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 Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)

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Jude Halstead
Jude Halstead
SANG-MÊLÉ GREC.
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SANG-MÊLÉ GREC.

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MessageSujet: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 17:25

- JUDICAËL « JUDE » HALSTEAD -
dossier n°0666-XY ; informations générales.
NOM •• Halstead, nom hérité de ses parents adoptifs, un nom qu'il déteste de tout son être mais qu'il continue à porter, faute d'en avoir un autre. Halstead, c'est la seule chose qui lui donne une identité. PRÉNOM(S) •• Judicaël à l'origine, mais personne ne l'a jamais appelé comme ça, et Credence, la foi, la croyance, comme second prénom. SURNOM(S) •• Jude, le seul nom par lequel on l'appelle aujourd'hui. Personne n'utilise Judicaël ou Halstead, il est juste Jude et ça lui suffit amplement. Le reste appartient au passé, il ne veut pas en entendre parler. ÂGE •• 23 ans. DATE ET LIEU DE NAISSANCE •• Jude a vu le jour à Vannes, en France, le 05 novembre sous l'identité de Judicaël Mercier mais il a été adopté très rapidement par un couple américain, les Halstead. Il a grandi à côté d'Atlanta, en Géorgie. NATIONALITÉ •• Américain. ORIGINES •• Seulement françaises à sa connaissance, mais il ne sait rien de sa famille biologique. OCCUPATION •• Pensionnaire uniquement à la Colonie des Sang-mêlés. ORIENTATION SEXUELLE •• Bisexuel. STATUT CIVIL •• En couple et bien décidé à le rester, son cœur est pris malgré les disputes et les crises de jalousie à répétition. PARENT DIVIN •• Hécate, la nouvelle Lune et la déesse de la magie, des ombres et des morts, des spectres et des fantômes. POUVOIR(S) •• Télékinésie, soit l'art de déplacer les objets par la pensée, et poupées vaudous, donc il possède la capacité de créer des poupées à l'image de quelqu'un et de blesser ou manipuler à distance. Cependant, les pouvoirs de Jude sont directement liés à sa force vitale. Il a récemment fait la désastreuse découverte que trop employer ses pouvoirs le rendait littéralement malade. Ses pouvoirs le détruisent à petit feu et il ne peut rien y faire. Il ne connait d'ailleurs pas l'étendue de ses capacités - qu'il ne contrôle pas - mais trop pousser ne servirait qu'à le conduire à l'échafaud. ARME FÉTICHE •• Aucune, il utilise une vieille épée d'entraînement et c'est tout. DÉFAUT FATAL •• Sa colère, qui éloigne ses proches et le pousse à faire des bêtises. À LA COLONIE DEPUIS •• Sept ans.
CARACTÈRE.
colérique + triste + égoïste + méfiant + secret + cruel + cynique + violent + boudeur + rancunier + loyal + pessimiste + aventurier + sportif + fermé + timide.

QUELQUES ANECDOTES.
01. Jude est un très gros joueur de jeux vidéos. Il y passe un nombre d'heures incroyable, enfermé dans sa chambre du bungalow d'Hécate. Assis dans un coin, il joue, il joue, sans jamais se lasser et tous les types de jeux y passent. 02. En dehors du temps passés sur console, il exécute un grand nombre de missions et de quêtes pour la Colonie. S'il n'est pas chez lui, il y a de grandes chances pour qu'il soit dehors à courir le pays pour servir le camp. 03. Il n'aime pas trop être en contact avec les autres pensionnaires de la Colonie en dehors de quelques proches amis et de sa petite amie et il évite le plus possible tout ce qui est trucs sociaux. De toute façon, ne jouissant pas franchement d'une réputation reluisante, il n'est jamais invité et ça l'arrange bien (du moins c'est ce qu'il se dit). 04. Espion pour le compte de Cronos durant la première grande guerre, il a été découvert par l'une de ses demi-sœurs et a passé quelques mois enfermé. Il a plus ou moins été pardonné ensuite parce qu'il avait de bonnes raisons (à ses yeux).
(Et puis la Colonie est trop peace and love.) (Selon lui toujours.) 05. Une mission a mal tourné quelques mois auparavant pour lui et il s'est retrouvé capturé par le DLCEM. Il a été secouru par Evan mais il a passé un long moment dans un piteux état. Depuis, il éprouve une grande terreur à l'idée de mettre un pied en dehors de la Colonie et cette situation le frustre profondément. 06. Il mange énormément de sucettes à la framboise : c'est son péché mignon et ça le réconforte beaucoup. 07. Il ne maîtrise pas ses pouvoirs, trop sauvages pour lui, et leur utilisation entraîne aussitôt des séquelles durable sur sa santé. Son état de santé est d'ailleurs jugé franchement préoccupant par l'un de ses proches amis, Darius, un fils d'Apollon, mai il continue de faire comme si de rien n'était, par fierté et par honte. D'ailleurs, personne n'est au courant en dehors de Darius. 08. Asthmatique depuis peu après son arrivée à la Colonie, ça l'handicape fortement pour ses missions et quêtes mais il fait bonne figure. 09. Les gens connaissent son pouvoir de télékinésie mais pas celui sur les poupées vaudous, qu'il cache soigneusement (sinon il perdrait l'avantage et ça l'ennuie). (Mais en vrai, il n'utilise presque jamais ce pouvoir.) 10. Il a une réputation de violent et de mec irascible à la Colonie et la plupart l'évitent.
interview de judicaël halstead, colonie des sangs-mêlés.
01. •• QUE PENSEZ-VOUS DES DIEUX ? ET DES ROMAINS ? Jude voue une loyauté impressionnante à Hécate, sa mère, pour qui il effectuerait n'importe laquelle des missions. Si Hécate parle, il s'exécute sans trop prendre la peine de réfléchir, et sans même savoir pourquoi. Il ne lui doit rien mais il constitue une sorte de repère pour lui. Quant aux autres dieux, Jude les méprise. Ce n'est même plus de la haine ou de la colère comme à son arrivée à la Colonie, non. C'est juste le plus profond des mépris et il ne s'en cache pas. Quant aux Romains, concrètement, il n'a pas un avis franchement tranché sur la question. Il a été surpris de découvrir leur existence avant de se dire « pourquoi pas ». Depuis, il a lié quelques relations avec des Romains et ça lui va très bien comme ça.

02. •• QUE FAISIEZ-VOUS ET OÙ ÉTIEZ-VOUS LA NUIT DE L'INTRUSION (FÉVRIER 2015) DE LA BANDE ARMÉE DE MORTELS AU SEIN DE LA COLONIE ? ET LORS DE L'ATTAQUE A LA FÊTE DE MONSIEUR D ? (SEPTEMBRE 2015) Lors de la première intrusion, Jude était tout simplement dans son lit. Il a été réveillé en sursaut par sa demi-sœur pour ensuite plonger dans le cauchemar. Il a perdu des gens cette nuit-là, Jude, comme tout le monde. Il a perdu l'une de ses sœurs, un de ses meilleurs amis, et son chien. Lors de la fête, Jude était présent également mais il n'a pas beaucoup eu l'occasion de participer. Il a vu l'une de ses sœurs invoquer une hydre sans pouvoir la contrôler par la suite. Il s'est aussi battu contre les renforts mais blessé, il s'est retrouvé à devoir se replier, à sa grande honte.

03. •• QUE PENSIEZ-VOUS DES MORTELS JUSQU'ALORS ? ET MAINTENANT ?  Les mortels ont toujours été dangereux et ça, Jude n'en a jamais douté. Avant même de connaître l'univers mythologique, il avait déjà eu l'occasion de se confronter à la méchanceté et à la perfidie des simples humains. Qu'ils n'aient pas de pouvoirs ou de sang divin n'en fait pas des anges pour autant, ce n'est pas pour rien qu'ils ont inventé les armes, la torture et autres joyeusetés. Cependant, les attaques par le DLCEM donne une nouvelle lumière à ce dont ils sont capables selon Jude.

04. •• VOUS SENTEZ-VOUS PARTICULIÈREMENT EN DANGER OU DÉMUNI FACE À CETTE  MENACE INVISIBLE ET IMPRÉVISIBLE QU'EST LE DLCEM ? Bien sûr qu'il se sent en danger à présent ! Il n'a jamais beaucoup porté la Colonie dans son cœur (pas du tout même) mais même lui saurait admettre qu'il doit s'agir de l'un des seuls endroits quasi-intouchables du monde (du moins par les mortels). Les intrusions ont bien montré que ce n'était plus une certitude aujourd'hui et qu'ils peuvent être pris au piège et achevés comme du simple gibier. La première intrusion, c'était des exécutions : le DLCEM a jugé temps de mettre de l'ordre et de les avertir et c'est ce qu'il a fait... en toute simplicité.
à propos du joueur.
PSEUDO/PRÉNOM •• BLACKJACK. ÂGE •• 20 ans. COMMENT AS-TU CONNU MALUM DISCORDIAE ? •• Par le staff, Tristan et Loïs. ♥️ COMMENT TROUVES-TU LE FORUM •• De plus en plus splendide.  Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 2988485873 AVATAR •• Louis jolisyeux Delort. SOUHAITES-TU UN PARRAIN ? •• Merci mais ça ira ! UN DERNIER MOT •• i♥️u. Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 2481504024
©️ .ipar haizea


Dernière édition par Jude Halstead le Lun 6 Nov - 21:22, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 17:26

HISTOIRE
sous-titre.
Les cheveux en vrac, le front trempé de sueur, Ella regarda la chose qui couinait sur le sol dégueulasse des toilettes publics. Un cri pitoyable s'échappa de sa gorge et elle lutta contre une violente panique qui lui tordit les tripes. Elle s'était réfugiée en pleine nuit dans les seuls chiottes publics de Vannes qu'elle avait trouvé sur sa route, secouée de tremblements incontrôlables. Et puis la chose était arrivée. Elle était née d'elle, petite et chouinarde, fragile et affreuse dans tout ce qu'elle signifiait. Ella avait quinze ans, bientôt seize, elle traînait avec les mauvaises personnes pour faire bisquer sa mère et pour se donner des airs de dure à cuire. Les motards de son quartier étaient ses préférés : matures, de vrais mâles, sexy et sombres. Des bikers, genre Hell's Angels. Ça l'avait attirée. Et puis parmi eux, parmi ces types qui faisaient le cirque dans le quartier à la nuit tombée, parmi ces mauvaises fréquentations qui passaient le temps à coup de rails de coke, elle l'avait rencontrée elle. Luna. Luna et Ella s'étaient aimées en silence, le temps d'une nuit. C'était fort, c'était beau, et c'était interdit. Une femme ne couchait pas avec une autre chez Ella. D'ailleurs ce n'était pas concevable et personne n'y aurait même songé. Et puis l'improbable, l'impossible. D'ailleurs, elle n'y avait pas cru, Ella. Elle s'était dit qu'elle se faisait des idées, puis elle avait fait des recherches. Grossesse nerveuse, sans doute due à la honte de cette brève relation interdite et sale. Deux filles ensemble, deux adolescentes au fond d'une pièce sentant le moisi… Oui voilà, c'était le stress post-traumatique qui ressortait. Et puis la chose était née et elle pleurait, avec des cris pitoyables, sur le sol dégueulasse des toilettes publics. « Qu'es-ce qu… Que... » À tâtons, la gamine retrouva sa culotte souillée et son short trop court et les renfila avec difficulté, les doigts secoués de tremblements qu'elle ne parvenait pas à réprimer. Le truc chouinait toujours, plus faiblement. Un regain d'instinct maternel la poussa à l'attraper du bout des doigts pour le glisser dans son écharpe aux couleurs de l'équipe de foot de son lycée et elle resta assise là, tenant son écharpe aussi loin d'elle que possible. Elle pouvait l'enterrer. Tuer la créature qui s'était glissée en elle et la jeter dans la rivière. Sa mère lui demanderait où était passée son écharpe mais personne n'en saurait rien…

Elle marchait entre les arbres, au bord de la Marle, secouée de sanglots. Quoi faire ? Qu'est-ce qu'elle devait faire ? Les pires idées lui traversaient l'esprit. En désespoir de cause, elle termina la route dans une cabine téléphonique à composer difficilement le numéro de Sylvain, le chef du groupe. Il saurait quoi faire, elle était l'une des leurs après tout. « A-allo Sylvain ? » « … Ella ? » Sylvain avait toujours un ton bourru, mais malgré ses défauts, malgré ses addictions et malgré sa nette tendance aux accès de violence, il s'était comporté comme un grand frère avec elle depuis qu'elle traînaillait dans la rue. « Je... » À nouveau en train de pleurer toutes les larmes de son corps et blanche comme un linge, la gamine se lança dans un discours sans le moindre sens. Mais Sylvain vint. Et Sylvain se chargea de tout. Il vint chercher sa protégée en Harley, confia la chose à sa petite-amie du moment le temps d'une soirée, calma chacun et chacune, jeta vaguement un coup d’œil à l'objet du cataclysme qui s'abattait sur sa bande puis envoya tout le monde se coucher.

« Madame... » « Vous… Oh mon Dieu, ma Ella, ma... » Madame Mercier se tordit les doigts dans un énième geste nerveux et se passa une main sur le front pour au moins la millième fois. « Vous comprenez pas, m'dame, je sais pas qui a bien pu... » « Un de vos gars, de votre satanée bande, c'est sûr ! Oh ma petite fille, ma… Je vais… Je vais porter plainte, et trouver un psy, et... » « Ce n'est pas Sylvain. » « Ma petite puce ? » « Ni un gars de la bande, maman. » Ella avait une petite voix et on sentait qu'à la moindre phrase de travers, elle se renfermerait dans ce silence qu'elle avait adopté depuis trois jours. « C'est… une déesse. » Et voilà qu'elle devenait folle à présent. Ce n'était pas difficile à croire quand on voyait son regard perdu dans le vague, illuminé par un souvenir qu'elle refusait obstinément de partager. Et pourtant, un enfant était là. Quand les secours l'avaient finalement pris en charge, le gamin frôlait l'hypothermie mais ils avaient accompli des miracles, avec le fils comme avec la trop jeune mère.


