Les premières années de ma vie ont sans doute été les plus insouciantes; je ne me rendais pas compte de tout ce qui m'entourait. La vie me semblait simple; je n'avais pas de parents, donc mon oncle m'a recueilli dans son grand appartement à New York. Mon oncle était rarement là, c'était donc ma tante qui s'occupait de moi et de ses deux filles. De temps en temps, elle nous amenait à Central Park pour jouer, j'adorais jouer avec mes cousins sur l'aire de jeux. Mais un jour, je devais avoir sept ou huit ans, j'ai vu pour la première fois un monstre.  Mes souvenirs de ce moment sont confus, je me rappelle juste avoir aperçu l'immense chose et avoir agrippé mon cousin Bobbie si fort qu'il a dû lâcher la barre à laquelle il s'accrochait pour desserrer mon étreinte. J'ai crié, voyant le monstre s'approcher d'un air menaçant. Pourquoi personne ne réagissait? J'étais persuadé que j'allais terminer dans sa gueule. Bobbie a tenté de me rassurer; -Ce n'est qu'un labrador, Francie, c'est un gentil chien. Je lui ai jeté un regard effaré. Était-il fou? Puis mon instinct de survie a pris le dessus et j'ai brusquement lâché mon cousin pour agripper la rampe qui descend jusqu'au sol de l'aire de jeux. Dans mon élan, j'ai sans doute fait perdre l'équilibre à Bobbie. Selon ma tante, il s'est cogné la tête à la rampe et s'est étalé au sol. Bilan; un traumatisme crânien et un bras cassé. Et le monstre flairait dans notre direction, comme si le sang l'attirait. J'ai été sortie de mon état de choc par ma tante qui m'a crié de la suivre. Elle portait Bobbie qui était inconscient dans ses bras.
Quelques heures plus tard, à l'hôpital, j'ai pu aller voir Bobbie. Il a fait le dur, il a dit que ça allait super bien.

C'était juste le premier incident d'une interminable série.

Peu à peu, autour de moi les gens ont changé.

 Samantha était une de mes meilleures amies. On était dans la même classe et on jouait ensemble à la corde à sauter. Un jour, elle s'est pris les pieds dans la corde et est tombé tête la première sur le béton. Elle n'a heureusement eu aucune séquelle. Mais ce genre d'incidents se sont reproduits. Peu à peu, dans l'école j'étais devenue la fille qui porte la poisse, et on a commencé à m'éviter. Peu à peu, les instituteurs ont commencé à se méfier; ça a commencé quand Miss Cardew a tiré les oreilles de Thomas, le boute-en-train de la classe, qui se trouvait être le fils d'un célèbre avocat. Elle a été renvoyée dans la semaine, les parents de l'enfant ayant menacé un procès. Ce serait bien trop long de résumer touts les incidents auxquels j'ai assisté, sachez juste qu'il y en a suffisamment pour que je me rende compte que ce ne sont pas de simples coïncidences.
Instinctivement, je me suis mise à l'écart, je me suis renfermée, j'avais peur, peur de porter la malchance sur les autres. Je me disais que mes parents m'avaient abandonné parce qu'ils savaient que j'étais dangereuse.

Ah, l'adolescence, dans les teen movies, c'est la période où tout un monde bascule, où on expérimente et on découvre les choses qui font la vie. Je dois avouer que dans mon cas, ça a été la période du doute et des remises en question.
Déjà, j'ai commencé à me rendre compte que mon oncle n'était pas qu'un "homme d'affaire". Ca a commencé à l'école, par mes camarades qui me traitaient derrière mon dos de sale fille de mafieux, et dès que je regardais ailleurs, on m'accusait de tous les vols possibles et imaginables.

Puis, il  y a eu ce fameux banquets. Mon oncle y avait invité tous ses associés et leurs femmes. Les enfants n'étaient pas admis à table, mais j'espionnais, cachée derrière la fenêtre entrouverte qui menait à l'arrière cour. L'ambiance était tendue, même si ma tante entretenait la conversation. Soudain, mon oncle commence à hausser le ton sur un homme. Mon oncle ne parle italien que pour les affaires, je n'ai donc pas tout saisi de la conversation, mais c'était une histoire de stock manquant à l'inventaire. L'associé tentait de se défendre et semblait très intimidé par mon oncle, qui se faisait de plus en plus menaçant. Il jouait avec son couteau et ne portait pas attention à ma tante qui tentait d'apaiser la situation. Mon oncle s'est levé et s'est avancé vers le fautif. Il a passé la main sous sa veste. C'este la première fois que j'ai vu mon père utiliser une arme. Il a tué l'Homme sans un sursaut. Puis le silence s'est abattu dans la salle. Mon oncle a jeté un coup d'œil à ses deux hommes forts, comme il les appelle, qui se lèvent et empoignent le corps sans vie. C'était donc ça, son travail? Le soir même, je suis allée le voir. Je voulais savoir. Je lui demandé ce que c'était la mafia, il m'a regardé avec amour et m'a expliqué que la mafia, c'est un réseau de bons procédés, et qu'il m'expliquera en détail quand je serai plus grande.

Avec les années, j'en ai appris de plus en plus sur le travail de mon oncle. J'ai compris pourquoi les gens changeaient de trottoir quand il sortait. C'était la loi du sang. Et j'en bénéficiais, en quelque sorte. Puis, il y a eu cette dispute entre ceux que je croyait être mon oncle et ma tante.

