Jade E. Holmes & Jason D. Chase

Un bâillement, deux bâillement plus tard, et la trotteuse de l’horloge avait à peine avancée de dix secondes. La prochaine fois, je penserais à me porter malade pour le cours suivant. En plus d’être ennuyant, il m’était tout à fait inutile. Que des choses que je savais déjà. Etre dans les premiers de sa promotion ou la première a parfois du bon : celui de pouvoir faire totalement autre chose pendant un cours où tout le monde pianote comme des fous sur un clavier. Pendant qu’eux découvraient la complexité de certains programmes informatiques qui devenaient tout à fait simple après trois manipulations, moi je découvrais qu’on pouvait devenir accro au solitaire. Je me suis toujours demandé pourquoi ce jeu était installé sur tous les ordinateurs et je comprenais maintenant mon utilité. Le dernier recours, le dernier rempart pour occuper son esprit. Le pire, c’est quand vous perdez une partie : tellement frustré vous en recommencez une directement après, dans l’espoir de la gagner. Et lorsque vous gagnez une partie, dans l’euphorie de la gagne vous recommencez une partie pensant que ça va vous portez chance alors que ce n’était absolument pas le cas. Faisant ainsi correspondre les suites de cartes rouges et noires, je jouais à mon cancre en attendant patiemment la fin des cours. Ce qui sembla arriver quatre parties plus tard ! Fermant mon netbook, je fus la dernière à quitter la salle, après avoir rangé mes affaires dans mon sac en bandoulière rouge. Sortant de la fac d’informatique, je me retrouvais nez à nez avec le soleil rayonnant du mois de mars en plein New-York. Ça me changeais quelque peu de Londres, où il pleuvait certainement plus qu’autre part dans le monde ; mais il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte : il ne pleut pas tous les jours ! Mais les jours où il pleuvait, j’adorais sortir un parapluie à la main, en chantant faux la fameuse chanson Singin’ in the rain. Chacun ses petits plaisirs, comme on dit, n’est-ce pas ? Posant une main sur ma hanche, penchant la tête légèrement vers le côté, je réfléchissais à ce que je pourrais faire cet après-midi. Un petit bain de soleil ou du moins de la détente : oui ce n’était pas une mauvaise idée !

Marchant dans les rues de New-York, je jetais des regards à droite et à gauche. Non je ne cherchais pas mon chemin, je connaissais ces rues par cœur, je cherchais tout simplement un petit endroit où arrêter ma route. Mais mon regard ne se posa pas sur un petit endroit… Oh non, loin de là. Mon regard se posa sur un panneau portant l’inscription : ‘’Central Park’’. Mais bien sûr, l’endroit idéal dans tout New-York ! Tu devrais réfléchir plus vite la prochaine fois ma petite Jade : allons-y. D’ordinaire ce n’est certainement pas le meilleur endroit pour trouver une étudiante en informatique comme moi, mais je ne suis pas comme tout le monde. Oh non, je suis très loin de tout ça si vous voulez tout savoir. Une fille impossible, je crois que c’était le premier mot que Day avait prononcé : je ne l’avais pas mal pris loin de là, nous sommes très proches maintenant ; mais c’était visiblement à cause de moi et de ce que je voyais. Enfin bref, ne voulant pas me laisser abattre par toutes ces pensées négatives qui se revoyaient d’un coin à un autre de ma tête comme un match de ping-pong miniature, je les effaçais d’un petit mouvement de tête, me remettant en quête d’un lieu approprié pour ma détente de l’après-midi. Je croisais quelques enfants que je gardais également lors de mon temps libre : on ne dirait pas à ma tête, mais à mes heures perdues, j’étais babysitter. Ça paye le loyer, et ça depuis deux ans. Donc tant que ça marche, on ne change pas une équipe qui gagne ! Les saluant rapidement de la main pour le garçon, et leur faisant un petit bisou pour les deux filles, je pris ma route.

