On parle souvent de blessures, de cicatrices, de marques qui font mal dès qu'on les voit, qui nous rappellent des moments de notre vie que l'on aurait voulu oublier. Certaines expliquent le passé des individus qui les portent, d'autres nous rendent plus forts, ou dans le côté négatif de la chose, attire le regard de dégoût des gens parce qu'ils trouvent cela moche. Pourtant, une cicatrice est loin d'être laide, elle fait partie de nous, elle a probablement contribué à ce que nous sommes aujourd'hui. Pourtant, les pires cicatrices ne sont pas physiques, mais psychologiques. Les blessures du cœur, de l'esprit sont probablement les pires, les plus longues à guérir si elles finissent par se résorber. On a beau avoir toute la volonté du monde. Une véritable plaie spirituelle est la pire des choses dont on peut écoper, elle nous tue de l'intérieur petit à petit, comme un feu follet qui s'empare progressivement de notre intérieur en ravageant tout sur son chemin. Elle peut même nous conduire à des extrémités que l'on aurait préférés ne pas envisager, le suicide, la dépravation, la drogue, l'alcool et toute autre chose qui vise à nous détruire doucement ou d'un coup rapide. Ouais, on est beaucoup plus forts après avoir réussi à surmonter une blessure mentale qu'une physique, même si l'on est tout aussi respectables dans les deux cas. Je n'ai pas beaucoup de cicatrices, déjà grâce au nectar et à l'ambroisie, la nourriture des dieux est super efficace sur les blessures, mais aussi grâce à mon pouvoir, l'anticipation d'attaque, de ce fait je ne me fais quasiment jamais toucher, du coup les gens préfèrent m'achever une bonne fois pour toute en faisant en sorte que je m'évanouisse. La seule que j'ai, c'est sur ma cuisse, elle n'est pas parti, on a tout essayé mais rien a fonctionné, j'ai dis tant pis, ça me fait un souvenir de la titanomachie et des gens qui y sont morts pour sauver l'humanité. Sinon j'ai énormément de cicatrices mentales, mon père, les images de morts, et j'en passe, sauf que je n'aime pas les faire revenir.

Logan est long, on dirait une fille, j'aime bien le charrier de temps en temps, de ce fait on se taquine souvent l'un l'autre, un peu comme des gamins qui n'ont que ça à faire. Le temps est long – comme ma... –  bon stop, je dois arrêter de dire ou de penser à des conneries pareilles. D'un coup un bruit, discrétion zéro, puis une alerte rouge au niveau de mes pieds, que je recule au tout dernier moment, pile deux secondes avant qu'une épée se plante dans le sol. Je me retourne avec un sourire narquois au visage, s'il croyait me surprendre, c'est loupé. Je remarque que j'ai toujours mon braquemart en main, alors j'imagine qu'il se transforme à nouveau en croix et c'est ce qu'il fait avant de réapparaître tout seul autour de mon cou. « Content de te revoir mec. » Je me lève en lui souriant mais cette fois-ci d'un air ravis avant de venir lui faire l'accolade. « Moi aussi j'suis content fratré. » J'aime bien lui dire qu'on est frères, pour moi dans ma tête c'est le cas, tous deux enfants de la guerre même si nos opinions divergent parfois, mais aussi parce que l'on aime bien parler ensemble de choses diverses et variées et qu'il n'y a quasiment aucun tabou entre nous. Je me recule avant d'attraper la lame de son épée et de la lui lancer adroitement.

Cet endroit c'est l'endroit où l'on s'est battu ensemble pour la première fois, là où l'on a découvert un adversaire redoutable dans l'autre et où notre amitié à commencé. Quoi de mieux que de renouveler l'expérience pour un combat acharné ? Je sais que s'aventurer dans la forêt n'est pas conseillé, il y a des monstres, beaucoup de monstres, mais au fond j'en ai rien à faire, parce que si un monstre arrive, il va tâter de mon épée. « Alors quoi de beau pour toi et pour... la colonie ? » J'ai faillis demander pour Ruben, mais il n'est pas au courant que je couche avec mon meilleur ami, personne ne le sait, pour tout le monde le fils d'Héphaïstos et moi sommes justes très proches, les gens doivent certes se poser des questions, mais je m'en fiche. Je fais ce que je veux puis c'est tout. Sauf que dernièrement, je me rends compte que de l'amitié avec Ruben c'est pas vraiment ce que je veux, mais qu'est-ce que je veux alors ? Ça j'en ai strictement aucune idée.

