« Mary où tu vas ?! Tu ne peux pas le laisser ! » « Je ne veux pas de lui ! » Je n'avais que deux ans, et ce souvenir, c'est ma grand-mère maternelle qui me l'a rapporté. Ma mère n'a pas voulu de moi, elle disait que je ressemblais trop à mon père physiquement et que cela lui faisait mal de m'observer. Elle frotta ses mains sur ses bras, frissonnant en me regardant avant de claquer la porte. Je n'ai aucun souvenir de ma mère, quand elle a quitté ma vie ce jour, elle n'est jamais revenue et je n'ai jamais eu un mot de sa part. C'est ma grand-mère qui m'a élevé, avec tout l'amour qu'elle pouvait m'apporter et pourtant cela ne suffisait pas. J'étais un petit garçon loin d'être souriant, plutôt renfermé sur lui-même.
« Je suis désolée Miss Delaware, on ne peut pas garder Arthur. » Les crèches refusaient que je reste car j'étais un peu bizarre. Oui je ne me mêlais pas aux autres, je restais dans mon coin à bricoler des choses. Je ne me mêlais pas à la foule et à force, les professionnels de la petite enfance se demandaient si je n'étais pas frappé du bocal. Ils avaient bien évidemment évité de dire le fond de leur pensées à ma grand-mère. Granny me porta jusqu'à la maison.
« Ne t'inquiètes pas, ils sont tous abrutis. » « Abrutis. » Répétais-je en regardant ma mamie, elle sourit avant de rire.
Jour de piscine. Joie. La chose que je détestais le plus au monde. Je nageais comme une enclume. Je détestais l'eau et j'avais tout fait pour éviter l'inévitable. Le médecin avait refusé de faire une dispense. « Mais il est parfaitement en bonne santé votre petit-fils ! » Avait-il dit à ma grand-mère avant de la mettre dehors pensant que j'étais sans doute qu'un sale flemmard qui abusait de la confiance et de l'amour de sa grand-mère. Je restais bien à l'écart du bassin, me collant même au mur carrelé. Ca puait le chlore à plein nez. J'avais huit ans.
« ARTHUR ! » Je vis le professeur furieux avant de me prendre par le bras et de me conduire vers le bassin. Je traînais des pieds.
« Tu crois que c'est en restant là-bas que tu vas faire des progrès ? » J'entendis quelques camarades pouffer. Je ne voulais pas y aller. Je blêmis à vue d’œil. Je détestais l'eau. Je supportais juste quand elle était très chaude, comme avait l'habitude de faire ma grand-mère depuis que j'étais gosse que ce soit pour prendre un bain ou boire une boisson.
« Mais monsieur... J'sais pas trop bien nager. » « Eh bien c'est en y allant qu'on apprend ! » Avant même que j'eus le temps de comprendre, il me poussa dans l'eau comme pour être sûr que j'y entre. C'est comme si j'avais mes muscles se paralyser. J'avais l'impression de ne plus respirer. Je me débattais légèrement avant de sentir mes muscles se ramollir. Après, ce fut le trou noir. Total. Ce fut les cris de ma grand-mère qui me réveilla.
« INCONSCIENT ! JE VAIS VOUS FAIRE VIRER POUR CE QUE VOUS AVEZ FAIT ! NON MAIS VRAIMENT ! BALANCER UN ENFANT DANS L'EAU ! INCONSCIENT ! PSYCHOPATHE ! » J'avais ouvert péniblement les yeux avant de me mettre à tousser. Je me sentais très faible.
« Mon chéri ! » On était à l'hôpital. Génial. On allait en entendre parler à l'école pendant longtemps. Elle passa une main sur mes cheveux qui étaient encore légèrement mouillés. Il faisait nuit. Combien de temps avais-je été inconscient ?
« Ne t'inquiètes pas, Granny est là. » « Je sais pas ce qui s'est passé. » Elle me regarda un long moment avant d'avoir un petit sourire.
« Ne t'inquiètes pas. Ce n'est rien. » Pourtant je le vis dans ses yeux, qu'il n'y avait pas rien. Le lendemain elle me changea d'école. Pour la sixième fois de ma vie.
Cela faisait des jours que je crevais de chaud. Sérieusement j'avais l'impression que j'allais flamber sur place. Ma température corporelle avait augmenté. Quand j'avais pris ma température j'avais préféré le cacher à ma grand-mère. J'attendais la mort. J'étais à cinquante degrés. Non ce n'était pas une blague. On disait que le corps humain était en danger à partir de quarante-trois degrés – j'avais vu ça dans un magazine - et moi j'étais à cinquante. Je restais sous mes draps, attendant la fin.
« Arthur tu vas être en retard ! » Hors de question d'aller à l'école. Je ne bougerais pas. Elle ouvrit la porte.
« Tu es malade ? » Je ne répondis rien, faisant semblant de dormir.
