LES POMMES DE LA DISCORDE

Ils n’étaient pas toujours d’accord, en fait ils n’étaient jamais d’accord sur rien, ils se bagarraient tout le temps et ils se testaient mutuellement mais en dépit de leurs différences ils avaient une chose très importante en commun ils étaient fous l’un de l’autre... - N'oublie jamais

Le paquet en main, il savait où une telle alternative allait le conduire, mais faute de mieux et puisqu'il ne voulait casser aucun membre, Haytham prit sur lui et avala plusieurs pistaches avant de tomber au sol, prit de quelques douleurs inhérentes à l'allergie. Il le savait, en procédant ainsi, on leur délivrerait sans mal le sacro-saint papier leur permettant de bénéficier de l'assurance de rapatriement. « aux grands maux, les grands remèdes » n'est-ce pas ? Cette fois, peut-être, était-il un peu loin dans sa démarche. Tellement loin, que lorsqu'il se mit à rougir et à sentir la chaleur urticante sur ses joues, ajoutée aux douleurs, il regretta sa petite intervention. Le point positif malgré tout, c'est qu'il avait attiré l'attention de la foule. Il remarqua en premier lieu Abby prête à lui sauter à la gorge. D'un signe de la tête, il parvint cependant à l'en dissuader et commença ainsi à jouer sa petite comédie, bien qu'en réalité, il prenait cher. « Peut-être l'avais-je cherché ? Genre une petite punition divine à la hauteur de la connerie »

« - Aie ! Pu...naise ! » laissait-il entendre en gémissant et en se tenant le ventre. La foule continuait à rappliquer autour du pauvre homme se demandant ce qui été arrivé au malheureux. Tamara elle-même avait semblerait-il mis un terme à sa recherche pour se ruer sur son ami. Sa voix tremblait, son cœur tambourinait contre sa poitrine et son souffle haletant trahissait une inquiétude qu'il s'en voulait dès lors de lui faire subir. La demoiselle qui le connaissait plus que bien, avait instantanément trouvé la solution au problème en découvrant les odieuses pistaches dispatchées au sol. Il la laissa s'approcher et attendit qu'elle soit suffisamment près de lui pour tenter de la rassurer. « - Je nous tire de ce merdier. » murmurait-il à son oreille en continuant à « légèrement » forcer le trait auprès de son public d'un jour « - Je gère… » achevait-il non sans difficulté alors que la tornade brune émigrait vers une autre destination « -Tam... » tenta-il en se tenant le ventre conscient que la douleur était quant à elle de moins en moins gérable. Quelques secondes à peine s'écoulèrent avant qu'on ne lui flanque un coup de ventoline dans le gosier. « - Putain... ca... va je te dis. Et c'est vrai, j'ai besoin d'un médecin merde » lança-t-il ensuite à son auditoire tandis que Tamara l'aidait à s'allonger. « - Ce n’est pas le nombre qui importe, c'est notre billet de sortie. Et excuse-moi, mais au moins il n'y aura pas de victimes collatérales » lui répondait-il également à voix basse tandis que l'on s'activait autour d'eux. « - Je ne suis pas taré, juste un peu plus extrême dans mon approche, mais dois-je te rappeler que tu étais prête à me laisser te casser la jambe. Ça, vois-tu, c'est une bonne alternative. »

De nouvelles personnes se présentèrent au futur couple. L'une était hôtesse et l'autre médecin, une chance. Ce dernier constata sans mal qu'il s'agissait bien d'une allergie. « - J'aime les sensations fortes » plaisantait Haytham alors que Tamara sur les nerfs amorçait une prémisse d'explication mettant en exergue la fatigue due au décalage horaire. « - Désolé toubib, ma femme s'inquiète beaucoup d'où l'agressivité. Mais je pense qu'elle a raison, faites-nous renter, je vous en prie. Il en va de ma santé non ? » ajoutait-il tout en faisant ses yeux de chien battu. Peut-être cela avait marché toujours, est-il que le médecin avait consenti à remplir le bon papier permettant ainsi à la folle équipée de bénéficier en urgence, d'un rapatriement vers la grosse pomme dans les plus brefs délais. Hay fut donc placé sous bonne garde avec ce qu'il faut pour ne pas trop souffrir de son geste inconsidéré. Les sièges semblaient confortables, malgré la baisse en gamme, mais pouvait-on s'en plaindre ? Le rapatriement d'urgence demandait quelques menus sacrifices, il est vrai. Et au vu de ce qu'Haytham venait de subir, il s'y employer sans la moindre hésitation. Tam prit place à ses côtés, toujours inquiète au vu de la petite veine apparente sur son front. Abby était à une rangée en face, suffisamment près pour pouvoir les observer à sa guise et elle souriait encore. Avait-elle compris au vu de l'attitude de Tamara, qu'il n'était plus question d'amitié, mais d'un lien bien plus intense ? Probablement, sinon quoi elle aurait cessé d'émettre ce sourire depuis belle lurette.