Route qui me mena jusqu’à la fontaine de Central Park. M’arrêtant devant celle-ci, j’observais mon reflet dans l’eau claire qui coulait et je retirais l’élastique qui retenait encore mes cheveux en une queue-de-cheval – petite manie lorsque je suis en pleine réflexion –. M’asseyant au rebord de cette dernière, j’examinais un peu les alentours avant d’entendre au loin une certaine mélodie. De là où je me trouvais, je pouvais juste apercevoir sa silhouette et non pas son visage. Un de mes pieds battait la mesure du rythme que j’entendais, et déjà plusieurs personnes passaient ou bien s’arrêtaient devant lui. Car oui même en ne voyant aucun visage, je savais reconnaître deux silhouettes différentes ! Après mon pied, ma tête suivait en se dodelinant de droite à gauche. Je devais être à un mètre cinquante de lui, et je me laissais bercer par la musique, ne me doutant pas une seule seconde de l’identité du chanteur du parc…

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La première mélodie fit comme office d’introduction. D’ailleurs lorsque celle-ci s’arrêta, je relevais automatiquement la tête : remarquant maintenant deux petits enfants, en plus du musicien. La seconde d’après la mélodie changea, comme s’il changeait totalement de chanson. On pouvait aisément deviner que c’était une requête expresse : j’en sais quelque chose des requêtes expresses, si ce n’est pas exécuté dans l’instant qui suit, vous êtes très mal ! Ainsi, la mélodie changea : elle était rythmée tout en étant douce, et j’entendais presque les paroles en un murmure au vu du bon mètre cinquante qui nous séparait. Donc la requête était une vraie chanson et pas juste trois notes grattées sur une guitare : pas mauvais négociateurs les petits. Quelques belles paroles et voilà leur vœu exaucé. Mais ce n’est que lorsque je choisis enfin de sortir de mes pensées, que je me concentrais sur la voix. Cette voix, j’étais surtout certaine de l’avoir déjà entendu quelque part. Quelque part, mais où ? Très bonne question, je n’arrivais plus à mettre le doigt dessus. Comme si la partie ‘’souvenir’’ de mon cerveau était tournée sur off. Bah, ça me reviendra bien : lorsque j’aurais manqué le coche, ou alors lorsque je me serais rendue ridicule de ne pas l’avoir reconnue. Un petit peu comme d’habitude, en réalité ! On fait soit toutes les choses de travers, soit… Tout de travers. Oui disons que je suis assez douée pour ça ! Sur la dernière petite note, ainsi que sur la dernière syllabe du mot ‘’nowhere’’, le musicien amateur de Central Park sembla lever le regard de son instrument afin de faire un tour des alentours. Son regard sembla étrangement s’arrêter plus longtemps sur moi. Ou alors c’était moi qui me faisais des illusions. Il pouvait très bien fixer la fontaine – n’oublions pas que j’étais assisse sur cette dernière – ou alors encore quelque chose derrière moi. Levant légèrement les sourcils, je remplaçais ma frange sur le côté avant de remettre une mèche de cheveu derrière mon oreille : vieux tic. Comme celui de m’attacher les cheveux. D’ailleurs, je tenais toujours cet élastique en main : je décidais de le passer autour de mon poignet : question de pratique.

Finalement, ça ne devait être qu’une hallucination de ma part, car le musicien fit à nouveau retomber son regard sur son instrument, avant de terminer la chanson qu’il avait entamé… Meilleur ami comme le disait sa chanson, cela m’évoquais de nombreux souvenirs. Des souvenirs d’enfance. De mon enfance que j’avais passé outre-Atlantique : en Angleterre jusqu’à mes treize ans. Je me souviendrais toujours de ma rencontre avec mon meilleur ami au Kinder Bueno qui m’avait tout bêtement lâché. Mais il y avait aussi Jason : un autre numéro, que je ne pense jamais pouvoir oublier. Certaines rencontres comme ça, sont capables de vous marquer à jamais, surtout dans cette période : et moi je suis partie du jour au lendemain sans laisser de trace. Techniquement, ce n’était pas ma faute, plutôt celle de mes parents. L’excuse bidon, qu’ils n’avaient à peine pas inventée pour me faire partir : c’était pour ma sécurité qu’ils disaient. J’étais beaucoup plus sûrs avec eux, que n’importe où ! Comment se faire détester par sa fille : leçon numéro une, prenez exemple sur les parents Holmes ! Des fois, j’aimerais bien voir ce que ma vie aurait donné si j’étais restée avec eux, sur l’îlot britannique…

