Once upon a time...
☞ Marius, bébé. (Hartley)
«
Je croyais que tu m’aimais chéri. Comment as-tu pu... comment as-tu pu me faire ça, hein ? Est-ce que tu as vu ça ? Qu'est-ce qu'on va en faire ? » «
Ça ? Mais enfin, c'est mon fils, je ne vais pas le laisser dans la rue je.. » «
Alors occupe t'en. Je ne l'aimerais jamais, tu comprends ça ? Tu me déçois, c'est honteux je... Tu comprends ? Vient Hartley, va te coucher. »
Hartley Sugden regardait ses parents se disputer depuis une heure maintenant. Le petit garçon de onze ans n'avait pas eut son mot à dire, bien évidemment. Il était resté près du berceau dans lequel dormait un bébé tout blond. Son père l'avait ramené ce soir-là. Il avait dit qu'une femme avec qui il avait eu une brève liaison était tombée enceinte et pouf, bébé. Il tapota la joue du bébé endormi en l'examinant de plus près. Pauvre bébé. Au fond, Hartley était ravi, il avait toujours rêvé d'avoir un petit frère. Sa mère lui tira la manche et l'entraîna dans sa chambre. Une fois en haut, elle lui mit les choses au clair. Ce bébé ne serait jamais son frère. Il était juste une erreur. Et jamais au grand jamais, il ne devait l'aimer. Ce soir là, Hartley compris que sa mère ne rigolait pas. Il comprit aussi la définition de jalousie. Et il comprit aussi que le pauvre petit Marius n'aurait jamais de place dans leur foyer.
☞ Marius, trois ans. (Hartley)
Son petit frère était génial. Malgré les décisions de sa mère le concernant, Hartley jouait souvent avec lui. Il apprenait vite. Il avait un regard tellement calme. C'était la pureté incarné. Bien vite Hartley remarqua qu'il ne ressemblait pas vraiment à son père. Alors que lui en était un copier coller. Aucune trace de cheveux bruns, châtain. Une peau pâle, des yeux bleu... Alors il tenta de s'imaginer à quoi pouvait bien ressemblait la mère du petit Marius. Peut-être qu'ne grandissant il leur ressemblerait plus ? «
Haley ! » «
Hartley ! C'est Hartley andouille ! » Et Marius rigola. Andouille n'était pas une insulte. C'était affectif. Du moins, pour les deux frères. Il lui avait fait un dessin. Hartley, plongé dans ses mathématique ne le vit pas tout de suite. Mais Marius semblait pressé. Pour la première fois, il avait écrit le prénom de son grand frère correctement. «
Hartley. Je t'aime. » Tout aurait pu être parfaitement normal si les derniers mots n'avaient pas été en français. Parce qu'il était sur d'une chose, on apprenait d'abord aux enfants à écrire dans leur langue maternelle, l'anglais donc. Marius était retourné à ses coloriages. Il avait l'air tellement appliqué. Hartley se faisait des idées. Après tout, peut-être que sa maîtresse lui avait appris à dires ces mots-là ?
☞ Marius, six ans.
La gifle était partie toute seule. Et Marius s'était mis à pleurer. Sa mère ne l’aimait pas. Sa mère était odieuse avec lui. Il ne voulait qu'une chose, que son grand frère revienne. Que son grand frère joue un peu avec lui. Mais Hartley avait dix-sept ans. Hartley avait une copine, Hartley allait au cinéma sans lui, Hartley faisait sa vie et Marius était plus seul que jamais.
«
Ne me redis plus jamais ça, tu as bien compris ? » «
Oui... » «
Remets-toi à bosser, dépêche-toi. »
Cette fois-ci, il allait retenir la leçon. Il ne demanderait plus où était sa mère. Marius était un petit garçon intelligent. Il avait bien vite compris pourquoi la mère d'Hartley ne l'aimait pas. Parce que ce n'était pas la sienne, voilà tout. Il monta dans sa chambre en traînant des pieds. Elle était évidemment plus petite que celle de son frère. Malgré l'opposition farouche de son père, il avait hérité d'une ancienne salle de bains. Le sol était carrelé, souvent froid, et Hartley collectionné les tessons de mosaïque qui autrefois couvrait le mur de chambre. Contrairement à la chambre remplis de jouets de son frère, la sienne était simple. À la place de la baignoire avait été mis son lit et au-dessus, il avait collé tous les dessins qu'il faisait en classe. Le petit garçon calme et ordonné qu'il était faisait que sa chambre était bien souvent silencieuse et parfaitement rangée. Jamais l'on entendait un enfant jouer dans son coin, ou même s'inventer des histoires. Tout ça, il le faisait dans sa tête, roulé en boule sur son lit. Il voulait que son père rentre. Il voulait que Hartley vienne le voir. Il guetta à la fenêtre. Mais cet après-midi-là, Hartley revint encore avec cette stupide fille. Et son père rentra tard.