Grâce à Logan, j'apprends souvent les dernières nouvelles de la colonie, s'il y a des nouveaux, comment se passe l'ambiance, etc... Beaucoup étaient ravis de mon départ, notamment les bungalows Arès, Athéna et Aphrodite, allez savoir pourquoi. Pourtant d'autres comme celui Héphaïstos, Déméter entre autres ne le voulaient pas. Alors parfois j'hésite, je reviens ou je reviens pas ? Puis je me souviens qu'il y a Ruben à la colonie, alors je ne reviens pas, parce que je ne veux pas souffrir.

Les mots les plus sincères sont souvent ceux qui viennent de la bouche de vos ennemis ou bien de vos véritables amis, ceux qui sont là pour vous quoi qu’il arrive, pas ceux qui sont de simples connaissances. Les ennemis parce que ce qu’ils diront sur vous sera la vérité quoi qu’il arrive. Les vrais amis parce qu’ils ne vous mentent pas, vous diront l’axiome, les mots justes afin que vous puissiez changer pour atteindre le nec plus ultra. Je préfère compter sur mes ennemis personnellement, parce que eux au moins je saurais toujours ce qu’ils pensent de nous-même. Les amis certes sont importants, sans eux nous ne pourrions pas avancer. Enfin dans un sens si, parce qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. La sincérité, c’est ce que toute personne qui déteste le mensonge préfère. Mais que représente-t-elle ? Les mots justes ? Ceux qui disent la vérité aux gens même si cela leur fait mal ? Oui c’est cela. La franchise c’est la recherche de la perfection, l’apogée du summum, l’apothéose de l’excellence. Je ne supporte pas le mensonge, il m’indispose, me provoque des envies de meurtres et par malheur pour ceux qui me mentent, j’arrive à distinguer les racontars de la véracité. Pourtant j'ai besoin d'avoir des ennemis pour m'accompagner, au moins je comprends les phrases que j'ai énoncées il y a quelques instants.
Il y a des choses que je préfère éviter dans mes discussions avec le fils d’Athéna, parce que non seulement ça ne le regarde pas et en prime il tentera de m’aider, et ça je ne le veux pas. J’ai besoin de m’en sortir tout seul. Nous sommes, mais il y a tout de même des limites. « Bah, oui je vais bien même si tous les entrainements de la colonie m'épuisent, je vais bien et la colonie se porte bien. Tu manques à beaucoup de monde mec. » Beaucoup ? Non je ne crois pas, quelques gens oui. Je peux les citer facilement, lui, Meredith, Sacha, quelques autres et surtout Ruben, lui qui hante mes nuits et à qui je hante les siennes. Cependant je souris doucement suite à la réponse de Logan, il essaye de me faire passer pour plus sympa que je ne le suis, mais c’est vain, je sais que ce n’est pas vrai, on me déteste ou du moins on me rejette. « Et toi comment vas-tu ? Tes voyages ? T'es aventures? Vas y raconte-moi tout. » Cette fois-ci, mon sourire fend mon visage en deux. J’aime parler de ce que je vis, il n’est pas au courant des histoires de mon passé. Pourtant je lui raconte où je vais sans lui dire pourquoi, ou alors je lui mens. Quoi qu’il en soit je m’installe tranquillement dans les racines noueuses et passe mes mains dans ma nuque avant de décider de lui raconter ce que j’ai pu faire.

Pourtant par où commencer ? Ca fait tellement longtemps que je ne suis pas revenu que j’ai un tas de trucs à lui raconter, mais autant y aller au feeling et au fur et à mesure que les souvenirs font surface. « J’ai dû me battre contre deux chiens des enfers pas loin de San Francisco, c’était dingue, du genre je devais être sur deux fronts à la fois, donc je me servais de mon pouvoir pour parer les attaques d’un et j’attaquais le second aussi sec, j’étais pas loin de me faire avoir, mais bon, j’ai réussis à m’en sortir avec un coup de chance, j’ai lâché mon braquemart sans faire exprès et elle est restée droite, par je ne sais quel moyen et le chien s’est empalé dessus, du coup pour avoir l’autre c’était facile quoi. » Je lui souris doucement, je suis peut-être un bon combattant mais je ne suis pas invincible pour autant. Personne ne l’est, à part les dieux et encore. Je tourne le visage vers la forêt, je me souviens avec exactitude de l’endroit où nous sommes affronté, c’était à quelques pas de là où se tient Logan, enfin bref là n’est pas la question. « Après j’ai réussis à trouver un boulot à New-York, du coup je me suis installé dans un appart, et je continue de voyager pour découvrir un peu l’Amérique, et je pense faire un tour par Détroit d’ici peu de temps pour retourner à mes racines. » Bref voilà le topo, je n’ai pas tout dit, mais si je lui disais que je cherchais mon père, il me demanderait pourquoi et je n’aurais pas la force de lui mentir mais je n’ai pas non plus envie de lui dire la vérité. Genre dire qu’il m’a fait des attouchements quand j’étais petit et que maintenant je veux me venger en le tuant. D’autant plus que maintenant il gère l’une des plus puissantes mafias d’Amérique et il trafique, tue, viole à gogo. Un salopard qui ne mérite pas de vivre somme toute. Je me demande comment maman a fait pour tomber sous son charme, un mortel ne peut pas mentir à un dieu, alors diantre comment Enyo a fait pour m’avoir avec lui ? Et surtout pourquoi elle m’a laissé là-bas alors que je souffrais et que j’avais peur ? J’avais eu peur tous les jours, mais maintenant je n’ai plus peur, c’est lui qui a peur de moi, parce que je suis persuadé qu’il sait que je le cherche.