Curieuse, je le suis aussi un petit peu sur les bords : la voix m’intriguait ainsi que le fait que son regard s’était arrêté sur moi. Oui, je pouvais également me faire des films, mais je préférais en être sûre. Posant les mains sur le rebord de la fontaine où j’étais assisse, je poussais sur ces dernières afin de pouvoir de me relever. Une main sur mon sac, j’entrepris de marcher le long des pavés en direction de la mélodie. D’abord préférant regarder mes pieds – je connaissais cette partie du parc par cœur – je relevais finalement la tête, lorsque j’entendis que la musique se faisait plus forte : je m’étais rapprochée. Relevant la tête, mon expression changea du tout en voyant la tête de ce fameux guitariste. Me pinçant la lèvre inférieure, j’eus un pincement au cœur : il avait changé mais j’étais sûre de le reconnaître, Jason mon ami d’enfance. Un de ceux que j’avais lâchement abandonnés en partant du jour au lendemain. Il devait m’en vouloir, car personnellement c’était comme ça que moi je réagirais. Je ne savais pas s’il avait eu le temps de m’apercevoir également, mais l’instant après l’avoir vu, je me retournais instinctivement. Il devait m’en vouloir, c’était une certitude. Et je ne voulais absolument pas gâcher son moment de bonheur, car il avait l’air d’être heureux. Si j’arrivais maintenant, j’allais tout gâcher et je détesterai en être la cause. Soupirant une dernière fois, je me mis en route, afin de rebrousser chemin et de même m’en aller au plus loin possible, histoire de découvrir une nouvelle partie du parc : oui ce serait la version officielle et non l’officieuse. Je ne voulais pas réapparaître du jour au lendemain, du genre ‘’coucou ça va ? Je t’ai lâchement abandonné mais me revoilà !’’. Non. Au contraire, je me trouvais des plus ridicules actuellement : parce que d’habitude, je fonce tête baissée sans vraiment réfléchir. Mais là, face à un ami, face à quelqu’un à qui j’avais très certainement fait du mal ; je me sentais ridicule…

Mais je m’arrêtais nette, car quelqu’un m’empêcha de faire un seul petit pas de plus…

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Je me stoppais nette lorsqu’une petite fille s’était précipitée sur moi : elle avait d’ailleurs attrapé ma main pour m’y forcer. Au loin, j’entendais que quelqu’un l’appelait par son prénom : Jasmine. C’était jolie comme prénom. Laissant mon anxiété de côté, je baissais la tête vers elle et lui adressais un petit sourire. « Y chante bien hein ? »Riant quelque peu face à sa question, je devinais sans l’ombre d’un doute, que cette petite devait être la petite sœur de la famille. Et elle voulait absolument faire briller son musicien de grand-frère. Certes, je suis fille unique, donc je ne saurais jamais réellement ce que c’est d’avoir un frère ou sœur, mais j’avais vu assez de relation fraternelle pour en reconnaître une quand je me retrouvais face. Ce petit sourire ne me quittant pas, je décidais de lui répondre : « Bien sûr, c’était très jolie. » Entendant des bruits de pas assez rapides, claquant sur les pavés du petit chemin crée au travers de ces étendues de verdures, je fis le musicien s’approcher : Jason, quoi. Il ne sembla en effet pas faire attention à moi en premier lieu, car il s’accroupit afin d’être au niveau de sa petite sœur. « Jassy laisse la jeune fille tranquil… » Ce n’était pas vraiment la question d’une petite fille qui me dérangerais : au contraire, il y a deux ans, j’avais même trouvé un bon feeling avec eux. A croire qu’avoir la fibre babysitter peut parfois aider ! Mais il sembla couper en plein milieu sa phrase, lorsqu’il releva le regard vers moi, comme s’il m’avait finalement reconnue. Il perdit par la même occasion sons sourire. Abordant à mon tour un petit sourire gêné, il se souvint au final de mon prénom car ce dernier franchit ses lèvres comme une question. Il ne sembla pas être sûr : en même temps cela remontait à plus de sept ans. Je peux comprendre qu’il a préféré m’oublier. Ça devait être plus simple que de se demander tous les jours, pourquoi quelqu’un est partie sans laisser de trace… « Désolé, j'ai du confondre… » J’étais prête à lui répondre, mais cette phrase me coupa nette dans mon élan. Soit j’avais vraiment changé, soit c’était de la rancune…

