« Vous me ramènerez ce canard en plastique ! »

Mais qu'avait-elle fait encore pour mériter ça ? Il fallait toujours qu'il se passe un truc d'étrange quand elle se retrouvait avec Tristan. Aujourd’hui pourtant tout avait très bien commencé. Loïs avait postulé pour un petit job. Oui, elle. Évidemment, étant fiché par la police, elle avait pris quelques précautions, comme changer son nom, prénom, porter des lentilles et s'habiller comme une vraie femme de vingt-cinq ans. Oui, tout sonnait faux. Jusque-là, tout allait bien. Elle avait même acheté un croissant dans une boulangerie française sans provoquer de catastrophe. Et puis évidemment, tout c'était gâté. Oui, elle n'avait pas eut son job, parce que le patron du petit commerce de légumes avait piqué du nez au bout de deux minutes, top chrono. Loïs s'était sentie très triste. Loïs était partit en soupirant, avait retiré ses horribles fringues, ses lentilles, avait enfilé un jean bleu clair, un tee-shirt rose pâle trop grand et était partis bouder dans les rues New Yorkaise. Sa mère lui avait conseillé de fuir le pays. Elle était une délinquante maintenant. Elle n'avait jamais voulu tout ça. La vie était trop compliquée. Et elle l'avait croisé, là. C'était comme s'il l'attendait. Tristan était là, au beau milieu de New York, elle n’en revenait pas. Au début, elle se demanda si les lunettes de soleil (trop grand, rayée, et vert fluo en prime) qu'elle portait ne lui faisaient pas défaut. Et finalement... Non. Ils avaient commencé à parler, Loïs lui racontait alors les nombreux refus qu'elle avait eut en cherchant du travail. Elle se disait d'ailleurs qu'elle finirait par ouvrir sa propre boutique s’il le fallait. Mais elle n'avait que dix-neuf ans, elle n'avait rien d'une commerçante.

« Il est terriblement important pour moi, vous avez huit heures. Ah, et n'essayez pas de lui adresser la parole, les conséquences pourraient être... désastreuses. »

Et ils étaient tombés sur ce dieu. Où plutôt, ce dieu était tombé sur eux. Pas très discret comme bonhomme. Elle n'avait jamais eut l'honneur de croiser un dieu, pas même son père, et voilà que le premier sur lequel elle tombait vendait des légumes. Et leur demandait d'aller chercher un canard de bain. C'était minable, sans plus. Mais on lui avait appris à la colonie à ne pas vexer les dieux. Ils avaient le sang chaud disait-on. Alors elle haussa les épaules. Sauf qu'il n'attendait pas de réponse. Pour lui, les deux demi-dieux avaient déjà accepté leur « mission ». Le voilà qui tournaient les talons, tentant d'accoster une dame pour lui vendre un poireau.

« Bon alors Tristan, elle lui donna un coup de coude, prêt pour une nouvelle aventure ? »

Ça avait l'air simple comme ça. Mais ils n'avaient pas d'indication, pas d'aide de la part de ce cher dieu inconnu... La question était, par où commencer ? Et comme par enchantement, un bruit se fit entendre. Lointain. Pourtant, elle était sûre de l'avoir bien entendu. Le bruit d'un canard visiblement en détresse. Elle bâilla, pivota vers son ami en le secouant comme un pommier.

« En avant ! »

En avant, en avant... C'était bien beau, mais c'était juste une mission de rien du tout. Avec deux demi-dieux gauches comme jamais. Qui avaient la poisse comme personne. Qui étaient incapable de faire les choses correctement. Le mode Expédition correspondait à merveille.

Lancé de dés :

« … Vous avez huit heures. » Tristan n'écouta pas la suite.
Le dieu qui leur confiait la mission comme si de rien n'était était à l'image d'eux-même : un pauvre paumé cherchant tristement à se faire une place dans le monde. Le sang-mêlé regarda vaguement la cagette de légumes, se disant que ce n'était peut-être pas plus mal pour gagner de l'argent. « Vous embauchez ? » La divinité se contenta d'un regard perçant avant de se volatiliser dans la foule. « Bon alors Tristan, prêt pour une nouvelle aventure ? » Un élan d'affection pour Loïs sautilla dans sa poitrine et il résista à l'envie aussi bizarre que soudaine de la prendre dans ses bras. « On n'a pas trop le choix, de toute façon ! » L'un de ses rares sourires alla à la demi-déesse, son humeur s'améliorant considérablement d'un seul coup. Il tripota le bracelet en tissus autour de son poignet, tendant l'oreille. « C'est un bruit de canard ça, non ? » Si si, la question ne se posait même pas. Tristan n'avait pas grandi en ville et les canards, il connaissait bien. Bon cela dit, ça pouvait aussi être une créature à plume de Central Park – qui n'était pas très loin.