⸸ ⸸ ⸸ ⸸ ⸸


C'était lui qu'elle voulait, ce serait lui son enfant.
Elle ne l'avait pas choisi, c'était l'agence d'adoption qui lui avait présenté une photo puis le livret du bébé, mais elle avait su que c'était lui. Ce serait son fils et elle l'élèverait chez elle, sur le sol américain. De l'autre côté du bureau, une femme aux cheveux noirs et aux yeux verts lui sourit en plissant les yeux. En apparence, elle semblait ravie pour l'enfant et pour la nouvelle famille mais dans le fond de son cœur, Hécate bouillait de rage. L'amour des dieux était éphémère mais elle avait aimé Ella Mercier le temps d'une nuit et lui avait offert le plus beau des cadeaux. Mais la jeune fille l'avait refusé de la pire des manières en imaginant s'en débarrasser. « J'espère que vous vivrez de belles années avec le petit Judicaël, madame Halstead. Sa nouvelle pièce d'identité vous parviendra lorsque tout l'administratif sera bon. » Judicaël Mercier deviendrait Judicaël Halstead et il grandirait heureux, Hécate le souhaitait. C'était une déesse discrète, souvent peu appréciée, mais elle savait aimer ses enfants, indépendamment les uns des autres. Madame Halstead se leva de son fauteuil molletonné et serra chaleureusement la main de la conseillère, les yeux brillants. Son histoire était classique et plate, sans rebondissement pour rendre l'ensemble intéressant. Elle avait épousé un homme, monsieur Halstead, mais le couple ne parvenait pas à avoir d'enfant malgré tous leurs efforts. En désespoir de cause, ils avaient fini par se tourner vers l'ultime solution qui se proposait à eux : l'adoption. Ce n'était pas une procédure facile et avant d'arriver à quoi que ce soit, leur patience avait été mise à rude épreuve pendant des années. Et puis enfin la délivrance, la solution à tous leurs problèmes. « Judie sera notre fils, madame. » La déesse se fendit enfin d'un sourire sincère et inclina légèrement la tête. Elle les croyait car c'était elle qui avait mis Judicaël sur la route des Halstead. Elle ne voulait rien de particulier pour ses enfants, seulement qu'ils vivent une vie digne de leurs origines et qu'ils grandissent. Mais dans l'absolu, elle souhaitait simplement une famille pour son garçon orphelin de famille. « Je n'en doute pas une seule seconde,  madame Halstead. »

« Je suis heureux que tu sois heureuse, Merit. » Monsieur Halstead enfouit son nez dans le cou de son épouse, au fond de l'avion qui les ramenait chez eux. Celui qui était désormais leur fils leur touchait inlassablement le visage, imperturbable. Il était mignon, avec ses yeux verts et ses cheveux foncés, et il restait calme depuis le décollage. C'était leur enfant depuis désormais treize jours mais Merit Halstead avait la sensation qu'il avait toujours fait partie d'eux. « C'est lui qui va nous rendre heureux, Jackson. » Bien sûr que ce serait lui, il venait de littéralement sauver leur couple au bord de l'implosion. « Je me demande comment un parent peut abandonner son enfant quand d'autres en désirent tellement. Tu sais, parfois je me questionne sur l'histoire de Jude. » « On n'a pas accès à ces informations, chérie. Jamais. S'il nous questionne un jour, on n'aura rien à lui répondre. » « Pourquoi est-ce qu'il nous questionnerait là-dessus ? C'est notre fils, il n'a pas besoin d'en savoir plus. » Jackson approuva silencieusement la supplique sous-entendue par sa femme : pas d'histoire d'adoption, rien. Désormais c'était leur fils et il n'y aurait rien de plus à savoir là-dessus. « Par contre, je ne veux plus vivre en ville. Je veux des arbres et de l'espace, un chien, une maison et de l'aventure. » « Comme tu le voudras. »


⸸ ⸸ ⸸ ⸸ ⸸


« Elle te plaît, ta chambre ? Elle te plaît, Judie ? » Merit cajola son fils unique et tournoya avec lui dans la petite pièce bleu clair. Le garçonnet en profita au passage pour attraper un livre d'enfant posé avec les autres sur une étagère. « Livre, Jude ? Livre ? » Jude croqua la couverture sans un mot : les babillages de sa mère ne l'intéressaient jamais, pas plus que de parler. Elle le posa dans son berceau. « Bon, maman revient. » Merit attrapa le livre et le reposa sur l'étagère avant de poser dans le petit lit son doudou. « Je reviens mon cœur. » ajouta-t-elle devant l'expression mécontente de son fils. Elle dévala l'escalier pour ouvrir la porte sur un voisin qui venait lui souhaiter la bienvenue à Rome. Rome aux États-Unis bien sûr, les Halstead tenaient à leur pays. Après plusieurs mois passés à Atlanta, dans leur minuscule appartement du centre-ville, ils venaient enfin de trouver une maison dans la banlieue étendue, à l'extérieur du village de Rome. Elle l'avait de suite senti, ce petit village encadré par les arbres et les forêts, et la maison lui avait tapé dans l’œil avec son joli jardin plein de végétation et ses grandes grilles en fer-forgé. C'était là qu'elle voulait vivre. Merit était comme ça : elle vivait au coup de cœur et à l'intuition. « Oh merci pour le gâteau, c'est super gentil ! » « Mais de rien, madame Halstead, nous n'avons pas souvent de nouveaux habitants chez nous, vous savez. » Sourires polis, les deux femmes sentaient le courant passer. Ce sera ma meilleure amie cette voisine, décréta instantanément Merit Halstead avant de refermer la porte. « Jacks' nous avons du gâteau pour ce soir ! » En criant ces mots à la cantonade, elle remonta dans la chambre de Jude et se figea sur le seuil. « Ben, comment tu as fait ça, Judie ? » « Livre ! » Elle était pourtant certaine d'avoir reposé le livre sur l'étagère mais voilà que son petit garçon, se cramponnant aux barreaux du petit lit, l'agitait dans sa direction avec un grand sourire. « Livre ! » « Oui, livre, Judie, livre. » Elle avait dû rêver, et de toute façon les livres ne volaient pas. Pas encore.

« 'Toiles. » « Eh oui, et là c'est la Grande Ourse, et là la Petite Ourse... » « Ouse. » « Et puis là, le point rouge, c'est Mars. Les planètes portent le nom de dieux romains pour la plupart. Mars, comme le dieu de la guerre, Vénus comme la déesse de l'amour, Neptune, Pluton, Jupiter… Saturne est un peu à part, mais la planète l'est aussi avec ses grands anneaux. Et puis je crois que ça a aussi donné les noms des jours de la semaine avec la Lune pour lundi, Mars pour mardi, Mercure pour mercredi, ex aetera. Tu comprends, Judie ? On peut presque penser que les dieux anciens veillent sur nous. » Sans doute que Jude, du haut de ses un an et demi, ne comprenait absolument rien à son charabia mais quand Merit était au travail et qu'il passait une soirée seul avec son fils, Jackson aimait en profiter. C'était leur moment à eux, entre père et fils. « Mais il n'y a pas de dieux sur Terre, ni même de Dieu. On ne peut compter que sur nous-même, d'accord Judie ? Ne compte que sur toi. » Le petit garçon allongé dans l'herbe s'était endormi durant le monologue de Jackson qui sourit et l'emmena se coucher. Il n'avait jamais rêver d'un fils mais sa présence le rendait plus heureux qu'il ne l'avait été durant sa vie. En tant que père, il se sentait utile. « Maman viendra sans doute te faire un bisou. »

Assise dans l'ombre au fond du jardin, sur la petite balançoire que Jackson Halstead avait patiemment construit, Ella regarda la petite scène se dérouler entre père et fils. C'était son garçon qui était allongé dans l'herbe, son fils et celui de Luna. Son amour… Elle s'était sentie salie, elle avait eu peur, elle avait pleuré toutes les larmes de son corps et elle avait voulu le tuer mais aujourd'hui, ça restait son enfant. Il serait à elle ou bien ils mourraient tous les deux. Elle jeta la capuche de son sweat informe sur sa tête, frissonnant dans la soirée d'été. Elle le sentait, elle était en manque… Mais c'était ça qui lui permettait de tenir, jour après jour, d'imaginer qu'un jour, elle fonderait sa famille quelque part, avec Judicaël et Luna. Elle n'avait revu son amante qu'une seule fois et ce n'était pas vraiment un bon souvenir… Mais elle était amoureuse. Elle voulait tenir la main de son fils, elle voulait caresser Luna et sa peau claire. Elle voulait tout ce qu'elle avait perdu. Mais en attendant, elle se l'imaginait simplement, se droguant pour mieux y parvenir. Ella était folle, mais ce n'était pas de sa faute. Elle avait simplement fait les mauvais choix dans sa vie et elle avait eu le malheur de croiser les mauvaises personnes.


⸸ ⸸ ⸸ ⸸ ⸸


(neuf ans.)
« NON ! » Impassible, Merit ignora son fils en montant l'escalier, le laissant tempêter au rez-de-chaussé. Il la fatiguait énormément au quotidien mais elle faisait face sans broncher, et sans trop savoir quoi faire, elle devait bien l'admettre. Jude n'avait pas un caractère facile mais elle se plaisait à croire qu'elle n'y était pour rien. Après tout, il était TDAH et collait parfaitement au profil. Sans compter qu'il était d'un naturel colérique, plutôt lunatique, et ses changements d'humeur étaient parfois spectaculaires. La femme préférait ne pas imaginer ce que ce serait quand il serait grand. Dans l'immédiat, c'était relativement simple à gérer si on parvenait à ignorer les cris et le reste. Mais parfois, elle avait peur. Elle avait peur qu'il la frappe, qu'il agisse sans réfléchir pour ensuite le regretter. Ce n'était pas un enfant méchant ou malfaisant, loin de là, juste impulsif. « Ça suffit Jude, tu m'énerves. » Deuxième phase, il se taisait. Et tout compte fait, elle préférait encore quand il lui hurlait dessus. Au moins elle savait ce qu'il pensait. « Personne ne t'aimera si tu te comportes comme ça, Judie. Personne ne voudra jamais de toi si tu ne sais pas prendre sur toi et te comporter correctement. » « Si... » Merit s'arrêta en plein milieu du trottoir pour s'agenouiller devant le petit. Elle fixa ses yeux verts plein de larmes avec un sourire doux. « Un jour, tu auras une femme Jude. Je veux que tu sois un bon mari, que tu l'aimes durant toute sa vie. Je ne veux pas que tu cries comme ça, ou que tu la frappes, tu comprends ? On ne tape pas les gens qu'on aime. » « Mais... » « C'est comme ça, Judie, quand on aime quelqu'un, on ne lui fait pas mal, jamais. Pas même par les paroles. Quand on aime une personne de toutes ses forces, on l'embrasse et on la caresse, on la chérit, on la protège, mais on ne la frappe pas, on ne lui parle jamais mal. » Jude ne rajouta rien et elle préféra ne pas insister.

Il ne voyait pas ce qu'il y avait de mal à ça, alors il l'embrassa. Il imita juste ce qu'il avait pu voir dans les films ou dans les mangas parfois coquins que son père laissait traîner au salon. Ce n'était qu'un baiser de gamin, spontané et mignon, pourtant l'autre le repoussa brutalement, une expression dégoûtée sur le visage. « Mais Jude, beurk ! Qu'est-ce que tu fais ! » « Jude ! » Cette fois-ci, c'était sa mère qui arrivait pour l'attraper par le bras. « Mais rien ! » Le garçon se sentait perdu, laissé perplexe par toutes ces réactions autour de lui, tous ces adultes qui ouvraient de grandes bouches rondes ridicules. Ne lui avait-elle pas dit le matin même de… ? Il avait des copains, Jude, mais lui c'était différent. Certains de ses amis disaient qu'ils étaient amoureux de telle ou telle fille alors il avait réfléchi. S'il voulait être amoureux de quelqu'un, ce serait de Jonah, voilà. Mais tout son plan tombait brusquement à l'eau.
« Mais je l'aime alors je voulais l'embrasser, comme tu m'as dit maman... » « Mais Jude ! Un petit garçon n'en embrasse pas un autre ! Jamais ! » « Mais si je suis amoureux ? » « Mais non, c'est ton ami, ce n'est pas pareil Jude ! On n'est pas amoureux de son ami, on l'aime… par amitié, c'est tout. » Merit se sentait mal, devant les regards des autres qui l'entouraient sur le trottoir devant l'école. Des voisins, des amis, des connaissances, des professeurs, des parents d'élèves… La mère ressentait une honte profonde devant le geste de son fils mais elle priait pour que les autres mettent ça sur le compte d'une erreur d'enfant. De toute façon, Jude n'était rien de ce qu'ils pouvaient croire. « Excusez-moi pour la scène, mon fils a mal compris une explication. » Ce n'était que ça, une erreur d'interprétation quand elle lui avait dit qu'il fallait chérir ceux qu'il aimait. « Il n'a que neuf ans, vous savez... » Elle ne savait même pas pourquoi elle s'évertuait à donner des explications : elles viendraient à l'esprit de n'importe qui, n'est-ce pas ? Qui irait imaginer autre chose. Et puis d'ailleurs oui, Judie n'avait que neuf ans, ce n'était qu'une étrange idée d'enfant qui serait bien vite oubliée.

Marjorie Hughes adorait Merit. Elle pouvait passer des heures en sa compagnie à bavarder sur la terrasse en sirotant des boissons fraîches et en mangeant des gâteaux que l'une ou l'autre cuisinait. En revanche, elle n'aimait pas son fils. C'était plus fort qu'elle, il lui faisait peur et il créait du trouble dans son village si tranquille. Pire encore, il avait essayé d'embrasser son fils en public. « Et Jude, il va bien ? » Merit haussa vaguement les épaules en remuant inutilement le contenu de son verre. « C'est un peu compliqué en ce moment. Enfin disons que c'était plus simple quand il était petit. Il nous a mis dans l'embarras l'autre jour et les gens peuvent bien faire comme si de rien n'était, je sais qu'ils n'en pensent pas moins. » Marjorie baissa les yeux, se sentant incluse dans cette phrase. « Ça leur passera. » Elle disait ça pour remonter le moral à sa meilleure amie mais elle n'en pensait secrètement pas moins que les autres. « Il faut dire que ton garçon n'est pas facile quand même, mais ça lui passera, non ? » Ce gamin, c'était une malédiction, un mélange de colère permanente doublé d'un bon caractère de TDAH (que Marjorie imaginait parfaitement cliché), qui en plus s'amusait à pervertir ses petits camarades, et dyslexique par dessus le marché. « Jonah ne lui tiendra pas rigueur. Les enfants oublient vite, tu sais. »

« Salut ! » Jude s'était glissé dans les bois jusqu'au jardin de Joe. Il n'osait jamais vraiment y entrer, monsieur G. lui faisait bien trop peur. Il se contentait de se glisser dans son coin préféré, au pied d'un arbre, et d'y attendre Joe. Parfois elle venait, parfois non, mais Jude ne manquait jamais aucun des rendez-vous. Ils s'étaient rencontrés tous les deux par hasard l'année passée, quand il avait huit ans. Elle aussi d'ailleurs, ils avaient le même âge. Depuis, Joe était devenue l'équivalent de sa meilleure amie et sa confidente. Le sourire plein de joie – factice – qu'il arborait s'écroula d'un seul coup et il fondit en larmes. Des barreaux les séparaient mais il se sentait cent fois plus proche d'elle que des autres de la ville. Il n'allait pas lui dire pour Jonah et pour le baiser, pour son erreur, pour avoir cru qu'il pouvait être amoureux de ce garçon. Il avait honte de sa bêtise et de ce qu'il avait pu penser. En attendant il avait compris la leçon et il n'avait pas envie que Joe se moque de lui. Il la trouvait un peu étrange mais il était sûr qu'elle, elle devait savoir que c'était interdit. Alors à la place il inventa une histoire bête à propos des gens de l'école qui ne l'aimaient pas (et ce n'était pas vraiment un mensonge) puis ils discutèrent longtemps.

« Jude, c'est l'heure d'y aller. » « Non, pas envie. » Il dessinait encore ses horribles trucs sur son carnet à dessin, sans mettre la moindre couleur ni la moindre touche joyeuse. « Si, l'école c'est non-négociable. Et arrête de dessiner ces… choses. C'est moche. » Jackson essaya de ne pas baisser les yeux devant le regard que Jude lui lança. Excédé, le garçon jeta pêle-mêle dans son sac son carnet et ses crayon et passa devant son père sans un mot. « Et ne fais pas ça, Jude ! » Rien à foutre. Le gosse n'en avait rien à foutre. « Et attends-moi ! JUDE ! » Jackson le rattrapa sur le trottoir, sous le regard des mères au foyer qui menaient toutes leurs gosses à l'école en leur tenant la main.. Il ne vit pas les yeux mouillés de larmes de Jude pendant qu'ils marchaient vers l'école primaire, et il ne vit pas non plus les regards des autres, les chuchotements, les brimades, les mots des parents dans les discours des gamins. Les enfants n'oubliaient pas, et les parents encore moins.


⸸ ⸸ ⸸ ⸸ ⸸


(quatorze ans.)
« Eh la pédale ! » Trois secondes auparavant, Jude était tranquille dans le parc, à recopier une carte postale. Maintenant, trois types de sa classe traversaient le terrain de jeu pour venir se planter devant lui. « Quoi, Jonah ? » fit-il d'un ton fatigué par avance. « Quoi, Jonah ? » le singea Marcus avec un sourire insolent. D'un coup de pied il renversa la balançoire, déséquilibrant le garçon qui tomba en arrière. Il tomba sur le dos, le souffle coupé. « Ben quoi, tu n'aimerais pas qu'un garçon te fasse tomber à la renverse, Judie ? » Henry ricana. « Laissez-moi tranquille... » « Laissez-moi tranquille... » « Ah bon, on ne te fait pas envie ? » Marcus le repoussa dans les graviers pour s'asseoir à califourchon sur lui avec des gestes obscènes. « C'est pas très gentil ça, Judinette. On ne devrait pas repousser les gens amoureux, hein ? Tu n'aimerais pas, hein ? Par contre, ça je suis sûr que tu vas aimer. » Le garçon lui vola un baiser, puis un deuxième, et continua d'insister quand Jude essaya de détourner la tête. « On est peut-être trop couverts ? » Jonah ricana et tira sur le t-shirt de Jude pendant que Marcus se déshabillait. « Aller Judie, bisou bisou, bisou... » « Arrêtez, foutez-moi la paix bande de cons ! » « Oh il s'énerve ! » « Mais aller, fais pas ta salope, on a pas beaucoup de PD ici alors on fait les curieux ! P't-être que tu vas trouver l'amouur avec nous... » Ils éclatèrent de rire et Jude en profita pour fuir, leur abandonnant son t-shirt et son carnet sur place. « C'est ça, casse-toi ! Tafiole va ! »

« Détruire quelqu'un. » Jude envoya la recherche sur Google et attendit que l'antique modem fasse la connexion et affiche la page de recherche. Des forums, des sujets de discussion inutiles, des jugements à la pelle… Personne ne proposait de solution complète et concrète, aussi ferma-t-il la fenêtre, déçu. Ce serait à lui de faire preuve d'imagination pour leur faire peur, pour leur faire mal. Il n'avait pas parlé de tout ça à Joe, il ne voulait pas jeter d'ombre sur leurs retrouvailles quotidiennes. « Tout va bien, Judie ? » « Ouais ouais. » Sa mère traversa le petit bureau pour lui poser un bref baiser sur la joue. « Tu me le diras, si ça ne va pas, n'est-ce pas ? » « Bien sûr, Maman. » Elle hésita quelques secondes avant de quitter la pièce, peu convaincue mais néanmoins rassurée.

