Il fait noir. Aucune lumière ne filtre.
Par terre, le sol est recouvert d'une substance visqueuse absolument immonde. Deux personnes sont savamment attachées sur une chaise, à deux mètres l'une de l'autre. Peut-être bien qu'elles se connaissent mais pour l'instant, elles n'ont aucun moyen de la savoir. Il fait tellement sombre… et puis il n'y a pas de bruit non plus. Tout juste celui de leurs respirations agitées et d'un goutte-à-goutte régulier, quelque part dans un coin. Ils se sont réveillés là, ligotés, sans savoir pourquoi. Mais comment sauraient-ils qu'un dieu haineux, haïssant les sangs-mêlés, a jeté son dévolu sur eux ? Impossible de penser à une telle chose. Alors ils sont là et ils attendent depuis près de quatre heures, les poignets endoloris et la nuque douloureuse. Attendre, attendre…
La lumière s'allume brusquement, crue et violente, effrayante. Face aux deux sangs-mêlés se dresse un gars… Haytham. Mais non, ce n'est pas vraiment lui. Il lui est semblable en tout point mais il y a quelque chose, juste là, juste dans son regard, qui le prouve. Haytham n'aurait pas cette étincelle totalement malsaine, obscène même. Un premier objet vole à travers la pièce, heurte la tempe de la fille. Elle semble fragile là comme ça, attachée comme un animal. D'autres objets entrent bientôt dans la danse, effleurant les deux sangs-mêlés, les cognant parfois avec violence. Le Haytham qui se tient nonchalamment appuyé contre un mur regarde l'ensemble sans rien dire.

• Abigail et Haytham sont donc ligotés chacun à une chaise. Quand le dieu mineur qui a pris l'apparence d'Haytham allume la lumière, cela fait plusieurs heures qu'ils sont ainsi ligotés dans la même position, dans le noir le plus total. La veille, ils étaient partis se coucher comme chaque soir.

• Vous êtes donc face à un double maléfique d'Haytham, visiblement paré pour de longues heures de torture. Clairement, il va falloir trouver un moyen de sortir de là. Sachez-le, les objets qui volent pourraient peut-être vous y aider.

• La pièce se trouve dans des sous-sols, perdue au milieu d'un vaste complexe sous-terrain. Sortir de là sans se perdre ne va pas être aisé… et qui sait quelques autres horreurs peuvent se cacher par ici.

" Quand j'étais petit, comme la plupart des autres enfants, j'avais peur du noir. Une peur encore plus vivace après un vilain cauchemar. Quelque soit l'heure de la nuit, ma mère quittait sa chambre et venait, à pas de loup, dans la mienne pour me rassurer. Elle s'allongeait près de moi, pressait la poire de ma petite veilleuse en forme de ballon, puis commençait à chantonner quelques comptines en gaélique. Je me souviens de l'écho de sa voix, de ces quelques variations, des sourires de ma mère... De ses chansons, je n'ai désormais plus le moindre souvenir, ne parlant pas le gaélique avec assiduité, toutefois je parviens à me souvenir de la douceur de la voix de mère qui chassait en un rien de temps, les ténèbres de ma nuit. On perd cette peur quand on grandit, on la rend presque chimérique, voir symbolique, mais si c'était réel !  Après tout on ne sait pas ce qui se cache dans le noir et de ce fait, on ne peut combattre un adversaire que l'on ne voit pas... Alors, ai-je le droit de le dire à nouveau ? J'ai peur du noir..."

