J'avais vaguement écouté tout c'qu'ils avaient pût dire sur l'monstre. C'était pas lui l'accusé mais une force plus forte. Plus puissante. Largement plus puissante. La présentation ? À peine attardé, j'étais bien trop occupé à inspecter les lieux. Je pouvais être sérieux quand on était en danger. Bon bien sûr pas tout le temps. Un camion de nettoyage ? Bien sûr... C'était trop calme. Devant l'ascenseur ? Ils nous prennent pour des cons ? Pfff. T'sais même si j'te laisse paraître que J'suis con je le suis pas tant que ça, même si j'me suis légèrement fait berné...

« Ça sent mauvais... Faudrait se tirer... » finis-je par dire, juste avant que ces fameuses caisses métalliques ne lancent une épaisse fumée blanche... Je commençais à tousser, on voyait de moins en moins, c'était horrible. Sans réfléchir, j'appuyais sur ma montre : un bouclier se forma. C'était un fils d'Hephaistos qui me l'avait donné il y a quelques années. Puis ma précieuse gourmette fut transformée en glaive : cette fois c'était tout droit venu du ciel, par mon cher paternel. Un matériel habituel, et bien sûr indispensable en mission. J'avançais prudemment vers l'endroit de la porte, toussant à cause de la fumée. Mais ce mot prudemment fut vite transformé en rapidement : d'autres gens du coté du camion se mettaient à tirer. J'en ai évité un maximum, concentré sur le trajet. Merci le don. Mais la seule chose que j'ai ressenti avant d'arriver au corps inerte de Kazran fut la douleur. Pas assez rapide, une balle m'arriva tout droit sur ma cuisse droite. Je grimaçai. On m'avait donné de la force surnaturelle, mais la résistance surnaturelle non... J'arrivais trop tard : le blond était à moitié mort par les balles. Je me baissais contre la porte. Bon, y'a des gens derrière. Humains ? J'en sais rien, espérons. J'essaie d'expirer l'air étouffant, mais le cri de Day me fit me retourner : les mecs en combinaison noires l'encerclaient... Ça va pas se passer comme ça, bande d'incapables... Je prévoyais d'autres arrivées de balles, que j'essayais d'éviter malgré la douleur de ma cuisse. Et malheureusement, une deuxième balle m'arriva au même endroit: y en a partout... “Télis, concentre toi, prévois d'où ça vient pauvre idiot. Tu crois que t'as survécu en Grèce pour quelle raison ? T'es plus fort que les combinaisons noires, tu le sais. Tu le sais... ” Merci la voix dans ma tête, j'ai l'impression que tout est devenu rouge... Que je vis au ralenti...Je m'élance, derrière les mecs, renversant les trois prêts à tirer. J'essayais d'égorger les deux autres, sans succès. Puis heureusement que le bouclier me protégeait à peu près... Je me positionnai entre les gardes et Day, pour la mettre sur mon dos. Ma jambe me faisait atrocement mal... Nouvelle quinte de toux pour moi, je mettais le bouclier sur le dos de Day et m'élançais vers la cage d'escaliers en faisant des sauts plus ou moins étranges. Puis, rangeant mon épée pour le peu de mobilité que j'avais, je remettais mon bouclier devant pour défoncer la porte : efficace, et un soldat tomba à terre, tandis que je me baissais pour éviter avec mon nouveau colis une lignée de balles. Je récupérai l'arme du mec à terre pour tirer sur les autres : ça marchait pas... Bordel de merde ! Du bronze céleste... Bon, par contre l'armature ne l'était pas, en bronze. Je la lançai sur un des soldats : et ouais, écroule toi pauvre idiot, ça marche ça ! Cinq balles qui nous visaient la tête : je me jetais au sol ... La balle effleurera de justesse ma compatriote de bonbons. Je ne pensais plus à rien : juste au combat, pour les faire payer à tous... Bouclier devant, j'en prenais un par le cou pour l'étrangler. Bien fort. Pas besoin de pitié pour ces monstres.