Tristan et Loïs se mirent donc en route, besace de chasse en bandoulière pour Tristan et baskets aux pieds – cette fois-ci, ils avaient des chaussures, c'était un bon début. Mine de rien quand chaque personne devient un potentiel prédateur prêt à vous enfermer, vous adoptez immédiatement une tenue propice à la fuite, avec baskets de sport, bouteille d'eau et de quoi manger au cas où. (Au cas où il faudrait se terrer pendant un bon moment et se faire discret.) Alors le canard apparut. Posé sur le rebord d'une fenêtre, tout en haut d'un des petits immeubles qui bordaient la rue, l'animal de plastique semblait regarder le monde qui s'étalait en-dessous avec... ennui. « C'est... ça ? » Tristan savait que Loïs est lui manquaient de crédibilité. Du temps de la Colonie déjà, les rares missions qu'il avait eu à effectuer n'étaient pas spécialement glorieuses, mais là ils touchaient le fond et continuaient à creuser à la tractopelle. Et à toute allure, cela va de soi. « J'imagine qu'on n'a plus qu'à grimper ? » Question rhétorique, bien sûr qu'il fallait grimper. Le fils de Borée s'élança vers les escaliers les plus proches, bénissant les concepteurs qui avaient eu l'idée de mettre des marches à l'extérieur, et avec une agilité presque surprenante pour lui, grimpa les étages quatre à quatre. Accroupi sous la fenêtre – les sangs-mêlés devenaient vite parano à force de croiser des choses qui n'auraient pas dû exister – Tristan se redressa lentement, voyant petit à petit le canard apparaître. Juste un canard de bain en plastique jaune, rayé de quelques rayures colorées et portant un chapeau de marin. Rien d'autre, aucune activité suspecte. Le fils de Borée s'empara du jouet et se pencha par-dessus la rambarde, zyeutant Loïs à l'étage d'en-dessous. « T'attrapes ? » Les choses auraient pu bien se passer. Les choses auraient même DÛ bien se passer, ce n'était qu'un canard de bain en plastique semblable à tous les autres ! Sauf que bien sûr, c'était le canard en plastique d'un dieu et qu'aussi nuls soient-ils, les dieux ne pouvaient pas faire les choses normalement. Sans compter que c'était Tristan et Loïs qui accomplissaient la mission.

Alors que le canard commençait sa chute vers l'étage juste en-dessous, le canard s'anima soudain, écartant ses ailes de plastique et saisissant le vent au creux de ses plumes. À l'instant où il passait au niveau de la demi-déesse, la créature – ceci n'est pas un jouet ! - s'arrêta dans un vol plané meurtrier et trancha la colonne métallique qui maintenant la structure de l'escalier. Oui, juste comme ça. Puis il se tira à tire d'ailes. Avant que l'escalier ne se mette à trembler, Tristan eut juste le temps de se dire que ce n'était pas Loïs qui s'était faite couper en deux, c'était déjà ça. La moitié de l'escalier pencha dangereusement du côté où le canard avait coupé une colonne (les architectes pouvaient repenser leur truc de A à Z, ça ne tenait clairement pas bien là) et Tristan se précipita de l'autre côté. « Loïs ? T'es entière ? » il guetta un son de voix, la cherchant à travers les trous du sol en métal. La mission avait commencé voilà à peine dix minutes et ils manquaient déjà de mourir de façon stupide. (Agressés par un canard de bain, ça daillait un peu comme mort quand même.)

C'est vrai que cette mission avait l'air parfaitement ridicule comme ça. « J'aurais dû rester dans ce petit motel tranquille, et j'aurais du continuer de regarder cette émission débile... » pensa Loïs. Parce que là, une fois de plus elle le sentait au fond d'elle, leur aventure allait mal tourner. Grimper ? Avait-il oublié la maladresse légendaire de la fille qui lui tenait compagnie ? Elle ouvrit de grand yeux et le regarda grimper avec une agilité folle. Oui, elle ne s'était jamais imaginé un jour le faire ce genre de truc. Oh, si quelqu'un les voyait, il les prendrait encore pour un de ses adolescents perturbés qui voulait... Cambrioler un appartement ?