« Arthur ? » Je ne voulais pas l'inquiéter. Je sortis de mes draps, prenant mon cartable et filant à tout va. Pour quelqu'un qui avait une fièvre monstrueuse je ne me sentais pas malade, j'avais simplement chaud. Trop chaud. Je marchais vite, bousculant des gens.
« Eh ! Fais attention ! » Je ne répondis rien, baissant les yeux. J'arrivais enfin à l'école et je m'assis à ma table.
« Aujourd'hui nous allons étudier le feu. Son origine, ses bienfaits, ses dangers aussi. Par exemple. » L'institutrice sortit une bougie avant de l'allumer. Je fixais la flamme intensément comme si elle m'attirait. Je sentis une pointe de chaleur au niveau de ma main droite. Quelques flammes étaient en train d'y surgir. Je me levais d'un bond, ma chaise tombant sur le sol.
« Arthur ? » J'avais reculé, cachant ma main.
« Je...je ne me sens pas bien. Je vais aux toilettes » J'avais courru pour sortir de la salle de classe. Les flammes s'étaient éteintes.
« Je suis officiellement fou, fou et fou. » Je courrais à en perdre l'haleine. Je cauchemardais debout, ou alors je délirais. Je pensais que ce n'était que dans les films que l'on voyait des choses pareilles. J'étais parti précipitamment de l'école. Je voulais rentrer chez moi mais ça ce n'était plus possible. Du moins pour le moment. A peine avais-je marché dans la rue que des oiseaux commençaient à vouloir m'attaquer. Des oiseaux qui parlent. Enfin, ça ressemblait à des oiseaux. Je m'étais mis à courir, une voix dans ma tête me disant de le faire. Génial je perdais la tête.
« Mais c'est quoi ce bordel ?! » pestais-je en continuant à courir dans la forêt que j'avais réussi à rejoindre. J'entendais du bruit venant du ciel. Des oiseaux noirs, hurlant, me poursuivaient et non ce n'était pas des corbeaux. Je vis une flèche se décocher de quelque part et l'oiseau hurla de douleur. Je m'étais arrêté un instant.
« Ne reste pas là imbécile ! Si tu crois qu'il n'y a qu'une harpie ! » Une quoi ? L'école n'avait jamais été mon fort mais j'étais persuadé de n'avoir jamais entendu ce mot. Je me remis à courir avant qu'il ne saute de sa branche et se mette à courir en ma compagnie.
« T'es qui toi ? » Fis-je d'un air méfiant.
« Franchement, c'est pas le moment pour les présentations ! Attention ! Baisse toi ! » A peine eus-je le temps de me baisser que je sentis quelque chose me frôler la tête. Des plumes noires tombaient. Granny ne voudrait jamais me croire.
« On va avoir du mal à les semer ! » « Un coup de main les garçons ? » J'entendis une voix féminine.
« Bon dieu Hanna qu'est ce que tu foutais ? » « Oh ca va ! » Elle roula des yeux avant de sortir une épée et de sauter sur les branches, tranchant des têtes de harpies. Cette fille était incroyable. A la fin, elle posa ses pieds sur le sol.
« Salut Arthur. » Je n'allais pas lui demander comment elle connaissait mon nom, mais je fus surpris.
« Bon, les présentations plus tard, faut qu'on aille à la colonie, il arrive pas à se défendre tout seul, t'imagines si on le ramène en deux morceaux ? On va nous tuer ! » « Relax Max. » Elle me contempla de haut en bas.
« Ouai t'as pas trop l'étoffe d'un héros. T'es sûr que c'est lui ? » Le dit Max hocha la tête.
« Stoooop ! » Fis-je en les regardant un à un.
« c'est quoi ce cirque et ça c'était quoi ? » « Des harpies. » Fit-elle en haussant les épaules, comme si c'était normal. En tout cas ça ne m'aidait pas. Je voulais rentrer chez moi, ils refusèrent, trop de danger. Fils d'un dieu, c'est ce qu'on me disait, grosse blague. Franchement en fait je devais être dans le coma dû à ma fièvre pour qu'on m'apprenne des trucs pareils. Non, c'était la réalité et j'appris des mois plus tard que ma grand-mère était au courant et que ma mère en fin de compte était parti car elle ne voulait pas de cette vie. Le fait que je devais prendre des bains très chauds ou boire uniquement chaud était dû à la température corporelle de mon corps plus élevé que la moyenne. Non je n'étais pas allergique aux glaces, il fallait juste que j'évite d'en manger pour ne pas sombrer inconscient voire mourir. Super. Sympa. Mes talents de bricoleur je les devais à mon paternel absent de ma vie. Pour fini les flammes que j'arrivais à faire apparaître, on m'apprit au camp que c'était de la pyrokinésie. Normal quoi. C'est dans cette colonie que je compris pourquoi j'étais différent. J'étais fils d'Héphaïstos et du coup cela expliquait toutes mes bizarreries.