« Si tu dis pas à tes copains de lâcher ton arme tu crèves ! » criai-je en grec ancien avant de l'achever, tout en parant les balles des quatre autres. Ici, la fumée n'avait pas tout envahi et on pouvait mieux respirer. Mon muscle de la hanche était endormi, je n'arrivai pas trop à la bouger, tant la douleur se faisait ressentir. Bon, tant pis pour le reste : fallait qu'on se mette en sécurité. Ce fut un nouveau cri pour moi : « Les gens, y'en a plus que quatre du coté des escaliers ! Grouillez vous ! » Je fonçais sur les quatre derniers avant de m'élançais dans les escaliers en sautant des marches, oubliant la douleur constante tout en mettant le bouclier derrière Day pour nous protéger. Je me suis arrêté tout au bout des escaliers, là ou un petit couloir et une porte attendaient... On ira pas de l'autre côté, non. Pas tout de suite. Je reprenais mon souffle pendant que je posais délicatement Day assise dos contre le mur.

« Meurs pas Day, on est saints et saufs pour l'instant... Les autres ils vont arriver, J'suis sûr... » Je déchirais un pan de mon t shirt, en dessous de ma veste de survet et de ma veste en cuir, pour arrêter la circulation du sang de son bras. Puis je me mettais près d'elle en grimaçant. Ces balles faisaient mal, ma cuisse a fait plus que nécessaire... Je déchirais un autre pan de mon t shirt, reprenant peu à peu mes esprits sur ce qui s'était passé. Des humains. Un Minotaure. Des balles en bronze céleste. C'est quoi cette embrouille ...? On est tombé dans quelle sorte de combine louche ? Puis ma jambe me faisait horriblement mal... D'ailleurs je fis comme pour Day avec mon t shirt, pour éviter que le sang ne coule trop. Pour nous changer les idées, je chantai la chanson des poupées comme à Disney Land. Doucement, pour pas trop qu'on nous entendent. Des pas dans les escaliers : nos alliés ...? Je préparais le bouclier que je mettais devant moi et Day, devenant soudain très silencieux. J'veux pas mourir ici.

Télis arrive. Je m'attends à ce que tout explose, mais non. Les autres, les mortels, m'encerclent. Ils vont tirer. Je le sais. Je le sens. Mon instinct de survie m'abandonne. Mourir en créant une diversion pour sauver ses amis, c'est cool, non ? Autant, j'irais aux Champs Elysées. Autant. Et là, Télis me prend sur son dos. Mon cher TDAH reprend le dessus. En ce qui me semble une fraction de secondes, je me retrouve dans une cage d'escalier. Télis panse ma blessure avec un bout de son T-shirt. Il me dit quelque chose et mon esprit met un peu de temps à décoder, comme si c'était de l'Irlandais. Ca fait tellement longtemps que je n'ai plus entendu ma langue natale que je ne suis pas sûre de la comprendre encore.
« Meurs pas Day, on est saints et saufs pour l'instant... Les autres ils vont arriver, J'suis sûr... »
Et il chantonne. Je reconnaîtrais cette chanson entre mille. C'est celle que je suis sûre qu'elle fait partie d'une affreuse combine pour nous laver le cerveau. Oui oui, celle de la Maison des Poupées. J'suis aussi sûre que toutes ces poupées sont en réalité démoniaques. Ouais, ça peut être que ça. J'esquisse un sourire. Et je repense à ses paroles. Ne pas mourir. Bon, au cas où ça se passerait quand même, je veux faire un truc totalement stupide de mon plein gré. Et puis ça fait partie de la liste des choses que je voulais faire avant de mourir. Je roule une pelle à Télis. Je ne prends pas tellement garde au goût de ses lèvres, où à l'odeur que dégage sa peau. Ce n'est pas mon petit-ami,c'est juste mon copain de déconne. Il m'a vu dans un état pire que ça. J plaque un index sur mes lèvres :
"-Dis rien à qui-tu-sais. Je voulais faire un truc con et très moi-même avant de mourir."
Je souris. Voilà, c'est fait, à rayer de la liste. Je parlais de mon humain de "meilleur ami". Puis Rowena arrive. Et ça me rappelle qu'il y a toujours du monde en bas. Je la reconnais car la fumée est moins dense. Elle porte le pauvre Kazran. Sans être une fille de Pluton, je peux vous dire qu'il est aux portes de la mort. Ses lèvres ont une vilaine couleur pâle, et sa peau a pris une teinte presque verdâtre. Elle pose mon petit romain par terre. Elle s'essuie les yeux. Attendez. Rowena-la-rabat-joie a pleuré ? Ca veut dire qu'elle est capable de sentiments ? J'AI UN SCOOP LES GENS ! A moins que... Javais oublié à quel point la fumée piquait les yeux tout à l'heure. Bon, je peux me calmer, c'est bon, fausse alerte.

