Je secouais la tête, en comprenant que j’avais été trop lente avec mon arme. Mon corps avait réagi instinctivement, et même si mes mouvements avaient eux aussi, perdus de leur vivacité, je me débrouillais tout de même mieux au corps à corps. Serrant les dents plus fort, je me remis en position, et l’affrontais. « Encore. » Il du voir dans mes yeux, l’absence totale d’émotion, si ce n’était la volonté et la hargne de mieux faire, parce qu’il reprit une flèche, se plaça et tira de nouveau. Puis, une autre, et encore une autre. A chacun de ses tirs, je ratais ma cible, incapable de la parer de mon épée. Je l’esquivais même parfois de justesse, l’une d’entre elle griffa mes côtes à droite, m’arrachant une légère grimace. J’avais presque oublié la sensation que faisait ce genre de bout de bois, une fois en contact avec notre peau. Mais je continuais encore. Une bonne heure passa, et j’avais de la sueur qui goutait sur mon front, les muscles raidis, et les mains moites. Mais mon regard restait le même. Ce ne fut que lorsque, fatiguée, je me pris un de ses projectiles dans mon épaule gauche, que l’entraînement s’arrêta.

   

And the kindest of kisses break the hardest of hearts

Il y a des moments dans notre vie où l'on fait des erreurs qui nous pèsent. Elles prennent encore plus de volume lorsqu'on est bien démuni face à elles. On ne sait pas comment les réparer bien qu'on le souhaite de tout notre cœur. Clairement, l'intention de base n'était pas de faire ses choses mais lentement ça se met en route tout bêtement et là c'est le drame. On se sent mal d'agir de cette manière-là. Un besoin irrépressible de recevoir le pardon est important pourtant on ne sait pas vers qui se tourner, vers qui amener cette colère et cette incompréhension à part nous-mêmes.

C'est étrange mais cela arrive très fréquemment même quand on s'y attend le moins. C'est encore plus dur lorsque ça arrive avec une personne proche, une personne qu'on veut protéger à tout prix parce qu'on l'aime de notre âme et de notre cœur. Cela sonne comme un désir mais dans le fond c'est surtout une valeur, une fonction qu'on donne à notre cerveau et à nos muscles - défendre cette personne pas lui faire du mal. C'est ce que voulait intimement le fils d'Apollon quand il voyait - a revu Nora depuis tout ce temps.

Cette fille n'est pas rien pour lui. Il veut le lui prouver même si très souvent pour ne pas dire tout le temps il fait des gaffes qui lui cause des remords. C'est ainsi depuis toujours, Destan a beau se montrer sous son meilleur jour, être drôle, amical, dragueur mais dans le fond il a peur des sentiments et ne sait pas comment les gérer ni même exactement comment approcher les gens. Il essaie de jouer un rôle tout en tentant d'être lui-même au maximum et parfois il le regrette. La seule personne avec qui, il n'a pas peur d'être lui et de faire des gaffes, c'est Christian. Son ami le connait depuis très longtemps. Le Grec a une confiance inouï en lui, pourtant il ne lui a jamais parlé de sa relation avec Nora, ce que lui ressent pour cette fille farouche.

Le jeune homme n'est pas sûr de ce qu'il devrait faire et a peur de finalement se faire repousser par la seule personne à qui il accorde vraiment de l'importance. La personne à qui, il tient plus que tout, plus que sa vie. Le garçon a du mal - met du temps, mais il viendra à comprendre que ce n'est pas anodin de ressentir ce besoin de la protéger, d'être là pour elle, d'avoir son attention, mais il ne le comprend pas clairement et aimerait sans doute être guidé sur ce qu'il devrait faire exactement. Alors pour le moment, il se contente d'être là, rire, la taquiner, être comme un ami au final comme avant en souhaitant plus, voulant percer cette carapace qui l'entour.

