Chapitre I – Le village
Mlle Miller était une femme absolument parfaite, vue de l’extérieur. Elle habitait dans une maison immense, avec le jardin qui allait avec. Un vieil héritage, disait-elle. Tout venait de la vieille famille. La vérité était que tout venait de sa fille. Mlle Miller n’avait jamais eu de mari mais un jour, personne ne comprit comment ni pourquoi, elle se retrouva enceinte. Les habitants de son petit village en conclurent que la grossesse était dûe à un coup d’un soir, une erreur de jeunesse peut être… Mlle Miller en avait alors fait toute une histoire. Comment allait-elle élever un enfant ? Elle n’avait pas assez de place, pas assez d’argent ! Mais lorsque sa fille vit le jour, tout changea. Mlle Miller appela son enfant comme son père, enfin, tel qu’il s’était présenté. La fille Miller porta donc un prénom masculin, Eoghan. Quelques jours après sa naissance, Mlle Miller gagna une grosse somme d’argent. Un an plus tard, elle emménagea dans la plus grande propriété du village. Il eu beaucoup de rumeurs, mais aucune ne se confirma. Plus l’enfant grandissait, plus Mlle Miller devenait riche. Mlle Miller était heureuse ainsi, elle en oubliait presque son unique enfant. Elle achetait des terres, elle voyageait très souvent la laissant parfois seule à la maison. Mais un jour, le bonheur de Mlle Miller s’arrêta net.
Eoghan venait d’avoir dix sept ans. La vie d’Eoghan avait toujours été horrible. Elle était née. Elle avait appris à marcher, à écrire et à lire et puis après, sa mère avait fixé les règles. Trois règles à ne jamais enfreindre sous peine de grosse punition. La première était l’identité de son père. Mlle Miller elle-même avait appris qu’un an plus tard la véritable identité du père d’Eoghan. Ploutos. Ca sonnait mal, mais c’était la vérité. Le père d’Eoghan était un dieu. La deuxième règle confirmait les dires de la première. Eoghan avait un don étrange, lié justement à l’identité de son père. Eoghan pouvait trouver des pierres précieuses, de l’or, de l’argent, de jolies choses rares et chères comme ça, n’importe où dans la nature. Le troisième, était que sa mère était riche grâce à elle et qu’elle travaillait pour son compte depuis qu’elle savait exploiter ce don. Eoghan en avait eu marre. Eoghan n’était pas une fille violente, ni méchante d’ailleurs. Elle n’avait jamais vraiment eu d’amis, faute de pouvoir voir des gens en dehors des temps de cours. Jamais d’amoureux. Jamais de présence paternelle. Jamais de cadeaux à Noël ou son anniversaire.
Pourtant, on ne la voyait jamais se plaindre. Mais au fond d’elle, elle bouillonnait. Elle avait l’impression d’être une vraie esclave. Mlle Miller était devenue une vraie harpie, avare et la folie ne cessait de la guetter. En vrai, Eoghan attendait que la folie s’empare d’elle. Tel était son plan. Si sa mère devenait folle, elle pourrait fuir de chez elle sans que personne ne lui reproche d’être une vilaine fille. Mlle Miller devint donc folle peu de temps après l’anniversaire de sa fille. Elle ne sortait plus de chez elle, parlait que de ses bijoux, voyais des choses que les autres ne voyaient pas. La paranoïa n’était pas loin et Eoghan commençait à avoir peur. Et plus Eoghan avait peur, plus elle trouvait de pierre. Ca, Mlle Miller le comprit vite. Elle enchaîna sa fille à l’arbre le plus au fond de son grand jardin.
- Creuse, trouve-moi des pierres !
Et puisqu’elle avait peur, Eoghan trouvait des pierres. Eoghan resta attachée à l’arbre un mois sans que personne ne se pose de question. Elle avait beau hurler, personne ne s’aventurait dans la propriété de la folle du coin. C’est comme ça qu’Eoghan changea. Après tout, elle ne pouvait pas rester gentille et douce en étant traitée de la sorte. Un soir, alors que sa mère arriva pour lui donner de nouveau ordre, elle lui balança son panier de rubis à la figure. Sa mère fut blessée, mais elle ne la détacha pas pour la punir. Eoghan se recroquevilla donc à nouveau sur elle-même pour essayer de dormir.