« Maman, est-ce que tu m'aimes ? » Merit leva un regard perplexe sur son fils, roulé en boule de l'autre côté du canapé. Ils regardaient une série en famille, comme souvent le dimanche soir, et le père venait de partir chercher des glaces au sous-sol. « Qu'est-ce qu'il t'arrive, Jude ? » « Rien, je voulais juste savoir. » « Bien sûr que je t'aime Jude, plus que tout. J'aimerais parfois que tu sois un peu moins… comme ça, mais je t'aime, bien sûr mon poussin. » La phrase le blessa mais il n'insista pas et refusa de croiser le regard soucieux de sa mère. Elle l'aimait, mais pas comme il était. Elle aimait surtout le Jude qu'elle aurait aimé avoir et… ça faisait mal à savoir. Alors comment lui dire que… ? Il se tairait et elle aimerait un fantôme, une illusion.


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(quinze ans.)
« Excuse-moi, tu es Jude ? » Jude leva les yeux pour découvrir une fille d'une trentaine d'années qui se tenait juste devant lui. L'idée de ne pas l'avoir entendu approcher le mit mal à l'aise et il jeta un coup d’œil tout autour de lui, angoissé de voir apparaître Jonah et sa bande ou un autre groupe du collège. Mais la fille semblait seule. Il avait depuis un moment laissé tomber le terrain de jeu pour établir son quartier général sur les tables de ping-pong, perdues dans les sous-bois. Personne n'y venait jamais, trop de verdure et trop peu d'entretien. C'était chez lui entre ces arbres. « Euh oui, c'est moi... » La fille s'installa vivement à côté de lui et il nota qu'elle regorgeait de tics nerveux. Elle se tritura un instant une barrette dans ses cheveux sales avant de lui sourire. Il ne parvint pas à l'imiter. « Enchantée, je m'appelle Ella. » « Ah d'accord… Euh bah, enchanté aussi… ? » Elle resta là un petit moment en silence et il reprit ses dessins, mal à l'aise. « Tu dessines vraiment bien. Moi aussi je dessine beaucoup. » « Ah… ? » À vrai dire il s'en fichait, il voulait juste qu'elle parte et qu'elle le laisse seul mais de toute évidence, elle n'y comptait pas. « Oui, j'te montrerai ça si tu veux. » « Hum ouais, ouais pourquoi pas ! » Sourire timide et forcé. « Ton vrai nom, c'est Judicaël ? » « Personne ne m'appelle jamais comme ça. » « Mais c'est ton vrai prénom ? » « Oui... » « Cool ! Bon je suis contente de t'avoir rencontré ! J'espère qu'on se reverra vite ! »

« Tiens, prends un peu d'eau mon petit. » La menotte tinta quand Jude attrapa le verre d'eau que lui tendait le vieux flic. « C'est bon, tu es calmé ? » Abraham soupira et s'installa en face du garçon pour le fixer un instant en silence. « Si je te détache, tu ne vas pas me frapper ? » « Non. » « Bon, alors ça va. Te voilà libre, mais j'aimerais te parler encore un peu d'accord ? Tes parents vont venir te chercher. » « Cool. » Abraham n'avait pas l'habitude des ennuis, il ne se passait jamais grand-chose à Rome en dehors de Bill l'alcoolique qui cassait les arrêts de bus quand il avait trop bu et Rosemary qui appelait presque tous les jours car son chat restait coincé sur le toit de chez elle. « Écoute, cette jeune femme ne va pas porter plainte contre toi, elle a bien compris que tu t'étais un peu… énervé. Mais tu ne peux pas cogner sur tous ceux qui t'agacent un peu, d'accord ? Marcus le mois dernier, cette demoiselle aujourd'hui, ça fait beaucoup pour un petit bonhomme. » « Elle me suit partout. » « De ce qu'elle m'a dit, elle ne t'a croisé que trois fois et elle t'a parlé car elle te trouvait un peu esseulé. Ça partait d'un bon sentiment, d'accord ? » Abraham sentait qu'il ne gagnerait pas aujourd'hui, aussi laissa-t-il tomber la conversation pour cette fois. « C'est bon pour aujourd'hui, mais fini les bagarres, d'accord ? Tes parents sont là. »

« Non mais tu ne vas pas bien ou quoi ? Frapper une fille parce qu'elle te montrait des dessins ? Elle pensait sans doute te faire plaisir, Jude ! » Jackson regarda son fils par le biais du rétroviseur central mais ce dernier l'ignorait, regardant le paysage par la fenêtre. La voiture se gara dans l'allée de la maison et le portail se referma, fermant leur antre au monde extérieur. « On va l'inviter à manger pour nous excuser de ton comportement et tu seras exemplaire, compris ? » « Pff. » « J'en ai marre, Jude ! J'en ai marre ! On te parle mais ça ne va jamais, tu te bats tous les jours, on se demande parfois si tu ne vas pas nous frapper nous… C'est insupportable. Monte dans ta chambre, je ne veux plus te voir. » C'était leur nouvelle trouvaille ça : l'expédier dans sa chambre pour se donner l'impression que tout allait à merveille chez les Halstead.

« Bonjour madame, et bonjour monsieur ! Juuude ! Je suis contente de te revoir ! » Jackson Halstead fusilla son garçon du regard, l'air de dire ben alors, tu attends quoi ? « Pardon Ella de m'être énervé et de t'avoir frappé... » « Ah t'inquiète fiston, c'est oublié ! Ça arrive à tout le monde ! » Il détestait qu'elle l'appelle fiston, elle n'était pas si âgée que ça et cette proximité le mettait mal à l'aise. Elle traversa le hall des Halstead, toujours prise de ses innombrables tics. Il se demandait d'où ils pouvaient bien venir. Merit aussi regarda cette Ella qu'elle voyait pour la première fois, mais son expression s'était faite pincée. Visiblement, elle n'avait pas pensé que ce soit une junkie qui suive son fils. « Bon… On passe à table ? »
Le début du repas se fit en silence. « Vous avez emménagé quand à Rome ? » Jackson et Merit échangèrent un regard entendu et répondirent presque de concert. « Un an après la naissance de Jude, on voulait quitter Atlanta et vivre notre vie de famille à l'écart du monde et des citadins. » « Ah ouais, cool ! Moi je viens d'arriver, mais je suis déjà venue plusieurs fois. C'est une belle ville, elle est cool ! » Déferlement de tics nerveux devant lesquels Merit se rembrunit pour échanger un nouveau regard avec son mari. « Bon je reviens, je peux prendre votre salle de bain quelques minutes dites-moi ? Besoins… féminins. » Merit lui indiqua la pièce et dés qu'elle eut grimpé les escaliers, elle se pencha vers Jude. « Je ne veux plus jamais que tu la revois, c'est compris ? » « Ouais d'accord... » En vérité, il ne comptait pas spécialement la revoir mais c'était elle qui la suivait. « Pourquoi ? » « Elle n'est pas fréquentable du tout. Tu sais Jude, elle se drogue, ça se voit à des kilomètres. Si elle te propose… Quoi qu'elle te propose, tu refuses, compris ? » « Oui. » « C'est bien compris ? » « Oui ! » « Me revoilàààà, pardon pour l'interruption, haha ! » Ella bondit presque sur sa chaise et effleura la main du garçon en passant. « J'espère que tu n'as pas eu trop d'ennuis après la dernière fois, Judie ! » « Non, ça va... » Maintenant qu'il savait, il se sentait encore plus mal à l'aise qu'avant.
« Bon, merci pour le repas, madame monsieur Halstead ! » « De rien, Ella, c'était la moindre des choses pour se faire pardonner. » « Au fait, moi c'est Ella Mercier. Merci de prendre soin de mon fils depuis tout ce temps ! » Les sourires factices de Jackson et Merit s'effacèrent d'un seul coup. « Ben oui, je suis la mère de Judicaël, vous ne saviez pas ? Bon, bonne soirée ! À bientôt, fiston ! » La vérité, c'est que les années avaient rongé Ella, l'avaient perverti et l'avaient contrainte à partir en quête de son bébé disparu. Il était la seule preuve qu'elle avait bien vécu tout ça, qu'elle avait bien fait l'amour à une déesse avant de se retrouver seule avec un enfant. À l'époque, elle n'avait pas eu les épaules pour affronter ça. Aujourd'hui, elle n'avait plus rien du tout. Elle posa un baiser sur le front de Jude qui ne bougea pas d'un cil et s'éclipsa après un au revoir lancé à la cantonade.

Le silence planait dans la petite cuisine des Halstead. Jude gardait le regard obstinément baissé et détaillait le carrelage rouge pâle et blanc. « Écoute Jude, on voulait t'en parler mais... » « Mais ? Mais quoi ? Vous avez oublié ? Vous vous êtes dit « Tiens, ce n'est pas important qu'on ne soit pas les parents de Jude » ? Mais quoi ? C'est quoi votre excuse ? » « Nous sommes tes parents, Judie, juste pas ceux qui t'ont conçu. Mais nous t'avons élevé, nous t'aimons et... » « SILENCE ! » Une tasse tomba de l'étagère et s'écrasa par terre, faisant sursauter les parents. « J'en ai marre de vos excuses, de vos reproches, de… de... » Bam bam, deux autres tasses suivirent le chemin de la première et ce fut bientôt l'intégralité de l'étagère qui se déversa sur le sol, comme si tous les ustensiles de la pièce se trouvaient soudainement attirés en tout sens et choisissaient de se suicider au centre de la cuisine. « Jude… ! » « Silence, SILENCE ! SILENCE ! » Monsieur Halstead se protégea d'une assiette agressive qui voltigeait vers lui comme un frisbee et termina son geste en assénant une claque monumentale à son fils. La pièce fut plongée dans le silence et les assiettes parties en promenade retombèrent brusquement. « Ce… C'est toi qui a fait ça, Judie ? » « J-je… N-non... » Au fond de lui, il savait, tout comme ses parents. Ils savaient tous que Jude était à part, qu'il était spécial, mais pas dans le bon sens du terme. « Monte dans ta chambre. » « Mais... » « Tout de suite ! » Il décampa.
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Dernière édition par Jude Halstead le Dim 5 Nov - 18:02, édité 1 fois
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Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) Empty
MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 17:28

HISTOIRE
sous-titre.
(seize ans.)
« Au fait Merit, samedi Jonah organise une petite fête et on fait un grand barbecue. Tu pourrais venir avec Jackson, ça ferait un bon après-midi ! Les Clayton seront là aussi. » « Bonne idée, et Jude sera content de sortir un peu je pense. » « Oh euh... » La gène s'installa sur la terrasse. « Pour être honnête, Merry, ce serait bien si… Enfin si Jude ne venait pas. Je veux dire Jonah ne l'apprécie pas trop et puis les autres parents... » « C'est bon, j'ai compris Marjorie, pas de problème. » Appuyé derrière les rideaux de la véranda, Jude détourna le regard.

« Tiens Jude, tu es tout seul ? » Assis sur la balançoire, toujours la même depuis quinze ans, Jude regarda Jonah approcher. « Qu'est-ce que tu me veux encore ? T'en as jamais marre, sérieux. » « Rien de particulier... » Il s'assit sur la balançoire voisine, en silence. « Je voulais m'excuser en fait. » S'excuser ? Le cœur de Jude s'emballa brusquement et il se sentit bête. « Enfin je veux dire, on n'a pas été correct avec les gars et tout et puis je réalise que… Enfin... » Jonah détourna le regard pour fixer la lisière des arbres en rougissant. « Enfin je peux concevoir que tu puisses faire ce que tu veux. Enfin... » Jude plissa les yeux devant ce monologue, sans oser l'interrompre et sans savoir ce qui était en train de se passer. « Enfin merde quoi. » Jonah rapprocha sa balançoire de celle de Jude d'un coup pour l'embrasser. Surpris, le jeune Halstead se laissa faire avant de lui rendre. Il ne vit pas venir le coup derrière la nuque qui le jeta à moitié sur la balançoire. « T'es vraiment bête en fait. » « Tiens, j'ai un marqueur si tu veux... » « Ouais faut informer les autres, on sait jamais... » « T'as qu'à marquer PD sur son front... » Ils ricanaient, et Jude se contenta de fermer les yeux pour attendre. Se rouler en boule pour attendre que l'orage passe, que les coups de pied taquins dans les côtes s'achèvent. Attendre la fin, attendre demain.
Jude roula dans l'herbe, laissé seul dans le parc après les plus cruelles des humiliations. Ce n'était pas la première fois mais il se sentait sali, violé dans ses droits et dans sa personne. Les larmes ne lui demandèrent pas la permission pour rouler ses joues et il se cacha le visage sous l’œil plissé de la Lune à peine naissante. Les étoiles que son père prenait plaisir à lui montrer autrefois étaient les témoins silencieux de sa honte.

« Laisse-moi tranquille, Ella. Sérieusement. Je veux pas te parler, c'est si dur que ça à comprendre ? » « Mais je suis ta mère Judie, tu ne peux pas me dire de te laisser tranquille. » « T'es pas ma mère, crois-moi. » « Tss, fichu mioche... » Mais elle n'était pas vexée, elle se moquait juste de lui. La jeune femme lui prit son crayon des mains et lui tendit plutôt une cigarette, lui adressant un regard par en-dessous, accentué par son maquillage extrême. « C'est bon kid, c'est pas non plus de la coke, c'est juste une clope. » « Non ça va aller... » « On peut pas dire non tant qu'on a pas goûté, prends-là j'te dis. J'te l'allume. » À contrecœur, le garçon finit toutefois par prendre la cigarette des mains d'Ella et la laissa l'allumer. « Putain ça crame la gorge ! » « Question d'habitude, attends les joints… Eh, je blague kid ! Bon, à quand les nanas ? Me dit pas que t'es toujours vierge, si ? » Les joues de Jude s'empourprèrent. « Quoi, t'as jamais ramené de fille ? À quinze ans ? Waouh fiston, t'es un sacré looser. Jusqu'au bout. » « Ta gueule. » « Nan, toi ta gueule et fume en silence, ça va t'détendre. T'as un gros bleu sur la joue d'ailleurs, tu t'es battu ? C'est bien mon fiston ça... » Ella eut une toux sonore et un peu sale qu'ils ignorèrent tous les deux. « D'ailleurs, depuis quand tu mets des casquettes de racaille, fils ? » D'un geste vif elle tira sur la casquette trop grande mais suspendit son geste. « Oh. » « Putain mais rends-moi ça, salope ! » Jude récupéra sa casquette pour cacher les lettres qui refusaient de partir complètement, malgré toutes ses tentatives, malgré sa peau à vif. Ella tomba de la table de ping-pong avec un râle étouffé quand son fils la poussa brutalement, furieux, mais elle y prêta même pas attention. « Depuis quand ça dure ça, Jude ? »

« Ouuuuh, Judie fume maintenant, c'est un vrai dur à cuire, hein ! Waouh le rebelle ! Une lopette rebelle ! » Jonah et sa clique ne manquaient pas d'imagination en matière de surnoms, surtout quand ils traînaient ensemble en fin de soirée et qu'ils avaient sans doute un peu bu. « Vas-y entre rebelles, on peut bien s'aimer tous ensemble, non ? »

« C'est quoi cette odeur, Jude ? » Merit jeta le sweat sur le sol de la chambre et balança en suivant un paquet de cigarettes. « Tu comptes vraiment toutes les faire ? C'est quoi la prochaine, la drogue, comme Ella ? Je ne veux plus que tu la vois, celle-là. Et je te l'ai déjà dit ! » Jude haussa les épaules avec insolence et posa un regard arrogant sur sa mère. « C'est ma mère. Pas comme toi, hein ? » Touchée. Merit se passa les mains sur le visage et quitta la chambre sans rien ajouter, le laissant à son stupide piano et ses partitions de violon. Qu'il fasse de la musique s'il voulait mais elle n'avait plus envie de le voir aujourd'hui. Ils avaient laissé de côté l'attaque des tasses dans la cuisine et faisaient tous comme si de rien n'était aujourd'hui, mais rien n'était oublié, et rien n'était plus comme avant.