Marius regarda son frère filer vers les manèges, les yeux pétillants. Sa mère avait acheté des tickets pour le manège à Hartley. Lui était resté devant, se contentant de le regarder s'amuser avec les auto tamponneuses. Les fêtes locales de la ville étaient toujours formidables aux yeux de Marius. Surtout l'été. Son père n'était pas là, le travail l'avait appellé, une nouvelle fois. Alors sa mère s'était décidé seule à les amener à vélo. Évidemment, Marius était venu à pied. Après tout, les stands et la fête se déroulait deux rues plus loin de la leur. Et de toute façon, il n'avait pas de vélo et sa mère avait refusé qu'Hartley le prenne sur son guidon.
«
Tu veux jouer petit ? » «
Je n'ai pas de ticket, je vais demander à ma maman ! Ma... »
Il se tourna alors vers sa mère. Partit. Envolé. Hartley semblait toujours s'amuser. Alors où était-elle ? Marius baissa les yeux. Elle l'avait encore oublié.
«
Je ne peux pas, désolé... » «
Je te l'offre petit ! »
Alors radieux, il grimpa dans une voiture violette et fonça vers son frère. Sa mère était revenue, elle lui lança un regard si noir qu'il eut peur de descendre de l'engin. Elle acheta une glace à son frère, et quelques bibelots. Marius retrouva des amis en fin de soirée. Et quand madame Sugden laissa son fils cadet sur un banc sans même lui adresser un regard, les gens murmuraient sur son passage. Ce soir-là, il avait attendu, comme lui avait expressément demandé sa mère en le traitant de débile mental. Son père passa le chercher, complètement fou, en fin de soirée, alors que les habitants repliaient leur stand, abusé de voir le petit Marius en tee-shirt attendre sur son banc.
«
Tu l'as laissé sur un banc chérie, sur un banc ! » «
De quoi tu parles ? » «
De Marius ! Il a six ans ! Six ans ! » «
J'avais oublié ce détail, bonne nuit chéri. »
Marius avait levé les yeux vers son père. Il ne comprenait pas. Son père pleurait. Pour la première fois, il vit son père pleurer. Il lui attrapa la main et la serra très fort. Ce soir là monsieur Sugden dormit sur le canapé avec son fils.
☞ Marius, dix ans.
«
Il est trop chou ton petit frère... Marius, tu viens me voir ? »
Elle le prenait pour qui ? Pour un môme de trois ans ? Il regarda Hartley, en vain. Il était trop gaga quand elle était là. C'était insupportable. Bon sang. Victoria était la fille qui... Traînait avec lui depuis qu'il avait dix sept ans. Ils ne se quittaient plus. C'était... horrible. Elle avait développé une passion pour ses joues. Elle aimait les lui pincer en permanence, lui caresser les cheveux comme s'il était un vulgaire caniche, et le pire dans tout ça, c'était qu'elle le prenait pour une poupée géante. Et Hartley la laisser faire. Victoria aurait pu être une fille chouette sans tout ça mais hélas, mère nature avait décidé de la doter d'un cerveau peu... rempli. Il n'avait jamais comprit comment Hartley avait fait pour succomber, vraiment. Lui qui était un vrai petit génie. Il était génial. Pourquoi ne se trouvait-il pas une fille comme lui au lieu de... D'elle.
«
Tu me fais un bisous mon chou ? »
Argh. Mon chou. Bon sang, il était où son grand frère ? Pourquoi fallait-il qu'il parte maintenant pour faire il ne savait trop quoi ? A contre cœur, il lui déposa un petit baiser sur la joue et Victoria... arrêta de roucouler. Elle ne bougeait plus. Marius recula d'un pas et la tapota. Rien. Bon sang. Si c'était une blague, elle n'était pas drôle.
«
Vic' j'ai trouvé un... Vic' ? Marius, qu'est ce que t'as fais ?! » «
Rien... je te jure, rien du tout... » «
Bon sang, Marius ! Merde, bordel... merde ! »
Marius se ratatina sur lui-même. Hartley en colère, ce n'était pas terrible. Un grand gaillard comme lui... et Victoire bougea à nouveau. Et elle hurla. Elle hurla que Marius était un monstre. Qu'il l'avait paralysé. Victoria hurlait, Hartley hurlait aussi, Marius avait fui en pleurant. Loin, loin de cette scène. Il s'enferma dans sa chambre et se réfugia sous ses couvertures. Ce jour-là fut le dernier que Victoria passa chez les Sugden.