- Madame ? Eo’ madame ?
Eoghan releva la tête. Quelqu’un était là. On allait la sortir de là ! Elle attrapa par précaution une pierre et la serra fort dans sa main. Elle attrapa la lampe torche que sa mère lui avait laissé et hurla lorsqu’elle passa le faisceau lumineux sur la personne qui l’avait appelle. La chose aussi hurla, et battit des ailes. Elle tituba en arrière et fit une roulade étrange, éparpillant quelques plumes à droite à gauche. Oui, des plumes. Cette chose était ailée.
- Qu’est ce que…
Eoghan reprit son souffle et oublia sa peur quelques secondes. La créature semblait faire de même. Elle regarda la chose de haut en bas. Elle était laide. Elle avait un corps de femme, pas plus âgé que le sien, des cheveux longs et terriblement mal coiffés. Sa peau avait une drôle de teinte verdâtre, et ses ongles ressemblait plus à des griffes qu’autre chose. Ses plumes étaient kaki, chose étrange. Son visage… Eoghan s’y habitua assez vite. Elle avait une multitude de tâches de rousseur sur les joues, et d’immenses yeux noirs et perfides.
- Tara ne voulait pas vous déranger… Juste quelques petits cailloux…
- Quoi ? Vous êtes qui au juste ?
- Qui ? Je suis une harpie. Toi une demi déesse. Je mange les demi-déesses.
- Holà Holà ! J’crois pas non…
- Si si…
La Harpie se rapprocha donc, se léchant les babines. Eoghan recula, d’abord effrayé puis finalement, ne bougea plus, tendant la pierre qu’elle avait dans la main à la dénommé Tara.
- Pour moi ?
- Oui. Mais à condition que vous alliez manger quelqu’un d’autre.
- Vraiment ? Vous vous fichez de qui je vais croquer.
- Je m’en fous complètement. Je sauve ma peau, pas celle des autres. Au fait, tant qu’on y est, moi c’est Eoghan.
Tara pencha la tête sur le côté et fit ce qui ressemblait le plus à un sourire.
- Je suis la seule à pouvoir te voir ?
- Affirmatif Eo… Eo…
- Ghan. Eoghan.
- Alors.. tu pourrais…
Elle lui montra ses chaînes.
- Je t’offre d’autres pierres si tu veux.
La Harpie s’exécuta immédiatement, des étoiles dans les yeux. Eoghan la remercia et ne tenta rien contre elle. Bizarrement, elle sentit une certaine alchimie. Oui, elle avait fait des recherches sur les gens comme elle, ils n’étaient pas censés devenir amis avec les créatures comme Tara. Mais elle semblait un peu différente car elle ne parla pas à nouveau de la manger pour son diner. Eoghan se releva, épousseta ses vêtements et à son grand étonnement, la Harpie lui adressa la parole à nouveau.
- Eona voudrait-elle voyager avec moi ? Tara a besoin d’une amie de voyage pour se rendre sur des terres qui lui sont inconnues.
- C’est Eoghan et… -elle jeta un coup d’œil à la maison. Elle serait libre. Avec un monstre certes, c’était risqué, certes, mais libre. Et pis Eoghan n’avait jamais été très logique – oui. J’accepte. J’ai juste une dernière chose à faire.
Elle prit son panier vide et se dirigea à grand pas vers la maison. Elle ouvrit la porte doucement, sans un bruit. Sa mère était là, dans le salon. Elle ne dormait pas. Elle était dans son grand salon, assise sur une montagne de pierres précieuses, d’or et elle comptait son argent. Elle ne l’entendit même pas arriver. Eoghan posa son panier sur la table à manger avec un bruit sourd. Mlle Miller se retourna et paru surprise.
- Eoghan ? Comment…
- Par magie. Je suis venue te dire au revoir.
- Comment ça ? Je vais te punir, tu le sais bien !
- Je m’en fous. Je n’ai plus peur. Je ne vois pas comment tu vas me punir. Je suis grande. Et je suis plus puissante que toi et toute tes foutue pierres.
- Non…
- Si. Tu vas tout perdre, car j’irais prévenir les habitants de la richesse que tu caches ici. Tu ne verras rien venir, ils te voleront chaque jour, il ne te restera rien. Il va falloir trouver un job. Et peut être un bon médecin.