Seulement c'est difficile d'arriver à dire ce que l'on pense vraiment, surtout pour lui. Les relations sont sociales ne sont pas si évidente et la gaffe est rapidement atteignable. Est-il un boulet ? Certainement. Mais au moins, mais il déborde d'affection tout de même un peu sans savoir comment distribuer ses paroles. Pour être clair, inconsciemment le fils d'Apollon aimerait l'unique être dans le coeur, dans l'esprit de la fille de Nyx. Pas vraiment son seul centre d'intérêt mais être le premier vers qui elle se tournera - qu'elle lui dise tout sans doute ou presque tout ce qu'elle souhaite lui dire. Cessons de parler d'affaire de coeur, la seule chose à retenir c'est qu'il est prêt à tout pour cette fille et que jamais il ne voudrait la blesser bien que son esprit lui dise que plus forte que Nora on peut pas faire.

Même lui se sent intérieurement inférieur à elle, sans jamais l'avouer, faut pas trop rêver. Ses yeux voyaient en elle, une femme forte, déterminée, charmante mais aussi avec un caractère de feu qui lui permettait de passer des épreuves. Son regard d'homme voyait en elle, la fille dont tous voudrait avoir mais que très peu pourrait avoir la chance de l'approcher. Presque inaccessible. Cette façon dont son regard brillait alors qu'il tirait ses flèches. Elle était plus que déterminée à y arriver et Destan ne pourrait rien faire pour la stopper, pas avant qu'elle y parvienne. Le jeune homme rapprochait plus éloignait ses tirs, obéissant à son ordre de recommencer. Une force inébranlable. De la volonté qui émane comme une aura de sa personne.

Le jeune homme sourit un court instant avant d'encocher à nouveau une flèche puis la laisser filer vers la jeune femme. Cela devait faire une bonne heure que sans relâche, le garçon tirait et que la fille tentait d'esquiver sans réellement réussir à l'intercepter. De temps à autre, le fils d'Apollon se mordait la lèvre quand sa flèche venait à la frôler, voir même l'effleurer. Mais Nora n'avait pas l'intention d'arrêter et lui-même n'aurait pu l'arrêter. Alors il continua, jusqu'à que sa dernière flèche face une gaffe. A moins que ce soit lui. Toujours est-il qu'il se sentit aussi mal que comme si c'était lui qui s'était pris celle-ci en plein cœur. Il ne voulait pas. Presque instantanément son instinct prit le dessus sur la culpabilité et il s'avance rapidement, rétractant son arc, vers la fille de Nyx.

"Merde Nora, ça va ?" Une lueur inquiète mais déterminée dans le regard, il attrapa son bras indemne pour l'empêcher de faire ce qu'il savait qu'elle allait faire - c'est-à-dire le repousser. Il n'est pas difficile de connaître ses réactions même après son départ, il s'en souvenait toujours autant. "Ne bouge pas." Déclara-t-il avant de tirer sur son t-shirt, arrachant ainsi un bout de tissu, prêt à l'emploi. Destan contempla la flèche que quelques instants avant que de l'autre main il l'arrache d'un coup sec. Puis, déposa immédiatement le tissu sur la plaie pour contenir le sang. Regardant Nora dans les yeux, il sentait qu'elle n'allait pas tarder à faire son épisode de "Dégage je peux me débrouiller toute seule". Seulement, le jeune homme en avait décidé autrement, l'attirant avec lui vers un banc où il l'a fit assoir. Sa main droite se déposa sur son épaule, alors qu'il activait son pouvoir de guérison qui risquait de prendre quelques instants pour refermer les tissus. Son regard était concentré mais juste avant, ses prunelles avaient fixés celle de Nora comme pour lui demander de lui faire confiance.