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C'était débile, c'était de la provocation, et il allait le payer mais dans l'absolu, rien de tout ça ne comptait. Jude se présenta dans le jardin des Hughes au milieu de l'après-midi et soutint le regard mécontent que Marjorie essayait de déguiser en une heureuse surprise. « Jude. Je ne pensais pas te voir aujourd'hui. » « Ou vous ne vouliez pas me voir, plutôt ? » « Jude ? Qu'est-ce que tu fais là ? » Il y avait du reproche dans la voix de Merit Halstead. « J'avais envie de venir à cette petite fête, moi aussi, rien de plus. » L'idée était plus vaste qu'une simple après-midi, il avait soigneusement préparé son coup tout au long de la semaine, repêchant dans ses vieux plans du collège, réfléchissant à tous les détails. Jonah apparut aux côtés de sa mère et regarda Jude avec surprise. « Je n'aurais voulu manqué la fête pour rien au monde après tout, hein Jonah ? »
« Pourquoi t'es là, hein ? » Jonah le poussa contre la clôture en bois de la propriété, derrière la maison. « Tu veux vraiment nous faire chier jusqu'au bout, toi hein... » « Mais tu comprends pas Jonah, la tarlouze est amoureuuuse. » « Oh ta gueule Marcus, il est juste complètement dingue oui… Hein ? Plus on te repousse et plus tu reviens ou c'est quoi le problème ? T'aimes avoir mal, c'est ça ? » Jude considéra sérieusement la question le temps d'un instant. C'est vrai ça, pourquoi était-il revenu vers ses bourreaux de toujours ? Autrefois, Jonah était son ami et il avait cru en être amoureux. Aujourd'hui, il le trouvait attirant et il occupait parfois quelques uns de ses fantasmes secrets interdits. Mais de là à se pointer carrément chez lui… En fait, Jude ne savait pas réellement pourquoi il faisait ça. Voilà, c'était dit. Il n'en avait aucune idée. « Ou peut-être que c'est juste que je t'aime, hein Jonah, peut-être que c'est juste ça ? » Jude s'accrocha à son t-shirt frôlant son nez du bout du sien. « Peut-être que c'est juste ça, tout simple, tout facile... » L'autre le repoussa brusquement, les yeux agrandis par la surprise et un dégoût non-dissimulé mais Jude s'en fichait, il avait l'habitude. « T'as pas compris ? On se fout de ta gueule mec. On s'en branle de toi, mais arrête ça, t'es dégueulasse, merde quoi. » « Ah oui ? Quoi, ça te gêne ? » « Mais t'es complètement malade, lâche-moi ! » « Eh ben quoi, t'as pas aimé m'embrasser ? » Il racontait n'importe quoi mais tant pis, c'était toujours mieux que de se taire, que de subir en silence jour après jour, année après année, les mêmes vannes, les mêmes supplices. « Pourquoi tu me fous pas la paix, hein ? Pourquoi tu ne m'ignores pas ? Pourquoi tu fais ça, encore et encore ? Ça te plaît, c'est ça ? » « Putain mais casse-toi je te dis ! » « Ben quoi, tu ne sais pas quoi dire ? » « Jo', tu veux qu'on s'en occupe un peu ? Pour se détendre… Il a besoin de se rappeler à qui il cause. » « Je cause à Jonah Hughes, voilà. »

À quel moment ça avait enfin fonctionné, quand avait-il enfin trouvé l'interrupteur pour les faire sortir de leurs gonds… Il ne savait pas. En fait, il s'en moquait éperdument. Qu'il ait dû s'humilier, se mettre à genou, chouiner ou pire, il n'en avait strictement rien à foutre. Du petit garçon qui hurlait sa rage, il était passé à un jeune homme à la colère froide et calculée. Même pour un soir. L'important maintenant, c'était la partie d'échec qui se jouait dans les bois de Rome. Et seule cette nuit compterait.

« Jude, ok, je suis désolé d'accord ?! Jude ! » « Vraiment ? » Désespéré, Jonah raffermit sa prise sur la malheureuse racine, ses pieds grattant la terre du ravin. Jude était allongé sur le ventre à moins d'un mètre de lui, le menton appuyé sur ses deux mains. « Je ne ferai plus jamais rien, d'accord ? Putain mec, s'il te plaît ! » La moue du garçon était équivoque et Jonah sentit une peur terrible au fond de lui. Il se tenait là, dans la nuit noire, ses ongles enfoncés dans le lichen qui recouvrait le bois d'un arbre, mais jamais, jamais… « Oups, échec et mat ? » « Putain mais comme tu veux ! Je ferai tout ce que tu voudras, d'accord ? N'importe quoi, même sortir avec toi, n'importe quoi ! » « Mmh… Non. Pas envie. » « Jude... » Jonah se mit à pleurer comme un gosse, terrorisé par le vide sous lui, par la gueule béante de ce ravin somme toute pas si profond. Et il défaillit en voyant le fils Halstead hausser les épaules avec flegme, dans ce geste qu'il avait toujours détesté. « Eh bien, Judie, on n'est pas gentil avec ses petits camarades ? » Le garçon faillit sauter au plafond en voyant cette fille aux cheveux blonds assise à côté de lui, en train de mâchonner une sucette à la framboise d'un air impassible. Jonah lui-même manqua de lâcher sa racine. « D'où vous sortez, vous ? » « Mais Judie, je suis toujours avec toi, tu sais ? Après tout, je suis ta mère... » « … Pff, c'est ça oui, encore une. N'importe quoi, j'en ai déjà deux, des mères. » Le visage de la fille se renfrogna devant l'insolence de ce gamin au jean taché de terre. « Oui, eh bien tu en as une troisième. Sois content, ça te fera trois Noël. Tu peux m'appeler Kathy, et toi tu es Judie, dans la dernière génération de mes enfants. » Pas de doute, cette femme était folle. Pas comme Ella, mais au moins aussi dingue. « Bon tu m'excuseras, mais ce serait fâcheux que ton camarade tombe, je ne suis pas sûre d'avoir le droit de le ressusciter après. » « Vous êtes folle. » « Oh venant d'un garçon qui en regardait un autre le supplier, je le prends assez mal. Prends plutôt une sucette, rien de tel pour se réconcilier. » Jonah disparut du ravin pour se matérialiser à côté de celle qui s'appelait Kathy. « Tiens, prends donc une sucette toi aussi, tu es tout blanc. Citron bleu, ça t'ira ? » Jonah attrapa la friandise en silence sans cesser de jeter des coups d’œil autour de lui. « Jude ne te fera rien pour le moment, je te le promets. » Kathy annonça ça d'une voix tranquille et assurée mais elle n'en était pas si certaine au fond devant le regard sombre que son fils conservait. Elle se considérait comme une mère responsable avec ses enfants, dans la limite de ses devoirs divins. Elle les revendiquait au mieux, elle s'assurait de les rencontrer, et puis elle les surveillait. Parfois même, elle intervenait, pour eux et puis aussi pour elle. Bon des fois, elle en oubliait quelques uns aussi. Être mère, c'était aussi savoir être stratégique et réfléchie. Et soudainement, Jonah décampa, courant de toutes ses force pour fuir tout ça, toute cette folie et toutes ces choses, pour fuir Jude, pour fuir cette dingue aux sucettes qui donnait l'impression de participer à un gentil pique-nique, pour quitter cette forêt d'ombres et cette nuit sans Lune. « Je crois qu'il ne t'aime pas beaucoup… Oh et Judie, tu es rempli de colère… Tu devrais manger plus de sucettes à la framboise, ça fait un bien fou. C'est ce que je fais quand je suis énervée. » Elle quitta brusquement son attitude d'adolescente blagueuse et la robe noire qu'elle portait sembla se fondre dans la nuit déjà profonde. « Tu ressembles beaucoup à ta mère, les mêmes cheveux, la même bouille. Mais tu es mon fils, ne l'oublie pas le moment venu et choisis bien ton camp. » Elle se leva, sortant une torche d'on ne savait où, son étrange robe noire tourbillonnant autour d'elle. « Et fais ce que tu veux de ce garçon, il le mérite. » Les doigts de la déesse effleurèrent brièvement la joue du garçon à qui elle n'avait finalement rien révélé. Pas encore, pas de suite, un autre s'en chargerait bien. Elle était satisfaite de voir un de ses enfants profiter de sa jeunesse, quelle qu'elle soit, loin des camps et des dieux, loin des guerres et des morts. « Bonne nuit sans Lune, Judie, on se reverra sans doute ! En mange-moi cette sucette ! »

Il était rentré dans la nuit, seul et silencieux. Sa mère l'avait croisé au détour d'une marche d'escalier après s'être levée en attendant la porte d'entrée. « Tout va bien, J. ? » lui avait-elle demandé avec inquiétude en avisant son visage sans expression et la colère au fond de ses yeux. Il n'avait pas répondu et avait juste fermé la porte, sans un mot, sans un regard. Alors Merit était repartie se coucher, la boule au ventre. Son rêve de famille parfaite, ses idées pour l'avenir, l'histoire qu'elle s'était imaginée… Rien ne suivait jamais la trame qu'elle avait inventé durant sa jeunesse. Elle voulait épouser un bel homme et avoir un enfant de lui et avec lui. Ce premier chapitre avait du être réécrit. Quand Jude était entré dans sa vie, elle s'était remise à croire en ses espoirs. Il serait son fils et elle dessinerait pour lui tout son avenir, garderait ses enfants quand il en aurait, serrerait gentiment les mains de son épouse quand elle la rencontrerait. Et puis bien sûr elle serait là à leur mariage, aux baptêmes des enfants, à leurs vingt ans ensemble… C'était ça la vie dont elle rêvait : quelque chose de simple, de normal. Elle voulait pouvoir bavarder avec ses voisins pendant que Jude jouerait avec leurs enfants. Elle voulait pouvoir vanter ses bonnes notes et dire qu'il avait gagné la dernière compétition d'athlétisme du collège. Elle voulait parler de ses talents dans un club quelconque du lycée et de son entrée dans une belle université réputée. Au lieu de quoi elle discutait avec la mère biologique junkie de son fils dans son salon, Ella détonnant tristement au milieu de la décoration soignée de la maison. Et au lieu de quoi elle lisait des articles peu flatteurs sur son garçon.


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« FLASH INFO. Un garçon retrouvé mort dans les bois de Rome, en Géorgie. La thèse du suicide a été écartée. La police mène l'enquête. » Le bandeau rouge flottait au bas de l'écran de télévision, sous un reportage sur la sauvegarde des pandas. Les informations régionales étaient terminées et les sujets variés et universels touchaient à leur terme à leur tour. Les Halstead se trouvaient autour de la petite table de la cuisine, autour d'un brunch comme Merit les aimait le dimanche matin et qu'elle préparait toujours avec le plus grand soin. C'était son « instant famille » comme elle disait, mais aujourd'hui la famille en question restait parfaitement silencieuse. Une idée volait au-dessus de la table sans que personne n'ose prendre la parole. « Tu sais ce qui s'est passé, Judie ? » Merit essaya vraiment de ne mettre aucun accent d'accusation dans ses mots mais impossible. Elle y pensait, ils y songeaient tous. Les policiers n'étaient pas venus, pas encore, mais l'intégralité du voisinage pensait connaître l'auteur de l'homicide de la nuit. « Je veux dire… Il n'y a que toi capable d'une chose pareille, Judie, que toi capable de l'accrocher si… Enfin… si haut. » « C'est pas moi putain. » « Parle mieux à ta mère, mon garçon. Tu sais très bien ce qu'on va dire, ce que… Ce qu'ils vont tous dire, Jude. » C'était un trou dans son cœur d'imaginer ce que ses parents pouvaient penser. Ils avaient tort, Jude en était persuadé. Il n'avait rien fait, il n'avait plus touché à Jonah dans la forêt. Enfin peut-être qu'il l'avait suivi après avoir quitté l'autre folle en robe noire. Peut-être qu'il l'avait espionné, d'arbre en arbre, pendant que son crush de toujours paniquait à moitié au milieu des bois. Peut-être qu'il l'avait regardé trébuché sur les racines, courir, complètement terrorisé. Peut-être qu'il l'avait entendu parler tout seul et pleurer à moitié sa mère, comme un bébé. Peut-être qu'il avait savouré ce spectacle… Jude avait aimé sa nuit. Il avait fait peur aux sbires de Jonah puis il avait flanqué une frousse terrible à ce dernier. D'ailleurs… Son estomac se retourna en pensant au petit ravin. Si la fille aux sucettes n'était pas intervenue avec ses propos complètement débile, Jonah y serait passé. « Jonah est mort, Jude, il est mort. » Il devina la suite sans mal : Il est mort, tu comprends, il est mort parce que tu l'a tué. La conversation en resta là, malgré le regard lourd de son père et malgré le teint trop pâle de sa mère.

flasback.
Ella abaissa délicatement une branche de ses doigts tremblants pour observer cette scène absurde qui se déroulait sous ses yeux. Luna était là, à savourer des sucettes en compagnie de son fils. La trentenaire voulait courir vers elle, lui sauter dessus pour l'embrasser ou pour la frapper, hurler à Judie qu'il se tenait en face d'une immortelle, d'une déesse ou d'un ange, elle ne savait pas. Elle voulait attraper Hécate avant qu'elle ne disparaisse comme un rêve, comme la dernière fois. Pourtant, elle resta là, allongée dans la terre, à regarder la scène de loin. Après toutes ces années, elle ne se sentait pas le courage de faire quoi que ce soit, de revivre sa jeunesse ratée et l'extase d'une nuit. Ou pire, elle craignait que son unique amour ne la rejette ou l'ignore, ou même qu'elle ait pitié d'elle. Ella n'avait pas réellement conscience de la loque qu'elle était devenue, mais elle savait tout de même qu'elle n'était plus la gamine paumée mais sexy d'il y a dix-sept ans.
Ella suivit l'ombre de Jude de toute la vitesse de ses petites jambes. Malgré son petit mètre cinquante-six et trop d'années à ruiner sa santé, elle mit tout dans cette course-poursuite silencieuse. Jude progressait vite au milieu des arbres, elle voyait sa silhouette avancer quelques dizaines de mètres devant lui. Et encore plus loin se détachait la forme beaucoup plus lente de Jonah, le fou, la chose qui osait faire du mal à son garçon à elle. Jude avait détruit sa vie déjà bien mal partie mais il était devenu aussi son unique repère, la seule chose qui comptait, son étoile autour de laquelle elle faisait chaque jour sa révolution. Il ne l'aimait pas, elle le savait, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. C'était son fils et il se devait de l'avoir près de lui quoi qu'il arrive… et quoi qu'il pense d'elle. En tant que tel, Ella se sentait l'âme d'une guerrière prête à tout pour défendre son petit. Il lui avait certes déjà dit sèchement que Merit Halstead était son unique mère, elle n'allait pas laisser tomber. Et pour le moment, le danger venait de Jonah. Quand ce dernier finit par fondre en larmes, perdu au milieu des arbres, Jude resta planté un instant avant de disparaître. C'est ça, rentre chez ta seule mère, fils. Elle s'approcha pour finalement tomber sur Jonah. Elle le toisa du haut de sa petite silhouette en gardant le silence.