Sa mère hurla et se roula dans ses pierres. Elle était repartie dans une de ses crises. Mlle Miller venait de tout perdre et sa folie était de pire en pire. Eoghan partit, sans dire un mot, et Tara, qui l’attendait toujours là, dehors, lui tendit sa main, Eoghan l’attrapa et tourna le dos une bonne fois pour toute à sa maison. Quelques jours plus tard, Eoghan ne le sut jamais, mais Mlle Miller finit par mourir. Les habitants étaient venus la piller, chaque jour et chaque nuit. Un matin, elle s’était donnée la mort dans la grande bibliothèque. Elle s’était pendue au grand lustre en or, sans doute la seule de chose valeur qui lui resterait à présent. On avait retrouvé encore une de ces fameuses pierres dans ses poches.
Chapitre II – Les Etats Unis
Tara et elle étaient donc parties. Lors du voyage, Eoghan avait questionné Tara de nombreuses fois. Pourquoi ne l’avait – elle toujours pas mangé ? Pourquoi n’était-elle pas avec les siens ? Il fallait quand même dire que c’était étrange. Les deux filles, enfin, Eoghan et la créature s’étaient embarquées à bord d’un navire de cargaison en direction du port de Boston. C’était là que Tara lui avait raconté son histoire. Eoghan avait toujours trouvé drôle la manière qu’elle avait de s’exprimer un coup elle parlait d’elle à la troisième personne, un autre elle faisait comme tout le monde.
- Tara vient d’un pays enneigé. Avant, on m’appelait Aello, comme une de mes ancêtres. Un jour, j’ai eu envie de découvrir autre chose que les montagnes… le chef de Tara a banni Tara. Tara s’est donnée un nouveau prénom, Tara, ça sonne bien non ?
- Oui… Et pourquoi tu m’as demandé de venir ? Je croyais que les Harpies et les demi-dieux…
- Oui oui, mais tu es gentille, en plus, tu m’offres des pierres.
- Je vois…
- Et puis je n’ai jamais eu d’amie.
- Moi non plus.
Une nouvelle secousse fit trembler la cabine dans laquelle les deux amies s’étaient réfugiées. Tara avait l’inconvénient d’être assez imposante. Ses bras étaient ses ailes. Elle faisait donc preuve d’une assez grande maladresse dans la plus part de ses mouvements. Eoghan se prit ses griffes dans la figure plus d’une voix. Dehors, elles entendaient les voix des marins qui hurlaient que la tempête était proche. Eoghan sentit que leur voyage allait durer un peu plus longtemps. «
Papa, envoie-moi quelque chose pour me sortir de là… » . Ploutos se manifesta quelques heures plus tard. Eoghan trouva ce qui semblait être une arme. Elle qui n’en avait jamais manié de toute sa vie… C’était une petite épée très simple, et la marque de Ploutos était bien présente sur le manche de l’outil. Pour la première fois de sa vie, Eoghan se sentit proche de son père.
Elles étaient arrivées à New York. Elle avait pris un bus de Boston pour y arriver et finalement, Tara et Eoghan étaient enfin arrivées à destination. Elles étaient vêtues comme des voyageuses. Eoghan n’en menait pas large avec ses habituels shorts troués et ses tee-shirts trop grands et un pue trop voyant. Tara quand à elle… Eoghan la voyait comme une Harpie aux plumes kaki, pas franchement attirante. Mais avec la brume, enfin, d’après tout ce que lui avait apprit Tara, les humain la voyait comme eux. Enfin comme eux. Une fille blonde, avec de longs cheveux frisés, un teint cireux légèrement vert et des dents très pointues. Enfin, c’était toujours mieux que rien. Eoghan et Tara avait fini par atterrir au musée de l’histoire naturel de New York. Un peu de tourisme ne leur ferait pas de mal. Et c’est là que, depuis un mois, Eoghan s’adressa à une autre personne que sa Harpie. Le gars était assez grand, brun avec de grands yeux bleus globuleux qui ne cessaient de bouger dans tout les sens. Il était plutôt mignon dans le genre et elle le rencontra alors qu’elle et Tara venait d’arriver au rayon Antiquité.
- Salut ! Moi c’est Alec ! Ca va les filles ?