La douleur était là, bien réelle. Brûlante dans son épaule, et je serrais les dents. Ce n’était pas grand-chose, comparé à tout ce que nous avions déjà affronté. Parfois même ensemble. Le souvenir de la bataille contre Cronos me revint en mémoire, comme si c’était le bon moment pour penser à ça, et je maugréais contre mon esprit qui me jouait des tours. Le garçon arriva rapidement, et je jetais un coup d’œil à l’expression de son visage, pour m’assurer qu’il ne culpabilisait pas. Raté. Un soupir s’échappa de mes lèvres à ce constat et je grognais un rapide : « C’est pas ta faute, Legolas » de manière assez rustre. Parce qu’en vérité, je m’en voulais pour cette preuve de mon incapacité à me battre correctement. Tout semblait avoir changé dans mon corps et le constater aussi vivement qu’en prenant un coup dans le bras ne m’aidait pas à amortir le choc. Il me restait juste un an… Même pas. J’avais ces quelques mois devant moi, pour emmagasiner le plus de souvenirs avant de partir, et de ne plus jamais revenir. Un nouveau coup d’œil au fils d’Apollon m’obligea à me demander ce que serait une vie sans lui, sans nos chamailleries, et nos échanges de mots plus ou moins violents. J’avais déjà expérimenté ça, et ça n’avait pas été aussi facile que je l’aurais cru. Lui, comme d’autres, étaient entrés dans ma vie, se faisant une place qui leur était à présent réservée. La donner à quelqu’un d’autre n’était pas possible. Tout simplement.

Je voulus reprendre mon bras, le soustraire à son toucher. « Arrête bon sang ! » grognais-je encore, comme une espèce de sauvage mal dégrossie. Je n’aimais pas que l’on m’aide, et encore moins que ce soit Destan qui le fasse. Me montrer aussi faible devant lui, faisait bouillir mon sang. Il devait savoir que j’étais forte, que je n’étais pas une de ces demoiselles à sauver, que l’on pouvait me faire confiance sur un champ de bataille, pas ce simulacre de guerrier que je présentais à l’instant même. Je ne voulais pas qu’il garde cette image de moi, et je ne savais pas pourquoi c’était important, mais ça l’était. On aurait pu croire qu’avec les années, et les bagarres entre camarades, son avis ne compte pas, mais je comprenais peu à peu que justement, c’était l’inverse. Je voulais me dresser devant lui, et qu’il me considère comme son égale, non pas comme un poids, ou un boulet inutile. Je ne voulais pas être une de ses proies qu’il pouvait chasser de son sourire, quand l’envie lui en prenait. Non, j’étais solide, fière, et indépendante. Qu’il puisse m’associer à la faiblesse me dégoutait au plus haut point. Alors qu’il déchire son tee-shirt, pire, qu’il m’amène près du banc me donnait envie de me foutre des gifles. Le fait qu’il ait ôté la flèche ne m’avait tiré qu’un bref grondement sombre, avant que je ne sente le liquide chaud s’échapper de la plaie sournoisement. A présent, assis sur ce banc, l’un à côté de l’autre, il posa sa main sur mon bras et je croisais son regard. Il était si franc en cette seconde, si tangible que j’en eus le souffle coupé et qu’aucune parole mauvaise ne put s’élever dans les airs. Dépitée, légèrement vaincue par ces yeux qui ne demandaient rien, mais donnaient beaucoup, je tournais la tête pour regarder ailleurs.

« Tu n’aurais pas dû utiliser ton pouvoir pour moi. Je mérite ce qui m’arrive. » Le ton était sincère, plat, une simple constatation de mon niveau et de ce que j’en retirais. Ah si les enfants d’Arès me voyaient, ils riraient si fort que le son en résonnerait à mes oreilles. Qu’étais-je devenu ? Secouant piteusement la tête, je laissais mon regard s’égarer sur le terrain d’entraînement, puis plus loin, vers la forêt. Les captures étendard organisés à la colonie me manquaient. Pas très sociable, j’aimais quand même ce genre de rassemblement où tout le monde donnait le meilleur de soi-même. Les souvenirs de mes premières années ici me revenaient souvent en mémoire, et je suppose que c’était un peu pour cette raison que j’étais revenue aussi. Quand on ne croit plus en grand-chose, retrouver les moments forts d’autrefois n’est pas une mauvaise idée. Destan représentait de bons souvenirs lui aussi, un peu comme une épine dans le pied qui nous titille, et que l’on finit par amadouer. « Quand tu auras fini, on reprend. » Je ne voulais pas lâcher, malgré la fatigue et la sueur qui perlait à mon front, je ne voulais pas lâcher.