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« Arrête-toi, mon garçon, laisse-toi faire bordel ! Arrête tes conneries ! » Le vieux flic courrait comme il pouvait sur le trottoir étroit, menaçant de tomber à chaque foulée. Quand on l'avait engagé comme policier à Rome il y a trente-cinq ans, il avait pensé à une vie tranquille, ponctuée seulement de quelques incidents mineurs, d'un marmot perdu dans les bois et d'un chat coincé dans un arbre. Il n'aurait certes jamais pensé courir derrière un gamin qu'il avait vu grandir dans son quartier et qu'il avait croisé tous les matins sur le chemin de l'école. « Jude… Arrête… Toi… Putain... » Le gosse se jeta sur la route sans réfléchir et la voiture freina comme elle put dans un crissement de pneus suraigu, l'envoyant valser sur la route. « Putain de… Merde… ! » Un autre flic, plus jeune, le devança pour se jeter sur le gamin qui se redressait, sonné et égratigné mais relativement indemne. « Judicaël Halstead, vous êtes... » « C'est bon Johnson, je vais m'en charger. Occupe-toi de la bagnole plutôt. » Le jeune coq recula à contrecœur devant son supérieur qui faisait l'objet d'ancêtre au bureau et qui l'empêchait aujourd'hui de profiter de son plein pouvoir sur un autre. « Bien, monsieur. » Le vieux flic repoussa le gosse par terre et lui ramena sans ménagement les mains dans le dos. « Judicaël Halstead, vous êtes en état d'arrestation dans le cadre d'un homicide. Vous avez le droit de garder le silence. » « J'ai rien fait putain ! » « Silence, crois-moi ça vaudra mieux pour toi Jude. » Le gosse tremblait, toujours sous le choc après la voiture. Il redressa le jeune Halstead avec difficulté et le poussa doucement vers la voiture de police la plus proche, sensible à sa grimace de douleur et son boitement prononcé.
L'affaire était difficile. Dés les premiers jours, la police de Rome s'était retrouvée confrontée à de nombreuses failles et à d'importants soucis techniques. Aucune piste ne semblait être la bonne et c'était finalement les témoignages des deux plus proches amis de Jonah qui avait aiguillé l'enquête, bientôt suivis par d'autres preuves. Techniquement parlant, rien ne reliait Judicaël Halstead à la scène de crime mais il demeurait l'explication la plus probable. Il y avait les témoignages, les vidéos, les événements du début de soirée… Jonah était mort pour ses seize ans, c'était presque poétique et il n'y avait pas de poètes dans cette ville. Quand le vieux flic était parti pour chez les Halstead, il n'avait pas pensé à une scène, ni même à une arrestation ni quoi que ce soit d'autre. Il allait voir des voisins et des amis pour leur demander aimablement si dans le cadre d'une enquête, il pouvait interroger leur fils. Il n'aurait pas pensé voir le gosse décamper, ni même se jeter sous une voiture pour ça. C'était trop bête… ou il était vraiment coupable. Assis à son bureau dans une pièce austère, Abraham Hughes, flic depuis trente-cinq ans, grand-père de Jonah Hughes et proche ami des Halstead, posa son front contre le papier froid de ses dossiers. Il ne croyait plus à rien, ne pensait même plus. Tout ça dépassait ses maigres savoirs en matière d'enquête pour homicide. Son petit-fils était mort et son cœur saignait pour ça, la ville se déchirait, sa famille se disloquait… Il aurait pu prendre le coupable le plus évident, celui qu'ils avaient tous unanimement désigné… mais pour lui, rien ne collait dans cette affaire. En revanche, il était persuadé que leur coupable par excellence savait quelque chose sur cette nuit mais qu'il ne dirait rien. « Abe ? On a eu des nouvelles d'Atlanta. Ils souhaitent que tu restes en dehors de cette affaire le plus possible. Tu gardes les directives mais… tu ne t'impliques pas trop. Tu es touché de trop près. » Évidemment. « Qui restera au plus près de l'enquête dans ce cas ? » « Johnson. » Bien sûr. « Très bien. » Il n'aimait pas les disputes et il ne prendrait pas part à celle-ci. Mais il savait l'enquête perdue. Johnson était un petit roquet arrogant et empressé, plus heureux de jouer au shérif parmi les cowboys que de chercher la vérité. Ah ça, Abraham Hughes n'avait peut-être aucune idée de comment gérer une enquête pour meurtre mais il savait chercher la justice. Pardon, mes petits gamins, pardon. Et il songeait autant à Jonah qu'à Jude ou qu'au reste de la ville. « Mais vous aurez tous les éléments de l'enquête bien entendu, et si... » « J'ai bien saisi la nuance. »

« Salut Judie. » Jackson Halstead se laissa tomber sur la chaise en face de son fils, dans une salle d'interrogatoire à l'ambiance lugubre. Il détailla son garçon avec attention, soucieux. Un pansement lui barrait un coin de la joue et un bandage lui entourait le poignet. « Tu te sens bien ? » Il n'en avait pas l'air mais pour tout dire, Jackson n'ont plus ne se sentait pas au mieux en voyant son fils unique menotté en face de lui, à regarder le mur d'un air buté. Mais il connaissait cette expression un poil trop neutre, Jude allait finir par exploser comme il savait si bien le faire. C'était une bombe à retardement ce gamin, il ne disait rien et un jour, le désastre. « Je t'ai amené de quoi manger. Normalement je ne suis pas censé te voir mais comme… Enfin Abe m'a laissé entré. » Étonnant quand on savait qu'Abraham était le grand-père de la victime et Jude le principal accusé mais le vieux avait toujours apprécié Jude et Jackson. Sans parler de cette beauté de Merit. Jackson était flic. Il l'était avant d'arriver à Rome mais cette ville lui avait offert un grand bol d'air frais depuis bientôt quinze ans. Le calme avant la tempête il faut croire. « J-je t'ai fait une salade de pâtes avec des tomates cerises, du gruyère, des œufs, des lardons... » Il parlait, il parlait mais une seule question lui brûlait les lèvres. Mais Jackson savait aussi qu'il n'aurait aucune réponse, que c'était peine perdue. Et puis surtout, il croyait pertinemment à la culpabilité de son fils. Il connaissait Jude, il connaissait ses sautes d'humeur et ses idées bizarres, il connaissait la violence contenue qu'il avait souvent pu lire en lui et il savait aussi qu'il entretenait une rancœur tenace envers le jeune Jonah. Pas en tueur, il ne l'aurait jamais imaginé ainsi, et pourtant… « Je l'ai suivi dans la forêt, mais je n'y ai pas touché. Après j'ai croisé Maman dans l'escalier à la maison. » Maman. Bêtement, l'emploi de ce mot réchauffa le cœur terrifié de Jackson. Pendant une insupportable période, Jude avait cessé de les appeler Papa et Maman pour seulement utiliser leurs prénoms. Et puis c'était revenu, quand les blessures de l'annonce de l'adoption étaient finalement passées. « Jude, ce n'est pas un jeu, ce n'est pas... » « Ce n'est pas quoi, hein ? Puisque je te dis que ce n'est pas moi ! Je me tue à vous le dire, encore et encore, mais… Putain ! » Jackson le regarda se tordre les poignets sur les menottes quand il se leva sous le coup de la colère. « Assis-toi Jude, arrête de t'énerver, ça ne sert à... » « Mais arrêtez avec vos leçons de morale à deux balles là ! Vous me croyez pas alors allez tous vous faire foutre ! Voilà ! Allez. Tous Vous Faire. Mettre. » La porte s'ouvrit et Johnson passa le nez à l'intérieur. « Halstead, tu devrais sortir, tu devrais pas être là. » « Jude, mange. » Et Jackson sortit, toujours persuadé de savoir, d'avoir compris.

flashback.
Ella leva la tête et regarda à nouveau la scène en tirant sur son joint. Elle avait eu le plus grand mal du monde à le préparer puis le rouler celui-là. Elle détestait ses doigts tremblants qui l'empêchaient de fumer et même de dessiner. Elle détestait son nez abîmé par trop de coke. Elle détestait les scarifications sur ses bras et elle détestait les vieilles traces de piqûres au creux de ses coudes. Elle détestait sa maigreur et ses cheveux sales. Pourtant, quoi que défoncée h24, elle restait jolie. Mais elle se détestait, elle détestait Jackson et Merit Halstead, elle détestait Luna aka Hécate, elle détestait la France et les États-Unis, elle détestait sa propre mère et la vie en règle générale. En revanche, elle kiffait fortement la scène sous ses yeux. C'était de l'art, de la mise en scène, un beau théâtre, une scène d'apothéose. Ou un miracle presque... divin. Jonah paraissait beaucoup plus beau ainsi, la bouche figée dans une dernière expression de terreur. « Bien fait pour toi, salopard ! » Assise contre un arbre, elle se mit à rire du spectacle, véritablement heureuse pour la première fois depuis trop longtemps. Les dieux existaient vraiment, ils venaient de l'aider à exaucer sa prière du soir.


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« Celles-ci, deux paquets s'il vous plaît... » Jude sentait le regard pesant des gens sur lui. Il se tenait devant la caisse du petit bureau de tabac de son quartier, à acheter ces fichues cigarettes dont il ne parvenait plus à se passer. Personne ne parlait, chacun et chacune faisait semblant d'être absorbé par un journal, par une mouche ou pas une tâche invisible au bout de sa chaussure mais personne n'était dupe. Il y avait un mélange de gène et de commérage dans l'air qui rendait l'ambiance insupportable. « Voilà, monsieur Halstead. » Le propriétaire du tabac posa sèchement les deux boîtes en carton sur le comptoir. Lui non plus n'en pensait pas moins. C'était le problème dans les petites villes : tout le monde connaissait tout le monde dans le quartier et les potins allaient bon train. Sans parler de l'article. « Je… Merci. » Les yeux baissés, l'adolescent se fendit un passage parmi les quelques personnes qui faisaient la queue, essayant d'ignorer ceux qui s'écartaient avec un air pincé. Dire qu'ils se pensaient tous discrets et d'une amabilité à toute épreuve… Bande de salauds.

« Tu as vu l'article ? » « Dire qu'on le connaît depuis qu'il est tout gosse... » « Non mais je l'ai toujours mal senti moi ce gamin hein. Jamais voulu que mon petit Ewen s'en approche. » « Ils n'étaient pas copains à l'époque pourtant ? » « … Si bien sûr, les enfants que voulez-vous... » « Il n'a apporté que des embrouilles de toute façon. Elle est bien gentille Merit mais à me casser les pieds parce qu'il est dyslexique, TDAH et je ne sais quoi encore… Comment je fais moi, j'apprends différemment à tous les gamins qui mettent un pied dans ma salle de classe ? » « Non mais t'as raison… Est-ce que j'ai emmerdé le monde parce que Johnny est allergique aux oranges sérieusement ? Et est-ce que ça l'a empêché de bien suivre ses cours ? Non ? Eh ben voilà ! Son gosse ne sait pas lire, ben tant pis, elle n'avait qu'à lui faire l'école à la maison hein ! » « Heureusement que nos gamins sont futés hein. Ils l'ont vite cerné, le Jude... » « Il fait des dessins bizarres, que me disait Marcus. Sans doute des trucs pervers oui ! » « Et tu te souviens quand il a embrassé Jonah ? Il est homo, y a pas de doute. » « On ne les a jamais vu à l'église hein. » « Ouais enfin maintenant il l'a tué quoi... » « Ouais, et d'ailleurs… Oh ! Merit. Hum comment vas-tu, ma chérie ? »
Merit Halstead posa son sachets de tomates, le cœur tourmenté entre la colère, l'indignation et la honte. Elle avait honte d'avoir honte d'être là. « Comment vas-tu, Merit ? Et Jackson, il tient le coup ? » « C'est vrai que ça doit être très difficile comme épreuve ! Apprendre que son fils a... » « Jude n'a rien fait du tout. » « Oui, c'est vrai que ce doit être très dur à accepter et d'ailleurs... » Merit les planta là, les bonnes femmes, les tomates et la caisse. Le gang de mères au foyer la regarda sortir en silence. « Oh mon Dieu, tu crois qu'on l'a vexée ? » « En même temps, elle se ment quand même à elle-même... » « Dire qu'elle a accepté que ce déchet d'Ella Mercier traîne dans son entourage toutes ses années... » « J'avais déjà vu cette femme traîner dans le quartier mais je n'aurais jamais cru que ça puisse être... » « Ben tu savais qu'il était adopté, toi ? » « Non, pas du tout. Enfin bien sûr, je m'en doutais un peu quand même. Quand on voit Merit et Jackson, puis le fils, ça paraissait quand même logique qu'il y avait une embrouille... » « Ouais, t'as vraiment raison... » « Mais cette Ella, je ne veux pas la voir par chez moi, ça non ! » « Ah ça non ! » « Moi je ne l'aurais jamais laissé traîner autour de mon fiston. » « Et moi j'aurais pas fait... » Et blablabla, le gang de mères au foyer parfaites.

« Vous savez Ella, nous sommes tous dans le même bateau aujourd'hui. Vous, moi, Merit, Jude, la ville… Vous ne pourrez pas jouer les justicières indéfiniment. » Par dessus ses cernes violettes, la junkie cligna lentement les yeux avant de se redresser sur son siège dur. Ce n'était pas la première fois que la police l'interrogeait pour l'affaire mais c'était bien la première où elle croisait Jackson Halstead au poste. À vrai dire, elle ne s'était jamais demandé quels métiers pouvaient bien exercer les parents Halstead lorsqu'ils n'étaient pas dans leur confortable demeure des quartiers résidentiels. Pour elle, ils n'existaient que dans ce cadre-là : les terrasses, les piscines et les après-midi barbecue entre voisins. Elle voyait Merit inviter ses copines au bord de la piscine pour boire des martinis et autres trucs classes. Elle voyait Jackson allumer la plancha en compagnie des maris virils de ces dernières. Elle voyait, autrefois, les gamins jouer sur la pelouse ou dans la piscine, avec des brassards multicolores. C'était ça la vie ici : le fric, les après-midi factices où tout le monde s'ennuyait, les conversations barbantes et les sujets qui tournaient en boucle. Mais elle n'avait jamais vu plus loin que le portail et le jardin. « Vous savez Ella, vous n'avez pas l'air de le croire, mais j'aime mon garçon, j'aime ma femme et j'aime ma vie. Vous et moi, nous n'avons rien en commun mais vous pouvez au moins croire ce que je dis. » Jackson se tut un instant et Ella remarqua à son tour ses traits marqués par la fatigue et l'inquiétude. Toute la ville vivait dans l'incertitude ces derniers temps. Le meurtre d'un lycéen, ça avait de quoi mettre à la panique à n'importe quel village après tout. Les parents venaient systématiquement chercher leurs enfants à la sortie de l'école, beaucoup moins de gosses jouaient le soir au terrain de jeux ou dans les rues. Juste au cas où. Juste au cas où que l'assassin revienne enlever leur précieuse progéniture. Les flics eux savaient. Ils savaient que Jonah serait sans doute le seul, que c'était comme ça et qu'ils n'avaient plus qu'à mener l'enquête. « Je voulais juste rendre ma femme heureuse et élever mon petit garçon. Juste ça. » Ella tritura la petite poupée imitation vaudou – celles-là même en corde où sont accrochés des messages pseudo-philosophiques – du bout des doigts. « Moi je n'ai jamais eu ce choix. J'ai eu Jude par accident mais je n'allais pas le garder, c'était logique à l'époque, et c'était ce que ma mère voulait. Moi non plus je n'en voulais pas de ce gosse. Il avait ruiné mon adolescence et ma jeunesse, et il a ruiné ma vie. Pourtant... » C'était la première fois que Jackson voyait Ella pleurer. « Pourtant je ne sais pas, j'avais besoin de lui. J'étais surveillée après tout ça mais à mes dix-huit ans, j'ai mené l'enquête. Quand on sait comment chercher, comment obtenir les informations, on trouve tout en France. Et puis j'avais certaines fréquentations qui… Disons qu'elles m'ont bien aidée. Bref, j'ai retrouvé Jude. Je ne voulais pas venir mais c'était comme un obsession dans ma tête, comme si on me punissait de l'avoir laissé. Alors j'ai pris l'avion et je suis arrivée ici. Pendant des années, j'ai essayé de faire autre chose, d'arrêter ces conneries, d'arrêter d'y penser… Et puis un jour, je l'ai vu tout seul, derrière le terrain de jeu. Ça a été plus fort que moi. »

« Tu ne m'as jamais demandé, Judie. Tu ne m'as jamais rien demandé. » En fait, il y avait déjà pensé. Il s'était déjà posé la question de son histoire, de sa famille. Il s'était demandé qui était son père et où est-ce qu'il était aujourd'hui. Il s'était questionné sur ses grands-parents, sur la vie là-bas, de l'autre côté de l'océan. Il s'était demandé s'il avait des cousins, des frères, des sœurs, une famille. Il s'était demandé toutes ces choses mais il n'avait jamais osé aborder le sujet avec Ella. D'une part, il ne parvenait toujours pas à la voir comme sa mère. Le garçon avait bien compris qu'il était né d'elle et toutes ces choses purement biologiques… mais ça s'arrêtait là. Rien d'autre ne les reliait ensuite. « Je ne veux pas savoir, je m'en fiche. Je n'ai rien à apprendre de toi, Ella. » C'était faux et archi-faux et sa gorge nouée le lui hurlait silencieusement mais… En fait il avait peur. Voilà, c'était juste ça. Il avait peur d'apprendre qui était le misérable mec qui avait mis sa mère enceinte alors qu'elle n'était même pas majeure. Il ne voulait pas non plus savoir qui étaient les grands-parents qui n'avaient pas su retenir Ella à ses dix-huit ans. Stop, stop, il ne voulait juste plus y penser.


