Everybody wants to save the world.
☞ I'm poor lonesome cowboy.
Dans la famille Knight, avoir des rêves insensés doit certainement être héréditaire. Ses parents n'avaient qu'un seul objectif : goûter à ce qu'il appelait le rêve américain. Amérique. Amérique. Amérique. Ils n'avaient que ce mot-là en bouche. Qu'importe de se tuer au travail, qu'importe de se serrer la ceinture pour mettre le moindre penny économisé dans ce projet puisque papa Knight était persuadé que tout s'arrangerait lorsqu'ils auront posé un pas là-bas. Maman Knight, qui attendait un heureux événement, buvait les paroles de son mari et rêvait déjà de l'avenir radieux pour leur futur bébé. Il fallait croire que la naïveté aussi se transmettait par les gênes.
Bébé Marvin arriva quelques semaines après que l'heureux couple trouva un appartement à louer dans une banlieue de Manhattan. Ils auraient pu choisir un endroit moins cher mais, il s'agissait de l'endroit qui faisait vibrer le plus leurs cœurs de touristes, celui qui faisait le plus rêver. Un désir aussi précis avait un coût, mais, çà, il était trop jeune pour le savoir. Est-ce que son père a eut finalement droit à son rêve américain ? Marvin ne le sut jamais. Si ce rêve ressemblait aux cernes et au maquillage défaut de sa mère qui acceptait des petits boulots de couture, de repassage en plus du métier peu reconnu de mère au foyer, il n'en voulait pas.
Son père... Il était si souvent absent qu'il ne se rappelle même plus de son visage, encore moins le métier qu'il faisait. La seule preuve de son existence était l'album de comics qu'il lui ramenait chaque fois qu'il faisait une petite halte à l'appartement. Généralement, Marvin était au lit depuis longtemps à ce moment-là et il la découvrait en se levant le lendemain (c'était beaucoup mieux qu'une visite du père noël pour lui), ensuite, il dévorait la bande dessinée tout en mangeant son bol de céréales. Quel homme était son père ? Baignait-il dans les magouilles pour arriver à nourrir sa famille ou bien accumulait-il les petits boulots pour joindre les deux bouts ? Avec tous les moyens qu'il possède maintenant, il aurait pu avoir une réponse, mais préfère garder cette part de mystère intacte. Marvin aime imaginer que son paternel devait être une sorte de héros comme ceux dont il lisait les aventures (quelqu'un qui aime les comics ne peut âtre mauvais). Sa mère aussi était une héroïne à ces yeux puisqu'elle arrivait à lui sourire malgré le travail domestique qui l'accablait.
Ainsi, le petit garçon grandit dans sa bulle, ce qui rendit sa rencontre avec la réalité encore plus violente lorsqu’arriva son premier jour d'école. Cette mini-société fut sans pitié avec lui.
L'enfant devint rapidement le bouc émissaire de sa classe. Le genre de looser que les autres élèves aimaient humilier ou/et racketter. Sans parler d'être devenu le hobby à temps pareils des gros durs en manque de punching-balls ! Trop honteux, il essayait de cacher tout cela à sa mère. Au moins, cela faisait travailler son imagination afin de trouver des excuses plausibles.
Malgré cet horrible départ dans la vie, il arriva à se trouver des amis. Des enfants qui partageaient sa passion pour les super-héros. Passion qui été, évidemment, né grâce aux cadeaux de son père. Encore novice dans la matière, il prit connaissance d'autres séries et élargit sa collection avec une patience proche du moine tibétain.
Les années passèrent, il était devenu le genre de fan qui pouvait tenir un débat sur ce qui se passait dans la case 50 de la page 15 du dernier numéro de Superman (édition collector avec les cinq pages de bonus en plus).