Il était très tard, ou très tôt, et j'étais censée dormir, mais gribouillais des caractères en grec sur mon carnet de dessins. J'entendais le murmure de mon oncle et ma tante dans la chambre d'à côté. Ils parlaient en italien. Le ton de ma tante était agressif, et mon oncle plus sur la défensive.

-Fin dall'inizio lo sapevo! Mi hai tradito con quella donna ! Pensavi tue storie avrebbero funzionato a lungo? Io non sono ingannato . Francesca è la tua figlia illegittima , ammetterlo ! Viglia…
(Depuis le début je savais! Tu m'as trompé avec cette femme! Tu croyais que tes petites histoires allaient fonctionner longtemps? Je ne suis pas dupe. Francesca est ta fille illégitime, avoue le! Lâ…!)

Mon oncle  répondu tout bas, il semblait penaud, je n'ai pas saisi le sens de ses paroles. Mais ça ressemblait à un mea culpa. J'ai ouvert grand mes yeux, et, comme un robot, je suis allée dans leur chambre. Ma "tante" se lève du lit et me crie de sortir, mais mon père, les yeux humides se précipite sur moi et me prend dans ses bras. -Ne t'approche pas d'elle! Vociféra-t-il en italien. Il me serrait si fort que ç'en était douloureux. -C'était… Une erreur… Je ne voulais pas… Murmura-t-il en direction de sa femme.
-Tu ne dois pas t'en prendre à elle…
-Je ne peux plus la laisser s'en prendre à mes garçons! Je ne veux plus de cette bâtarde dans cette maison. Fais-en ce que tu veux mais je ne veux plus la voir. Elle ne devrait pas exister. C'est elle, ou nous.

Et c'est comme ça que j'ai appris que mon oncle était en vérité mon père, et que j'ai été envoyée dans une pension au sud de la ville.
Loin de mon quartier, inconnue de tous, je me disais que ce serait un nouveau départ loin des emmerdes. Quelle naïveté. L'espoir, le futur, bref, des choses inaccessibles aux demi-dieux.  
Ma nouvelle école était plutôt respectable; fréquentée par des gens aisés, éduqués, et toujours blancs, bien sûr.  Mais j'ai tout de suite remarqué Ernest. Parmi tous ces gens touts droits sortis des séries TV populaires, il faisait tâche, avec son pantalon trop grand et ses boucles rousses. Il s'est pratiquement jeté sur moi, comme si j'étais la plus belle chose qu'il n'aie jamais vu. Bien sûr, je ne lui ai pas laissé le loisir d'expérimenter la joie de me fréquenter, mais il refusait de me laisser tranquille. Il semblait à peine étonné de voir les désastres que je provoquais autour de moi. Plus je le fuyais, plus il s'accrochait à moi.
C'est lors de la période de fin d'année qu'il décida de m’asseoir de force sur l'un des bancs de la cour. J'ai eu droit à tout le monologue qu'il avait préparé au cours de l'année, pour faire court;
-Hey Francie, ta maman est une déesse, c'est pour ça que tu as toujours eu du mal  lire et à te concentrer! Puis ça explique aussi pourquoi tu vois souvent des monstres, lol, bref, viens à la colonie des sangs mêlés, c'est bien. Allerr! Normalement j'aurai dû aborder le sujet petit à petit mais comme tu m'as pas laissé approcher, bref, que tu le veuilles ou non, tu viens avec moi. Ah et au fait! J'ai des pattes de bouc.
Je vous laisse imaginer qu'après ce discours, je suis restée bloquer, la bouche entrouverte et les yeux hébétés pendant une bonne minute. -Mamma mia. C'est tout ce que j'ai répondu avant de recevoir une crotte de pigeon sur la tête. Vie de merde. Bref, je me suis dit, après tout, qu'est-ce que j'ai à perdre? Ernest a fait prévenir mon père que je partais en camp de vacances et il m'a fait faire le fameux voyage vers la colonie, qui n'a pas été de tout repos.

Les quatre années au camps sont passées presque aussi vite qu'une ellipse temporelle. Les deux premières années, n'ayant pas été reconnue, je suis restée au surpeuplé bungalow d'Hermès. Je suivais également assidument les cours d'escrime et j'ai pris goût au jeu des drapeaux, cependant à chaque jeux, on me chargeait de surveiller le drapeau, car mes camarades connaissaient mes "pouvoirs", pour une fois qu'ils ne leur portaient pas préjudice. Ave le temps, j'ai commencé à maîtriser mon aura de "malchance", je ne saurai expliquer comment je m'y prend, mais j'arrive à annuler cette aura, ou à l'atténuer. Mais je n'ai pour l'instant trouvé personne pour me conseiller sur la marche à suivre, donc je travaille là-dessus en me mettant à l'écart des autres, en espérant qu'un jour je finisse par contrôler ce "don".
Ah oui, parlons de ma chère Maman, la déesse Até. Elle m'a reconnue la veille de mes seize ans, et pour célébrer l'évènement, elle m'a envoyé une sorte de GPS qui est censé détecter les lieux sacrés et les monstres. Hors il ne m'a jamais servi, car je n'ai jamais compris son fonctionnement. Il m'aurait pourtant bien servi dans quelques quêtes. Car oui, il a bien fallu que je m'y mette, un jour. A chaque essai, je revenais avec au moins un compagnon grièvement blessé.
Puis il y a eu le fameux assaut des mortels. Le camp ne pouvait demeurer dissimulé pour l'éternité, j'imagine. Depuis, les choses ont changé. Il faut non seulement combattre les monstres, mais aussi se méfier des mortels.