C’est l’histoire de Jude que vous allez lire, maintenant. Croyez-moi sur parole, ils sont rares les gens à connaître ce qu’il s’est véritablement passé lorsqu’elle était enfant. Et ceux qui le savent ignorent tout de l’identité de son père ainsi que du Camp Jupiter. Les personnes connaissant les deux se comptent sur les doigts de la main. Jude a toujours été comme ça, sous son sourire et son air adorable, elle est quelqu’un de très renfermé, qui se confie rarement. Si ce n’est jamais. Elle n’a jamais été ce genre de fille qui déballe sa vie comme ça, parce qu’elle appréciait bien la personne. Non, pour connaitre Jude, il faut qu’elle vous fasse confiance. Avec tout ce qu’elle a traversé, elle a du mal à se confier. C’est compréhensible, dans un sens. Mais il faudrait que ça change. Ne serait-ce que pour son bien à elle. Alors estimez-vous heureux de ce que vous allez apprendre. Vous allez être des privilégiés.


Avant de connaître l’histoire de Jude, il faut d’abord connaître celle de sa mère. On se passera d’explications sur son père, vous savez très bien qui est Bacchus. Maddie Holmes était née dans un quartier aisé de New-York City, dans une famille plus qu’aisée avec des valeurs respectables. Elle était allée à l’école et avait obtenu des résultats plus que corrects. Fan absolue de Shakespeare, elle souhaitait devenir avocate. Oh oui ! Avocate, cela lui aurait terriblement plu. C’était son rêve, ce en quoi elle croyait. Ses parents et sa grande sœur savaient qu’elle pouvait le faire. Maddie voulait réussir. Mais tout ne se passa pas comme prévu. Elle avait dix-sept ans quand elle sortit avec des amis de sa sœur et sa sœur en boîte. C’était elle qui avait conduit sur le chemin du retour, même si c’était la seule mineure. C’était elle qui avait provoqué l’accident. C’était elle qui avait, au fond, tué sa sœur. Tout le monde s’en était sorti avec quelques blessures. Tout le monde sauf l’aînée des deux filles Holmes. Après l’accident, Maddie changea. Elle abandonna tous ses rêves de prestige et n’eut qu’une seule envie : se barrer de New-York, se barrer de l’endroit où elle avait fait du mal à sa sœur. Le jugement pour conduite en état d’ivresse et sur le fait qu’elle était mineure, elle n’en eut rien à faire. Avec l’argent, ses parents réglèrent tout. Les Holmes étaient une famille détruite. Alors dès qu’elle eut vingt-et-un ans, Maddie partit à l’autre bout des États-Unis. Bienvenue à Las Vegas !


Son physique avantageux aida Maddie pour trouver un petit emploi. D’abord travaillant dans un bar mal famé, puis dansant dans une discothèque, elle finit par être embauchée dans un casino comme serveuse. C’est à Las Vegas qu’elle rencontra l’homme qui allait être par la suite de père de son enfant. Enfin, l’homme. Le dieu, quoi. Bacchus la charma et Maddie, en pauvre inconsciente, crut à tout ce qui lui racontait ; elle crut qu’elle était une élue, qu’elle était parfaite et qu’il ne l’abandonnerait jamais. L’histoire de la jeune femme émut le dieu un peu plus qu’il ne voulut l’admettre sur le moment. Mais il ne dit rien et fit comme avec toutes les autres. Et comme avec toutes les autres, il y eu un bébé. Le dieu du vin s’était attaché un peu plus qu’il le souhaitait à la belle serveuse et décida que c’était mieux pour tout le monde s’il partait le plus vite possible. Il partit de Las Vegas et abandonna la jeune femme lorsqu’elle en était à quatre mois de grossesse. Cela eut l’effet inverse de ce qu’il désirait car Maddie se renferma sur elle-même, ne vivant plus que pour son futur bébé. Le bébé naquit par un beau jour du mois d’août, faisant le bonheur de sa maman.