⸸ ⸸ ⸸ ⸸ ⸸


À peine la main sur la poignée de la porte et déjà Merit jaillissait du salon. « Non non, tu ne sors pas, ça va pas oui ? » « Mais je vais... » « Hors de question Judie, attends que tout se tasse un peu d'accord ? » « Alors quoi, je reste là pour toujours ou ça se passe comment ? » Merit poussa un soupir discret et attrapa son fils par le coude. « Écoute, je te demande juste de rester à la maison quelques jours Jude. Juste quelques jours de plus. Je… C'est juste le temps que l'histoire passe. » « Et après quoi, hein ? Les gens vont oublier ? Ils vont passer à autre chose, c'est ça ? Mais ça marche pas comme ça ! T'as pas compris encore ? » « Arrête Jude. Arrête d'être aussi... » « Quoi, aussi quoi ? » « Arrête d'être aussi en colère, Judie, c'est tout. » Furieux, le garçon se dégagea d'un mouvement sec pour monter les escaliers. Merit ferma brièvement les yeux, appuyée sur la rambarde. « Jude ? Je te crois, tu sais. Je te crois quand tu me dis que tu n'as rien fait, quand tu me dis que tu n'y étais pour rien. » C'était vrai, elle le croyait. Mais ça ne lui éviterait pas le procès ni le reste. Elle se sentait tellement désolée, tellement dépassée… Alors elle lui forçait la main pour qu'il reste à l'intérieur. « Mais les gens parlent et… J'ai peur pour toi. » Pour la cinquantième fois, il ne lui répondit pas et ferma sa porte. Merit ne vit pas ses larmes aux yeux ni son cœur cognant dans sa poitrine. Du regret, du soulagement… C'était elle sa vraie mère, pas une autre.

C'était une salle impersonnelle, avec des bancs, le bureau du juge, une petite estrade pour la défense et les plaignants. La moquette bleue élimée laissait voir le plancher en de nombreux endroits et les chaises avaient les pieds branlants. « Judicaël Halstead a tué Jonah Hughes, cela ne fait absolument plus aucun doute. Il aimait ce garçon qui ne lui a jamais – à juste titre – rendu sa passion. Il s'est fait repousser par Jonah et quelques jours plus tard, le jeune Hughes était retrouvé dans les bois, sans vie, après avoir suivi monsieur Halstead ici présent. Deux de nos jeunes témoins ont raconté avoir subi une expérience atroce dans les bois. » « Peut-être, mais il est physiquement impossible que Jude Halstead ait tué Jonah, madame. C'est prouvé, d'un point de vue technique, physique et ce que vous voudrez encore. Les relevés sont tous ici, tout comme ceux de monsieur le légiste. Au maximum, vous avancez des suppositions madame. De vulgaires suppositions, sans aucune preuve. » « Non, nous n'avons pas de preuve que Jude Halstead ait tué Jonah, en effet. En revanche, nous pouvons avancer tous leurs antécédents. À tous les deux. Monsieur Halstead harcelait littéralement mon client. Amoureux… Malade surtout. Il était totalement obnubilé par lui, jusqu'à lui faire des avances en public. Regardez cette vidéo. » Jonah rapprocha sa balançoire de celle de Jude d'un coup pour l'embrasser. Surpris, le jeune Halstead se laissa faire avant de lui rendre. « Vous y voyez le jeune Halstead tenter d'embrasser mon client, sans aucune honte ni pudeur. Pourtant il était de fait public que Jonah n'était pas homosexuel ni n'avait aucune pratique... déviante dans ce domaine. Et ce n'était pas la première fois. » Jude regarda la vidéo se répéter en boucle, sans rien dire. Il manquait les avances de Jonah puis les coups ensuite. Elle était mensongère, elle ne montrait qu'un minuscule morceau de la scène pour le retourner contre lui. C'était ça être avocat ? Pratiquer la justice et le droit ? Il baissa les yeux sur le bureau et posa le front sur le bois. Assez, c'était assez. Juste que ça s'arrête. Tu as peur du mensonge, Judie ? « Cela montre bien à quel point l'accusé était fasciné par Jonah, au point de penser en être amoureux. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ça. Jonah l'a repoussé, comme n'importe qui de sensé l'aurait fait, et monsieur Halstead l'a mal pris. Cette scène ne remonte qu'à quelques jours avant la nuit du meurtre. » L'avocat commis d'office de Jude se racla la gorge et farfouilla inutilement dans ses papiers. C'est ça, donne-toi contenance vieux guignol... « Rien, strictement rien, n'a été retrouvé sur la scène de crime. Rien ne prouve une quelconque présence aux côtés de Jonah Hughes au moment de sa mort. Par ailleurs, Jude était déjà rentré chez lui à ce moment-là, sa mère, Merit Halstead, l'a croisé dans l'escalier cette même nuit. » « Peut-être est-il rentré directement après l'avoir tué, monsieur la défense. » « Quoi qu'il en soit, Judicaël Haltead n'aurait jamais pu attaché un autre garçon plus grand et plus costaud que lui quasiment à la cime d'un arbre. Physiquement, c'est impensable, encore moins sans moyen, sans échelles et sans corde pour le hisser. Or, Jonah Hughes a été crucifié, pas pendu, et il ne porte aucune trace de corde ou autre moyen ayant permis de le monter si haut. Sans ajouter qu'il n'est mort qu'après et qu'il était donc encore pleinement conscient à ce moment-là. Expliquez-moi comment Jude Halstead, seize ans et soixante kilos, violoniste, aurait réussi ce prodige. Par ailleurs, votre dossier reste bien incomplet sur les actes de votre client madame. » Des vidéos, des photos, encore des photos, des choses, des blessures, une photo sournoisement prise par Ella du corps marqué de son garçon. Les brimades en boucle, affichées aux yeux obscènes du monde qui savourait la scène dans cette pièce sordide. « Non mais il s'agissait d'actes enfantins, de taquineries en adolescents. Jonah Hughes n'avait strictement rien d'un tortionnaire et tous ceux ici présents pourront en témoigner. Judicaël est le coupable par excellence. Né d'une mère junkie à moitié folle, élevé ici mais à part depuis toujours, amouraché d'un autre garçon bien trop dans la droite ligne pour lui rendre son amour déviant… Il est coupable, monsieur le juge. »
Et encore des mots, des blablas inutiles pour montrer au monde l'intimité de deux adolescents, pour l'afficher sans aucune gêne. Jude non-coupable faute de preuves. L'avocat commis d'office se leva finalement en rajustant son costume par-dessus son vendre bedonnant et serra la main du garçon. « Vous êtes tiré d'affaire, Jude. Ella en revanche présente une nuit bien trouble. » Et peut-être que c'était elle, la tueuse. Peut-être que dans la nuit, aidée… Tu as peur de ta famille, Judie ?

Merit vit trente-six étoiles quand Marjorie la poussa d'une main dure contre le mur, les yeux fous et les cheveux défaits. Elle qui restait toujours si charmante, si gentille, si bien sous tous les rapports, les derniers mois venaient enfin de briser la carapace de perfection qu'elles revêtaient toutes dans le quartier. « Ton fils a tué le mien, Merit ! » Elle l'étranglait, sans doute sans même sans rendre compte. Marjorie voulait la justice et la vengeance. Elle voulait un coupable, quelqu'un à blâmer, à haïr, peu importe qui. Et il existait sans doute quelque part dans le monde ce quelqu'un, mais ce n'était pas Jude. Pas cette fois. « Jude n'a rien fait, Marjorie !  Il était à la maison ce soir-là ! » « FOUTAISES ! Il est venu à l'anniversaire de mon garçon ton démon, il m'a provoqué et il les a suivi ! Et tu sais ce qu'il leur a dit Merit ? Tu le sais ? Ton petit dégueulasse de gamin, il... » Marjorie avait arrêté de pleurer. De toute façon, les larmes, elle les avait déjà toutes épuisées. Elle ne pouvait plus rien faire si ce n'était trembler de désespoir. « Débarrasse-toi de ton taré de fils, Merit, ou il finira par lui arriver quelque chose, crois-moi. » « Ce sont des menaces, Marjorie ? » « Non non, une promesse, Merit, c'est une promesse. » Marjorie quitta le tribunal brusquement, sans un regard en arrière, les chevilles tremblantes dans ses chaussures aux talons disproportionnés.

« FLASH INFO. Un nouveau corps retrouvé dans les bois de Rome, en Géorgie. La thèse du suicide est privilégiée. La police mène l'enquête. » Le bandeau rouge flottait à nouveau au bas de l'écran, sinistre et bien trop répétitif pour une bourgade. Les journalistes jouaient au scandale en imitant la première annonce télévisée. Ils voulaient attiser l'impression de déjà-vu et faire les gros titres, peut-être même ailleurs que dans la région. Vendre, écrire, être publié, avoir le dernier potin… Il n'y avait que ça. Jackson Halstead regarda bêtement la suite du journal télévisé, la tête ailleurs. En vérité, un homme avait été retrouvé pendu chez lui, dans son salon, au milieu des bois. Le père de Jude savait qu'une famille s'était installée là-bas il y a des années mais ils étaient restés terriblement discrets depuis. Il lui semblait qu'ils avaient une gamine, qui n'avait d'ailleurs jamais mis un pied à l'école du coin, mais c'était tout. Guggenheim. Le nom lui revenait difficilement tant il ne paraissait pas familier. Et le type s'était suicidé, en laissant une femme et une gamine disparue. Jackson se demandait s'il ne les avait pas tuées et enterrées quelque part entre les arbres avant de se pendre lui-même. Peut-être qu'il y aurait une enquête, et peut-être qu'il en serait chargé. En fait, il l'espérait. Il voulait l'enquête pour pouvoir penser à autre chose et connaître un peu la sale vie des autres. Pour changer de cible quoi. Il acheva son whisky dans sa maison trop silencieuse.

Il sauta du premier étage. L'atterrissage lui scia les jambes et il tomba à genou, endolori, les larmes aux yeux mais entier. L'exaltation d'être enfin dehors lui fit oublier un instant la raison de sa sortie improvisée et interdite puis ça lui revint. Un homme pendu au milieu des bois, chez lui, vers chez… Joe. Il entendait parfois la télé depuis sa chambre à condition qu'il se couche pour coller l'oreille sur la moquette toute fine. Et puis il entendait ses parents aussi depuis sa prison. Il avait entendu les conversations, les mots à propos de ce type, de sa femme et sa fille disparue, de… Le garçon se mit en marche en boitillant : il paierait cher ce vol depuis la fenêtre de sa chambre.
« Joe ? Joe ? » Il venait d'entrer dans le jardin de Joe, le cœur battant. Le sentiment d'interdit flottait toujours dans l'atmosphère lugubre du jardin et il se sentait obligé de chuchoter, même pour l'appeler. « Joe, tu es là ? » En fait, il se sentait un peu bête. Si les flics ne l'avaient pas trouvé, il n'y arriverait probablement pas non plus… mais bon, l'espoir sans doute. En dépassant un sapin, un bruit dans les buissons le fit sursauter. « Ella ? Ou... » L'autre, la folle des bois. « … Hécate… ? » Il flippait comme un môme. L'envol d'un oiseau et il tourna les talons pour courir comme il pouvait. Tu as peur de la nuit, Judie ?

« Mais regarde qui nous tombe dans les bras ? Mais c'est Judiiiie ! » Ils le repoussèrent brutalement au coin de la rue et rirent quand il tomba assis sur le trottoir sale. Jude n'avait aucune idée de qui il pouvait bien s'agir en face de lui. Il chercha leurs yeux, sous leurs capuches, un indice quelconque… De leurs rires et plaisanteries, il comprenait qu'ils l'avaient suivi quand ils l'avaient vu quitter sa rue, deux heures avant. Naturellement, ils – et elles – lui avaient emboîté le pas. « On appelle les fantômes dans la nuit, Judie ? C'est qui Joe ? » « Personne... » Peur, peur, peur. « Personne ? Elle n'existe pas Joe ? Elle est dans ta tête ? Elle est dans la tête à Judie ? Judie l'assassin débile ? » Débile. Encore un mot qui revenait souvent pour qualifier sa dyslexie prononcée et son hyperactivité passée. « P't-être bien que c'est lui qui a fait la peau à l'ermite de la forêt ? » « On devrait le juger alors, puisque la police est incapable de le faire... » « Tout ça parce que les flics t'aiment bien tiens ! » Paf paf, tapotement sec des joues. « Amis, jugeons ! Le jour du jugement pour Jonah Hughes – et pour l'Ermite – est venu. Judie le débile est reconnu coupable dans cette nuit qui le fait flipper à mort. » Des rires gras, ils et elles avaient tous bu et ils avaient la tête pleine des bêtises télévisées. « On fait quoi ? » « On le tue ! » « Nan nan faut exorciser le démon tiens... » « Ben faut le tuer alors... » Ils rirent à nouveau. L'un d'eux prit Jude par les cheveux pour le jeter aux pieds d'une paire de chaussures à talon aux orteils au vernis négligé. Le type lui posa un pied sur le dos. Une fois de plus il se retrouvait là, à baiser les pieds d'un tortionnaire. Une fois de plus, il ne sut pas se défendre, pas réagir, juste attendre. Une question d'habitude peut-être. Peut-être qu'à force, il savait juste attendre que ça passe en priant pour être encore là ce soir ou demain. C'est l'éclat argenté d'un couteau qui le réveilla d'un coup. Le garçon se mit à hurler devant la lame blanche dans les mains d'un gars complètement ivre. Il croisa le regard de la femme… C'était ça le vrai jugement, se retrouver aux pieds d'une Marjorie Hughes complètement ivre morte et prête à le regarder pleurnicher pour sa vie. Elle avait le Jude lamentable, celui qui se couchait pour subir, pour attendre, sans rien faire d'autre que supplier. Mais elle n'allait pas céder, il avait tué son enfant.