Niveau amour, Marvin semblait avoir développé une disposition pour l'amour vache puisque toutes filles pour lesquels, il osait craquer lui riait au nez ou n'acceptait de sortir avec lui que par jeux ou pour l'humilier encore plus devant les sportifs de l'école. En se concernait le niveau scolaire, il avait la moyenne sauf dans les mathématiques où il excellait. Le garçon pouvait aussi se vanter d'avoir des nôtres plus qu'acceptable en artistique.
Un dernier talent qui ne trouvait pas grâce aux yeux de sa mère qui l'encourageait plutôt à profiter de son talent pour les maths. Pourtant, les commentaires de ses amis et de son professeur de dessin poussèrent Marvin à nourrir le rêve de devenir dessinateur de comics.
☞ Where have all the good men gone and where are all the Gods?
Voilà qui avait de quoi inquiéter la famille Knight qui espérait un avenir plus radieux pour leur fils unique. Marvin était têtu, mais pas tête brûlée. Il se fixa la date de remise des diplômes comme date limite pour accomplir son rêve. Il avait des années pour s'entraîner patiemment au dessin tout en recherchant des idées pour une histoire, sans laisser de côté ses études.
À 17 ans, un an avant la date butoir, l'adolescent avait tout en main pour envoyer ses premiers manuscrits. Il avait son héros : un homme masqué avec un look de détective des vieux polars. Il hésitait encore sur le nom et lui donna celui temporaire de
'Justice'. C'était un personnage énigmatique qui rendait la vraie justice dans une ville totalement corrompue. Rien à voir avec Batman ! Ses amis furent ses premiers fans.
Lorsqu'une esquisse d'intrigue fut mit au point, il fit de nombreuses copies et, c'est le cœur battant qui les envoya à toutes les maisons d'édition qu'il adorait.
Bien sûr, il ne reçut que des réponses négatives de certains éditeurs tandis qu'il ne recevait carrément aucun réponse du tout des autres. Cela lui mina le déprima. Au fond, qu'est-ce qu'il espérait ? Il n'était même pas encore majeur ! Pourtant, Marvin s'obstina, son diplôme était en vue et il ne voulait pas continuer ses études à l'université comme le souhaitait sa mère.
Il modifia un peu son histoire et renvoya une nouvelle tentative de manuscrit. Encore et encore pendant un an. Finalement, alors qu'arriva le moment tant redouté de la remise des diplômes, le seul argument constructif qu'il avait reçu de la part des éditeurs fut
"Univers peu réaliste". Un comble pour quelqu'un qui publiait les aventures de personnages volant en collant !
L'adolescent se montra obstiné, il refusait de renoncer maintenant. Pourtant, il ne devait pas oublier la promesse faite à sa mère : si jamais il n'avait aucune réponse encourageante au moment où il avait fini le lycée, il devait se tourner vers des études lui assurant un travail respectable.
À l'époque, ceux choisissant des études liées à l'informatique avaient la garantie d'obtenir un travail à la fin de leur cycle d'études. Doué pour les maths, Marvin se tourna vers la programmation. Un monde peuplé de zéro et de un, tellement plus simple que le monde réel.
Il avait l'impression d'être un explorateur accostant sur un nouveau Continent, découvrant les bases d'un monde dont on n'avait pas encore découvert le plein potentiel. C'était véritablement grisant comme sensation ! Petit à petit, ses études parasitèrent de plus en plus son temps libre et Marvin commençait à avoir du retard dans ces lectures au point d'être complètement perdu par moment concernant certaines de ces sagas fétiches.
Pourtant, il n'en oubliait pas son premier projet. Entre deux manuels de mathématiques, il empruntait aussi des livres plus personnels pour rendre son univers fictif plus réaliste. C'est en lisant un ouvrage consacré à l'Atlantide qu'il tomba dans sa phase
'conspirationniste'. Le monde semblait débordé d'intrigues, de conspirations secrètes et d'extraterrestres en tous genre. À la lumière de ces nouvelles inspirations, son héros devint un chasseur de monstre. L'étudiant griffonna ce nouvel angle d'attaque sur la première page de son prototype de manuscrit puis il décida de laisser cogiter cette idée pendant quelque temps.
☞ Binary solo ! 0000001, 00000011
Quelque temps... En réalité, lorsque Marvin ressortir ce projet, des années s'étaient écoulées. Il avait terminé ces études depuis longtemps et venait de décrocher un job en tant que codeur pour une boîte quelconque à Chicago et assemblait ses affaires dans des cartons puisqu'il était temps de quitter son nid pour un logement plus proche de son travail fraîchement obtenu.
Il feuilleta ses crayonnés avec nostalgie, mais n'y retravailla sérieusement que lorsqu'il fut assommé par le traintrain quotidien. Son travail n'avait rien de passionnant. L'heure était au numérique, il devait retranscrire les archives papiers dans l'ordinateur et les protéger. C'était à peu près tout. En rentrant dans son appartement vide, les choses sérieuses commençaient. L'argent qui n'allait pas dans son loyer partait dans sa connexion Internet. Une autre nouveauté qui allait flamber le monde.
Marvin découvrit ce nouvel univers avec la même excitation que ces cours de programmation. Internet était beaucoup plus basique qu'à cette époque, mais regorgeait d'information concernant les théories du complot. C'est ainsi que, comme Dark Vador, le jeune homme tomba du côté obscur de la toile. Il se rendit compte que les infos les plus intéressantes étaient protégés. Lorsqu'on est curieux, il n'y a rien de pire que de savoir quelque chose juste devant votre nez et de ne pas pouvoir y jeter un coup d'œil. Cela lui prit un certain temps avant qu'il ne comprenne la méthode pour faire céder les verrous. Internet n'était pas aussi bien protégé que maintenant. En plus, il estimait ne rien faire de mal, l'informaticien ne faisait que regarder et non détruire les dossiers ou introduire des virus.
Lors de ses 28 ans, il tomba sur des dossiers qui se révélèrent une vraie mine d'or pour son histoire. Le trip de ce DLCEM semblait être la mythologie grecque. Marvin ne s'y était jamais intéressé avant et changea vite d'avis en voyant la précision des dossiers. Il y avait même des photos (des montages certainement, comme le canular de Roswell). Le jeune homme avait déjà vu des gens aller loin dans leur délire, mais eux décrochaient la médaille d'or. Çà valait vraiment le coup de s'être acharné pour cracker leurs défenses. L'informaticien ne savait pas dans quel guêpier, il venait de se fourrer. Tout ce qu'il soupçonnait, c'est qu'il n'avait pas beaucoup de temps. Alors il nota tout ce qu'il jugea intéressant pour son histoire et se déconnecta en vitesse.
Le lendemain, Marvin avait une histoire en béton armé et était certain de recevoir une réponse positive cette fois. Au lieu de cela, on lui renvoya son manuscrit. Beaucoup de passage avait été passer au feutre noir, genre censure de dossier confidentiel comme dans les vieux films. L'informaticien se demandait se demandait ce qu'il se passait quand il tomba sur une carte avec une date et un lieu inscrit. Rien d'autre. Il commençait à avoir mal au front à force de froncer les sourcils.
"Ooookkk. Là çà devient vraiment bizarre." Commenta le jeune homme en retournant la carte dans tous les sens au cas où une information lui aurait échappé.
Honnêtement, il avait la trouille. Pendant tout le trajet, il aurait pu avoir sa photo dans le dictionnaire à côté du mot "stress". Pourtant, il est allé au rendez-vous, sans en parler à personne (alors que dans tout bon film, on laisse toujours un dossier en banque avec une note sur son testament au cas où il arriverait quelque chose). Pourquoi ? Parce que la curiosité était un vilain défaut. Dès qu'il se trouvait devant un mystère, c'était plus fort que lui, il fallait qu'il creuse. C'était la même chose pour les réseaux ou les sites sécurisés, dès qu'il tombait dessus, il fallait qu'il découvre ce qui se cache derrière toutes ces protections.
Marvin avait eut tout le trajet pour spéculer sur ce qu'il l'attendait.
Au pire, se disait-il,
je vais tomber sur des personnes se prenant un peu trop au sérieux dans leurs délires. Au lieu de cela, il découvrit qu'il avait fait joujou avec les dossiers d'une agence gouvernementale top-secrète qui venait tout d'améliorer leurs services grâce aux avancées technologiques.
"Oh, vous veniez de faire votre installation informatique. Çà explique tout." Avait-il eu l'audace de commenter pour immédiatement le regretter en se mordant la lèvre inférieur.
Hélas, le mal était fait. L'inévitable question
'expliquer quoi ?' arriva de la part de son intimidant interlocuteur. L'informaticien se fit violence pour ne pas répondre, pourtant...
"Que cela a été si facile d'y accéder." Répondit-il avec un sourire nerveux.
"Quoi ? J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?" Rajouta-t-il nerveusement en voyant la mine de son interlocuteur se décomposer.
Pour essayer de rattraper le coup, Marvin avait enchaîné avec des recommandations faciles pour booster la sécurité des dossiers, mais tout en alignant fébrilement les arguments et les termes techniques, il était convaincu que sa dernière heure venait de sonner.
Qu'est-ce qu'il lui avait pris de jouer les malins ? Surtout que cela n'avait pas été aussi facile qu'il le prétendait.
☞ The first rule of DLCEM is: you do not talk about DLCEM..
Il imaginait déjà figurer de la rubrique nécrologique de la prochaine édition du journal.
"Un cadavre non identifié retrouvé dans l'Hudson." Si on retrouvait son corps ! Au lieu de cela, il a été engagé.
Au début, tout le monde le connaissait en tant que
"le type qui a piraté le réseau du DLCEM pour en faire un comics". Pas très glorieux comme première impression. C'était une époque où on pensait que le nec plus ultra de sauvegarde était la disquette. Une époque où si vous surfiez sur le net, cela signifiait qu'on ne pouvait vous joindre sur votre ligne de téléphone fixe. Bref, c'était la préhistoire. Et Marvin assista à l'évolution de ce domaine depuis l'intérieur en transférant ce qui était nécessaire, protégeant les dossiers les plus délicats, sauvegardant tout en trois exemplaires sur des supports différents. Son nouveau travail ressemblait beaucoup à l'ancien sauf que le contexte faisait toute la différence, rendant le tout moins monotone.
Avec les années et un travail acharné, on lui donna des responsabilités supplémentaires. Agent de liaison. Voilà un statut beaucoup plus classe. A force de côtoyer les véritables héros du DLCEM ( c'est à dire : les agents de terrains), un nouveau rêve fou germa dans sa cervelle : celui d'être au centre de l'action. L'idée de devenir dessinateur de comics avait complètement disparu de son esprit dès qu'il avait commencé à travailler pour un département du gouvernement chargé de traquer des créatures mythologiques. Agent de terrain était un rêve bien plus concret. Du moins, de son point de vue.
Pourtant, aucun de ces supérieurs ne veut lui laisser sa chance ! Marvin espérait que ce n'était pas parce qu'il ne quittait plus ses lunettes anti-brumes lorsqu'il devait sortir des locaux sécurisés du boulot. Après les deux derniers bouleversements cosmiques causés par les demi-dieux et lorsque votre vieille voisine adorant les chats pourraient très bien être une Empousa déguisée... Et bien, on devient plus prudent, c'est tout. Il est prudent... Pas paranoïaque !
De toute façon, c'est statistiquement impossible qu'après presque dix-sept années de travail, on ne lui laisse jamais sa chance. N'est-ce pas ? N'est-ce pas ?!