« Ouais vas-y ! »

Elle aurait bien du se douter que c'était trop simple. Plier ça en cinq minutes, ce n'était pas normal. D'abord, le canard chuta comme n'importe quel canard jaune en plastique. Et puis, tout se gâta. Parce que c'était un objet appartenant à un dieu, que les Dieux étaient toujours trop malins (où se croyez trop malins) pour faire les choses comme monsieur et madame tout le monde. Non, ils leur en fallait plus. Ils leur fallait des objets magiques dans tout les coins. La chose en question sembla s'animer. Et pas qu'un peu. D'un geste rapide adroit, elle se stabilisa en l'air (la fille d'Hypnos lui lança un regard halluciné, depuis quand les canards en plastique pouvait faire ça?) et trancha d'un coup net la poutre métallique à quelques centimètres de son épaule. Et il se barra. Elle leva la tête, et capta que Tristan était toujours là-haut. Elle recula d'un pas voyant que l'escalier, désormais amputé d'une poutre, commencé à pencher dangereusement.

« Oui, je suis là ! Toujours en vie, saute Tris ! Saute, je te rattrape ! »

Enfin... N'importe qui aurait pu se douter que non, si Tristan sautait, il allait sans nul doute certes atterrir sur sa camarade mais l'écraser au passage. Tendre ses petits bras ne suffirait pas à le faire atterrir en douceur. Mais dans la tête de Loïs tout s’enchaînait très bien. Elle allait le rattraper avant qu’il se fasse mal en haut de son édifice et tout irait pour le mieux. Ensuite, ils iraient chercher ensemble le canards rebelle qui s'était fait la malle. Évidement rien ne se passa comme prévu (comme si un jour dans sa vie tout c'était bien passé comme prévu) et la poutre céda. Elle l'évita en se jetant près du vide ordure des appartements de la rue. Son magnifique plongeon au pays des sacs poubelle lui valu de se cogner les genoux (les deux pour bien faire) et de lui faire une grande frayeur.

« Tristan ?! »

Elle espérait qu'il ne se soit pas fait écrasé par une poutre, ou pire, qu'il ai sauté en espérant trouver sa camarade sous l'échelle comme prévue. Elle grimpa sur la poubelle, tentant de voir le fils de Borée. « Pourquoi c'est toujours nous, hein ? » Elle s'adressait aux dieux. « Je vous aime bien, je vous ai rien fais. Et vous pourrissez ma vie. Et la sienne. Vous êtes odieux parfois »

Lancé de dés :

« Saute, Tris' ! »
Evidemment, il ne sauta pas. Ne jamais prendre Loïs au mot quand elle employait des expressions de bandes dessinées était devenu une seconde nature chez lui, sinon il n'aurait pas survécu plus que quelques jours à ses côtés. Alors que l'édifice tremblait de tous ses membres, le canard se fit la malle à tire d'ailes, sans oublier en passant d'adresser un petit pied-de-nez au demi-dieu qui priait pour sa vie. New-York était une ville magnifique, mais ni Tristan ni Loïs n'avaient jamais eu l'occasion d'y faire du tourisme. En général, ils se contentaient de démolir ce qu'ils croisaient et les escaliers ne firent pas exception. Quand le sommet de l'édifice se décida enfin à se suicider… Le fils de Borée prit de l'avance et se jeta dans le vide le premier. L'avantage avec New-York, cest qu'il y avait beaucoup de monde qui y vivait (forcément, pour une ville de cette envergure) et donc beaucoup de poubelles. Du coin de l'oeil, Tristan vit Loïs passer deux mètres au-dessous de lui, puis les sacs poubelle se jetèrent à sa rencontre. Et on était clairement pas dans Assassin Creed où les charrettes de foin et autres trucs dans le même genre vous réceptionnaient mollement. Dans un déluge de poussière, Tristan dégomma plusieurs sacs odorants avant de terminer contre un conteneur vert. Son poignet émit un curieux craquement dans l'histoire, suivi de son propre cri de surprise mêlé de douleur, et des larmes lui montèrent aux yeux. « Putain... » Histoire de ponctuer l'affaire, un sac poubelle en équilibre précaire choisit cet instant pour lui tomber dessus, le noyant dan une cacophonie de boîtes de conserve vides. « Tristan… ? » « Chui là. » Plus ou moins. Cependant, entendre la voix de Loïs lui fit plaisir et il leva sa main intacte en serrant les dents. « Et je me suis décalqué le poignet. » Evidemment.