Le petit dernier sembla nous rejoindre et Jason le prit dans ses bras : la petite choisit alors ce moment pour me lâcher et retrouver son fraternel. Un petit sourire étira mes lèvres et je lui fis un petit signe de la main, pour lui dire de laisser tomber. « Je t’ai toujours dit que tu ferais un super grand-frère Jason et faut croire que je n’avais pas tort ! » Levant maintenant les mains, j’ajoutais même : « Mais je ne veux pas troubler votre petite sortie familiale au parc, je ne vous retins pas plus longtemps… » Faisant un petit pas en arrière, je sentais toujours les trois mots bloqués dans ma gorge, la simple et petite phrase que j’avais toujours voulu lui dire. Je suis désolée. Il fallait croire que pour l’instant, c’était plus compliqué de les faire sortir qu’autre chose. On dirait une gamine Jade : il est temps de te reprendre, mince alors ! Un peu de courage et de témérité, d’habitude tu n’en manques jamais ! « Tu n’as pas confondu Jason… Et je suis tellement désolée si tu savais. J’imagine bien que tu dois m’en vouloir, sache que j’aurais la même réaction. Mais si un jour tu penses pouvoir me pardonner, tu sais où me trouver ! Ça m’a fait plaisir de te revoir. » Ponctuant tout cela d’un petit sourire, je sentis comme un poids s’envoler de mes épaules. Le petit je suis désolée, s’était transformé en mini-discours : être bavarde ça en toutes circonstances je ne le perds pas, le reste ça dépend !

Peut-être que je me mettais des  barrières inutilement, mais j’essayais juste d’anticiper les réactions. Mais peut-être que j’avais mal anticipée celle-ci… Peut-être ne m’en voulait-il pas autant que je pensais. Après tout, je n’avais jamais eu l’occasion de tester s’il était aussi rancunier que moi ou non…
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Jade E. Holmes & Jason D. Chase

Après tout Jason et moi, ça remonte à assez longtemps quand on y réfléchit. Notre amitié avait démarré lorsque je l’avais aidé : d’une bande de gens déjà pas très fréquentables lors du cycle primaire mais aussi de lui-même. C’était certainement le gars le plus gentil que je n’ai jamais rencontré : et certains ne méritaient pas cette gentillesse débordante. Il faut croire que même la gentillesse apportait son lot de malheur. Mais ce jour-là, la petite brune que j’étais avec mes couettes occasionnelles que ma mère adorait me faire juste avant de partir, étais là. Neuf ans, toutes mes dents et tous mes piques également. Bavarde et téméraire, ne font pas toujours bon ménage : j’essaie du mieux que je peux de les faire cohabiter. Je me souvenais aussi de la mèche caractéristique de Jason : chacun son envie capillaire. Lui la mèche, moi – ou plutôt ma mère – les couettes. L’inverse aurait été des plus bizarres : enfin pour lui surtout. Je l’avais aidé à grandir, à ne pas s’obstiner sur le fait que tout le monde pouvait être gentil. Tout le monde ne le pouvait pas… Il ne suffit pas de grand-chose pour commencer une amitié, et c’est ainsi que la nôtre avait commencé jusqu’à ce que je parte, malencontreusement. M’entendre parler comme je le faisais, sembla comme le clouer sur place, sans aucune parole aucun son qui ne dépassaient ses lèvres. Mais moi je me sentais mieux : car je m’étais excusée. Je pourrais aussi lui raconter le pourquoi de la chose s’il voulait – peut-être en omettant le fait que je voyais des monstres courir en plein New-York, il ne comprendrait pas – afin qu’il soit éclairé à son tour. Mais je dois vous dire que ce silence me mettait quelque peu mal à l’aise. J’étais sur le point de partir, de lui laisser l’occasion de me revoir s’il le voulait et pas un seul petit mot. Ça ne m’arrivait que très rarement d’être mal à l’aise, mais là je l’étais. Je crois qu’au fond j’étais fixée, il devait m’en vouloir quelque peu, et alors que l’idée de m’en aller me traversa l’esprit, en une fraction de seconde, il prit la parole. « Je suis désolé, je ne voulais pas te blesser, j'ai juste eu du mal à croire que c'était bien toi...Je ne t'en veux pas. On avait 13 ans, si t'es parents ont décidé de partir tu n'avais pas ton mot à dire. Pourquoi je t'en voudrais ? » Enfin j’en avais treize, lui devait en avoir un petit peu moins, car de nous deux, j’étais la plus grande : l’aînée. Pour m’en voudrait-il ? Je ne savais pas, c’est comme me demander pourquoi je suis rancunière sur les bords. Ça ne s’expliquait pas. « Je ne sais pas. Je me suis dit que si j’étais à ta place, je m’en voudrais à moi-même un tout petit peu. Mais je n’ai pas eu le choix, c’est vrai. »