Il y a des soirs comme ça où vous ne trouvez rien d'autre à faire que de sortir pour vous bourrez la gueule. Votre solitude accroît davantage cette envie devenue un besoin par la force des choses.  Vous plongez encore et encore jusqu'à vous perdre dans les méandres de la tristesse, de la colère et de la dépression. Vous ne pouvez rien faire, ça vous envahit un peu comme l'eau qui remplit progressivement la baignoire. Une baignoire dans laquelle vous vous noyer tout aussi progressivement.  Puis voilà qu'une autre sensation tout aussi désagréable vous accapare. L'estomac se noue quant au cœur, organe a priori vital, il est aussi lourd qu'un boulet que vous vous sentez obliger de traîner. Si je le pouvais, je plongerais ma main jusqu'au tréfonds de ma poitrine pour m'arracher sans une once d'hésitation, ce cœur que je m'empresserais de réduire en poussière pour ne plus jamais connaître cette sensation que je ressens presque quotidiennement (malheureusement) Mais comme je ne peux m'extraire le cœur, je dois trouver une autre alternative pour amoindrir ce mal-être et chasser de ma tête tous les morts qui se sont passés le mot pour me hanter.   Les humains sont faibles sommes-nous tentés de dire, puisque nous pouvons nous exempter de ce statut. Les demi-dieux le sont aussi rassurez-vous, ils le sont même doublement. Ma faiblesse en ce moment, c'est la culpabilité et le moins que l'on puisse dire c'est que j'en ai à revendre.  Des morts, Az, le petit demi-dieu et bien d'autres encore, Marvin, Tamara, Joshua, Madame Lond, ma mère… Je suis sûr qu'en creusant la liste peut s'allonger. Peut-être devrais-je me la répéter sans cesse ou alors peut-être devrais-je chercher un moyen de gommer ces noms un à un pour que cette putain de culpabilité ne soit plus. La seconde alternative est beaucoup plus attrayante et pour se faire, je ne connais qu'une solution...

Haytham avait essayé de lutter la journée passée, mais rien n'y faisait, en pleine « déchéance dépressionnaire », si l'on puis dire, le demi-dieu ne parvint à résister plus longtemps à l'appel du Whisky pur-malt. Le fils de Mars enfila sa paire de basket usée, son long manteau gris délavé et son écharpe noire qu'il noua malhabilement autour de son cou avant d'enfin quitter son bel appartement new-yorkais. Dehors, sans surprise, il pleuvait, les éléments s'étaient semblé, ils accordés à l'état de l'Irlandais qui avançait d'un pas lourd. Une légère brise de vent accentua ainsi la monotonie de l'homme qui remonta le col de son long manteau gris. Il marcha encore un peu traversant les petites ruelles dites « coupes gorges ». Sans trop réfléchir, il suivit la lueur des néons du premier bar qui se présenta à lui. Il entra très vite pour se soustraire aux éléments et s'approcha, sans attendre du comptoir. Il souffla longuement, retira sa veste et s'assit sur un tabouret. « -Un double s'il vous plaît ! » lança-t-il au barman qui venait de s'approcher pour s'enquérir de la commande de son nouveau client. Aussitôt, le commerçant s'éloigna pour préparer la boisson laissant le demi-dieu seul sur son foutu tabouret. "-Je ne le connaissais pas ce gosse. Il s'appelait Az, mais je n'arrête pas de penser à lui." dit-il à voix haute, provoquant l'étonnement des autres types adossés au comptoir. Le barman refit son apparition, il acquiesça et posa le verre devant Haytham, se préparant déjà à lui en servir d'autres. Le demi-dieu fixa le liquide ambré sans glaçon tapi dans le fond de son verre, puis il avala le contenu d'une traite et fit signe au barman de lui en servir un autre. Il réitéra l'opération à huit reprises avant qu'enfin l'Irlandais bien éméché, ne se décide à quitter le bar pour rentrer chez lui. Il marcha, il tituba, marcha à nouveau et manqua de se prendre une marche... Le reste de la nuit s'éclipsa dans cette tête tandis qu'il retrouvait son appartement. Il était tellement ivre qu'il ne parvenait à rejoindre sa chambre et finit d'ailleurs par s'affaler sur le canapé avant de sombrer.


