La semaine s’était bien passé, Tamara, agent de terrain au DLCEM depuis bientôt 4 ans, avait mené à bien une mission des plus difficiles, à savoir capturer une créature que le Département et d’autres collègues avant elle n’étaient parvenus à débusquer. Après avoir reçu les compliments de ses supérieurs, et quelques regards jaloux de certains collègues, mais l’admiration de certains autres comme cet étrange informaticien blondinet du nom de Marvin Knight, la belle brune décida de passer sa soirée dans un bar new-yorkais qu’elle affectionnait particulièrement. Depuis qu’elle avait posé ses valises dans la ville qui ne dort jamais, l’ancienne militaire avait eu le loisir de découvrir les endroits branchés et huppés de la grosse pomme. Ce bar situé dans l’Upper East Side, comptait parmi les endroits que la jeune femme aimait bien retrouver après une semaine un peu fatigante. Le week-end serait le bienvenu après ces jours intenses de traque. Il lui arrivait parfois de faire, dans ce genre de lieux de sortie nocturne, des rencontres qui lui permettaient de s’amuser un peu, le temps d’une ou quelques nuits. Rarement au-delà. C’était le jeu, c’était entendu dès le départ. La petite brune n’était pas de celles qui s’attachaient. Les sentiments faisaient partie de ces choses qu’elle avait depuis longtemps mises de côté, ou plutôt qu’elle ne s’autorisait pas. A quoi bon ? Elle avait déjà été déçu au-delà de l’imaginable. S’attacher ou aimer, c’était prendre le risque de revivre ce calvaire, et elle s’y refusait, tout simplement.

Ce soir, à la vérité, tout ce qu’elle voulait, c’était passer un bon moment en compagnie d’une bonne coupe de champagne en écoutant de la bonne musique, profitant de la vue sur le fleuve qu’offrait l’établissement. Elle était passée chez elle prendre une bonne douche et changer de vêtements, adoptant un look plus décontracté, avant de repartir pour se rendre dans ce fameux bar situé à à peine une dizaine de minutes à pieds de chez elle. A présent installée, elle sirotait sa première flûte de champagne. De temps en temps, machinalement, elle regardait qui entrait par curiosité, histoire de voir, avec son don particulier de voir à travers la brume, si une créature mythologique osait franchir le seuil. Pour l’instant , rien à signaler. L’agent de terrain termina la dernière gorgée de sa coupe et en commanda une autre, qui ne tarda pas à arriver. Elle regardait maintenant le fleuve. On apercevait au loin, à l’autre bout, quelques bâtiments que l’on devinait seulement grâce aux lumières, car la nuit était tombée. Tam se demanda combien de ces habitants étaient en fait des vermines qui ne méritaient pas de fouler le sol de cette Terre, combien d’entre eux encore elle allait devoir traquer. Un soupir, et elle s’apprêta à boire une nouvelle gorgée de sa seconde flûte de champagne lorsque soudain, un choc lui fit renverser un peu du contenu de la coupe par terre, puisqu’elle eut le réflexe de l’éloigner d’elle. Elle releva la tête après avoir observé les quelques millilitres de «bulles »   qui auraient dû finir dans son gosier mais qui, désormais, jonchaient le sol, pour poser un regard perplexe.

-Hey ! Attention cow-boy. C’est du Cristal Roederer, pas de la limonade !

Elle remarqua néanmoins que le grand blond qui venait de la percuter, sans doute sans le faire exprès, était, malgré sa maladresse, plutôt séduisant.

Rares étaient les fois où quelqu’un avait bousculé Tamara sans le faire exprès. Déjà, elle n’était pas du genre à se laisser faire, et surtout, elle était affublée de bons réflexes, il le fallait bien pour le métier qu’elle faisait. Aussi, il fallait se lever tôt pour la surprendre. Mais cette fois, et après une semaine de traque acharnée ça pouvait se comprendre, elle n’avait pas vu venir le maladroit qui la percuta et la fit renverser une partie de son verre de champagne. Elle commença par râler, bien entendu, égale à elle-même, puis, après des excuses succinctes et voyant le sourire charmeur du beau blond en face d’elle, elle décida de lui accorder le bénéfice du doute. Elle lui sourit à son tour, d’avantage un sourire en coin qu’un sourire franc, avant de boire une nouvelle gorgée de champagne, faisant trainer un peu son temps de réponse.

-C’est drôle, j’aurais pensé que c’était plutôt à l’une de ces jeunes filles que vous souhaitiez offrir un verre, commença-t-elle en désignant d'un mouvement de la tête la table des demoiselles un peu plus loin qui ricanaient entre elles. Mais qui suis-je pour avoir la cruauté de vous refuser l’occasion de vous faire pardonner.

Elle désigna la chaise en face d’elle d’un signe de tête, tout en faisant tournoyer sa coupe lentement dans sa main.

-Asseyez-vous, je vous en prie.

Remettant une mèche de cheveux derrière ses oreilles, elle braqua son regard sur lui. Autant elle n’était pas des plus sociables en règle générale, autant elle était de nature curieuse. Tamara Lond était un paradoxe à elle seule. Et puis qui sait, peut-être que ce charmant individu pourrait s’avérer être une distraction intéressante, allez savoir ?

-Alors, dites-moi tout, qu’est-ce qu’un type aussi maladroit peut bien faire ici ? commença-t-elle en portant sa flûte de champagne à ses lèvres pour l’en délester d’une dernière gorgée. Vous fêtez quelque chose ? Ou alors vous essayez de battre un record personnel de maladresse ? demanda-t-elle avec un sourire en coin.

Tam leva sa coupe vide pour que le serveur vienne en ramener un nouveau. L’agent de terrain était une cliente assez régulière de ce bar, et les employés s’affairaient à connaitre les petites habitudes de leurs clients privilégiés. Le jeune homme s’empressa donc de lui rapporter une nouvelle flûte de cristal Roederer qu’il avait préparée en voyant que la précédente arrivait sur la fin, et en profita pour demander à l’interlocuteur blond et sexy de la brune ce qu’il désirait boire. Passé ces formalités, la jeune femme reporta son attention sur son nouvel interlocuteur.

-Me donnerez-vous votre nom ou dois-je le deviner ?

Bon, elle n’avait pas non plus déclaré son identité, mais la belle brune estimait que ce n’était pas à elle d’entamer les présentations, mais plutôt à la personne qui avait commis la gaffe. Le serveur s’empressa de revenir avec la commande du jeune homme, ainsi qu’une petite assiette avec des toasts de tapenade d’olive noire. Rares étaient les bars à New York qui servaient cette spécialité originaire du sud de la France, de la Provence, plus précisément. Tam trinqua avec son interlocuteur avant de délester sa troisième flûte de champagne d’une gorgée, puis de s’emparer d’un petit toast dans lequel elle mordit.

-Vous venez souvent ici ? Je ne vous y ai jamais vu.

Bien qu’elle ne le lui dirait surement pas ouvertement, il était clair que Tamara aurait remarqué la présence de cet homme avant s’ils s’étaient trouvés en même temps dans ce bar. Bien qu’elle s’interdise tout attachement à qui que ce soit, Tam aimait bien « s’amuser », et ce type avait un physique des plus attrayants.