Un petit sourire apparut sur ses lèvres avant qu’il ne pose son frère au sol et vienne me prendre dans ses bras. Répondant à son étreinte, je le serrais à mon tour en nichant ma tête dans son torse. Il était plus grand que moi, cela ne changerait jamais, et je pouvais sentir son menton se poser sur le sommet de ma tête. On peut se sentir petite à côté oui. Me lâchant finalement il ajouta : « Regarde toi. Tu es magnifique. Tu m'as beaucoup manqué tu sais ? J'ai souvent pensé à toi, j'espérais que tu allais bien...Oh Heu, je te présente ma sœur, Jasmine, elle est née un an après que tu sois parti. Et mon petit frère, Jaxon... » Lâchant enfin un vraie sourire, je le remerciais de ses compliments par un petit mouvement de tête. Alors comme ça j’avais raison : c’était bien ce que j’avais vu au loin, une relation fraternelle. Jason prit d’ailleurs le petit dernier dans ses bras, qui se cachait, alors que sa petite sœur elle s’approcha. « Il est un peu timide. » Riant légèrement avec lui, j’ajoutais en plaisantant : « Je suis sûre qu’il est aussi gentil que son grand-frère, j’ai l’œil pour ça, je ne suis pas une des plus grandes babysitter de New-York pour rien ! » Babysitter oui, grande babysitter non.

« Moi aussi je suis contente de te revoir Jason, tu m’as aussi manqué de ce côté de l’Atlantique : j’avais plus personne à aider. » Nouveau petit rire. « Comme tu peux le voir, je vais plutôt bien, certainement pas à cause de mes parents : ils ne sont jamais partis avec moi Jaz’ ils m’ont fait partir serait le terme plus exact. Voilà pourquoi je suis partie du jour au lendemain. Je m’en excuse encore, hein. Promis, je ne le referais plus ! » Dis-je en levant la main droite telle une promesse, un petit sourire gêné accroché à mes lèvres. Je crois que j’allais m’excuser encore longtemps de tout ça. En fait, je suis sûre qu’à chaque fois que le sujet sera abordé, je le ferais : je m’excuserais. Jade, tu es des fois incorrigible…
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Jade E. Holmes & Jason D. Chase