Elle pose son carquois et son arc par terre et retire la main de Télis de mon épaule. Elle lui demande d'attendre, soi-disant qu'elle va s'en occuper elle-même. Elle pose sa main sur mon épaule. Je devine ce qu'elle tente de faire et c'est pour ça que je ne me dégage pas. Sinon, jamais je ne l'aurais laissé poser ses pattes sur moi.  Ma blessure se referme. Elle s'occupe de Télis pendant que je ramasse mes armes et m'assieds plus loin. Il manque Tristan-Glace-à-la-fraise et la Brune. Je joue avec Ira. Je ne me suis jamais coupée en faisant ça. Des moulinets avec les poignets. Et ça tient les gens à distance. C'est classe. J'entends un cri plus loin. J'entends un prénom. Iléonore. Mouais. Sait-on jamais sur quoi on peut tomber. Je sais que mes cousins cyclopes imitent très bien les voix. Tristan vient d'arriver. Je ne l'avais pas entendu.
« On a du oublier quelqu'un... »
Il rit. J'esquisse un simple sourire. Et là un type -un géant pour moi et ma petite taille- s'approche. Il porte une jeune fille qu'il est en train de déposer doucement au sol. Je fixe son visage et ma vue se trouble. J'ai compris, encore un effet de la Brume. Alors je mobilise tout ce qu'il me reste de concentration. Et je vois un oeil unique. Il a des dreadlocks attachées en arrière. Il dit qu'il est un allié. Mouais. Je resserre ma prise sur mes katanas. On ne pend jamais trop de précautions.
« Je vais faire simple car on a pas le temps. On est là pour vous donner un coup de main. Moi et les gars on a fait entrer un taureau d'airain pour les occuper, le temps que vous puissiez fuir, ce qui ne va pas être simple vu vos blessures. Vous allez pas passer par ce couloir, trop risqué le temps que vous atteigniez les niveaux du dessus, ni par le centre commercial pour vous perdre dans la foule, trop évident. Le premier niveau du parking, voilà votre sortie, je vais vous escorter jusque là, il ne faudra pas vous arrêtez. Et ne vous en faites pas pour vos potes, d'autres se chargent d'eux. »
J'hoche la tête. Le peu qui restait de mon dernier sourire s'est complètement estompé pour laisser place à l'air grave que j'arborais toujours, avant, quand j'étais placée devant mes responsabilités de centurion. Je suis née pour commander et ça peut beaucoup surprendre, surtout ceux qui ont l'habitude de me voir rigoler, rajouter du sucre de partout. Je suis le cyclope sans rien dire. Lui aussi est un chef. Et comme il est plus grand que moi, bah je me plie à ses ordres (c'est tellement rare, prenez une photo).
Nous débarquons dans un parking. Et je les vois, les autres humains, armés. Et sans fumée c'est autant plus dangereux. C'est tout de même un avantage. Je me jette à couvert sous une voiture et me fait la plus silencieuse possible. Et dès qu'un humain s'approche, je le transperce.