Tamara vit le jour à la Nouvelle Orléans, un certain 5 septembre il y a de cela 38 ans, dans un foyer des plus aisés. Ses parents possédaient une magnifique maison coloniale qui trônait au milieu d’un vaste et vert domaine. Son père était un riche homme d’affaire, souvent amené à voyager de par le pays, voire dans le monde entier. Sa mère était de « nature délicate », c’est le politiquement correct pour dire qu’elle avait une santé de merde. Aussi, alors que sa princesse avait à peine un an, elle décida de se faire aider un peu en engageant une nourrice. C’est là qu’entrèrent dans leur famille les Cassidy : Haytham, un petit garçon de  5 ans, et sa mère qui fut engagée pour s’occuper de Tamara. Les deux mamans devinrent rapidement amies, et le jeune Haytham un véritable protecteur pour la petite Tam.

La fillette grandit donc en ayant un camarade de jeux qu’elle considérait comme un grand frère et qu’elle aimait par-dessus tout. Elle lui vouait une admiration et une confiance sans faille. Ils passaient des heures entières, pendant les vacances et les week-ends, à s’amuser sur le vaste domaine de la propriété. Ils couraient, se battaient avec des bâtons, simulant des combats de chevaliers. D’ailleurs un jour, Tam, voulant esquiver un coup en se la jouant héroïque, tomba dans une sorte de puits naturel, ce qui lui valut de s’entailler la lèvre supérieure. Haytham l’aida heureusement à remonter alors qu’elle était accrochée à une racine. Ce caractère aventureux, jamais elle ne le quitterait.

Vers l’âge de 10 ans, Tamara comprit que les sentiments qu’elle éprouvait pour Haytham avaient évolué : ce n’était plus seulement un amour fraternel, mais bel et bien un amour, comme celui qui unissait ses parents. Mais jamais elle n’aurait osé le lui dire. Seul son journal intime partageait ce secret. Pour l’heure, Tam se contentait d’embêter son « grand frère » en le surnommant « le Penseur », après avoir étudié brièvement Rodin à l’école. Oui, Hay, lorsqu’il ne s’amusait pas avec elle,  était souvent en train de rêvasser, pensant à des tas de choses mystérieuses connues de lui-seul. Cette petite provocation servait d’ailleurs souvent de point de départ pour de nouveaux combats épiques avec des épées en bois improvisées.

L’été suivant vint mettre une fin à cette enfance idyllique. Alors que les deux mamans sirotaient une limonade dans le patio et que les jeunes gens étaient, comme toujours, en train de s’amuser, une chose inattendue se passa : une attaque, et pas des moindres, puisque ce fut celle d’un monstre. Il dévasta une partie de la magnifique demeure des Lond, et vint s’en prendre aux enfants, qui coururent rejoindre leurs mères. Dans la panique générale, tout alla très vite, et finalement, la mère d’Haytham se sacrifia pour les sauver tous. Le monstre disparut, et alors que Tam et sa mère étaient sous le choc, Haytham se volatilisa à son tour, pour aller Dieu seul savait où.

Les mois qui suivirent furent extrêmement difficiles pour Tamara. D’une part, son père était omniprésent, l’obligeant à aller à des séances chez le psy. Lorsqu’elle raconta la première fois ce qu’elle avait vu, le docteur manqua de la faire enfermer. Heureusement, Mr Lond intervint et fit conclure au psy que ce discours n’était autre que les divagations d’une fillette en état de choc. Mme Lond, quant à elle, s’était coupée mentalement du monde, elle ne parlait quasiment plus. Elle qui adorait flâner dans son jardin, faire de la musique, chanter avec sa fille, n’était alors plus que l’ombre d’elle-même. Elle tenait des propos incohérents, bredouillait, bégayait. Le docteur conclut à une perte de raison progressive.

Depuis lors, Tamara voua une haine secrète contre Haytham et contre toutes les créatures mythologiques. Ce monstre était clairement venu pour lui, puisqu’après que sa mère l’ait sauvé, il avait disparu. Et Hay aussi d’ailleurs, s’était tiré ! Il les avait abandonnées, elle et sa mère, alors qu’elles avaient besoin de lui ! Il l’avait abandonnée, elle, alors qu’elle l’aimait plus que tout , qu’elle lui faisait confiance ! Et ensuite, il y avait ces sortes de visions qu’elle commençait à avoir lorsqu’elle croisait certaines personnes… Etait-ce aussi un syndrome post-traumatique ?

Le père de Tam voulait qu’elle suive son chemin, pour agrandir encore la fortune familiale. Mais la belle brune s’était fixé un objectif bien différent. Brillante élève, elle décrocha son diplôme de fin d’études et s’engagea dans l’armée. Ferrue de sports de combats depuis quelques temps maintenant, elle ne tarda pas à gravir les échelons. Mais ce qu’elle préférait, c’était le tir. Un œil aiguisé lui permettait de ne jamais louper sa cible. Elle finit d’ailleurs par devenir sniper.

Puis, une occasion se présenta après 8 ans dans l’armée : elle reçut une étrange convocation, pour un poste au DLCEM. Quelle aubaine ! L’entretien se passa au mieux, et elle fut engagée comme agent de terrain. C’était il y a de cela 12 années bien tassées. Ne vous fiez pas à son gabarit de crevette : Tam sait cogner, et en général, ses adversaires ne se relèvent pas sauf pour demander grâce.

La dernière mission en date du DLCEM avait pour but d'infiltrer deux camps de sangs-mêlés et de les tuer tous. Tam était ultra partante pour la mission, bien entendu. Seulement, quand, malgré la nuit, elle s'aperçut que les balles d'or ou de bronze abattaient des enfants, et lorsqu'à bout portant elle dût en loger une dans la tête d'une petite blondinette de tout juste 8 ans, un sentiment nouveau apparut en elle: la pitié. N'allez pas croire qu'elle en ait abandonné sa mission et ses principes pour autant. Seulement, jamais elle ne s'était dit qu'elle aurait à tuer des enfants. Depuis, ce passage de sa vie la hante toutes les nuits. Elle est devenue insomniaque, tant la crainte de revoir ce visage d'enfant terrifié lui fait peur.