Être ou ne pas être, telle est la question. Fondamentalement, je dirais que nous sommes tous égaux. Mais en réalité, c'est loin d'être le cas. Je ne suis pas défaitiste, au contraire, mais il suffit de compter le nombre de sans domiciles fixes dans la rue, ou encore de regarder les dossiers juridiques pour voir que certains sont en prison sans réelles raisons alors que des pédophiles ou des violeurs sont toujours en liberté. Croyez-vous que cela est normal ? Moi pas, on nous répète sans arrêt que toute personne vivante est égale à une autre depuis la nuit de temps, mais personne ne respecte ces adages qui sont pourtant la clef de notre monde, alors oui, je suis dégoûté de ce que l'on appelle la civilisation, parce que personne n'est réellement sur le même piédestal. Il y aura forcément des privilégiés à toute situation, parce que telle est la nature humaine, toujours vouloir se démarquer des autres pour pouvoir briller plus que quelqu'un. Je ne suis pas différent des autres, loin de là, je ne crois pas être marginal, de toute manière je n'ai pas le choix pour réussir, je dois être comme les autres, faire le mouton comme on dit, suivre les sentiers battus par les années et la multitude de personnes qui ont foulé ce chemin bien avant moi, parce que tels sont les fondements de la nature, on ne peut y échapper sans devenir un rejet, un ermite ou je ne sais quelle autre forme de rebut de la société.

Logan semble plutôt impressionné par ma nouvelle vie. En même temps, qui aurait imaginé un fils d'Enyo qui travaille, se trouve un appartement et visite l'Amérique ? Bon d'accord, la visite de l'Amérique c'est une grosse blague, je ne visite pas l'Amérique je sillonne le continent pour trouver mon père et le buter moi même, mais c'est du pareil au même après tout ! Non, c'est pas la même chose mais tant pis. « C'est cool pour toi ça et tu habites où dans New York, c'est quoi ton job, t'as déjà visité quoi dans l'Amérique ? » Que de questions auxquelles je répondrais avec plaisir immédiatement pour ne pas perdre de temps. « J'suis dans l'Upper West Side et j'enchaîne les boulots de serveurs dans des grands restaurants gastronomiques, et j'ai visité environ vingt états des Amériques. » Je finis par lui sourire et un bruit alerte mon ami.

Moi même, tous les sens en ébullition, je dégaine mon braquemart en tirant sur la croix qui orne la chaîne autour de mon cou et mon arme apparaît dans ma main. Ma mère n'a pas jugé bon de lui accorder de réel pouvoir, après tout, un enfant de la guerre doit savoir se battre sans magie. Je me retourne dans le même sens que mon ami et finit par adopter une de nos techniques de combat. Lui d'un côté moi de l'autre mais de façon à ce que notre cible ne puisse s'échapper. Je lui indique d'un signe de tête d'user de son pouvoir d'anticipation afin qu'il sache ce que j'ai en tête et je me mets en position de combat. J'attrape également ma chevalière, cadeau de l'homme qui fait battre mon cœur. Je tourne le rubis qui l'orne dans le sens des aiguilles d'une montre et un splendide bouclier ouvragé montrant les exploits de ma mère se forme autour de mon poignet gauche. Ainsi armé je m'apprête au pire, mais qu'est-ce donc ce bruit ? Si c'est un satyre ou une nymphe, je m'octroie le droit de me foutre de la tronche de Logan que ça soit clair !br>