Il fait noir, terriblement noir. Aucune lumière ne filtre. L'atmosphère est morbide, presque irrespirable tant les ténèbres ont de l'ascendance. Pieds nus, Haytham encore dans les choux, parvient à sentir sur le sol, un quelque chose de visqueux, le genre désagréable à toucher et indéfinissable de prime abord. Le voilà qui essaye de bouger, le dossier de la chaise étant trop inconfortable à son goût. Action au combien vaine au vue des cordes savamment dressées qui entrave son mouvement. Il grogne, face à tant d'impuissance et parvient après coup à sentir la respiration saccadée d'une autre personne qui semble tout près de lui. Les gouttes continuent-elles à perler contre le mûr pour ensuite venir s'écraser au sol provoquant un léger écho qu'Haytham, au vu de son ouïe sur développée, perçoit au centuple. L'action est régulière et laisse à présager un lieu prompt à l'humidité, surement un sol-sous. "-Mais qu'est-ce j'ai encore fait ?" murmura le demi-dieu, espérant ainsi que cette seule question suffise à lui fournir une explication. Ayant trop bu la veille, il n'était plus sûr de rien et connaissant son penchant pour les emmerdes, il redoutait à présent le pire et avait bien raison de le craindre. Il eut à peine le temps de faire craquer sa nuque endolorie, que la lumière fut. Brusque, violente, aveuglante ; déstabilisante, elle permit enfin un prémice de réponse. Haytham découvrit ainsi le visage de la personne qui se trouvait attachée en face de lui "-Abby? C'est toi !" Aux dernières nouvelles, n'était-elle pas en Californie, se remettant d'une tentative de suicide, avortée par notre Irlandais. "-Abby ça va ?" Mais il n' eut le temps d'en savoir d'avantage, car voilà qu'une autre présence se fit sentir dans la désagréable petite pièce d'un sous-sol d'une "glaquitude" affligeante" De désagréables frissons secouaient le corps endolori du fils de Mars, son cœur loupa un battement. Il était face à l'horreur, face à l'incompréhension, face à lui. "-C'est quoi ce bordel ?" jura t-il. En effet face à lui, se tenait une copie conforme, enfin presque si l'on conçoit à ne pas le regarder dans les yeux. Une fois encore le Marsien fut saisit par l'effroi, son double n'avait rien d'humain et ce regard malsain ( au moins autant que celui de Ramsay Bolton dans Got) accréditait cette thèse insensée.

Un premier objet quitta la gravité pour venir heurter la tempe de la pauvre Abby. L'impact fut violent, tellement que le front pale de la jeune fille, laissait paraître un léger filet de sang. Haytham (le bon) commença à se débattre comme un beau diable. Puis voilà que d'autres objets se mirent à voler à l'intérieur de la pièce. Abby fut touchée une fois encore, Haytham non plus n'était épargné. Le premier objet se logea dans son abdomen, il serra les dents, le second s'éclata sur son front, il serra la mâchoire. Son regard épousa alors celui de son double maléfique qui, adossait au mur, n'avait de cesse de rigoler. Et voilà qu'un autre objet frappa de pleins fouets le fils de Mars et visa son dos, une poterie, voir un vase à en juger par les nombreux débris qui trônaient au sol.
"-Abby ! Qu'est-ce qui se passe ?"

Alea jacta est:

Il y avait des fois où on s'endormait dans une position bizarre, peu confortable et généralement, on le regrettait au réveil. Abby se sentait comme çà. Ces muscles étaient endoloris, ce fut cette sensation pas franchement agréable qui la réveilla lentement. Elle faisait un drôle de rêve, le genre qu'on se demande après coup si c'était un souvenir ou non. La fille de Vénus grimaça en fronçant le nez et essaya de se mettre dans une position plus confortable. Elle n'avait pas envie de se réveiller tout de suite. Il était trop tôt. Enfin, elle ignorait l'heure, mais les rayons du soleil ne lui caressaient pas le visage donc il devait être trop tard pour se lever. La Romaine réalisa vite qu'elle avait beau bouger des épaules, elle n'arrivait pas à changer de position ses bras qui commençaient à lui faire mal. *C'est quoi ce délire ?* Songea-t-elle en ouvrant un œil avec la mauvaise grâce de celui qui aimerait bien encore tenir compagnie à Morphée quelques heures. "Beurk !" Lâcha-t-elle en réalisant que le sol était... Elle ne voulait pas savoir recouvert de quoi ! Ce n'était pas agréable au toucher, en tout cas. Au moins, çà expliquait le rêve bizarre.

Abigail avait ouvert les yeux, mais cela ne faisait pas une grande différence. Elle avait aussi vite oublié l'idée de se débattre quand elle manqua de perdre l'équilibre. Quoi qu'il y ait au sol, elle ne voulait pas en avoir partout sur elle en essayant de jouer les Houdini. Une demi-déesse de la Légion attachée dans le noir... C'était la loose totale ! Comme pour appuyer ce constat, elle poussa un long soupir blasé. Surtout, elle devait se retenir d'appeler à l'aide. Pas par fierté, mais parce qu'elle ne tenait pas vraiment à entendre une réponse, surtout si çà venait du tordu responsable de tout çà. Monstre ou Mortel, quel que soit le responsable, çà ne sentait pas bon. L'important était de mettre son cerveau sur pause. Surtout ne pas imaginer ce qui pourrait se terrer dans le noir ? N'avait-elle pas entendu du bruit en face d'elle ? Non, non, Abby, interdiction de réfléchir.