   

And the kindest of kisses break the hardest of hearts

Autant une fille ça peut être un rayon de soleil, autant elle peut devenir l’orage qui vous empêche de sortir. Bon dans le cas présent, le fils d’Apollon considérait plutôt la jeune femme qui lui faisait face comme le soleil qui reste malgré les nuages et la pluie, celui qui dessine de délicieux arc-en-ciel. Celui qui illumine tous vos sens jusqu’à ne plus se sentir soi-même. Même si Nora le lui demandait, le jeune homme ne pourrait oublier la forme de son visage, ses yeux lui lançant ses fameux regards qu’il interprète comme je vais te tuer si tu gardes ton sourire abrutit.

Oui, il les adore ceux-là mais les autres aussi tout en attendant celui qu’il veut vraiment - le plus important, mais en voilà auquel il n’avait pas repensé jusqu’au retour de la fille de Nyx à la colonie. Le brun n’avait pas vraiment réalisé à quel point si une seule personne s’éloigne, on se sent bien démuni face au monde. Principalement parce que pour Destan la plus n’était pas simplement une amie à ses yeux, bien plus que cela, même s’il ne pouvait se résoudre à tenter l’impensable. Mais il attendrait, car il voulait se donner toutes les chances. C’est comme de dire que la vengeance est un plat qui se mange froid, seulement là c’est une affaire de coeur, prendre le temps pour montrer à Nora qu’il était le bon parti lui tenait justement particulièrement à coeur.

La fille qu’il aimait bien appeler rayon de soleil pour la faire enrager se tenait devant lui - était revenue et en plus de ça avait accepté de le retrouver là. C’en était déjà beaucoup pour le jeune homme dont les yeux pétillaient simplement de pouvoir contempler la fille qui, pour lui, était la plus belle et parfaite de la colonie, pas seulement pour son charme fou mais pour tout ce qui faisait de la fille de Nyx eh bien... elle-même. On ne tombe pas amoureux d’un physique mais d’une personnalité, d’un caractère, de la façon d’être - on aime le tout, ce n’est pas optionnel. C’est d’ailleurs indiqué et préférable de ne pas se tromper ou de ne pas avoir de saleté dans les yeux, même si c’est moins élégant.

Donc oui, ce qui au départ n’avait été qu’une simple histoire de taquinerie et d’entraînement avait fini par percer le jeune homme, comme si cupidon s’était amusé avec son boum-boum à le rendre fou de la fille la plus fière et débrouillarde du camps. Destan avait bien compris qu’il y avait des catégories de filles bien différentes. Commençons par celles qui adorent se faire coller par le garçon ensuite il y a celles qui détestent cela, celles qui font des crises de jalousie toutes les cinq secondes, celles qui s’imaginent déjà finir marié alors qu’elles n’ont que quinze ans, celles qui visent toujours plus vieux qu’elle en pensant que les garçons ont de bonnes intentions envers des gamines, celles qui...

Enfin bref trop de filles, trop de caractères pour que le jeune homme puisse vraiment en apprécier une. Non lui, aime la sincérité, la fidélité, pas trop collante sans non plus ne jamais vouloir le voir, mais une fille qui aura sa vie tout en gardant continuellement une petite place pour lui. Une fille bien, pas besoin d’être une fille d’Aphrodite pour attirer le fils d’Apollon, simplement un minimum de normalité et si possible éviter les crises débiles, les journées magasins ce serait bien aussi quoiqu’il pourrait faire des efforts si à la fin, il pourrait être récompenser par un petit défilé en maillot de bain.