Tristan se prit trois secondes de plus pour vérifier l'état de ses fonctions – apparemment, si on oublait son poignet qui enflait à vue d'oeil et la profonde douleur qui en irradiait, il semblait à peu près entier – avant d se redresser lentement. Il avait fallu quoi… cinq minutes ? Cinq minutes pour démolir une ruelle, un escalier et attirer l'attention ? Les portes qui donnaient sur l'ex-escalier commençaient à s'entrouvrir, laissant apparaître des visages tantôt perplexes tantôt empli de colère. Et puis brutalement… « Mais j'la reconnais, elle ! C'est la nana de la télé ! » Un concert de paroles inaudibles s'éleva des différents étages. « Ah ! Et c'est son mec, là ! » Non non, pas son mec. Cette phrase débile trotta dans la tête du sang-mêlé jusqu'à ce qu'un peloton de trois policiers arrivent en courant, l'arme au poing et une expression proche de celle des habitants de la rue. « Vous là, oui vous ! » Tristan et Loïs avaient sans doute très bien compris que l'on s'adressait à eux mais visiblement, ce policier aimait s'entendre parler. « Vous là ! » « Nous là ! » Le sarcasme avait échappé à Tristan, balayé par la douleur de son poignet et l'agacement face à… tout ça. À force, il n'avait même plus peur – il aurait dû – et se contentait d'être simplement désapointé devant tout ce qui pouvait leur arriver en l'espace de cinq minutes. « Taisez-vous ! » Ah. « Qu'avez-vous fait ? » Surexcité, va. « Je croyais qu'on devait se taire. » Une lueur bizarre luisit dans le regard de policier numéro un qui leva son arme et l'agita dans leur direction. « La ferme ! » Par réflexe, Tristan leva les mains en l'air, s'arrachant un gémissement en passant, et vit le canard s'envoler à tire d'ailes loin d'eux. Au moins Loïs était-elle à peu près entière elle aussi, ils n'avaient pas encore rejoint la tombe. Les trois policiers s'approchèrent prudemment, Surexcité restant auprès d'eux deux. Les deux autres inspectèrent brièvement les dégâts. « L'un des poteaux a été soigneusement scié, chef. » Scié… Pourfendu par un canard en rogne oui. « C'est vous ? » « Non. » Pas vraiment. Mais Surexcité ne le crut visiblement pas. Il lui attrapa le poignet – le mauvais – et le força à s'agenouiller, Tristan suivant de force le mouvement dans une nouvelle remontée de larmes. Le policier considéra son poignet et les genoux de Loïs d'un air sceptique. « Vous n'êtes pas très malins tous les deux. Démonter quelque chose et vous en prendre plein la gueule... » Tristan aurait tellement aimé lui faire ravaler cet air narquois… mais il s'enferma plutôt dans un silence boudeur.

Évidement qu'il s'était blessé. Leur vie serait bien trop simple sinon. Elle sauta le rejoindre, regardant a passage son poignet. Comme si elle pouvait y faire quelque chose... Bon, c'était sa manière à elle de lui montrer qu'elle s'inquiétait pour lui. Parfois, il lui faisait de ses frayeurs. Elle sursauta quand uen flopée de policiers leur tomba dessus, visiblement surexcité de les voir ici. Ah oui, ils étaient en effet sur leur liste de jeune délinquants à trouver au plus vite. Elle n'osa pas dire un seul mot, se contenta de les regarda avec un air de merlan fris, puis de laisser parler Tristan. Ils inspectèrent les lieux, voyant au passage le poteau scié. Visiblement cela leur paraissait logique que deux personnes (non armés au passage, elle n'avait pas encore dégainé son lance pierre) soient capable de trancher une telle structure. De nos jours, pensa Loïs, la police ne recrute pas que des gens très fins.

« Écoutez c'est... »

Non, il ne fallait pas qu'elle parle. Si elle parlait encore, ils allaient tous piquer du nez, elle en avait marre de voir les gens dormir quand elle ouvrait la bouche. Quoi que, depuis quelque temps, cela semblait aller de mieux en mieux. Aussi, elle poursuivit.