« - On est dans l'avion et il n'y a eu aucune victime ! Et excuse-moi, mais je préfère me faire du mal à moi-même plutôt que de t'en faire à toi. Et oui, c'est mon corps donc en théorie, j'en fais ce que je veux. Et en attendant, grâce à mon « idée de merde, on rentre. » La demoiselle soupira et du se rendre à l'évidence qu'elle lui devait beaucoup et pour elle devoir agir de la sorte demandait à mettre sa fierté de côté, Haytham le savait et n'en appréciait que plus encore le geste. « - Enfin un « merci » je me demandais si je l'entendrais un jour celui-là » tenta-t-il sur le ton de plaisanterie bien que de toute évidence, Tamara n'avait certainement pas envie de plaisanter. « - Je t'ai fait peur, c'est ça ? Tam, elle n'est pas mortelle cette allergie, tu le sais ! Hey » Il lui prit le menton pour l'obliger à le regarder, oubliant au passage leur étrange précédente proximité qui leur avait valu un troublant baiser. « - Je vais bien ok ? Tellement que tu pourras me botter le cul à l'atterrissage si l'envie t'en prend. » Elle pourrait toujours tenter pour la forme et si ça lui faisait plaisir. Abby esquissa un autre sourire qui obligea le demi-dieu à se reprendre. La suite du vol se passa sans accrocs. Chacun se laissa emporté par Morphée pour le coup ce qui rendit l'attente plus soutenable. Hay fut évidemment le premier à s'endormir surveiller de près par Miss Lond toujours au comble de l'inquiétude. Ils étaient mignons sans même s'en rendre compte. Et lorsqu'enfin, ils arrivèrent, Hay se sentit comme délesté d'un poids. Ils y étaient arrivés, ils l'avaient fait et sans se faire tuer. N'était-ce pas un miracle ?

L'arrivée à l'aéroport fut une délivrance sans qu'aucun ne laisse néanmoins entrevoir une grande exaltation. Haytham était sur pied, près à vaquer à de nouvelles aventures. Bien sûr, l'espace d'un furtif instant, il s'était laissé convaincre par l'idée d'accompagner Tamara jusqu'à l'hôpital où se trouvait sa mère pour assister au réveil de cette dernière. Mais cela, après réflexion, ne le regardait pas. Il avait abandonné, alors de quel droit se pointerait-il la bouche en cœur à l'hôpital ? Tam devait être seule, c'était son devoir, sa mission. «  - Bon bah, on dirait que c'est là que nos chemins se séparent ! »  Chacun se faisait face, comme s'il eut s'agit de vagues connaissances se saluant brièvement. «  - Tout le monde respire, c'est l'essentiel ! Quant aux pommes, si elles peuvent servir ça me va, je n'aurais pas l'impression d'avoir accompli tout ça pour rien. Quant au reste, on se tient au courant. » Il aurait voulu la prendre dans ses bras et profiter de cette douce accalmie, mais déjà la tornade brune s'éloignait vers une nouvelle aventure, laissant les deux demi-dieux dans son sillage.

« Tu voulais la prendre dans tes bras n'est-ce pas ? »

«  - On s'est salué, c'est déjà bien et puis Tamara n'est pas du genre... démonstrative »

« Wow donc le baiser, c'était le summum du miracle ? »

« - Tu as les pommes, retournes au camp et donne-les aux bonnes personnes. Ainsi, tout le monde sera quitte. »

« Dis-le juste une fois Haytham ! Il est clair que les sentiments que tu éprouves pour cette « gentille et douce humaine » sont très forts tout comme votre lien. Mes pouvoirs se trompent rarement, voir jamais, surtout quand il est question d'autrui. »

« - Ok, tu veux l'entendre ? D'accord ! Oui cette femme est certainement l'être qui compte le plus à mes yeux. Oui, je donnerais jusqu'à ma vie pour elle et c'est ce que j'ai failli faire sur cette foutue île. Mais j'ai merdé, je l'ai abandonné à son sort, il y a des années. Je lui ai menti sur ma vraie nature et à cause de moi, elle a rejoint ce qui semble être le camp adversaire. »

« Tu parles trop fils de Mars, vas donc à l'essentiel ! »

« - Ce que je ressens pour elle est indescriptible. Je.... »

« Tu ? »

« - Je crois que j'éprouve quelque chose pour elle, mais à quoi bon en parler ? »

« C'est important, au contraire puisque c'est réciproque. Je le vois dans votre lien, je vois aussi que vous êtes tous les deux trop têtus pour l'accepter. Je pense, que tu devras, faire le premier pas. Et par pitié, n'attends pas qu'il soit trop tard Haytham. »

« - Je verrais. » Et c'est sur ces mots, que nos deux comparses se quittèrent. Abby avec les légendaires fruits en sa possession et Haytham vers un avenir incertain, mais allégé d'un poids considérable. Il priait maintenant pour que Tamara parvienne à sauver sa mère, si tel était le cas, peut-être tenterait-il une première approche. Mais pour l'heure, il n'était plus sûr de rien, hormis d'une chose, l'amour qu'il éprouvait pour cette femme aussi insaisissable qu'extraordinaire. Il le savait, c'était elle et personne d'autre, encore fallait-il le lui faire savoir et prier pour ne se prendre aucun poing dans la tronche.