☞ Marius, onze ans.
Son père n'avait rien pu faire pour lui. Personne n'avait su expliquer le "souci Victoria". Marius n'avait pas été assez bête pour continuer. Maintenant, il saluait les gens d'un simple regard où avec un serrage de main. Quand sa mère mit sa valise dans le coffre du taxi, Marius comprit qu'elle avait gagné. Hartley était aussi venu lui dire au revoir. Il s'était agenouillé devant lui et lui avait passé une main dans les cheveux. Il avait cet air désolé sur le visage. Et Marius tentait de comprendre si son grand frère était sincère quand il prononça ces mots :
«
Ne t'en fais pas Marius, tout va bien se passer, tu verras. Ça va être génial là-bas » «
Mais Hartley... je veux pas. C'est un internat pour garçons. Je veux pas. Maman dit qu'ils sont sévère là-bas... » «
Sois sage, et tout ira bien, ai confiance. On se verra l'été prochain.»
A contre cœur il monta dans le taxi. On lui avait posé une uniforme gris sur les genoux. Bon sang. Il ne savait même pas qu'on en faisait encore des écoles comme ça. Claquant la portière de sa voiture et sans aucun regard vers sa famille, il demanda au chauffeur de partir.
* * *
Dès qu'il mit les pieds dans sa chambre il sut que c'était la fin. On l'avait logé avec un dénommé Charles qui n'arrêtait pas de brailler « one day more » à chaque fois qu'il faisait une apparition. C'était le titre d'une chanson visiblement. Une comédie musicale et l'un des protagonistes se nommait Marius. Alors forcément, du point de vue de Charles, c'était très drôle. Du point de vue de Marius qui avait juste en tête l’œuvre de Zola, cela l'était beaucoup moins. Il réussit à tenir trois jours avant de lui coller son poing dans la figure, et de changer de chambre immédiatement après s'être pris des heures de retenue pour la semaine. Marius qui devenait violent, c'était un spectacle très rare. Il avait cette fois-ci atterri avec un certain Pépin. Pépin. Il avait cru à une blague mais en fait, non. Il y avait donc encore des gens qui se nommaient Pépin de nos jours. Au moins lui était plus sage. Terriblement sage. Quasiment muet même. Et pourtant, Marius accrocha. Pépin devint vite son premier ami. Dans l'internat féminin situé en face du siens, Pépin avec une meilleure amie du nom de Joyce. Et très vite, il devint à son tour ami avec elle.
☞ Marius, treize ans.
«
Marius, t'es devenue géant cet été... il s'est passé quoi ? »
Pépin éclata de rire, en même temps que Marius. Il fallait dire que du haut de ses un mètre cinquante cinq (ou presque), Joyce était devenue une naine à côté de lui. Elle qui avait toujours rêvé de rester plus grande. C'était mal connaître les garçons et leur poussée de croissances parfois déroutante.
«
Bon, en tout cas, prêt pour une nouvelle année en enfer les garçons ? » «
Oh que oui... »
Pépin avait quelque chose de changé. Outre le fait que ces cheveux blond avait laissé place à une tignasse complètement brune (et il jurait que c'était naturel), il avait l'air vraiment différent. Pendant l'été ils ne s'étaient quasiment pas parlé. Une fois seulement. Alors qu'avec Joyce, Marius avait échangé de longs courriers. Pas avec son ami. C'était comme s'il avait était totalement absent pendant les deux mois. Alors évidemment Marius ne se sentait plus aussi à l'aise avec lui qu'avant.
«
Tu as eu des nouvelles de Pépin cet été toi ? » C'était Joyce qui venait de lui poser la question. «
Non rien du tout... » «
Tu n'es pas le seul, c'est la première fois que je n'ai pas une seule nouvelle de sa part en deux mois... J'ai téléphoné à sa mère, et à son beau père, rien. » «
Notre emploi du temps est vraiment à chier. »
Pépin était revenu, lui tendant le sien. Sans un mot il le parcouru des yeux et dit au revoir à Joyce. Elle partit de son côté dans son internat. Le nouvelle uniforme des filles lui allait vraiment à ravir.