Soudain, la pièce fut de nouveau éclairée. La fille de Vénus ne put s'empêcher d’émettre un petit cri de protestation en fermant les paupières. Encore aveuglée par cette soudaine clarté, Abby plissa les yeux en direction de la personne en face d'elle. "Haytham ?" Demanda-t-elle. Son regard fit 'le point' sur ce qui l'entourait. "Et... Haytham... Deux ?" Commenta-t-elle avec perplexité et grimace pour appuyer cette découverte. "Trop Biz..." Elle n'eut pas le temps de fini son commentaire qu'un objet lui heurta la tempe. Même lorsque le choc passa, sa tempe continuait de la brûler, signe que la blessure saignait. "Ok... Merde... Ce n'est pas un rêve." Marmonna-t-elle, encore le souffle coupé sous l'attaque.

Bravo, Einstein, tu as trouvé çà toute seule ? Se sermonna-t-elle mentalement. La Romaine vit d'autres objets volés. Son premier réflexe fut de se recroqueviller un maximum pour accuser le choc. Une attitude peu glorieuse, c'est vrai. Mais que pouvait-elle faire d'autre à part serrer les dents et attendre que l'autre taré se calme ? Avec tout ce bruit de poterie cassé, elle faillit rater la question du fils de Mars. "J'en sais rien !! Pourquoi ce type te ressemble ?" Pour appuyer sa déclaration, elle osa rejeter un coup d'oeil en direction de leur bourreau, c'est ainsi qu'elle vit un objet beaucoup plus lourd être soulevé. "Merd... Hay... Attention..." Trop tard, l'objet fit basculer Haytham de sa chaise.

La Romaine vit rouge. Le réveil avait été brusque, elle avait des fourmis dans les jambes et les bras. Sa tempe lui faisait encore mal. Franchement, elle espérait que cette histoire ne va pas laisser une cicatrice. Sur le front, ce n'était pas glamour du tout. Pas qu'elle s'en souciait, cela dit. Bref, elle en avait marre. "Mais c'est quoi ce trip ? Pourquoi vous faites çà ? Vous êtes quoi, bon sang ?! Un double maléfique, un jumeau démoniaque ou quoi ? Vous avez rien d'autre à faire de votre vie que de kidnapper les gens pour leur balancer des objets sur la gueule ?" Pendant son petit discours, elle cherchait le plus discrètement possible au sol. Il devait bien avoir un machin utile dans tous les projectiles envoyés sur eux !

  ***************

Alea jacta est:

En vain, Abigail avait fouillé le sol à la fois du pied et du regard. Après avoir joué les cibles du gros malade qui avait pris l'apparence d'Haytham, la fille de Vénus avait espéré pouvoir trouver un débris utile pour couper les liens. Comment faire un tel tour de passe-passe ? Elle n'en savait rien mais, au moins, çà aurait sonné comme un début de plan. À la place, elle se retrouvait toujours dans une impasse, ignorant comment sortir de ce pétrin. La seule pensée rassurante était la présence du fils de Mars. Un itinérant romain qui lui avait déjà sauvé la vie. Espérer que l'histoire se répète dans ce cas précis la fit culpabilisée. Depuis quand était-elle devenue si inutile ? C'est vrai, elle était un peu rouillée. La paix lui avait fait perdre ces réflexes guerriers et elle n'était pas la plus attentive des élèves pendant les entraînements depuis qu'elle avait signé une deuxième fois pour la Légion. Mais... Toute de même... Elle ne s'était pas attendue à être aussi impuissante. Quoi qu'il était difficile à s'attendre à pareille situation. Même dans une vie aussi peu banale que celle des demi-dieux, ce coup fourré entrerait certainement dans le cadre des exceptions. *On est de sacré petits veinards Songea-t-elle avec sarcasme en levant les yeux.
Elle s'était déchargée de sa frustration sur leur kidnappeur. Abigail avait également essayé son enjôlement, mais en vain. Elle redouta d'avoir empiré la situation, comme si sa tentative avait renforcé la colère de leur ennemi, lorsqu'un objet plus lourd que le reste fonça vers Haytham et le fit tomber. Abby ne put cacher une grimace de dégoût en repensant à la surface visqueuse qui recouvrait le sol.