Maddie aimait sincèrement sa fille, c’était la prunelle de ses yeux, elle ne vivait que pour Charlie. Mais d’un autre côté, elle ne pouvait pas se permettre d’être souvent à la maison parce qu’elle faisait tellement de petits boulots pour permettre à la blondinette de bien vivre, alors Charlie apprit rapidement à se débrouiller seule. Maddie ne voulant plus parler à ses parents à cause d’une engueulade agitée et grave, Jude ne parla que deux ou trois fois à ses grands-parents – qui voyaient d’un très mauvais œil la naissance d’une fille, alors que Maddie était encore jeune. Alors, quand sa maman n’était pas là, Charlie s’amusait à s’inventer des mondes différents, parfaits. Elle y retrouvait son père et le reste de sa famille, sa mère était là, tout allait bien. Car dans sa vie, rien n’est jamais allé. Charlie alla à l’école mais n’a jamais aimé ça, elle faisait quelques conneries mais s’arrangeait toujours pour que sa mère ne sache rien. Sa mère c’était vraiment important pour elle, il fallait qu’elle soit fière de sa fille.


Charlie a bien vite compris que le travail de sa mère n’était pas toujours respectable et des fois, elle en avait honte. Néanmoins, elle ne lui a jamais fait aucun reproche. Comme je vous l’ai dit, Maddie c’était tout ce que Charlie avait. Jude ou Charlie, d’ailleurs ? La blondinette n’a jamais aimé son premier prénom, elle trouvait qu’il était bien trop masculin, alors que son deuxième était tout simplement parfait, à ses yeux. Tout d’abord parce que la musique et elle, c’est une grande histoire d’amour. Et aussi parce que ‘hey juude’. Mais plus fort que la musique, il y a la danse. Dès petite, Charlie a essayé de convaincre sa mère de prendre des cours. Classique, contemporain, jazz, zumba, hip-hop, street… Quand la petite fille allait mal, elle dansait. Danser pour survivre, pour essayer d’exister. Elle a toujours préféré la danse classique, pour elle c’était gracieux, grandiose. Elle aurait aimé être danseuse étoile, mais le destin en a décidé autrement. Drôle de rêve, n’est-ce pas, lorsqu’on savait qu’elle écoutait du rock à fond, déjà très jeune.


Il lui en est arrivé des crasses, il s’en est passé des choses sales dans son enfance. Déjà, les mecs que fréquentaient Maddie n’étaient pas très recommandables. Ensuite, Las Vegas quand vous êtes petite et seule, c’est dangereux. Et pour finir, Jude est d’une curiosité maladive. Elle a vu un des ex-copains de sa mère essayer de violer cette dernière. Des amis à Maddie lui avaient fait boire beaucoup trop l’alcool une autre fois. A chaque fois, la petite fille avait l’impression que quelqu’un veillait sur elle. Surtout avec cette histoire d’alcool, là. Sa mère n’ayant jamais voulu lui révéler qui était son père, elle avait fait bien des recherches. En vain ! On ne retrouve pas Bacchus comme ça, vous savez. Et puis, sa mère est sortie un soir, pour aller travailler dans un bar et n’est pas revenue le lendemain matin. Jude avait douze ans et a immédiatement appelé la police, extrêmement inquiète. Les policiers de Vegas ont découvert le corps de sa mère dans une ruelle. Overdose. Ça a détruit Charlie, littéralement. Sa maman était dans le coma, elle n’avait personne. Alors, elle a fait ce qu’elle avait pendant longtemps souhaiter faire : elle s’est barrée, elle a fuguée. Laissant sa mère à l’hôpital en se disant qu’elle aussi aurait voulu ça, prenant quelques affaires à elle et beaucoup d’argent, elle est partie du Nevada. C’était inconscient, irréfléchi mais Jude était en état de choc.


Heureusement que quelques jours plus tard, elle tomba sur Lupa qui lui fit passer un nombre important d’épreuves que Jude réussit plus ou moins. Et quand on lui demanda comment elle s’appelait, elle répondit : « Jude. Jude Holmes » Charlie, c’était avant et personne n’avait intérêt à connaitre son premier prénom. Elle apprit bien des choses avec Lupa, y compris le fait que les dieux romains existaient et avaient fait des gosses un peu partout dans le monde. C’est sale, sérieux. Elle fut admise au Camp Jupiter sans trop de difficultés. Puis par la suite dans la troisième cohorte. Elle va voir sa mère dès qu’elle peut et pleure souvent, quand elle est seule. Parfois, elle a l’impression que personne ne la comprend. La vie n’est pas une blague, la vérité n’est pas innocente et l’amour fait chier, elle a bien compris tout ça.