* * *
C'était sans nul doute la plus grosse bêtise de toute sa vie. Fuguer l'internat pour une nuit, c'était récompensé d'un aller simple chez sois. Autrement dit, ils n'avaient pas intérêt à se faire attraper. C'était Pépin qui en avait eu l'idée. Le Pépin tout sage. Joyce, tête brûlée comme elle était l'avait suivit les yeux fermés et Marius c'était sentit de faire la même pour ne pas passer pour la mauviette de première. La raison de cette sortie était simple, Pépin tenait à voir un film au cinéma. Et les sorties étant réglementés, le cinéma n'en faisait pas partis. Marius trouvait cela complètement débile. En plus le film ne l’intéressait même pas. Voir des gens se taper dessus, se battre pour il ne savait trop quoi et des courses poursuite en bateaux... sans parler des nanas toujours à moitié couvertes qui étaient là de temps en temps pour... rien. Bref.
«
C'était génial ! Vous avez aimé ? » «
Trop ! » «
Mouais... » «
T'es un sale rabat-joie, tu le sais ça Marius ? » Il soupira, rabat-joie lui même. C'était pas son truc, un point c'est tout. «
C'est quoi ton problème mon gars ? Depuis la rentrée, j'ai le droit à ta tronche d'enterrement 24 heures sur 24 ! » «
A toi de me le dire.... » «
Pardon ? » «
Les garçons... » «
Pourquoi t'as pas répondu à mes courriers, ou à mes appels pendant deux mois ? Et ceux de Joyce ? » «
Ça te regarde pas, on peut vivre l'un sans l'autre tu sais ? T'es pas obligé d'avoir de mes nouvelles tout les temps, t'es grand mec... » «
Oh mais oui, bien sûr, tu as raison... » «
Tu sous entends quoi là ? » «
Rien du tout, je vais rentrer de mon côté je crois... » «
C'est ça... Tu sais quoi Marius ? Tu es un... »
Ils arrêtèrent tous de parler au même instant. Un homme de grande taille se tenait devant eux, tapis dans l'ombre des arbres bordant le chemin du retour. Marius sentit une petite main, celle de Joyce, agripper à sa manche. L'homme ne bougeait pas. Plus personne ne bougeait. Le souffle de Marius était à peine audible. Il pouvait sentir Joyce trembler comme yen feuille. Pourquoi tremblait-elle ? Que voyait-elle ? Ce qui lui faisait si peur, Marius le vit quelques secondes plus tard, quand l'homme fit un pas en avant. Il n'avait rien d'un homme. Il était beaucoup, beaucoup plus grand. Il était plus massif aussi et ne possédait qu'un seul et énorme œil globuleux. S'en fut trop pour Joyce qui poussa un hurlement de terreur. Et Marius fit de même. Le seul à en pas réagir de la sorte fut Pépin qui se jeta sur le monstre en question, brandissant une lance. Le premier réflexe de Marius fut de se jeter au sol, et d'entraîner Joyce avec lui quand le monstre avança vers eux. Il s'écrasa contre un tas de caillou au passage. Pas son ami. Il ferma les yeux, se boucha les oreilles, couvrant alors les grondements de la bête, les pleurs de Joyce et les cris de Pépin. Oh bon sang. C'était un vrai cauchemar. Ils allaient tous mourir ici, dévoré par un cyclope. Était-il devenu fou ? Parce qu'aux dernières nouvelles, les cyclopes n'existait pas.
«
Vite, on se relève ! C’est fini, on rentre, vite j'vous dis ! »
Le grand Marius roulé en boule se décrispa et releva la tête. Sans un mot il suivit Pépin jusqu'à l'internat, portant dans ses bras une Joyce complètement dévasté.
* * *
«
Attend attend, répète encore une fois ? »
Marius était debout et faisait les cents pas dans sa chambre. Pépin était assit en tailleur sur son lit, l'air parfaitement calme.
«
Ne fais pas semblant d'être plus bête que tu ne l'es. Tu l'as vu comme moi. » «
Non, mais de là à dire que ton père est Arès, permet moi d'avoir des doutes mon gars ! » «
Et toi alors, c'est qui ? » «
De qui moi ? » «
Ta mère. Ou ton père. Mais je pense plus ta mère, puisque tu m'as dis toi même ne jamais l'avoir rencontré. » «
Mes parents sont humains, normaux... » «
Alors tu vois peut-être juste à travers la brume. » «
Hein ? » «
Mais le cyclope à dis... Qu'il avait trois délicieux demi-dieux sous les yeux » «
J'ai pas entendu » «
Moi si. » «
C'est de la folie, tait toi, d'accord ? » «
Comme tu veux, mais Joyce elle au moins, elle m'a cru » «
Elle... Oh bon sang. Elle aussi pense qu'un de ces parents trône en haut du mont Olympe ? »
Pépin se leva en soupirant, et quitta la chambre. Pourquoi refusait-il de croire que Marius trouvait tout ça parfaitement absurde ?