La Romaine essaya d'ignorer le picotement à sa tempe et de calmer sa respiration pour réfléchir fiévreusement à la situation. Il devait forcément avoir quelque chose. Elle devait forcément pouvoir FAIRE quelque chose. Un indice devait être là, juste sous son nez, mais elle ne voyait rien ! Abigail se traitait mentalement d'incapable, de godiche et d'autres surnoms dans le genre. Pourquoi ne trouvait-elle rien ? La remarque d'Haytham fut salutaire et brisa ces pensées peu flatteuses qui ne faisait que la tirer vers le bas. La fille de Vénus laissa échappé un petit rire devant l'ironie de l'irlandais, le genre qu'on pousse quand on est anxieuse et qu'on se raccroche à n'importe quoi pour ne pas sombrer. "C'est vrai. Toi, tu n'as pas l'option regard de psychopathe." Admit-elle.

Franchement, est-ce que le moment était bien choisi pour faire de l'humour ? Oui, bon sang, oui. Par tous les dieux, elle en avait bien besoin. Ce moment de paix ne dura pas longtemps, une nouvelle salve d'objets s'abattit sur eux. Abby laissa échapper un autre cri en fermant les yeux pour ne pas se prendre des débris dans l'oeil. Si elle survivait à cette histoire, elle serait certainement couverte de bleus le lendemain. S'il y avait un lendemain, ne put-elle s'empêcher de penser. Abigail sentait ses muscles meurtris par les chocs répétés.

"J'avoue que j'aurais aimé un autre cadre pour des retrouvailles." Dit-elle avec un soupir.

Puis son partenaire de misère se lança dans la provocation envers leur tortionnaire. Abigail fut surprise, ce n'était pas vraiment la meilleure stratégie à adopter. Qu'est-ce qui passait par la tête du fils de Mars ? C'est alors qu'elle comprit. Il devait certainement avoir eu plus de chance qu'elle avec les objets au sol. Il gagnait du temps. Elle décida d'entrer également dans le jeu. "Oui. Tu as la trouille, c'est çà ? C'est pour çà que tu caches ta tronche ? Tu n'oses pas affronter deux demi-dieux parce que tu sais que tu vas te prendre la pâtée de ta vie ? Allons, tu as même peur d'une fille de Vénus ? La honte." Abigail sentait des gouttes d'adrénaline monter en elle. Détourner l'attention de leur bourreau, çà, elle pouvait le faire.

Haytham continua dans ces provocations, passant un cran en dessus des siennes, ce qui lui fit subir la colère de leur kidnappeur. Ok, le demi-dieu avait dû toucher un point sensible. Avaient-ils une divinité quelconque en face d'eux ? Cela expliquerait pourquoi l'enjôlement n'avait pas marché... Mais... Depuis quand les dieux (même mineurs) s'amusaient à kidnapper du rejeton divins pour s'en servir comme défouloir ? En cherchant quelle divinité pouvait avoir une dent contre eux, aucun nom ne lui vint à l'esprit. Pour sa défense, les dieux avaient des caractères si versatiles. Trop pour s'arrêter à un seul nom. Ils pouvaient détester leurs enfants un jour et les idolâtrer le lendemain.

Pendant qu'elle se creusait les méninges, le fils de Mars ne perdait pas son temps. Abigail vit avec joie qu'il s'était détachée, mais elle déchanta vite. Un seul regard lui suffit pour voir que le demi-dieu était hors de contrôle. "Là, je vois la ressemblance." Marmonna-t-elle d'un ton sombre. Abigail prit une grande respiration pour se concentrer sur sa voix. Son pouvoir n'avait aucun effet sur leur adversaire, mais concernant le fils de Mars, c'était une autre histoire. Pendant un instant, elle hésita, devait-elle vraiment calmer le Romain ou bien l'inciter à attaquer leur ennemi ? Elle eut honte de songer se servir d'Haytham comme d'un pantin.

"Haytham. Haytham, s'il te plaît, écoute-moi. Calme-toi. Aide-moi à me détacher."

Abby lança un coup d’œil inquiet en direction du double maléfique d'Haytham. Il ne semblait pas vouloir l'empêcher d'agir. En fait, elle avait l'impression qu'il s'amusait de la tournure que prenait la situation. Son instinct lui soufflait que cette attitude désinvolte alors qu'on se trouvait face à un fils de Mars en colère ne présageait rien de bon pour la suite.