« Judie ! » Merit Halstead sauta sur son garçon pour le couvrir de caresses et de baisers, toute désemparée. « Comment vas-tu ? Tu as faim ? Tu as froid ? Tu veux une autre couverture ? Ou un chocolat ? Ou alors... » « Pardon madame. » Une infirmière se glissa entre la mère et le fils pour vérifier deux-trois choses. Enfin elle se fendit d'un sourire poli et distant à l'égard de Jude. « Comment tu te sens ? » « Euh... » Les mots mirent quelques minutes à répondre à l'appel pour donner une réponse. « Euh ça va... » Pas vraiment tout compte fait. « Judie, qu'est-ce que tu faisais dehors enfin ! Je t'avais dit que... » Les larmes fleurirent dans les yeux de Merit et Jude détourna le regard de sa mère. Abraham Hughes choisit ce moment précis – et Jude le bénit – pour entrer dans la petite chambre d'hôpital aux murs vert maladie. « Judie, Merit... » Un autre type au visage jovial le suivit. « Tu peux nous laisser, Merit ? » Abraham restait toujours fidèle à lui-même, serein et souriant, et surtout gentil. « Jude, il va falloir que tu me dises ce qu'il s'est passé… selon toi. » « Rien... » Se taire, la fermer, c'était comme ça depuis trop longtemps maintenant, il n'allait pas changer des bonnes habitudes si durement acquises. Il coula un regard en biais à l'inconnu qui conservait son air bonhomme. « Ah oui pardon, Jim McDougall ! Un collègue et accessoirement celui qui t'a tiré de ce mauvais pas ! Bon, tu nous racontes ? »

« Chère Joe, Salut Joe ! Joe,
J'ai appris pour ton père. Dis-moi que tu »

Jude déchira le morceau de papier pour le balancer rageusement contre le mur. Il hésita un instant avant de l'arroser de jurons. Il hurlait toujours face au mur quand son père entra. « Bon sang mais Jude, tu vas la fermer oui ? On dirait un malade mental là ! T'insultes quoi ? Le mur ? Et tu crois qu'il va te répondre peut-être ? » Jude lui rentra dedans, sans doute poussé par le mince espoir de quitter sa chambre plongée dans le noir. « Putain mais arrête Jude ! » Jackson lutta pour maîtriser son gosse et le plaquer contre le mur. Un cahier lui claqua à l'arrière de la nuque, méchant, agressif. Les objets devenaient fous quand Jude s'énervait, ce qui devenait de plus en plus fréquent. « Arrête, je te dis ! » « Lâche-moi ! » « Arrête ! Jude ! » Les objets n'agissaient pas avec logique, ils se promenaient, c'est tout. Un crayon lui érafla l'oreille et il se promit de le ramasser. Il ne restait presque rien dans la pièce : juste un matelas, le bureau, un crayon et un cahier donc. C'était… C'était pour lui tous ces efforts, toutes ces journées longues et insupportables. Jackson resta là jusqu'à ce que le crayon retombe avec un bruit doux sur la moquette. « C'est bon, t'es calmé oui ? » Jackson serra son fils dans ses bras, fort. « Ça passera, Judie, c'est juste une question de temps. » Cinq mois que c'était porte et volets clos, sans lumière, sans aller dehors, sans rien savoir. Il avait été déclaré non-coupable mais ça ne changeait rien. Car les gens n'oubliaient pas.

« Judie, je rentre avec monsieur McDougall. » Entrer dans la chambre, c'était un peu comme rentrer dans la cage d'un animal sauvage. Jackson avait à peine toucher le loquet que Jim lui passa devant avec un demi-sourire. « Salut Jude ! Comment tu vas ? » La porte claqua au nez de Jackson. « Comment vas-tu ? » répéta à nouveau l'agent double en s'asseyant sur le bord du matelas. « Tiens, assieds-toi, fais comme chez toi ! » En plus il faisait des vannes. « On discute un peu ? » « J'ai déjà tout dit à la police et... » « Ah non, je te parles de discuter d'autre chose tu vois ? Genre se vider la tête, tout ça… Tiens, je t'ai amené un bouquin ! J'ai cru comprendre que tu aimais bouquiner ? »
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Jude Halstead
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SANG-MÊLÉ GREC.
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SANG-MÊLÉ GREC.

Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) Empty
MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 17:28

HISTOIRE
sous-titre.
Pouk. Pouk. Pouk. Assis sur son lit, le front sur les genoux, Jude écoutait ce bruit récurrent sur les vitres de sa chambre. La fenêtre était verrouillée depuis qu'il avait sauté et les volets étaient fermés. Pouk. Pouk. Pouk. Ça ressemblait… à quelque chose qu'on aurait jeté sur le bois des volets. Pouk. Pouk. Pouk. Le bruit se tut un long moment puis soudain, les volets s'ouvrirent sur la nuit et les étoiles. Un petit visage féminin éclairé par une lumière se colla à la vitre, une main sur les yeux pour mieux distinguer dans l'obscurité de la chambre. Claquement de doigt, la fenêtre s'ouvrit aussi et la fille rentra dans la pièce avec sa torche électrique. « Salut salut, tu es Jude ? Oui ? Super ! » La mini-fille se précipita vers lui sans voir son expression interdite et le serra brièvement contre elle. « Je suis Anémone ! Anémone Pervenche, pour te servir ! » Elle exécuta une parodie de salut militaire puis le tira vers elle. « Mais lève-toi, on s'en va ? » « Mais... » « Je m'appelle Anémone je te dis, donc on s'en va Jude ! C'est ta mère qui m'envoie. » « Ella vous a… ? » « Ella ? Connais pas. Non crétin, Kathy évidemment ! Je suis Anémone, une lampade et sa plus fidèle servante si tu veux mon avis. Bref, elle m'a demandé de t'amener quelque part. Bon, tu bouges ? » Suis-là.
Après la peur, l'envie de fuir, l'envie de rire… venait le temps de la marche. Jude avait fini par suivre Anémone qui l'avait mené jusqu'à Scotty, son mari et accessoirement un satyre. Anémone parlait beaucoup, ce qui était très bien, et Scotty était toujours là pour balancer une vanne histoire de détendre l'atmosphère. « C'est la première fois que je suis chargée d'un gamin, je suis toute contente ! Kathy m'a dit : écoute Anémone, tu te chargeras de Jude, je n'ai pas le temps. Débrouille-toi pour qu'il ramène ses fesses à la Colonie ! Enfin elle m'a dit un truc du genre. » Anémone était stupide. Il avait fallu trois minutes au garçon pour le comprendre. Elle était adorable et terriblement bavarde mais aussi très bête. « Bon sauf qu'elle est marrante ma maîtresse mais c'est où la Colonie ? » Jude lui lança un regard vide. Il l'avait suivie car… Non en fait il ne savait pas vraiment pourquoi il avait descendu l'échelle qu'elle avait amené ni pourquoi il lui avait ensuite emboîté le pas sans réfléchir.

« Attendez, j'ai un truc à faire avant de… Enfin avant de vous suivre. » Il suivait toujours l'étrange couple et ils venaient juste de sortir de Rome. Mais avant de partir, avant de tirer une croix sur sa vie toute entière pour aller il ne savait où (et il se fichait bien de la destination), il avait encore des adieux à faire. Juste histoire de partir sans laisser un morceau de cœur ici, dans ces bois. « C'est… super glauque, mon garçon. » Scotty leva le nez sur le portail en fer forgé, subitement tout blanc, et Anémone gratta un peu de peinture écaillée du bout de l'ongle. « Ils ne refont pas la peinture tous les jours ici… » « C'est à l'abandon... » « Ah ! Ceci explique cela ! C'est futé ! » Jude leva les yeux au ciel et poussa le portail grinçant. Des années auparavant, alors qu'il courrait pour échapper à ceux qui se révéleraient plus tard ses bourreaux, il avait croisé une fille, qui courrait elle-même dans son jardin au milieu des bois. Elle s'était cachée dans un buisson et il était venu simplement à sa rencontre, de l'autre côté des barreaux. « Joe habitait ici avant. » « Joe ? Comme dans la chanson ? Mais si, tu sais… Joe le taxis, c'est sa vie… ~ » Anémone s'éloigna en chantonnant de sa voix de princesse, suivie de Scotty.
Le manoir était vraiment désert, avec cette ambiance froide et particulière qu'ont les maisons à l'abandon. Jude passa sous les scotchs jaunes de la police et entra, angoissé à l'extrême. Du jardin, il ne connaissait que ce qu'il pouvait voir depuis les barreaux de la grille qui entourait la propriété. Il en avait bien fait le tour une fois, juste pour voir, juste dans l'espoir d'apercevoir Joe, mais c'était sur monsieur G. qu'il était tombé au détour d'un arbre. La peur l'avait pris et il n'avait jamais recommencé, se contentant du Point de Rendez-vous (avec les majuscules). « Joe ? Joe, tu es là ? » Il recommençait encore, comme un idiot… Mais sa seule amie ne pouvait pas s'être envolée, si ? Pas sans le prévenir…  La seule belle présence, enfermée dans les grilles, s'était échappée sans lui ? Sauf si ce que disait la police était vraie. Sauf si monsieur G. avait tué femme et fille avant de se pendre. Il visita la maison en silence, observant les pièces, la belle chambre blanche, la cuisine. Dans le salon, il tomba sur l'épaisse corde au nœud coulant. Le corps n'était plus là mais la pièce révélait les traces de l'enquête, les croix de scotch par terre, une trace de poudre ici, un ruban jaune là. Et puis le trophée, l'instrument de mort de monsieur G. Le garçon effleura la corde du bout des doigts et la regarda se balancer légèrement, traçant des ombres effrayantes au sol… Il l'arrêta soudain en frissonnant. « Partons. Allons-nous en. » « Oh tu as bien raison, J. ! C'est super glauque ici ! Une vraie maison fantôme. » C'était ça, une maison pleine de fantômes. Tu as peur de l'ombre, Judie ? Tu as peur des fantômes ?


⸸ ⸸ ⸸ ⸸ ⸸


C'était ça, la Colonie. Un vieux champs avec des fraises, des bungalows low cost, un hippy à moitié stupide en directeur et des guignols en t-shirt orange dégueulasse. Planté derrière Scotty et Anémone, Jude regardait le bout de ses chaussures, refusant de regarder Chiron l'homme-poney dans les yeux. Celui-ci le dévisageait comme s'il se trouvait devant un spécifique étrange de rainette tout en se grattant la barbe du bout des doigts. « Eh bien sois le bienvenu à la Colonie des Sang-mêlés, Judicaël Ha... » « Jude. » « Jude Halstead. » « Juste Jude. » Halstead, c'était avant, c'était le passé. Ici ça ne lui plaisait pas mais c'était toujours mieux que là-bas. « D'accord Jude. Je vais te donner un t-shirt de la Colonie puis quelqu'un te montrera le bungalow des Hermès. Ils accueillent les nouveaux tant qu'on ne sait pas qui est leur parent divin. Ça te va ? Tiens, Sebastian, viens par là. » Un type aux cheveux noirs s'approcha, un vague sourire aux lèvres. « Tu lui montres… tout ? » Le dénommé Sebastian opina du chef.
« Laisse tomber, jamais je mets ça. » Sebastian afficha une mine déconfite un bref instant puis se ressaisit. « Non tu as raison, il est immonde ce t-shirt. Perso, je mets juste un pins de la Colonie sur les miens, ça suffit bien. Je mets ce vieux truc orange juste pour donner mes cours. Par obligation. Tu as une arme ? » À la tête de Jude, il opina à nouveau du chef. « Non bien sûr. Bon on verra ça ce soir pour la partie de capture-l'étendard. Je vais te montrer le bungalow des Hermès. » Ou le plus low cost des bungalows low cost.

Complètement essoufflé, Jude s'arrêta, les mains sur les genoux. Après des mois dans sa chambre, courir cent mètres était devenu un exploit digne des Jeux Olympiques. « Mais qu'est-ce que tu fous mec, bouge-toi on va perdre là ! » « Ouais ben ça va... » Il se sentait même au bord de la crise d'asthme. Enfin il supposait seulement vu qu'il n'était pas asthmatique… jusqu'à aujourd'hui. « Je... » « Merveilleux, on a une mauviette dans l'équipe. Aller le nouveau, fais pas ta meuf, bouge ton cul. » Le gars lui fila une bourrade sur l'épaule, Jude répliqua par un coup de point d'une violence qui le surprit lui-même. L'autre tomba à la renverse et fixa le jeune Halstead, le nez en sang. « Putain mais t'es dingue ou quoi ? » Jude allait continuer avec un coup de pied mais quelqu'un l'attrapa au dernier moment. « Eh oh ça va là, ressaisis-toi mec ! » Celui qui l'avait attrapé le poussa plus loin sans aucune aménité. « C'est bon là, c'est quoi ton problème ? On frappe par ses partenaires. Ça va pas la tête ou quoi ! »

Plouf. Le caillou ne ricocha pas mais décocha une gerbe d'eau sur le lac de la Colonie. Anémone qui jouait au ballon au bord de l'eau avec Scotty poussa un cri scandalisé quand les gouttes d'eau froide la mouillèrent. « Judie ! Elle est bien trop froide pour que je me mouille ! » « Toujours fâché, Judie ? » Une jeune fille en robe noire se tenait assise à côté de lui, sur la berge, une sucette à la framboise à la bouche. « Kathy. » « Oh je t'en prie. Hécate c'est bien aussi. Ou maman. Ou mère tiens, ça fait très sérieux, mère. Je t'ai reconnu hier soir quand même. » Ouais, et rien n'avait changé. Hécate était sa mère mais il n'avait toujours pas de chez lui, toujours pas de maison, toujours pas de famille. Il restait dans un coin du bungalow des Hermès avec un vieux sac de couchage orange au logo de la Colonie et deux t-shirts de rechange. Il n'avait pas de lit, pas de vie. « Tu sais que Ella a été arrêtée ? » « Oh non trop triste ! Je m'en fous. » « Bouh le mensonge c'est mal Judie, on ne te l'a jamais dit ? Enfin bref. J'imagine que tu sais ce qui se passe en ce moment ? Cronos, tout ça ? » « Mmh. » « Sache choisir ton camp, Judie. » « Mmh. » « Prends le mien. N'ai-je pas toujours été à tes côtés ? Je suis en conflit avec les dieux Judie. Je suis méprisée, haïe parfois juste pour ce que je suis et ce que je représente. Les gens ne m'aiment naturellement pas beaucoup. » « Toujours à mes côtés, hein ? » « D'après toi, qui t'a trouvé une famille quand cette idiote d'Ella s'est débarrassée de toi ? Qui t'a évité de tuer ce garçon ? Qui t'a envoyé Anémone ? Moi, juste moi. Normal, t'es mon garçon. Nous sommes une famille, mais nous sommes aussi à part. Dans l'adversité, autant de réunir, n'est-ce pas ? Est-ce que tu as trouvé un chez toi ici, Judie ? Une maison ? Des amis ? » Les mots d'Hécate faisaient trop écho à ses propres pensées. Jude lança un nouveau caillou dans l'eau et Anémone aperçut enfin Hécate, à qui elle adressa de grands signes de bras. « Kaaaaaaaathy ! Coucouuuuuuu ! » Scotty lui lança le ballon, la touchant en pleine tête. La lampade tomba à la renverse dans l'eau et Jude ne put s'empêcher de sourire devant la scène. « Anémone sera dans mon camp, Jude. Et Scotty ira avec Anémone. Toi tu te complais bêtement dans la colère ici. Tu les hais tous, tu hais les fraises et le beau temps. Et tu leur fais peur. » Là tout de suite, il se sentait davantage triste que plein de rage mais Kathy avait raison. Il n'était pas chez lui ici. Si Anémone partait, il serait vraiment seul.

« Hécate, hein ! » Le garçon donna une bourrade à Jude et l'invita à se joindre à lui au feu de camp. « Jude, je te présente Beth, ma petite amie. C'est l'une de tes sœurs ! » « Salut J. » Beth était une fille sympa, tout comme Loukas. La soirée fut agréable, la première à pouvoir prendre cet adjectif depuis son arrivée à la Colonie. Un autre garçon se joignit à eux un peu plus tard, un certain Boyd. « Chamallows, J. ? » demanda-t-il en lui tendant un pic à brochette plein de petits cubes blancs fondus. « Bienvenue dans la team, Ju'. » Jude prit le pic à brochettes avec un sourire reconnaissant.
« Et ça ne t'embête pas qu'on n'ait pas de chez-nous ? » Beth haussa les épaules sans toutefois le regarder. Elle paraissait gênée, à tripoter le bas de sa veste d'un geste machinal. « C'est une déesse mineure, J. Les dieux mineurs sont peu représentés à la Colonie. Du coup on reste chez les Hermès. » « Comme des intrus. » « Oui, j'imagine que c'est un peu ça l'idée... »

« J-je prête serment. » Cronos dans le corps de Luke était une vision effrayante, qui avait de quoi mettre mal à l'aise. Jude resta à genoux devant le titan réincarné, vaguement rassuré par la sucette à la framboise qu'Hécate lui avait donné quelques heures plus tôt et qu'il sentait au fond de sa poche. Sa mère, en rejoignant Cronos, soutenait une juste cause. Elle combattait pour l'égalité, pour la révolution, pour montrer au Olympiens qu'ils n'étaient ni uniques ni meilleurs, et encore moins plus grands. Ils étaient chanceux, voilà tout. Chanceux par leur naissance et par le rang qu'ils avaient naturellement. Ils étaient là, à siéger en haut de l'Olympe, à se faire appeler dieux olympiens et tout le toutim, et ils choisissaient de s'opposer au joyeusement aux autres. Des autres qu'ils aimaient nommer dieux mineurs. Mineurs de quoi ? Mystère, personne ne pouvait répondre à cette question mais tout le monde usait et abusait du terme avec de grands sourires. En attendant, ces dieux mineurs étaient mis au placard, oubliés, et leurs enfants en faisaient eux aussi les frais. Et vas-y Jude, pars en quête pour Apollon, mets en jeu ta peau… Mais continue de dormir dans un vieux sac de couchage au fin-fond du bungalow surexploité des Hermès. Vas-y Jude, bats-toi, sois un guerrier, cours plus vite, tire mieux tes flèches, lance mieux tes poignards… Mais au fond, tu es faible, gosse de déesse mineure va. Ces simples souvenirs réveillèrent sa colère et il serra les poings sur le sol, aux pieds de Cronos. « ]Tu seras un espion. Tu seras parmi mes yeux et mes oreilles à la Colonie. Tu seras un instrument de sa destruction. Est-ce que ce rôle te convient, Judicaël Halstead, fils d'Hécate ? » Ce n'était pas vraiment une question mais Jude approuva, de tout cœur avec la cause. Il n'avait jamais voulu d'une mère comme Hécate mais à défaut, c'était la meilleure des trois. Et c'était aussi celle qu'il voulait servir.