☞ Marius, quatorze ans.
«
La colonie est un endroit tellement génial Marius ! Tu devrais tellement te décider à nous rejoindre ! »
Elle n'avait plus que ce mot à la bouche. «
Colonie ». Joyce avait elle aussi bien changé. Elle était encore plus belle qu'avant. Elle lui avait dit que sa mère était Aphrodite, ce qui du point de vu de Marius expliquait de nombreuses choses.
«
Aucun satyre s'est pointé devant chez moi que je sache, je ne suis pas comme vous. » «
Marius... » «
C'est non, pigé ? » «
Tu es pas encore colère à cause de ça, tu le sais très bien... » «
Alors à cause de quoi Docteur Joyce ? Hein ?! Qu'est ce qui me fou en rogne d'après toi ? » «
Ton frère. Tu ne l'as pas vu depuis des années. Il n'est jamais là les étés ou tu rentres chez toi. »
Touché. Elle avait gagné. Il baissa la tête et sentit une petite main se poser sur sa joue. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle tente de le consoler comme ça à tout prix ? Il se laissa tomber sur un banc et soupira. Il n'avait plus de nouvelles d'Hartley depuis trop longtemps, son frère lui manquait cruellement. À la maison sa mère lui faisait vivre un véritable enfer.
☞ Marius, seize ans.
Pépin était déjà reparti à la colonie. Joyce, quant à elle, avait fait une croix sur ça. Dorénavant, elle laisserait tomber l'école durant l'année scolaire, tous ces cours, son éducation se ferait à la colonie. L'été, elle profiterait de sa famille, de ses amis resté en dehors de frontière de sa fameuse colonie. Marius avait été totalement dévasté en apprenant la nouvelle, mais avait fait mine de comprendre ses choix. En fait, il ne comprenait pas. Mais au moins, elle avait accepté de passer tout le mois de Juillet avec lui. Ils s'amusaient très bien. Jamais sa mère fut aussi agréable avec lui. Il soupçonnait Joyce de l'enjôler à grand coup de sourire éclatant et de rire cristallin, mais peut importe. Et un jour, Hartley revint à la maison.
«
Pas trop stressé ? » «
Un peu... » «
Je me demande tellement à quoi il ressemble... » «
Oh, mon frère est parfait, tu vas voir !»
C'était toujours l'image qu'il avait eu de lui. Une voiture s’avança dans l'allée et Hartley en sortit, grand sourire aux lèvres. Ses cheveux brun toujours en bataille, un costume impeccable. Il n'avait pas tellement changé au fond.
***
Son frère avait beaucoup trop changé. C'était presque trop d'un coup. Le voir comme ça c'était... Horrible. Il se rendait compte de tout ce qu'il avait pu rater en ne rentrant jamais à la maison. Mais son job était prenant. Marius était devenue immense, en plus de s'être considérablement épaissi. On pouvait dire adieu au garçonnet épais comme une allumette de son enfance. Il s’avança vers lui, un immense sourire aux lèvres. Il ressemblait à leur père. En version blond. La fille à ses côtés était d'une beauté ravageante et la première pensée d'Hartley fut de se demander si elle était avec son frère. Ce qui, après réflexion, lui parut absorbe. Pas Marius, pas son petit frère adoré. Et puis il eut ce déclic. Ce visage si parfait, il l'avait déjà vu. Dans ses dossiers, au boulot. Elle était... elle faisait partie de ceux qu'il traquait jour et nuit. Alors son sourire se crispa au fur et à mesure qu'il avançait vers eux. Et puis il eut ce déclic.
Il se passa une semaine avant que Marius lui parle de ce qui le tracassait enfin. Il savait. Il savait tout. Hartley baissa la tête. Il ne savait même plus depuis quand il en était venu à chasser les êtres comme son petit frère adoré. Peut-être parce qu'il avait cru pouvoir l'aider ? Il avait été désespéré quand son père lui avait avoué qui était la mère de son frère. Il était toujours aussi ignorant.
«
Tu m'écoute Hartley ? T'étais au courant, hein ? Papa refuse de me dire que est ma mère alors je... » «
Venus. » «
Pardon ? » «
Venus. » «
Mais...»
La déception se lisait dans ce yeux. Il pensait peut-être qu'il allait rejoindre ses amis à la colonie. Loupé. Un autre destin s'offrait à lui. Alors Hartley le supplia d'aller à la nouvelle Rome. Il y serait en sécurité. De lui, des autres comme lui. Plus qu'ici en tout cas. Et à contre coeur, son frère accepta, comme toujours, pour lui faire plaisir.