Eoghan jeta un regard autour d’elle et vit Tara sourire, dévoilant une rangée de dents mal placées. Elle se plaça vite devant son amie et lui rendit son salut d’un ton un peu sec. Bah, Eoghan n’était pas vraiment devenue une fille très sociable et agréable du premier coup depuis qu’elle avait fini attaché à l’arbre de son jardin. Le gars se remit les cheveux en place, et Eoghan soupira, tentant de sourire.
- Enchanté, moi c’est Eoghan et voici Tara, mon amie.
Alec regarda la Harpie avec un regard amusé et Eoghan fut assez surprise lorsqu’il se pencha pour leur faire la bise à toutes les deux. Il n’avait pas franchement l’air dégouté, même si Tara était tout sauf séduisante Eoghan l’avait maquillée et brossée, mais rien n’y faisait. Le gars commença alors à taper la causette. Ce Alec était un bavard, Tara et elle s’en rendirent assez vite compte. Tout allait bien, Eoghan commençait même à se détendre un peu lorsqu’un garde du musée s’approcha d’eux, les sourcils froncés.
- Venez avec moi les jeunes.
Eoghan se laissa faire. Elle sentait l’arme que lui avait offerte son père peser contre son dos. Qu’elle idée avait-elle eu en l’attachant là ?! Alec suivit le gars et Tara l’imita. Le gardien les emmena dans une sorte d’entrepôt mal éclairé et ce fut à ce moment là que Tara commença à s’agiter. L’homme se retourna vers eux et Eoghan vit la chose qui clochait sévère chez lui. Il était devenue plus grand, maigre comme un clou et incroyablement moche. Une Harpie… Il se mit à battre des ailes et se lécha les babines. Puis, il s’adressa à Tara, les yeux pétillant d’une lueur malsaine.
- Bien joué sœur des montagnes. Une bonne demi-déesse et un humain idiot pour le repas de ce soir !
Tara haussa les sourcils et alla se placer devant son ami, déployant ses ailes vertes. Eoghan attrapa son épée et tira Alec derrière lui.
- Hé meuf tu fais quoi avec ce truc ! Mais attend ! C’est une épée ! Tu ne vas quand même pas…
Eoghan lui jeta un regarde tellement mauvais qu’Alec comprit que le moment était mal venue. Sauf que ce n’était qu’un humain, et qu’il ne voyait pas ce que la fille de Ploutos voyait. Elle brandit son épée vers la Harpie, qui comprit que Tara n’était pas de son côté.
- Hé mais ! A l’aide ! Une folle ! Elle a volé une épée ! Aidez nous ! Elle va nous attaquer avec le gardien !
Alec n’eu pas le temps d’en dire plus, Eoghan lui assena un coup sur la tête et il s’écroula comme une vulgaire chaussette. Tara était en pleine bagarre avec son congénère et Eoghan partit lui porter secours. Eoghan n’avait aucune expérience de combat, mais elle savait être violente et méchante quand il le fallait. La Harpie finit par s’envoler dans la pièce d’à côté, poussant des hurlements stridents.
- Vite, il faut partir avant que les autres rappliquent ! Prends Alec, Tara !
Tara ne se fit pas prier, elle attrapa le garçon par les épaules et le traina hors de la pièce. Elle le déposa dans les toilettes publiques, sans faire gaffe que c’était celles des dames et s’envola, Eoghan avec elle.
Chapitre III - Amitié
Eoghan et Tara avait continué à voyager. Elles étaient parties sur la côte Ouest du pays, le climat étant meilleur. Les liens entre Eoghan et la Harpie s’étaient resserrés. Depuis l’épisode du musée, Tara avait pour mission de protéger la demi déesse au péril de sa vie et Eoghan se chargeait de les faire vivre au quotidien. Elles n’étaient pas pauvres, grâce au pouvoir de la jeune femme. Quatre ans. Cela faisait à présent quatre ans qu’elle avait quitté la maison du petit village. Quatre ans qu’elle voyageait seule avec une Harpie comme compagnie. Elles avaient vu des choses incroyables, vécu plein de chose chouettes et Eoghan n’était pas prête à arrêter ça. Aussi, quand elle entendit parler du camp des sangs mêlés, elle n’en voulu pas à Tara de le lui avoir caché. Hors de question d’être à nouveau emprisonné quelque part. Tout ce qu’elle voulait, c’était voyager, être avec sa Harpie préféré et continuer à combattre des monstres à deux. Ca, c’était la vraie vie.