Un soupir s'extirpe de la bouche de la rousse, qui bouquine depuis plus d'une heure, déjà. Il est rare de voir la demoiselle feuilleter les ouvrages mythologiques, mais la demi-déesse est déterminée à en découvrir bien plus sur l'univers en entier, mais précisément sur son père. Il l'a reconnue, oui, la nuit dernière, mais il n'a rien manifesté autre qu'un symbole. Épuisée, puisqu'elle a passé la nuit là-dessus, elle décide d'aller se coucher un moment. Mais elle sort de la grande librairie et observe le jour se lever. Merde. Une nuit blanche, vraiment ? La rousse soupire. Deirdre sent le temps lui échapper depuis qu'elle est arrivée ici. Elle se rend donc au self, pour manger avec tout le monde mais sa tablée est presque vide - elle a peu de frères, de soeurs. Elle se sent un peu seule, vous savez. Elle est là, mais invisible. Du moins, c'est ainsi qu'elle se sent... Surtout aujourd'hui, avec la fatigue. Elle a peur de ne pas trouver sa place, l'enfant surexcitée. Mais l'énergie lui manque, et après manger, elle se promet d'aller se reposer.
Ce qu'elle fait, donc. Elle s'endort presque aussitôt, Morphée l'embarquant dans une ribambelle de rêves étranges, mais à son éveil, elle ne s'en rappelle pas. Elle se souvient avoir rêvé d'un train, et de neige. Mais la neige, c'est son élément.
Elle se sent beaucoup mieux lorsqu'elle s'étire. Elle remarque qu'on est sur la fin de l'après-midi, et qu'elle a manqué l'un des entraînements. Tant pis, elle le reprendra, un de ces jours.
Ce soir, il y a le feu de camp. Elle s'y rendra - comme tous les autres. Il s'agit d'un bon moyen pour accueillir les nouveaux et souvent, ceux qui n'ont toujours pas été reconnus le seront. Le soir venu, elle est assise, là, sur une bûche et discute avec une fille d'Aphrodite. Peu importe ce qu'on pense d'elles, elles ne sont pas toutes les mêmes. Cette dernière est jeune - treize ans à peine, et elle est un peu perdue. Deirdre promet de l'aider à mieux s'y retrouver, à la colonie.
Demain sera une belle journée.



« J't'ai eu ! » La voix joyeuse de Deirdre résonne dans la colonie. En sueur, détrempée dans ses vêtements d'entraînement, elle vient d'atteindre son adversaire et a réussi à le paralyser dans un tas de neige. Il grogne, il refuse de perdre contre une fille. Foutus fils d'Arès, toujours aussi arrogants. Elle soupire et le libère, mais fourbe qu'il est, il attend qu'elle tourne le dos pour lui foutre un coup au dos et la mettre à terre. Son souffle est coupé sur le coup et elle le regarde en tournant son cou, en rogne. « Putain, la tricherie était nécessaire, connard? » Qui aurait pu croire que de telles insultes pouvaient sortir d'aussi jolies lèvres. « T'es faible, fille de Borée. » Non. Personne n'a l'autorisation de lui dire cela. Personne n'a le droit de lui dire qu'elle est faible. Voyant noir, la rousse s'empare de son arme et tire une flèche dans la jambe droite de son adversaire, une fois debout. Cela le déstabilise. Il grogne de douleur mais tant pis, les Apollon se chargeront de le soigner, le con. « On t'a jamais appris à ne pas baisser ta garde? » Les cris d'acclamation se font entendre. Elle ne s'attend jamais à avoir un publique lors des combats, et en ce jour, il est majoritairement féminin. Lorsqu'elle s'extirpe de l'arène fictive, elle se fait féliciter par bon nombres de filles, sauf par une fille d'Aphrodite. La gamine qu'elle a accueilli il y a trois ans, celle qui la fusille du regard. « Tu sens mauvais... », lui lance-t-elle de sa voix haut perchée. Deirdre retrousse le nez, comme elle a l'habitude de le faire lorsqu'elle est énervée, et lui fait un doigt d'honneur. « J'aurais dû sentir que tu puais la merde à ton arrivée. » Sur ce, elle se détourne de la foule, de la fille d'Aphrodite bouillonnante et de son adversaire : une douche l'attend.



Attaquer la nuit, comme des lâches. Ils sont fiers de leur coup, en plus, elle en est certaine. Deirdre est sortie dans sa tenue de nuit, n'ayant pas le temps d'enfiler une armure pour la bagarre, et avec son arc. À peine hors de son bungalow qu'elle sent une douleur lancinante lui envahir le bras. Elle jette un coup d’œil et seul un amas de sang lui est visible. Putain. Sur le coup de l'adrénaline, elle réussit à tirer une flèche sur son adversaire, entre les deux yeux. Elle entend les cris d'horreur et les enfants - merde ! Les gamins, les pauvres. Aussitôt, elle se rend auprès d'eux, et le bataillon est déjà à feu et à sang. Elle a envie de vomir, à la vision de corps disposés ici et là. Mais si elle réussit à aider un enfant ou deux à se sortir de là, elle se sent bien vite faillir. Le sang qui s'écoule de son bras, putain, elle l'a oublié avec toute cette pagaille. La douleur se fait bien vite sentir, lancinante, et elle perd conscience sur le champ de bataille.

« Gnnnn... » Quelle belle expression. Deirdre s'éveille, goguenarde, et jette aussitôt un coup d'oeil affolé autour d'elle. Les gamins ! Elle tente de se lever mais un fils d'Apollon la tient couchée. « Doucement tigresse, tu vas te faire mal. » Il rit. Elle, sous l'effet de l'ambroisie, rit aussi, un peu.
Lorsqu'elle est en état de sortir de l'infirmerie, elle s'aperçoit de l'ampleur des dégâts. De nombreux morts, dont des enfants qui n'ont rien demandé. Elle a mal au coeur, elle a mal à l'âme. Pourquoi avoir commis une telle abomination  ? Ce souvenir hante ses nuits, encore aujourd'hui, et elle prépare une vengeance... Elle sera là, la prochaine fois qu'ils attaqueront. Et cette fois, elle sera prête.