☞ Marius, dix sept ans, camp Jupiter.
Sa mère était Venus. La poisse. Il en croisa d'autres, des enfants de Venus. Mais de tous ces mômes, il était le seul à avoir un don aussi nul. Il fut envoyé dans la quatrième cohorte. Il n'aimait pas de battre Marius. Il était déprimé tous les jours. La seule chose qui lui redonnait le sourire était les nouvelles qu'il avait de plus en plus souvent de Pépin et Joyce. Les gens avaient souvent des idées préconçues sur lui, ce qui l'aidait assez. Ils le voyaient comme un type menaçant, fort et baraqué. Mais bien vite, l'illusion s’effaçait. Marius ne se plaisait pas. Il avait du mal. Marius boudait, Marius pleurait... Et tout changea quand on lui proposa de se rendre plus utile. Avec les enfants de Cérès, il s'occupait des jardins de la nouvelle Rome. Il laissa très vite tomber les entraînements réguliers, les jeux où il fallait se taper dessus pour les fleurs et les décorations. Et sa première année si mal commencée se déroula pour le mieux. Très vite, il oublia les mois pénibles qu'il avait passé chez Lupa.
☞ Marius, dix huit ans, vacances d'été.
Voir Hartley ici était totalement improbable. Il ne venait plus dans la ville de leur enfance depuis des années ! Et surtout, quand il venait, il s’annonçait. Là, c'était différent. Marius était assis sur un banc, faisant une pause dans son sport, dans un parc à écouter de la musique et Hartley était apparu. Il ne l'avait pas vu. Il était pourtant là, sur la pelouse. Avec une fille. Pas une copine, non non. Mais une fille, qui devait avoir son âge ou un an de moins. Elle avait deux tresses, un short en jean troué et un tee-shirt militaire. Elle avait un air malicieux sur le visage, et un immense sourire qui en aurait fait craquer plus d'un. Hartley avait une fille. Ce fut la première idée qui lui vint à l'esprit. Oh et puis non, il était trop jeune pour avoir une fille de cet âge-là. La fille en question ne lui ressemblait pas. Ce fut plus fort que lui. Quand il la vit se lever pour aller acheter des glaces, il fonça. Au début, son frère fut surpris. Puis anxieux. Il ne s'attendait pas à le voir là. Pas de bonjour, pas d'accolade.
«
Tu peux pas rester ici Marius je... » «
Depuis quand t'es papa toi ? Tu ne me... » «
Monet n'est pas ma fille, c'est... la fille d'amis à moi. File, file avant qu'elle ne te vois, aller... Marius, je te jure qu'on se reverra dans pas longtemps mais... tu dois pas rester avec moi, ok ? »
Son frère était donc devenu agent secret. Ou un truc dans le genre. Il tourna les talons, abattu. Lui lançant un dernier regard noir, Marius se renferma. Il le savait, cela ne cherchait à rien de vouloir pousser. Hartley était tenace. Il s'attendait à tout sauf à ça comme retrouvailles.
☞ Marius, vingt deux ans, vacances d'été.
Joyce passait les vacances avec son nouveau petit ami, un fils de Dionysos que Marius avait tout de suite trouvé génial. Pépin lui, se chargeait de former les nouveaux arrivés à la colonie. Et faute de passer des vacances en famille avec Hartley, il était avec son père et sa mère, dans la maison familiale au Vermont. Tout se déroulait pour le mieux. La petite voisine qui autrefois était en classe avec Marius lui avait tenu compagnie tout le mois de Juillet. Elle était gentille la petite Amélia. Un peu collante, mais gentille. Et elle n'arrêtait pas de le complimenter, de lui faire des bisous un peu partout. Non tout compte fait, elle était gentille mais vraiment étrange.
«
Est-ce que tu m'aimes Marius ? » «
Heu... »
Pire réponse de l'univers. Non, il ne l'aimait pas. Il avait toujours été sincère envers les autres sur ces sujets-là alors il fit non de la tête. Elle baissa les yeux, visiblement vexée. Il se contenta de la regarder d'un air désolé. À quoi s'attendait-elle ? Il n'avait pas hérité de sa mère sur le plan romantique. Briser des cœurs ne faisait pas partis de ses hobbies comme beaucoup de ses frères et sœur à la Nouvelle Rome. Alors qu'il allait se lancer dans une brillante explication du pourquoi du comment, elle lui sauta au cou. Et elle ne fut pas déçue du voyage. Sa paralysie dura deux heures. Deux heures très longues au goût de Marius qui du expliquer le souci à ses parents le soir même. Amélia termina en dépression. On l'envoya à l’hôpital deux semaines après qu'elle eut tenté de se noyer dans sa baignoire. La seule raison qu'elle donna au médecin était que Marius était un monstre tout droit sorti des enfers.