Jade, tu ferais mieux de changer de disque avant que la saturation arrive. Arrête de t’excuser, je crois qu’il a compris. Le problème c’est que c’est presque plus fort que moi. Parce que Jason comptait beaucoup pour moi à l’époque : c’était un ami d’enfance, et ce n’était pas le genre de chose qui s’oubliait. Comparé sa réaction à la mienne était en réalité inutile, car il n’était pas rancunier, vu qu’il était toujours trop gentil. D’ailleurs après sa petite remarque, il me fit un clin d’œil auquel je répondais par un petit sourire. Comment avais-je pu oublier l’espace d’un instant que c’était le gars le plus gentil que j’avais rencontré ? Mémoire de poisson rouge quand tu nous tiens. Après avoir fait les présentations avec sa petite famille au grand complet, le petit frère comme la petite sœur – qui soit dit en passant étaient vraiment chou – il me répondit : « Il est adorable, j'espère juste qu'il ne fera pas les mêmes bêtises que moi. Tu es Babysitter alors ? C'est cool. » J’acquiesçais d’un mouvement de tête. Eh oui ce petit job me payait mes fins de mois, ainsi que mon appartement ! Je vous avoue que lorsque j’avais commencé il y a de ça un an, je ne pensais pas que j’allais tenir très longtemps. Mais je m’étais attachée aux enfants que je gardais, et vu que je ne m’en sortais pas trop mal, j’avais décidé de continuer sur cette lancée. Et maintenant ma bourse d’étudiante, et ce job me permettaient de vivre en dehors de chez mon fameux tuteur qui ne m’avait jamais réellement encadré. Alors en effet lorsqu’on veut mettre les voiles au plus vite, il vous faut un plan logement et rentrée d’argent. J’avais réussi à mixer les deux pour en arriver là maintenant ! Pas mal la petite Anglaise téméraire, non ? « Oui je suis Babysitter : c’est mon job d’étudiante afin de payer mon appart’. » Lui dis-je avec un petit haussement d’épaule. Débrouillarde. Voilà ce que je suis devenue grâce à tout ça. Je devais avoir changée quelque peu : certainement pas au point d’être méconnaissable, mais un petit peu quand même.

« Tu m'as beaucoup aidé et quelqu'un à prit ton relais quand tu es parti. Enfin si on peut dire c'est...Particulier. Quoi qu'il en soit je suis content que tu ailles bien. Pourquoi t'es parents ton fais partir ? » Tôt ou tard, je savais qu’il me poserait cette question : c’était inévitable. Parce qu’il avait le droit de savoir bien sûr. Mais disons que c’était devenu un sujet qui fâche pour moi maintenant. Et je n’aimais ainsi pas vraiment m’étendre dessus. Me mordant l’intérieur de la joue, je cherchais un moyen de commencer et surtout de l’annoncer, car disons que je ne sais jamais comment m’y prendre pour raconter cela. Combiné les faits et mon ressenti pouvait me paraître plus difficile qu’autre chose. Finalement j’optais pour commencer par une plaisanterie ce qui me détendrait moi aussi. « Je suis remplaçable moi, depuis quand ? » Petit rire. « Disons que je suis partie, parce que mon Père jugeait son métier trop dangereux et ma sécurité en péril. Je n’y crois pas, mais on ne m’a pas demandé mon avis, donc voilà. » Il est vrai que j’essayais d’écourter au maximum le sujet, et j’espérais qu’il avait compris le message. Mon ami avait d’abord froncé les sourcils m’entendant m’excuser encore une fois, avant de rire à nouveau. « T'en fais pas, cette fois c'est moi qui va partir.. Je ne suis plus vraiment avec mes parents maintenant...Je suis...Dans un pensionnat, on va dire. Et j'y reste h24 et 7 jours sur 7. Je ne sors pas beaucoup, c'est asser pesant en vérité. » Un petit sourire qui se voulait réconfortant sur mes lèvres, j’hochais la tête face à sa révélation.

« Je comprends, va ne t’en fais pas pour ça : je sais que mon ami d’enfance est là, et qu’il va bien ; pour le reste je me débrouillerai déjà. » Toujours ce petit sourire, j’avais posé une main sur son bras comme pour lui faire comprendre d’un regard qu’il n’avait pas à s’inquiéter. Ou du moins qu’il n’avait pas à s’en faire pour moi. Soit dit en passant j’étais toujours la plus grande des deux tout de même ! Mais ce pensionnat avait attisé ma curiosité : car il était tout de même en compagnie de ses frères et sœurs là, non ? A moins que j’avais encore compris quelque chose de travers bien entendu, mais ça m’étonnerais. Croisant alors les bras sur ma poitrine, je me balançais sur mes pieds d’avant en arrière avant d’ajouter : « Mais dis-moi toi, qu’est-ce que tu es devenu quand je suis partie ? J’veux dire il a dû s’en passer des choses pour que tu partes de Londres et que tu te retrouves ici à New-York. » Un petit rire s’échappa de ses lèvres. Comme on dit, il avait du temps à rattraper, et moi et ma curiosité, on était plutôt calées pour le rattraper ce temps en posant toutes sortes de questions…
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