Je n'aurai jamais pensé que l'on me donne une quête aussi rapidement. Cela faisait environ deux ans que j'étais à la colonie. J'étais quelqu'un d'assez discret, à part Max et Hanna je ne fréquentais pas grand monde, à part peut-être cette fille, Sukie. Drôle de nom. Elle était adorable, mais un peu collante. Evidemment, cette quête, je devais la faire avec elle, Max et Hanna. On était quatre. Cela allait être du gâteau au vue de l'équipe. J'étais parti confiant, je n'aurai jamais cru que cela aurait pu arriver.
« On maintient le cap vers le nord, et puis ça devrait aller ! » Je regardais la carte, je n'avais pas forcément un bon sens d'orientation mais je le sentais bien j'étais apaisé.
« On se sépare en deux groupes : toi et Hanna et moi et Sukie. » «
T'es sûr qu'il vaut mieux se séparer ?! » « On aura plus de chance de tomber sur ce foutu monstre assez vite et de rentrer. » « Je te sens nerveux. » « Moi ? Nooon, je suis ravie de faire office de casse-croute. » Fis-je avec un rire jaune. En vérité, oui j'étais tendu. C'était ma première quête, on m'en confiait une et je ne voulais pas la rater. Je n'avais que treize ans, je trouvais ça jeune, Hanna et Max étaient de deux ans plus âgés, Sukie avait le même âge que moi mais c'était une fille et elle avait l'air dans la lune Je ne pouvais pas nier qu'elle me plaisait bien qu'elle soit extrêmement pénible.
« On arrive. » Fis-je d'un air sombre.
On s'était séparé, et tout aurait du bien se passer. Alors qu'est ce qui avait foiré ? J'avais sorti un gadget que j'avais inventé. Quelque chose pour me propulser en l'air pendant une fraction de minutes. Ca avait marché. Je m'étais élevé, mon épée que j'avais forgé moi-même quelques mois après mon arrivée au camp, en l'air prêt à attaquer. Au fond de moi j'étais terrorisé, et devant affronter ma propre peur et ce monstre je n'avais pas fait attention à Sukie. Je la vis se lancer à corps perdu dans la bataille.
« Sukie NON ! » Fis-je, mais elle ne m'entendit pas. Ce monstre ne l'a pas mangé non, il l'a blessé, gravement et je l'ai vu tombé rapidement vers le sol. Comment elle avait fait pour sauter de cet arbre sur ce monstre ? Aucune idée mais elle était folle. J'avais deux choix : combattre le monstre ou sauver Sukie. J'ai balancé mon épée en plein dans l'oeil du monstre qui se retrouva déséquilibré et je me laissais tomber vers le sol, rattrapant de justesse Sukie. Il y avait du sang, elle était blême, je paniquais.
« Putain. Putain. » Je paniquais totalement. Hanna et Max arrivèrent. J'étais paralysé.
« Hanna, occupe toi d'eux, moi je m'occupe de l'autre tâche ! » Fit-il comme pour s'adresser au monstre.
« Arthur, lâche là. » Mes mains étaient comme crispées sur le corps frêle de Sukie, j'en avais les larmes aux yeux.
« Arthur, ça va aller... » Non ça n'allait pas aller. On a réussi à maintenir Sukie en vie jusqu'à la colonie, et en rentrant on m'a dit que peut-être elle ne se réveillerait jamais. A cette époque, je m'isolais encore plus, restant la plupart du temps dans l'atelier à bricoler.
Cette histoire remonte à il y a dix ans, et pourtant je me considère toujours comme fautif. Hanna et Max était dans leur dernière année de colonie. Un parfum de fin régnait pour eux. Je les enviais, voulant moi aussi fuir au plus vite. De plus, depuis la mort de Granny deux ans auparavant, je reste toute l'année au camp. Je déteste le fait d'être un demi-dieux grec, à cause de ça une personne a failli mourir à cause de moi. Je me baladais dans le bois, près de mon bungalow, essayant d'apaiser mes tourments. Je vis alors un camarade s'approcher en courant.
« Arthur ! » Qu'est ce qu'il me voulait celui-là. Merde j'aurai du prendre mon prototype de ma nouvelle invention pour fuir. Je faisais comme si je ne l'entendais pas.
« Sukie s'est réveillée. » Je sentis un bond dans mon cœur. Je me retournais d'un coup. Il était sérieux. Je le suivis, accélérant le pas pour aller jusqu'à l'infirmerie. Dix ans avait passé, bien entendu elle avait grandi. J'étais quasiment jamais venu la voir, me sentant ronger par la culpabilité. Quand je la vis, elle avait l'air apaisé. Moi, je me sentais grignoter par ce sentiment de culpabilité. Je m'étais alors promis en la regardant, que je la fuirai, que jamais je ne lui parlerai pour ne pas qu'elle subisse ça de nouveau.