Ce soir-là, il avait fui sa maison. Son père lui avait conseillé de retourner à la Nouvelle-Rome avant que les gens ne commencent à se poser des questions sérieuses. Il n'avait pas fait deux mètres hors de son jardin qu'une aiguille se planta avec force dans son cou. Il se sentit tomber, puis sombrer. Autour de lui, tout devint flou et puis, plus rien. Quand il se réveilla, il comprit que c'était la fin. Ses mains étaient liées, tout comme ses pieds. Et il était dans un coffre, complètement recroquevillé sur lui-même. On avait même pris le soin de lui bander la bouche avec du scotch. La voiture avait arrêté de rouler et le coffre s'ouvrit. Ils étaient en forêt s'il se fiait aux nombreux arbres qui les entouraient. Dehors la pluie avait commencé à tomber à grosse goutte. Devant lui se tenait un homme de taille moyenne, des cheveux sombres. Après de nombreux essaies infructueux, l'homme parvint à la tirer hors du coffre. «
Tu vas mourir Marius, tu vas mourir... » Il avait pointé une arme sur son front.
«
Tu sais ce que je fais aux gens comme toi ? »
Étrangement, il n'avait pas envie de savoir. Il ne bougeait pas, attendant qu'il tire. Après tout, que pouvait-il faire d'autres ?
«
Prendre l'apparence de l'un des nôtres pour mieux s'infiltrer, c'pas mal. Mais tu t'es gouré sur un petit détail, Sugden est châtain, pas blond. »
Il ne comprenait rien. Et son regard en disait long. Ce qui ne plus pas au type qui lui flanqua un coup dans les côtes. Sugden, il le connaissait. Ou bien il connaissait son frère qui, c'était bien vrai, avait de nombreuses ressemblances avec lui.
«
Gaël, arrête. » C'était la voix de son frère. Marius tordit le cou pour apercevoir son frère qui sortait des bois. «
Quand on parle du loup, Sugden, j'en tiens un qui a tenté de chopper ton apparence ! » Il avait l'air fier de lui. Le fils de Venus tenta de hurler, en vain. «
Relâche-le. » «
T'es fou Sugden, on va pas relâcher un si beau specimen ! »
Hartley leva son arme. Il ne l'avait jamais vu aussi menaçant. Il était effrayant quand il le voulait. Il arrivait à chasser toute la douceur de son regard. Et sa tenue sombre aidait bien aussi.
«
Qu'est ce qui te prends, tu le connais, c'est ça ? C'est... Ah, bien sûr. »
C'était pour ça qu'il l'avait supplié de se rendre à la Nouvelle Rome. Il était en danger. Et à cause de lui. De son propre frère qui l'avait toujours protégé.
«
On a tous signé la même chose, plus d'attache, désolé Sugden, mais j'dois le faire. »
Hartley ne tira pas. Mais il se jeta sur Gaël en poussant un cri de terreur et le désarma. Il le frappa, encore et encore. Et l'autre riposta, tentant d'attraper son arme. Hartley n'avait jamais aimé les armes à feux. Petit, il se souvenait de le voir se cacher les yeux devant les films policiers quand ils tiraient. «
Ferme les yeux Marius, tu es trop petit pour voir ça.... » Et Marius ferma les yeux. Et deux coups partirent. Quand il rouvrit les yeux, la première chose qu'il vit fut le corps sans vie de Gaël. Puis son frère qui lui arrachait ses liens. Il était couvert de terre et avait les mains en sang.
«
Tu vas bien ? » «
Hartley je... » «
Il faut que tu partes Marius, il faut que... » «
Hartley ! Écoute moi pour une fois bon sang ! Écoute moi ! C'est quoi cette histoire, hein ? Hartley je ne veux plus... Tu es blessé ? » «
Ça ira. Marius, je t'en pris, il faut que tu partes. »
Marius s'était levé, mais pas lui. Il le sentait au fond de lui. Il ressentait la douleur de son frère. Il ne pouvait pas le laisser comme ça. Il ne pouvait pas.
Hartley sentit des bras l'entourer. Pourquoi ne partait-il pas ? Il avait tué un agent. Il était déjà mort. Il avait tué son propre camarade de mission. Oui, la DLCEM allait le tuer. Si ce n'était pas la boss qui s'en chargerait, alors ils étaient capable d'envoyer ses propres élèves. Il ne voulait pas de ça pour Monet. Ni pour Aurèle. Marius pleurait, comme toujours. Son frère n'avait jamais été fort comme lui. Il était trop bon, trop gentil. C'était à croire qu'il ne percevait pas la violence du monde qui l'entourait. Lui qui avait eu l'enfance la moins joyeuse de toute la famille. Sa mère l'avait haïe. Elle l'avait traité comme un chien. Il avait fini sa scolarité loin de ceux qu'il aimait. Il lui murmurait de tenir bon. Et pourtant. Déjà ses yeux se refermaient. Et il sentait que son frère ne l'abandonnerait pas. Bientôt il se sentit au sec, dans un véhicule. Hartley n'eut pas la force de contester. Marius était buté. Comme lui. Comme leur père. Marius avait attrapé sa main et alluma le moteur. Depuis quand avait-il appris à conduire ? Marius lui hurlait de tenir bon. Il ne voulait pas le perdre.
«
Tu es plus fort que ça Hartley, tu as toujours été le plus fort ! » «
Tu ne toucheras pas à Monet Marius, promet le moi... » «
Hein ? » «
Ma fille, promet le moi... » «
Pourquoi je lui ferais du mal, aller, accroche toi ! » «
Tu verras. Monet était tout ce que j'avais sans toi. Ne lui fais pas de mal. Et aussi à Aur... Je t'aime Marius. »
Quand il ouvrit les yeux, une infirmière se pencha au dessus de son lit. Il était en vie. Marius avait disparu. Mais sa voix résonnait encore dans sa tête. «
Je t'aime aussi grand frère, on se reverra, ne t'en fait pas, je serais toujours là ! » Pour ça, il avait encore des doutes.
☞ Marius, vingt quatre ans.
Il n'avait plus jamais eut de nouvelle d'Hartley. Évidemment, il avait tout raconté à Joyce. Après tout, en pus d'être sa demi-sœur, elle était sa meilleure amie. Elle était venue passer quelques jours en Février pour visiter la nouvelle Rome. Avec son copain (et bientôt fiancé) elle avait pour projet d'y emménager. Alors Marius était forcément ravi. Elle accrocha tout de suite. Les gens l’aimèrent aussitôt, il fallait dire que Joyce était une fille pleine de vie. Et le dernier soir de sa visite, on sonna l'alarme. Intrusion. Se mettre à l'abri, et vite. Les plus valeureux attrapèrent leurs armes et foncèrent au combat. Marius n'en eut pas l'occasion. Joyce s'écroula dans ses bras, touché par un projectile. Arme à feu. Il la souleva et l'emporta dans le premier dortoir qu'il vit. Bien vite ce fut la cohue totale dans le camp. On entendait plus que les cris affolés des enfants qui se faisaient tirer dessus comme des bêtes. Il ne pu s'empêcher de penser à Hartley. Et à ce type dans les bois.
«
Marius... »
Il y avait trop de sang. Il se releva, l'attrapant à nouveau. Il fallait qu'il trouve l'infirmerie.
«
Non, fais pas ça Marius, repose moi, ça va aller, reste avec moi, s'il te plaît... »
Alors du mieux qu'il pue, il banda sa plaie avec un bout de draps et se glissa sous un lit avec elle. Rester là, ne pas faire de bruit, survivre, puis guérir. Il la sentait trembler contre lui. Il serra sa sœur contre lui en fermant les yeux. Il resterait là, avec elle. Elle serra de sa petite main, serrant les dents. Alors les deux enfants de Venus restèrent immobiles. Combien de temps dura l'attaque, il n'en eu pas la moindre idée. Mais quand il lui sembla que tout était terminé et que les soldats rentrèrent pour voir s'il restait des survivants, on les retrouva cachés sous un lit et dans une mare de sang complètement paralysés. Marius se releva avec Joyce dans ses bras qui ne disait plus un mot. En réalité, la petite Joyce avait même cessé de respirer.
Il avait fallu qu'il explique la mort de sa demi-sœur à son fiancé. Sauf que ce jour là, les mots n'avaient pas réussis à sortir de sa bouche. Il avait tout perdu. Joyce, son frère et même Pépin, qui disait-on, était mort en héro en protégeant les juniors de son bungalow. Lui à qui il n'avait même pas pu dire au revoir. Comme beaucoup, il mit longtemps à se remettre de l'attaque. Il ne fut pas présent lors de la deuxième mais elle raviva en lui les pires souvenirs. Et quelques fois, il entendait encore les remarques malicieuses de son camarade d'internat, le rire de Joyce et les conseils d'Hartley.