Ah bah oui, on a beau être le mec parfait, on n’en reste pas moins un mec. Et puis, imaginer Nora en maillot, c’est le genre de chose qu’on est obligé d’avoir en tête au moins une fois après l’avoir rencontré, je vous assure. Oui, j’en reviens à Nora justement. Donc le fils d’Apollon l’avait attiré sur un banc pour la soigner, sans lui laisser trop le temps de rouspéter, parce que ça, la fille de Nyx adore. Même si ça lui donne un certain charme, mais faut pas lui dire, sinon elle va s’énerver. Comment pouvait-elle dire que ce n’était pas de la faute du brun ? A savoir c’était lui qui avait tiré en sachant parfaitement qu’elle fatiguait. Il l’avait bien vu et pourtant n’avait pas arrêter l’entrainement, ne voulant pas la contrarier plus que de raison.

Destan leva les yeux au ciel sur cette remarque, se retenant de lui faire savoir qu’une flèche ne sort pas toute seule d’un carquois pour arriver à se ficher dans quelqu’un. Bon à peine deux minutes après, la voilà déjà entrain de râler parce que monsieur s’occupait d’elle au lieu de la laisser se débrouiller toute seule. Faudrait vraiment que la petite brune travaille là-dessus, mais encore une fois le jeune homme ne répondait rien. Que répondre à ça de toutes manières ? Il n’était pas de ceux qui avait peur d’elle, et ne le serait jamais, surtout si la demoiselle était blessée en plus par sa faute et sa flèche. En d’autres termes, la fille de Nyx n’aurait pas le choix et ça lui ferait les pieds de se laisser soigner par un garçon qui plus est, lui-même.

Son regard restait concentré sur sa patiente, la main à quelque centimètre de la plaie, il laissa s’échapper la douce chaleur que procurait son don, ce n’était pas toujours du choix, parfois il s’agissait de légère sensation d’un vent frais, Destan ne maitrisait pas encore le savoir du pourquoi du comment et laissait ça aux autres, tant que son don fonctionnait c’était l’important. Il se concentrait. Sa main ne bougeait pas. Le jeune homme sentait la douce communion entre sa paume et la peau de la jeune femme, sans contact direct, la chaleur le faisait pour lui. Lentement, le garçon la guidait à travers les tissus blessés, transmettant par vague la dite chaleur qui allait réparée la jeune femme qu’elle le veuille ou non. Une fois que cela fuit, un sourire satisfait se crocha à ses lèvres alors qu’il se redressait, son regard dans celui de Nora.

Elle détournait son regard. Fronçant les sourcils, le jeune homme comprenait donc qu’elle voulait vraiment pas qu’on s’occuper d’elle - ou plutôt qu’elle tentait de se convaincre qu’elle n’avait pas besoin de quelqu’un - de lui. « Tu n’aurais pas dû utiliser ton pouvoir pour moi. Je mérite ce qui m’arrive. Quand tu auras fini, on reprend. » Le jeune homme secoua la tête, bien certain qu’elle ne le voyait pas. Poussant sans ménagement la jeune femme, il s’installa à ses côtés, un air sérieux sur le visage. « T’as fini tes conneries ? Personne ne mérite de se prendre une flèche et puis c’est normal quand on est rouillé et... vieille. Même si tu devrais te sentir honorer vu que la flèche vient de moi.» Sur ces paroles, Destan lui jeta un regard tout plein de malice armé d’un grand sourire et ponctué d’un clin d’oeil.

En effet, il restait sous le charme de ses réactions et en sortait toujours très amusé. Nora comptait beaucoup pour lui, il le comprenait chaque jour un peu plus, chaque instant en sa présence comptait. Il attrapa une bouteille d’eau posée à côté et dévissa le bouchon pour se rincer les mains, puis regarda Nora, le regard plein de malice. « Non, on ne recommence pas tout de suite. » Il haussa les épaules tout en portant la bouteille à ses lèvres. « Je suis fatigué. » L’eau s’écoula lentement dans sa gorge et il prenait le temps de la savourer avant de la tendre à Nora. « Bois, ça te fera du bien. » La regardant, fixant ses traits qu’il jugeait parfait, il ajouta tout sourire. « Et de rien, petit coeur. »