« C'est juste un mal entendu, nous n'avons pas fais ce que vous... »
« Elle est drôle celle là ! La moins maligne des deux ! »

Elle s'agenouilla et capta enfin ce qu'il venait de dire. L'aurait-il traité de débile profond ? Elle ouvrit de grand yeux et se leva de nouveau malgré la main du policier sur son épaule. Loïs passait peut-être à côté de nombreux sous entendus, remarques pas très subtiles ou autres chose qu'elle en comprenait pas toujours mais là... Étrangement non et cette remarque ne lui avait pas fais plaisir. Elle aurait pu laisser couler mais elle était dans ces fameux jours où la moindres remarques mal prises pouvait faire exploser une jeune femme de son âge. Elle lui bondit littéralement dessus, poussant un cris de rage au passage ce qui, sois disant passant, ne ressemblait absolument pas à Loïs.

lancer de dé:

Le policier tomba à la renverse et s'écrasa sur les pavés. Il avait visiblement perdu tout ses moyens et elle se rendit compte que son pouvoir avait une fois de plus fais des siennes. Mais pour une fois que c'était au bon moment, elle ne s'en voulu pas trop. Au loin, elle entendait le bruit du canard qui semblait revenir vers eux en volant. Un bégaiement la fit réagir et elle se retourna, trouvant un pauvre bleu tout seul, devant ses deux autres collègues, visiblement eux aussi dans les vapes. Loïs se releva et regarda Tristan d'un air totalement perdu. Elle lui signifia d'un geste de la tête que oui, comme il pouvait s'en douter ils étaient juste partis quelques minutes au pays des rêves. Et le canard choisis alors se moment là pour se poser sur la tête du seul agent encore en formation. Ce dernier se mit alors à s'agiter et à hurler dans tout les sens, les suppliant de le débarrasser de ce canard énorme.

Lancé de dés :

Tout cela n'était qu'une vaste blague, un carnaval des idiots, une suite sans fin de malentendus qui ne semblaient jamais se régler. Mais farce ou non, Tristan admira le courage de sa collègue quand elle se leva, pression du policier ou pas. Loïs était une fille curieuse. Adorable bien sûr, mais sacrément bizarre. Être elle au quotidien devait être épuisant, quoi que palpitant, et le fils de Borée admirait profondément sa ténacité, son entrain, sa bonne humeur, sa... Sa personne toute entière, en fait. Quand Loïs se jeta littéralement sur le flic en poussant un hurlement, Tristan resta à genou comme un crétin, à la regarder avec à peu près autant de surprise que les deux autres policiers. Était-ce seulement.. ? Il cligna des yeux mais non, Loïs n'était pas sagement revenue à côté de lui, ce n'était pas une vulgaire hallucination due à la douleur ou à il ne savait quoi d'autre instant, l'impossible était devenu possible. Bon sang, la vie en solitaire à parcourir le monde en priant pour ne pas être reconnus ne leur réussissait pas. Pas du tout. « Faites attention messieurs, elle a tué des gens. » Au point où ils en étaient... Une pudeur mal placée, ou le désir brut d'oublier ce qu'il avait fait, l'empêcha de poursuivre comme il l'avait d'abord escompté. Le pouvoir de Loïs se manifesta subitement, endormant policiers et pigeons, jetant Tristan dans un vague brouillard par désagréable. « Loïs... » Il ne s'endormait jamais quand elle lui parlait, jamais. En revanche, son pouvoir avait brutalement irradié d'elle-même et il n'était clairement pas insensible au sommeil dans ces cas-là.

Contrairement à ce qu'espérait Tristan, le canard perché sur la tête du bleu ne l'agressa pas, ne le mit pas hors d'état de nuire – un peu de chance pour changer ne leur aurait pas fait de mal mais ce n'était une fois de plus pas pour aujourd'hui. Non, plutôt que d'agresser un mortel, le canard en plastique choisit pour cible Loï, comme s'il regrettait de ne pas l'avoir tranchée un peu plus tôt. Il déploya subitement ses ailes au plastique acéré et piqua droit sur la demi-déesse. Toute sensation de sommeil le quitta vivement. « Loïs, attention ! » Entrée en scène du héros au grand cœur, Tristan Langley ! Rien n'était plus éloigné de la réalité et pourtant il se jeta entre la sang-mêlée et son agresseur, trouvant le moyen de retirer son bracelet. Son arc se déploya et le fils de Borée s'en servit de raquette, balançant l'oiseau contre le mur de briques le plus proche. Le canard percuta le mur à vive allure, glissant lentement jusqu'au sol dans un petit tas de plumes en plastique. Le jeune policier les regarda avec stupeur. « M-mais... Pauvre caneton... » Pardon, caneton ? C'était un véritable monstre, oui ! Et en plastique s'il vous plaît ! Prendre une décision prit environ trois millisecondes à Tristan : il ramassa le canard de sa main valide, hurla à Loïs de le suivre et décampa, laissant un apprenti désœuvré au milieu de ses semblables KO. « On a enfin le canard. » Oui, enfin.