Un homme habillé d'une tenue de soldat, écoute, ressens et espère. Il a été appelé à rejoindre la Tchétchénie, la guerre fait rage dans ce lieu et il ignore s'il pourra revoir sa femme, ni même voir de ses yeux l'enfant, qu'elle porte. Oreille posée sur son ventre arrondi, il murmure quelques mots à son enfant et lui souffle le nom qui sera le sien : Sacha. Fille ou garçon, il s'en fichait, tout ce qui lui apportait ce que son enfant fasse honneur à son prénom. La signification de celui-ci n'était nul autre que le guerrier qui protège les hommes et repousse l'ennemi, ou encore le défenseur de l'humanité. Oui, comme ses ancêtres, Sacha serait un soldat. Embrassant sa femme, avant de passer la porte, chargé de son sac, il ne réalisait pas à quel point le prénom donné à son enfant, correspondait à tout point à son destin.

Il fallut attendre plus d'un an et demi pour que le soldat rentre chez lui et découvre sa progéniture. Tant d'épreuves traversées, tant de corps laissés dans son sillage, il ignorait s'il méritait cette récompense, mais quand il voyait ce petit visage rond, son regard remplis de malice et ses cheveux roux bien coiffés, son cœur s'emplit de joie. C'était la preuve que l'horreur était finie, il était chez lui, près de sa famille et sa petite Sacha était le plus de ces cadeaux.

Sacha ne pouvait se souvenir que son père avait été absent durant la première année de sa vie, mais par contre pour la deuxième guerre de Tchétchénie, elle se souvenait de son départ, de la tristesse qui l'avait envahi. Vivant dans une base militaire, elle savait que beaucoup de pères ne revenaient pas chez eux. Serrant son ours en peluche dans ses bras, elle s'empêcha de pleurer, car comme tout le monde le savait, ce n'était pas être forte de se laisser aller aux larmes. Oui, son père la préparait déjà à quatre ans à suivre ces traces, aucun libre-arbitre pour l'enfant, mais pour le moment, elle ne s'en souciait guère, car elle avait au fond de son coeur, une part d'innocence, de rêverie et d'imagination existait, une part que ses parents ne pourront jamais lui enlever.

D'ailleurs, cette année-là, en plus de l'absence de son père, la mère de Sacha commença à s'inquiéter pour un autre sujet, sa fille parlait de plus en plus de phénomènes bizarres. Lui dire de se taire, ne servait à rien, Sacha voulait partager ce qu'elle voyait. Après tout, c'était merveilleux, puis ça apportait de la lumière dans sa vie si terne. Elle n'avait jamais autant sourit que quand elle avait entrevu cet homme aux jambes remplies de poils, même la baffe de sa mère quand celle-ci avait signalé que comme lui, elle ne se rasait pas, ne put faire disparaitre la joie sur son visage. L'enfant du soldat pensait tout bêtement que tout le monde pouvait voir ce qu'elle voyait, car après tout pourquoi serait-elle différente dans cet univers où tout se doit d'être pareil ?

Après une énième crise de rage de sa mère, elle fut interdite de venir accueillir son père, mais Sacha ne le voyait pas ainsi. Passant par la fenêtre de sa chambre, elle manqua à deux reprises de glisser et atterrir plus vite que prévu en bas, mais l'enfant était tenace. Finalement, elle arriva en bas sans le moindre mal, hormis, peut-être le froid qui lui piquait le visage et les mains. Commençant à avancer, elle réalisa très vite qu'elle ne savait pas quel chemin prendre et finissait par se perdre. Tremblante, frigorifiée, mais surtout fatiguée, elle n'eut plus la force d'avancer davantage et se replia sur elle-même, tandis que la neige tombait d'un ciel, telles des larmes glacées. Des bras la saisirent et Sacha sentit son corps se réchauffer, serrant dans ses bras, son sauveur, il la conduisit en sûreté pour attendre que la tempête se calme. Recouverte d'une couverture, elle réalisa que c'était l'homme aux pattes poilues, enfin ce n'était peut-être pas le même, mais cette fois, l'enfant regarda bien son visage et découvrit deux petites cornes, c'était vraiment bizarre. Mais elle ne lui posa aucune question à ce sujet, il paraissait que c'était malpoli d'évoquer ce genre de choses, en tout cas d'après sa mère.

Finalement, ses parents la récupérèrent et pour le coup, elle ne put s'empêcher de leur dire que son sauveur devait être un bouc, du genre, un humain-bouc. Son père rigola à ses paroles avant de voir le visage dépité de sa femme. Les mois passèrent, puis les années, et tout devenaient plus compliqués. Ils avaient forcé Sacha à aller voir un psy pour parler de ce qu'elle voyait et le médecin prétendait que c'était un moyen de récupérer l'attention de son père, si souvent absent. Sacha se mettait en colère, ce n'était pas cela et voir que ses parents ne la croyaient pas, la blessait éperdument. Elle se sentait bien seule. Puis un jour, ce fut l'horreur, sortant de son lit pour aller boire un coup, elle entendit des voix dans le salon. Tout discrètement, elle alla espionner ce qu'il se disait et les paroles de sa mère ne l'étonnaient guère, cette femme ne l'avait que très peu aimer, mais la réponse de son père la cloua sur place. Il était d'accord, il était prêt à l'envoyer dans une maison médicalisée. Des larmes coulèrent sur ses joues, comment être fortes quand l'homme qu'elle idolâtrait ne lui faisait pas confiance ? Elle se sentait trahie et réalisa qu'il était temps de faire une croix sur ce monde féerique. Oui, elle se devait de grandir, grandir pour simplement survivre.

Le vent s'engouffra dans la chambre, faisant voler les papiers qui étaient posés sur le bureau. Sacha ne craignait pas l'air froid, ses yeux étaient rivés sur la lettre et elle était comme une statue de glace, ne pouvant pas croire ce qu'elle lisait. Elle était acceptée à l'école des cadettes à Moscou. Les épreuves avaient été difficiles, surtout le moment ou dossier médical à la main, on lui demandait des explications sur ces séances chez le psy. Elle les avait regardés droit dans les yeux et prononcer sans aucun doute dans sa voix, que c'était juste un moyen pour attirer l'attention de son père. Mensonge, certes, mais n'était-ce pas ce qu'elle allait apprendre à faire dans cette école ? École qui créait des espionnes parfaites. Comme elle s'était doutée, cette nouvelle fit apparaitre de la fierté dans le regard de son père, ainsi lui pensait qu'à présent tout se passerait bien entre eux, mais Sacha n'oubliait pas et pour elle, cette école était un bon moyen de s'éloigner de ses parents pour de bon.

Les premiers jours, Sacha eut du mal à se faire à cette nouvelle vie. Tout n'était que règles à suivre et confrontation à la vie réelle de la guerre et du terrorisme. Chaque soir, avant de fermer les yeux, elle voyait les images des terroristes tchétchènes qui avaient pris une école en otage causant beaucoup de mort, mais ce qui lui restait le plus en tête, c'était cette petite fille surement dans ces âges, le torse en sang, les yeux ouverts et son visage angélique. Le message était clair dans cette école, si vous ne devenez pas les meilleurs, vous serez une de ses victimes, il fallait donc devenir la guerrière pour survivre et protéger son prochain. L'excellence était le mot d'ordre, Sacha ne se rapprocha d'aucune jeune fille de sa promotion, beaucoup pensaient que c'était parce qu'elle voulait être la meilleure et qu'elle ne prenait pas le temps de se sociabiliser, mais la réalité c'était qu'elle ne voulait pas souffrir de trahison comme elle l'avait ressenti avec son père. Sacha préférait agir comme un robot, que de ressentir des émotions destructrices.

Durant les vacances après sa première année, ses parents la retrouvèrent métamorphosée. Elle qui avait toujours été souriante et blagueuse, gardait à présent un visage froid et passait son temps à s'entraîner où à travailler ses devoirs. De toute façon, cet endroit n'était plus sa maison, non, c'était l'école, dans toutes ses règles, elle avait trouvé un moyen de ne plus penser à ses drôles de visions. À présent, la cadette pensait réellement qu'elle était folle, qu'il n'y avait que cela comme explication donc elle s'évertuait de ne pas se laisser trahir. Finalement, durant ses six années à l'école de Moscou, il n'eut aucun accident, aucune vision bizarre. Après tout, vu le peu de fois qu'elle sortait ce n'était pas surprenant.

À seize ans, elle obtenue son diplôme avec mention et n'eut aucun mal à rejoindre les services secrets comme stagiaire. Durant deux ans, elle allait devoir observer les espions sur le terrain derrière un écran et surtout faire de la paperasse, mais cela lui allait, car Sacha était faite pour être une espionne, elle savait se servir de nombreuses armes, parlait plus de cinq langues et surtout savait mentir avec brio, c'est bien pour cela qu'à la fin de son stage, elle devint espionne pour le FSB.

Sa première mission avait été d'infiltrer une école pour se rapprocher d'un groupe d'extrémiste, il fallut bien quelques mois pour parvenir à son but, mais au moins ce fut une réussite. Puis finalement après beaucoup d'autres petites missions, on lui demanda de prendre contact avec un homme que le gouvernement russe suspectait d'être vendeur d'armes. Pour Sacha, ce n'était qu'un travail comme un autre, mais quand l'homme s'approcha d'elle, elle ne put s'empêcher de se retrouver étonnée. Il avait un corps de cheval, un vrai corps de cheval. Complètement abasourdis, sa mission tomba à l'eau et le centaure prit la fuite. Elle avait horreur de l'échec, mais pour le coup, c'était plus la peur qui pouvait se lire sur son visage que la déception, pensant que sa folie était de retour. Ce qu'elle ignorait, c'est qu'au loin, un homme l'observait, lui aussi suivait le centaure, il faisait partie d'une autre organisation secrète et la réaction de l'espionne ne pouvait signifier qu'une seule chose, elle voyait à travers la brume.

Assise dans une salle d'interrogatoire, à la place de l'accusé, ne lui disait rien qui vaille. Un homme pénétra avec un dossier à la main, son dossier. Qui était-il pour l'avoir obtenu ? Finalement, il lui demanda ces centres d'intérêt, la félicita pour son dossier scolaire et lui demanda des explications sur les séances chez le psy durant son enfance. Un épisode de sa vie qui semblait toujours remonter à la surface. Ne se laissant pas démonter, elle affirma que c'était pour que son père arrête de partir en mission et s'occupe d'elle. Le silence s'installait tandis que les deux se regardaient droit dans les yeux, cherchant la vérité dans le regard de l'autre. Sacha ne sut jamais ce qui poussa l'homme à se dévoiler, mais il le fit. Celui-ci lui proposa un nouveau poste, dans une autre organisation secrète, d'abord méfiante l'espionne lui demanda pourquoi venir vers elle . Mais la réponse de celui qui voulait l'employer restait trop floue. Puis vint le moment où il parla de l'échec de sa dernière mission, Sacha n'était vraiment pas préparé à ce sujet et son regard devint plus dur, elle était décidée à ne pas cracher le morceau. Finalement, il lui demanda de signer un papier pour non-divulgation et là, elle découvrit la vérité, elle n'était pas folle, les hommes-bouc et homme-cheval existaient pour de vrai. C'était comme si son coeur se libérait d'un poids, comme si son esprit devenait plus lucide, sans réfléchir davantage, elle accepta l'offre de rejoindre les rangs de l'organisation Russe qui s'occupait de monde mythologique.

Il lui fallut tout de même un certain temps pour s'habituer à l'idée que les dieux existaient et tout l'univers autour d'eux. Dans un premier temps, elle fut placée sur le terrain, ayant appris à se battre, ses patrons ne voyaient pas le problème et préféraient d'abord lui apprendre la façon d'intercepter ses monstres comme il le disait si bien. Sacha se sentait enfin à sa place, et un jour alors qu'elle rentrait d'une mission, elle entendue ce qui s'était passé aux États-Unis. Les agents avaient attaqué des camps de demi-dieux, elle ne le montra pas, mais une part d'elle fut choquée par cette nouvelle, n'était-ce pas des enfants ? Comme souvent, elle gardait le silence et son visage impassible faisait qu'on s'intéressait pas à elle et à son avis. Si elle pouvait être totalement franche, ce qui ne serait surement jamais le cas, elle dirait que pour le coup, ils avaient agi comme des terroristes.

Ce boulot était la concrétisation du but ultime de beaucoup de vie, mais Sacha était encore très jeune qu'au début de sa vie de femme et elle avait encore surement beaucoup à apprendre sur elle. Suivre les ordres lui étaient très facile, mais ce soir-là, arme à la main, elle devait attraper un Satyre, mais qu'elle ne fut pas l'horreur en reconnaissant le trait de son sauveur. Quand elle l'avait croisé, elle n'était encore qu'une enfant qui idolâtrait ce monde magique, à présent, elle était celle qui était emmenée à le détruire. Ses mains commencèrent à trembler et elle sue dans les yeux du Satyre que lui aussi l'avait reconnu, ce fut son collègue qui intercepta la créature et Sacha mit son manque d'action sûr de la fatigue.

Une vie pour une vie, c'était une des règles à laquelle elle tenait, sauvé la Satyre pour payer sa dette. Oui, mais comment faire ? Elle décida d'agir directement dans l'action, mais quand elle arriva près de la cellule de l'animal, elle était vide, on lui apprit qu'il était en salle d'interrogatoire, ou plus clairement appeler salle de torture. Le coeur serré, elle s'y rendit, le satyre était aux portes de la mort et elle en était coupable. Trop douloureux pour elle, elle fit demi-tour et laissa une larme coulée sur sa joue, cet événement bouleversa sa vie, elle ne voulait plus être agent de terrain, mais retrouvée son boulot d'espionne. Finalement, on lui proposa une tout autre tâche : se rendre à New-York pour devenir agent de liaison. les États-Unis avaient besoin d'aide et pour eux, Sacha correspondait à leur attente, mais surtout dans leur tête, c'était envoyé un agent encore récent voulant garder leur meilleur atout pour eux-mêmes. Cette ainsi que la Russe prit l'avion pour une nouvelle vie de l'autre côté de l'océan, encore loin de se douter que là-bas tout était différent.