Le fils de Mars cherchait, il trifouillait dans le fond de sa mémoire, des informations susceptibles de faire avancer leurs pions sur l'échiquier. Jadis, le camp Jupiter offrait à ses jeunes habitants, une formation complète qui s'articulait aussi bien sûr des notions dites « pratiques » et d'autres plus ou moins théoriques. Ainsi avant de prendre les armes pour appendre les diverses techniques de combat et de défense, des précepteurs leur inculquaient quelques notions de Latin, d'histoire et de politique. Car parmi tous ces jeunes demi-dieux, se cachaient sûrement de futurs érudits, de grands stratèges, de fins politiques et de grands combattants. De de fait, la polyvalence dans l'enseignement des jeunes demi-dieux était plus que salutaire. Mais encore fallait-il en prendre la pleine mesure et se montrer assidue, impératif auquel le jeune Hay s'était dérobé à de multiples reprises. Mais peut-être restait-il un reste des quelques rares leçons auxquelles il avait assisté lorsqu'il ne se laissait pas accaparer par ses problèmes. Toujours à terre, l'arrière du corps (au sol) humidifié par cette étrange matière poisseuse, il continuait à gagner du temps menant en parallèle l'enquête afin de lever le voile sur l'identité de la divinité mineure qui leur faisait face sous les traits de l'Irlandais.

Abby prit part à l'affrontement verbal, une initiative approuvée par Haytham qui acquiesça continuant malgré tout à essayer d'approcher son doigt de sa chevalière pour laisser apparaître son épée. Mais rien n'y faisait, saucissonné comme il faut, il ne parvenait à atteindre le bijou. Peut-être qu'une autre salve de coup et un « petit » déplacement pourraient dans un avenir proche, lui permettre d'enfin presser le dessus de son bijou. « -Oui c'est ça, une sous-merde ! Je suis même prêt à parier que tu étais dans le camp inverse quand nous combattions Gaïa et ses acolytes. » avait rajouté histoire de bien enfoncer le clou. Haytham ne voulait pas s'en félicité, mais mieux que quiconque, il pouvait prétendre connaître la colère et de ce fait, il ne connaissait que trop bien ses effets destructeurs. La colère vous affaiblit, elle vous fait perdre la raison et vous pousse à commettre des actes irréfléchis, mais la colère est aussi une arme redoutable toujours fatale quand on ne parvient à la maîtriser et de toute évidence, cette divinité aussi mineure soit-elle le savait.

Le Haytham diabolique quitta son mûr et envoya à l'encontre de la version originale, tout un tas d'objets qu'il ne pouvait esquiver. Et c'est à ce moment très précis où toute l'attention du demi-dieu était rivée sur la douleur qu'il devait canaliser suite à la chute d'objets, que la divinité mineure exerça ses diaboliques talents sur sa victime en pénétrant l'intérieur de sa tête, laissant son enveloppe corporelle face aux deux captifs. L'interaction ne dura qu'une seconde à peine, mais suffit à l'odieuse divinité pour atténuer la colère du fils de Mars qui défit aussitôt ses liens. Le regard embrouillé et l'ouïe ébranlait par un odieux sifflement, le demi-dieu ne put se résoudre à lutter et laissa la colère le consumer. Ses pupilles se dilatèrent et les veines de son cou et de sa tempe gauche devinrent saillantes. Il n'eut qu'à tendre les poignets pour faire sauter les cordes qui les entravaient jusqu'alors. En moins d'une seconde le fils de Mars parvint à se détacher pour ensuite prendre ce qui lui tombait sous la main pour le balancer contre le mur. L'odieuse pseudo divinité retrouva sa place et savoura le spectacle en croisant les bras sur sa poitrine. Haytham version Hulk se tourna alors vers Abby toujours saucissonnée à sa chaise. « Tue-là où elle s'en prendra à celle que tu aimes. Veux-tu vraiment la perdre comme tu as perdu ta mère » Haytham vit alors à la place de la pauvre Abby, la créature qui avait assassiné sa mère et piégée Madame Lond dans un mutisme permanent. « -NON ! » hurla le demi-dieu en s'approchant de la pauvre Abby. Au préalable, il balança sa chaise (métallique) au sol, quelques petites étincelles accompagnèrent le mouvement du mobilier. Le cœur de Haytham battait à s'en rompre, sa force décuplait présageait un funeste dessein à Abby. La main enfin libérée, il put presser sa chevalière et faire apparaître son épée. « - Je vais te dépecer ! » lança-t-il. Son regard délesté de la moindre humanité, était à présent semblable à celui de son double maléfique qui continuait à maintenir le pauvre Hay dans l'illusion tout en exacerbant la colère du jeune homme qui leva son épée pour que la lame fende de part en part le corps du monstre qui lui avait pris sa mère vingt-huit ans auparavant. Abby, eut tout juste le temps de lancer son enchantement. Sa voix, dans la tête d'Haytham, prit de plus en plus d'ampleur jusqu'à couvrir totalement celle de leur ennemi commun.

