once upon a time... tristan.
Il s'appelait Tristan.
Il avait onze ans, il était obsédé par le temps et croyait voir des monstres. Selon son dossier il était né dans un petit village du Colorado et son père restait à ce jour inconnu. Il avait grandi seul avec sa mère, avait changé d'école à de nombreuses reprises et racontait régulièrement le même bobard. Sans compter qu'il ne supportait pas l'obscurité : elle le terrorisait. C'est ainsi que ce petit bout d'homme d'un mètre quarante-cinq avait atterri ici, disparaissant dans l'immensité du fauteuil de cuir. Actuellement occupé à décoller de petits bouts de cuir de l'accoudoir il fixait ses pieds, sa jambe droite s'agitant nerveusement, presque en rythme avec le tic-tac incessant de la pendule. Le médecin, ou plus exactement le psychologue, se replongea dans le dossier du gamin. A ses huit ans un beau-père était subitement entré dans sa vie avant d'épouser sa mère l'année passée. Tristan n'avait apparemment pas de problèmes avec lui, l'aimait bien, faisait des combats pokémon sur la game boy... Une bonne relation, pleine de respect des deux côtés. C'était d'ailleurs ce même homme qui l'avait amené aujourd'hui, afin de l'aider à se débarrasser de ses cauchemars et terreux étranges. Bref. Le psychologue soupira silencieusement, ne sachant -pour une fois – pas vraiment comment abordé ce gamin silencieux.
«
Tristan. » Le gosse leva les yeux dans sa direction, sa jambe arrêtant son mouvement de balancier. «
Raconte-moi un peu. A quoi ressemblent les gens qui te rendent parfois visite. »
Tristan hésita visiblement avant de se lancer. Il semblait presque pensif.
«
Y en a pas plusieurs, juste un. Et d'ailleurs il ne me rend pas visite, sinon il sonnerait à la porte. Il se plante juste derrière ma fenêtre et il regarde dans ma chambre jusqu'à ce que Maman ferme les volets. Mais elle dit que ce n'est pas vrai, que c'est juste un oiseau perché dans l'arbre. »
Ah bon. Voilà qui était inhabituel pour Richard Lemercier, ex-français venu exercer aux États-Unis. Il se caressa vaguement le menton avant de se pencher en avant et de poser les mains bien à plat sur le vaste bureau de chêne.
«
Bon, alors décris-moi cet oiseau qui n'en est pas un. »
Là encore, légère hésitation et le psychologue se demanda si Tristan disait la vérité, s'il n'était pas en train de tout inventer. Il se reprit cependant et se morigéna légèrement. S'il voulait résoudre le problème assez rapidement il fallait le prendre au sérieux, comme si le petit voyait réellement toutes ces choses.
«
C'est un peu un oiseau en fait. Sauf qu'il a une tête de madame qui ressemble à ma maîtresse de l'an dernier. Elle regarde fixement par la fenêtre - qui est juste en face de mon lit donc c'est pire - et reste perchée dans l'arbre. Sauf que Maman ne voit qu'un oiseau. »
Allons bon.
«
Tu saurais me le dessiner, Tristan ? »
Le gamin acquiesça et prit le stylo que lui tendait son psychologue qui ne put s'empêcher de remarquer qu'il dessinait bien. Une harpie. Le dessin représentait parfaitement une harpie, cette créature tout droit sortie de la mythologie grecque. Richard Lemercier vit avec soulagement que la séance se terminait, que l'heure s'était écoulée.
***
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Elle s'appelait Clara.
Et c'était la mère de Tristan. Les choses ne s'arrangeaient visiblement pas pour les Langley. Richard Lemercier s'appuya une fois de plus sur son bureau. Celui-ci finirait par prendre la forme de ses coudes ou de ses paumes de main à ce rythme-là. Le fils ne venait plus le voir depuis bien longtemps mais Clara avait pris la relève, affirmant des choses parfaitement improbables... Et qui pourtant correspondaient à quelques phrases dites par Tristan.
«
Comment va Tristan, Clara ? »
La femme semblait prête à fondre en larme. Lorsqu'elle était venue le voir, deux ans auparavant, Richard pensait qu'elle venait simplement lui donner quelques nouvelles du gamin, rien de plus. Mais elle avait pris rendez-vous et leurs séances s'étaient poursuivies.
«
Bien... Pour l'instant.▬
Eh bien parfait ! Il est à la Colonie, c'est cela ? »
Car elle lui avait sorti une histoire abracadabrante comme quoi elle avait aimé un dieu. Non pas un dieu du stade ou une bêtise dans le genre mais un véritable dieu, immortel et tout le toutim. Borée. Et Tristan serait quand à lui le fruit de cet amour. Impossible, n'est-ce pas ? Mais Clara s'obstinait, appuyant chaque fois sur la véracité de cette histoire. Ces derniers temps Tristan était à une Colonie, un espèce de campement pour les enfants des dieux.
«
Dans sa dernière lettre il parlait d'une guerre en approche. »
Contrairement à d'habitude la voix de Clara était parfaitement - ou plutôt étrangement - calme. Comme si elle était... Résignée ? Bien qu'il ne crut pas un mot de l'histoire Richard eut subitement envie de la secouer par les épaules, de lui dire de se reprendre et de s'inquiéter pour son fils comme une mère le devrait. A la place de quoi il fit un léger « mmh ».
«
Les romains, les demi-dieux issus de la forme romaine des dieux, sont venus à la Colonie. C'était sensé bien se passer mais ça a dégénéré. »
Les choses ne s'arrangeaient pas pour Clara - et Tristan - si les romains débarquaient à présent dans leur tête. Le garçon avait seize ans et en aurait dix-sept prochainement. Malheureusement, après l'épisode de la harpie, rien ne s'était amélioré. Tristan avait simplement été renvoyé d'une énième école avant de partir pour un internat où il passait autrefois les vacances d'été.