Le chien lécha le visage de Jude à grands coups de langue. « Je donne peu et je me manifeste peu, mais je sais reconnaître la loyauté quand je la vois. » Hécate, qui restait Kathy pour Jude, lut pour la toute première fois une lueur d'intérêt dans les yeux du garçon. Même s'il avait rejoint les rangs de Cronos, même si chaque semaine, il venait faire son compte-rendu dans les bois à un agent du titan, même s'il mettait sa place à la Colonie en jeu à tout instant, Kathy n'avait jamais trop su pour qui son cœur penchait. Jude était un sang-mêlé qui la laissait plutôt perplexe, capable d'une grande loyauté comme d'un je-m'en-foutisme remarquable. Il pouvait vous sauver un jour et vous regarder mourir le lendemain. « Ce chien te servira pour les missives, comme ça ça t'évite de mettre ta couverture en danger en quittant trop souvent la Colonie. Personne ne fera attention si tu dis que ton chien est parti se balader. Toi en revanche, c'est plus suspect. » Jude opina du chef sagement, sans cesser de caresser l'animal au poil noir de jais. « Il saura où se rendre. » « D'accord. »

« Tu en es sûr ? » Jude inspira profondément, les doigts entremêlés dans le pelage de son chien. Malgré les mois qui s'écoulaient, il se sentait toujours pétrifié devant Cronos, toujours faible. Il était faible devant celui qu'il s'était choisi comme seigneur mais ça ne l'ennuyait pas. « Oui, sûr. » Il mit du sien pour ne pas tressaillir en entendant les pas de Luke-devenu-Cronos juste à côté de lui. « Debout. » Il obtempéra en fixant le plancher du bateau. « Tu sais que ta loyauté sera récompensée, n'est-ce pas ? » Ne bouge pas devant son maître, Judie. Alors il ne bougea pas devant la légère caresse du titan sur sa joue, et alla jusqu'à acquiescer. Il ne faisait pas ça pour Cronos, seulement pour la cause, pour cette guerre importante qui se jouait, pour Hécate. Il faisait ça pour lui, pour Beth et pour tous ceux qui dormaient dans ce putain de bungalow d'Hermès. Il faisait ça contre tous les Olympiens, tous ces dieux qui se la jouaient et qui vous donnaient des leçons. « La prochaine fois, envois ton chien, je ne voudrais pas que l'une de mes meilleures taupes se fasse prendre. »

« Cours, vole. » Jude recula d'un pas en lâchant de collier de l'animal, pour le regarder s'effacer lentement dans l'ombre. Le chien d'Hécate utilisait le vol d'ombre pour se rendre jusqu'à Cronos, l'un des moyens les plus sûrs pour ne pas être pris. Le sang-mêlé se laissa tomber au bord de l'eau, en équilibre sur un rocher. Pas de lune cette nuit, la Colonie était plongée dans le noir et c'était Hécate qui régnait. Pas de reflets sur l'eau, rien… BAM. Le coup le prit par surprise et le fit dégringoler sur la berge en galet qui bordait de le lac de la Colonie. Il se protégea maladroitement des coups suivants en se roulant en boule, les bras en croix sur le visage. « Sale enculé de... merde de... » Beth. La tornade s'arrêta d'un seul coup et il émergea lentement, le corps endolori. Elle tenait le chien par son collier, les cheveux en pétard et… « C'est toi ! C'est toi qui... » « Beth écoute je... » Elle le gifla. « Ta gueule Jude ! » « Putain c'est pour toi ! Pour moi, pour ces putains de dieux mineurs ! C'est pour... » Elle le gifla encore, il l'attrapa par les poignets. « C'est pour nous, pour baiser les Olympiens et leurs putains de manières là, pour qu'on... » Beth lui cracha au visage. « T'es un traître, J. Tu t'en rends compte de ça ? On se bat, tous les jours, et toi tu nous vends comme... Chaque fois qu'on trouve un plan, qu'on renforce le camp, qu'on se bat pour... » « Nan nan moi j'suis loyal tu vois ? Je suis du côté d'Hécate. Toi t'es où, hein ? Du côté de Zeus ? Ouh là là bravo madame, du côté de Zeus, le grand Zeus, celui qui te fait dormir dans un putain de sac de couchage troué sur le sol ! Tous les soirs ! » Elle le gifla une fois de plus.

« C'est bon ? T'es calmé ? Je peux entrer ? » Darius entra lentement dans la pièce pour trouver son ami assis contre le mur, serrant ses genoux contre lui. « Dégage de là. » « Elle va bien, t'inquiète. Mais euh… Elle nous a tout dit. » Une lueur d'inquiétude passe dans le regard du fils d'Hécate qui haussa tout de même les épaules. « Et alors quoi, tu vas me lancer de belles tirades toi aussi ? » « Jude, tu... » « J'en ai rien à foutre qu'elle aille bien. » « Ok, si tu veux. Mais tu sais que… Enfin Jude, merde quoi. T'as pas compris que Cronos voulait tous nous buter, toi, moi, les dieux ? » Darius écarta les bras d'un geste excédé devant le signe grossier de son camarade. « Ils sont combien à écouter notre petite conversation dehors, Darius ? Fous-moi la paix avec tes leçons à deux balles, j'm'en branle. » « T'es un traître, J. Et t'as failli tuer Beth juste en t'énervant un peu. Ça va pas passer comme ça. Accessoirement - il baissa le ton - t'as cru que j'avais pas remarqué ta santé ? T'es malade, J. Tous les jours. »


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« Y a deux nouveaux à la Colonie. » « Ok, c'est cool. » « Jude, c'est quand qu'on va parler, toi et moi ? C'est quand que tu vas arrêter de rester enfermé dans cette pièce ou de partir en mission pendant des semaine ? Et bordel c'est quand que tu vas me regarder ? » Le garçon ne posa pas sa stupide manette de jeu vidéo comme elle l'avait espéré, tout comme il ne la regarda pas. Il mit simplement le jeu en pause, sans lâcher l'écran des yeux. « C'est bon J. on est tous passés à autre chose, Percy a réussi à nous faire gagner et on a tous compris que… Enfin j'ai compris tes motifs, d'accord ? Ainsi que ceux des autres. Moi aussi j'y ai pensé à l'époque, tu sais. J'ai juste… » « Eu trop peur ? » « Non ! Oh et puis merde, tu me saoules, reste là à chialer dans ton coin et fusiller des pixels tiens. » Beth claqua la porte et resta plantée derrière, aussi énervée que les autres jours. Parfois elle jouait à l'un de ses stupides jeux, juste pour essayer d'être avec lui un petit peu. Elle le sentait proche dans ces moments-là, il lui arrivait même de sourire ou d'être spontané. Le reste du temps, il faisait la gueule ou partait en mission avec son clébard. Le parfait cliché d'on ne savait quoi. « La nouvelle… Elle s'appelle Joe, et elle est rousse. Et y un beau mec avec elle. » Silence, puis la porte s'ouvrit et il la bouscula pour passer, le chien sur les talons. « Bah putain, dés qu'on parle de mec... »

« Tiens, voilà la remplaçante. L'autre paumée de la course tiens, la fine équipe non ? » Jude lui lança un regard noir inutile. « Et tu vas l'envoyer chier comme une merde, et ça fera une nouvelle personne qui te détestera, tafiole. » La fille débarqua et Jude s'appliqua à lui dégainer son plus beau sourire, juste pour contredire l'autre gars. « Rahne, je suis enchantée ! » « Jude, enchanté aussi. » Et puis… Pour la première fois de sa vie, il s'était retrouvé à dévisager une fille, à guetter ses sourires, à essayer de la faire rire. Il s'était senti mal à l'aise au début parce que ce n'était pas lui ça, à draguer une fille, à sourire parce qu'elle aimait ça, à se mettre à chaque fois en binôme avec elle juste pour se trouver des excuses pour passer du temps avec elle… Jude et Rahne, ça sonnait bien. L'idée lui était venue petit à petit, faisant son chemin sans qu'il s'en rende compte. Au début, c'était juste son amie, sa seule amie depuis qu'il avait soigneusement démoli sa relation avec la team. Il lui restait Darius, mais ils se voyaient plus pour des raisons médicales qu'autre chose aujourd'hui, parce que Darius était le seul à savoir. Ils étaient juste amis… Et puis un jour elle l'avait embrassé et ça l'avait laissé con. Surpris. Parce qu'il avait aimé et qu'il voulait recommencer… juste avec elle, juste avec Rahne. La guerre contre Gaïa avait débuté mais cette fois, il avait su trouver son camp, pour Rahne… et puis pour Evan aussi.


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Le hurlement d'un gamin le tira de son sommeil en même temps que quelqu'un tambourinait contre sa porte. « Jude ! Jude, debout ! » La voix de Beth, complètement paniquée derrière la porte de sa chambre. Il se leva en tombant à moitié de son lit et sauta dans un t-shirt trop grand et un survet' qui traînait. Il entendait les cris dehors, les enfants qui pleuraient, les plus grands qui donnaient des ordres ou hurlaient d'effroi. Deux minutes après, il était dehors, une épée inutile à la main. On lui tomba dessus mais le chien jaillit de l'ombre et couina. « Non ! »
Des corps, partout. Du sang sur l'herbe, des enfants allongés, désarticulés, assassinés. Des… « Beth… ? » Elle pleurait, à genou sur le sol mouillé. « Oh Jude non, ne... » Loukas. Mort. Fusillé. Méconnaissable avec son visage à moitié emporté par les balles. Et Ama, l'une des plus jeunes du bungalows d'Hécate. Comme son chien. Comme… Il fondit en larmes.

« Pourquoi tu m'as frappé, l'autre jour ? » « Parce que tu chialais comme une débile. » Lucky considéra la réponse quelques instants sans cesser de bouder. « Pourquoi t'es méchant ? » « Je suis pas méchant. » La gamine se hissa sur le lit à côté de son frère aîné et l'enlaça sans prévenir avant de commencer à renifler dangereusement. « Putain mais te mouche pas sur moi ! » « Moi je crois que tu as besoin de câlins, Jude. T'es jamais là, t'es toujours dehors en mission, et t'as pas l'air en forme. Même avec Rahne t'as pas l'air heureux. » « Fous-moi la paix, ok ? » « Tu n'aimes pas Rahne ? » « Si, bien sûr de si, casse-toi maintenant ! » Il aimait Rahne, du plus profond de son être. Il n'aurait pas cru en être capable mais il était tombé amoureux d'elle aussi lentement que sûrement, assez pour qu'il devienne complètement dépendant d'elle. Il était sorti avec Evan pendant un temps, alors même qu'il était déjà avec elle, mais ça n'avait rien brisé. Et puis elle le lui avait dit… pour son pouvoir. Il avait haussé les épaules comme si de rien n'était mais ça avait fait son chemin… « Lucky, comment tu sais si quelque chose est réel ? » « Quoi ? » « Là, autour de toi, comment tu sais si c'est vrai ? Comment tu sais si quelqu'un te ment ? » « Demande à Rahne, elle détecte les mensonges. T'es un peu bête Jude... » Évidemment. Mais la vérité…
Elle déformait la réalité. Elle le lui avait dit, comme ça, pour ne pas avoir de secrets entre eux. Personne ne savait ici mais elle lui avait confié son plus grand secret. Elle déformait la réalité… Jude ferma les yeux et inspira profondément en réfléchissant à tout ce qui avait été eux. Ils s'étaient rencontrés, elle s'était présentée et il s'était promis de faire un effort. Puis il en était tombé amoureux, lui, la tapette. Il l'avait aimé sans cesser de se questionner sur le pourquoi… Peut-être qu'elle lui avait offert la réponse sur un plateau d'argent ? Peut-être qu'elle avait tout calculé, qu'elle avait tout planifié ? Il rouvrit les yeux et regarda ses doigts d'un œil fatigué. Il n'avait aucune idée de ses limites et de ce qu'elle pouvait faire. Le manipuler était peut-être un jeu d'enfant pour elle, le faire tomber amoureux sans qu'il ait son mot à dire, sans qu'il… Jude allait devenir complètement dingue à remuer ces questions encore et encore mais c'était plus fort que lui, elles refuseraient de quitter sa tête tant qu'il n'aurait pas le fin mot de l'histoire. Il posa un baiser sur l'épaule de sa petite-amie mais ne s'endormit pas pour autant.


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Jude ferma la porte de sa chambre et ferma les yeux un instant dans l'espoir de se calmer. Il avait couru après Jonah sur ds kilomètres avec une seule idée en tête : le démolir. Tu serais vraiment prêt à faire ça, Jude ? Finalement il avait changé d'avis et au prix d'un gros effort, il avait tourné les talons pour rentrer chez lui. Il avait croisé sa mère dans l'escalier et elle l'avait questionné avec inquiétude, mais il l'avait ignoré. Et il sentait toujours la rage et la vengeance bourdonner en lui. Tu peux… le tuer virtuellement.
Jude enroula méthodiquement le lacet autour du cou de la poupée de tissus qu'il venait de fabriquer et la suspendit au petit bonzaï qu'il laissait à l'abandon dans un coin de sa chambre. La poupée se balança mollement, le nom de Jonah écrit sur son front au stylo rouge. Il lui avait dessiné un air effrayé et une bouche tordue par la terreur avant de l'égorger d'un coup de ciseaux. À la réflexion, il en avait peut-être rajouté quelques dizaines ensuite. C'était bien mieux en poupée qu'en vrai et il se sentit plus calme. Le garçon s'allongea sur son lit sans savoir qu'à des kilomètres de là, Ella assistait à la plus étrange scène de sa vie sous une pluie de sang.


Ils étaient là, mais ils n'avaient rien su.
Ils étaient là, mais ils n'avaient rien vu.
Il était là, mais à jamais il s'était tu.
©️ .ipar haizea
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Rahne A. Altman
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 17:31

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Depuis le temps que je t'attends toi. bril bril DANS MES BRAS LE PLUS BEAU DE TOUS LES GOSSES D'HÉCATE ! Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 2106270499 Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 3872310000 Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 2988485873 Bienvenue, bienvenue ! *lance des paillettes et des fleurs dans tous les sens* Marry me ! Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 2402653767 Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 1758784161 #entoutesimplicité
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 17:56

El famoso. Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 1296076648
Bienvenue (une nouvelle fois) parmi nous ! Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 1573464409 Hâte de découvrir ce nouveau personnage ! Tu connais la maison, mais si tu as des questions ou quoi que se soit, n'hésite pas ! Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 2597496252 Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 750964756
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 18:07

Depuis le temps qu'on avait des p'tits teasers de ce personnage... Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 1296076648
(re)Bienvenue avec ce charmant personnage ! Je suis fan du prénom et du parent divin ! Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 1646267454 Bon courage pour la fin de ta fichette !
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Cassandra Benson
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyDim 5 Nov - 19:12

Alors rebienvenue avec ce super personnage ! Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 2076421771

Ce qui est sûr, c’est que j’ai de la lecture pour ce soir ! xDf
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyLun 6 Nov - 12:30

ça pleut des frères par ici :mdl:

re-bienvenue bril
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) EmptyLun 6 Nov - 19:13

Bienvenu à toi et bon courage pour ta fiche !
Je vois que tu fais une heureuse ! Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) 1211080569 j’espère que tu la décevera pas What a Face
Qui suis-je pour te dire ça ? Personne, mais ça me faisait rire de le dire What a Face What a Face What a Face
Bref, un bienvenug quoi !
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MessageSujet: Re: Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.)   Dans mon ombre, les décombres des jours sombres, tu trouveras la lumière. (J.) Empty

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