Le « Tue là ! » s'opposait aux paroles de la fille de Venus obligeant Hay à lutter contre lui-même. Son bras vengeur se mit à trembler, jamais encore, il n'avait éprouvé pareille difficulté à se contrôler. « -LA FERME ! » hurla-t'il à l'encontre de toutes ces voix qui résonnaient au centuple dans sa tête. Aussitôt, notre protagoniste et tourna et envoya son épée en main sur son double démoniaque qui disparut aussitôt dans un nuage de fumée noire. Le Marsien revint progressivement à lui. « -Ça va ? » Il se mit à la hauteur de sa jeune protégée pour la détacher. « - La prochaine fois qu'on se retrouve, on opte pour un ciné ou un bowling ! » Lui aussi avait encore la force de faire de l'humour malgré la situation. Sans attendre, il rappela son épée à lui. « - On a affaire à une divinité mineure qui a semblerait-il une petite rancune contre nous. Je regrette d'avoir séché les cours de théories sur les dieux mineurs, je suis sûr que pour une fois, j'aurai appris des choses. C'est vrai quoi ! Des divinités mineures éprises de vengeance qui peuvent aisément nous manipuler avec quelques illusions par-ci par-là, ça ne court pas les rues… Enfin bref, l'exposé, c'est pour plus tard. Il faut qu'on sorte de cette pièce avant que cette chose ne revienne. Aller, essayons de relativiser. Nous sommes détachés, nous pouvons donc bouger et se défendre. C'est une sacrée avancée ! Ah oui et pardon d'avoir voulu te tuer, j'ai tendance à perdre les pétales quand je suis un peu en colère. Enfin bref, passons ! J'ai cru voir des étincelles tout à l'heure en balançant ma chaise. Tu crois que ce truc dégueulasse est inflammable ? » L'irlandais se baissa une fois encore et trempa son doigt dans l'étrange substance noirâtre et visqueuse. « - On dirait de la poix. Ça expliquerait les étincelles quand j'ai jeté ma chaise tout à l'heure. Il faut qu'on sorte d'ici, sinon on risque de finir en grillade si l'autre trou du cul se décidait à nous attaquer une fois encore… » Le sol se mit alors à trembler, de nombreux objets vinrent s'écraser violemment, la lumière elle -même commençait à vaciller « - Ca ne sens pas bon ça ! » Quelques étincelles s'échappèrent des ampoules et retrouvèrent tout naturellement le sol. Les premières flammes s'élevèrent et encerclèrent très vite Abby et Haytham. « Merde merde merde ! » Alors que la situation laissait à nouveau présager une issue funeste, le Marsien repéra au plafond, une bouche d'aération. « - Abby ! Il y a une bouche d'aération regarde ! » du bout des doigts, il lui indiqua la sortie de secours. Il fallait faire vite, très vite pour ne pas finir comme cette pauvre Jeanne d'Arc. Le demi-dieu se précipita vers les étagères ou la plupart des objets volants étaient, au préalable, entreposés. Il stabilisa le mobilier et fit signe à la fille de Vénus.

« - Aller monte ! Dépêche-toi » Sans attendre la fille de Vénus se précipita, Hay l'aida à monter. Elle fut la première à atteindre la grille et à se glisser dans le tuyau d'aération. Hay prit de l'élan et s'agrippa aux rebords pour monter à son tour. Le feu redoublait obligeant nos deux protagonistes à avancer rapidement sans trop savoir où aller « -Mais qu'est-ce qu'on a fait putain. Pourquoi ils ne règlent pas leurs affaires entre eux. Fais chié ! » Ils continuèrent à avancer jusqu'à une autre grille. « - Super une sortie ! » Fallait-il crier victoire pour autant ?

Alea jacta est: